sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
2. Autonomie financière des collectivités territoriales. - Suite de la discussion d'un projet de loi organique
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement no 3 rectifié de la commission. - MM. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois ; Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 43 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le ministre délégué, Robert Bret, Jean-Pierre Sueur, Jean-Claude Peyronnet. - Rejet.
MM. Thierry Foucaud, Jean Chérioux, Bernard Frimat, Jean-Pierre Sueur, Jean-Claude Peyronnet.
Amendements identiques nos 22 de M. Thierry Foucaud et 45 de M. Bernard Frimat ; amendements nos 44 de M. Bernard Frimat, 4 de la commission, 49, 46, 50 de M. Jean-Claude Peyronnet, 47 de M. Gérard Miquel, 75 rectifié de M. Gérard Delfau ; amendements identiques nos 5 de la commission et 15 de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis ; amendements nos 48 de M. Jean-Claude Peyronnet et 76 rectifié de M. Gérard Delfau. - M. Robert Bret.
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
MM. Bernard Frimat, le rapporteur, Jean-Claude Peyronnet, Michel Dreyfus-Schmidt, Gérard Miquel, Gérard Delfau, Jean-Pierre Sueur, Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le ministre délégué, Philippe Arnaud, Thierry Foucaud. - Rejet des amendements nos 22, 45, 44, 49, 46, 47, 75 rectifié, 50, 48 et 76 rectifié ; adoption des amendements nos 4, 5 et 15.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 2 ou avant l'article 3
Amendements nos 51 de M. Bernard Frimat et 59 de M. Jean-Pierre Sueur. - MM. Bernard Frimat, Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué, Michel Charasse, Gérard Delfau.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
MM. Jean-Pierre Sueur, François Marc. - Rejet des amendements nos 51 et 59.
Articles additionnels avant l'article 2
Amendement no 52 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 33 rectifié de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur. - Rejet.
Amendement no 32 rectifié de M. Thierry Foucaud. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 53 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Rejet.
Amendement no 54 de M. Bernard Frimat. - MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Pierre Fourcade. - Rejet.
MM. Paul Loridant, Patrice Gélard, Jean-Claude Peyronnet, Yves Fréville, Bernard Frimat, Paul Girod, Philippe Marini, Jean-Pierre Fourcade.
Demande de priorité de l'amendement no 7, des sous-amendements nos 41, 37 rectifié et de l'amendement no 16. - MM. René Garrec, président de la commission des lois; le ministre délégué. - La priorité est ordonnée.
Amendement no 7 de la commission et sous-amendements nos 41 de M. Paul Girod et 37 rectifié de M. Yves Fréville ; amendements nos 16 (identique à l'amendement no7) de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis (Examinés en priorité). - MM. le rapporteur, Paul Girod, Yves Fréville.
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
MM. Michel Mercier, rapporteur pour avis ; le ministre délégué.
Suspension et reprise de la séance
MM. Yves Fréville, Michel Dreyfus-Schmidt, le ministre délégué, Jean-Claude Peyronnet, Gérard Delfau, Philippe Marini, Jean-Pierre Sueur, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Alain Vasselle, Paul Girod, Thierry Foucaud, Claude Estier, le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 23 de M. Thierry Foucaud, 56 de M. Jean-Claude Peyronnet, 6 de la commission, 55 de M. François Marc, 24, 25 de M. Thierry Foucaud, 77 rectifié de M. Gérard Delfau, 57 de M. Jean-Pierre Sueur, 58 de M. Michel Dreyfus-Schmidt et 38 de M. Yves Fréville. - MM. Thierry Foucaud, Bernard Frimat, le rapporteur, François Marc, Gérard Delfau, Jean-Pierre Sueur, Robert Bret, Yves Fréville, le ministre délégué, Paul Girod, Michel Dreyfus-Schmidt, Charles Gautier. - Retrait des amendements nos 58, 38 et du sous-amendement no 41 ; rectification du sous-amendement no 37 rectifié ; adoption du sous-amendement no 37 rectifié bis et des amendements nos 7 modifié et 6, les amendements nos 16, 23, 56, 55, 24 et 77 rectifié devenant sans objet ; rejet des amendements nos 57 et 25.
Adoption de l'article 2 modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
3. Dépôt d'une proposition de loi
4. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
5. Renvoi à une commission spéciale
7. Dépôt d'un rapport d'information
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Autonomie fInancière des collectivités territoriales
Suite de la discussion d'un projet de loi organique
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n°s 314, 324, 325).
Je vous rappelle que la discussion générale a été close et que trois motions de procédure ont été rejetées.
Nous passons donc à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le chapitre IV intitulé « coopération décentralisée » devient le chapitre V. Les articles L. 1114-1 à L. 1114-7 deviennent respectivement les articles L. 1115-1 à L. 1115-7 ;
2° Il est rétabli un chapitre IV intitulé « Autonomie financière » et comprenant les articles L.O. 1114-1 à L.O. 1114-4.
II. A l'article L. 1722-1 du même code, les références : « L. 1114-1 » et « L. 1114-5 à L. 1114-7 » sont remplacées par les références : « L. 1115-1 » et « L. 1115-5 à L. 1115-7 ».
III. Au 3° de l'article L. 1791-2 du même code, la référence : « L. 1114-1 » est remplacée par la référence : « L. 1115-1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cet amendement a pour objet de codifier les dispositions de la présente loi organique dans le code général des collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
L'amendement n° 43, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :
L'autonomie fiscale des collectivités territoriales est consubstantielle au principe de libre administration.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez admiré le style de cet amendement : « L'autonomie fiscale des collectivités territoriales est consubstantielle au principe de libre administration. » C'est une règle qui aurait pu, il est vrai, figurer dans la Constitution elle-même, mais comme l'occasion en a déjà été manquée, il ne faudrait qu'elle le soit, de nouveau, aujourd'hui.
La formule n'est pas de nous. Il s'agit d'une citation qui émane directement de la proposition de loi constitutionnelle déposée le 22 juin 2000 par M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Jean-Paul Delevoye, M. Jean-Pierre Fourcade, M. Jean Puech et M. Jean-Pierre Raffarin. La qualité des auteurs ne peut que vous frapper !
Comme il nous paraît nécessaire que l'autonomie fiscale soit définie et affirmée dans cette loi organique qui porte précisément sur l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, nous vous demandons de voter cet amendement n° 43. J'ajoute que M. Sueur, qui en est le premier signataire, pourra vous fournir des précisions complémentaires, à l'occasion des explications de vote.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cette disposition ne relève pas de la présente loi organique, laquelle a pour objet exclusif de déterminer les conditions requises pour que les recettes fiscales et les autres ressources propres représentent une part déterminante de l'ensemble des ressources.
De surcroît, cette disposition est dépourvue de portée normative. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je partage l'avis qui vient d'être exposé par M. Hoeffel. Ne voyez pas là une volonté de restreindre le débat ; nous aurons l'occasion d'évoquer de nouveau ces questions, mais l'argumentaire qui vient d'être développé nous conduit à émettre également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement n° 43, déposé par nos collègues du groupe socialiste, pose un certain nombre de questions et appelle donc, de notre part, quelques brèves observations.
Il reprend, dans l'esprit et dans la rédaction, une des idées forces de la proposition de loi constitutionnelle de la majorité sénatoriale qui, ayant été quelque peu rattrapée par le processus constitutionnel, articulé autour de la question de la décentralisation et engagé dans le cadre de la discussion de la loi de mars 2003, n'a jamais trouvé lieu d'être débattue.
Posons cependant la question : l'autonomie financière des collectivités locales se limite-t-elle à la faculté de lever l'impôt ? De même, on peut se demander si elle garantit la libre administration desdites collectivités.
De quelle autonomie fiscale parlons-nous d'ailleurs, chers collègues ? Les assemblées délibérantes des collectivités locales ne votent en effet de taux d'imposition et de produits fiscaux qu'à partir de données dont l'administration fiscale, garante pour sa part du principe d'égalité du citoyen devant l'impôt, conserve, comme on le sait, la totale maîtrise, ou peu s'en faut.
La faculté pour les collectivités locales de déterminer l'assiette des impôts locaux est en effet conditionnée par la réalisation des évaluations de bases cadastrales d'imposition et a posteriori par la possibilité d'y appliquer quelques abattements motivés pour charges de famille. Que les choses soient donc claires : la garantie du principe de libre administration des collectivités locales va de pair avec le respect du principe d'égalité des citoyens devant l'impôt.
Si l'on souhaite renforcer le pouvoir des élus locaux en matière de fixation des taux d'imposition et de perception d'un produit fiscal donné, il faut procéder à une évaluation régulière des bases d'imposition. Alors, oui, on pourra garantir le respect du principe de libre administration. L'affirmer pour soi ne suffit pas.
Voter cet amendement de nos collègues du groupe socialiste ne peut donc avoir qu'une vertu prospective.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement qui a été brillamment défendu par Michel Dreyfus-Schmidt a, bien entendu, une valeur de principe. Il s'agit de bien mettre en évidence la relation qui existe entre deux concepts essentiels : celui d'autonomie fiscale, d'une part, et celui de libre administration des collectivités locales, d'autre part.
Cette formule, monsieur le rapporteur, a été conçue, dans leur grande sagesse, par M. Jean-Pierre Raffarin, M. Christian Poncelet, M. Jean-Pierre Fourcade et quelques autres éminents personnages : je ne pense pas qu'ils aient pu faire une déclaration « dépourvue de portée », comme vous avez cru pourvoir le dire. Leurs déclarations sont généralement destinées à avoir quelque portée : je pense, en tout cas, que nous pouvons les considérer comme telles.
J'ajoute que j'ai le sentiment qu'un certain nombre d'arguments risquent d'être récurrents ; c'est en particulier le cas de celui qui voudrait que nos propos soient sans rapport avec le sujet.
Je tiens à dire d'emblée que tous nos amendements sont liés, et que - cela répond à une remarque très pertinente de M. Bret - si l'autonomie fiscale n'a pas de sens sans la libre administration des collectivités locales, la libre administration des collectivités locales et l'autonomie fiscale n'ont pas de sens sans la péréquation. L'autonomie sans disposer de ressources et sans mener une réflexion sur la manière de les partager dans la société française n'a pas de sens !
Comme nous posons le postulat que l'on ne peut pas isoler ces différents concepts, nous récusons, par avance, tous les arguments tendant à nous objecter qu'ils seraient hors sujet. Tout dépend de la façon dont on définit le sujet...
L'autonomie sans la justice et sans l'égalité n'a pas de sens ! Par conséquent, j'espère que nous n'aurons pas, sur ces questions de définition, de faux débat.
M. Gérard Braun. Vous commencez bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Si tel était le cas, nous ne verrions pas quel est le véritable enjeu de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Louis de Broissia. Essayez d'être plus convaincant !
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, les deux intervenant précédents ont fait référence à de très bons auteurs : j'y insisterai d'autant moins que nous aurons certainement l'occasion d'en reparler.
J'ai été sensible aux arguments qu'ils ont développés l'un et l'autre. J'estime notamment qu'il est difficile de nous reprocher d'être « hors sujet » quand vos propres textes définissent la libre administration par l'autonomie financière, et quand ces deux principes sont, par un raisonnement circulaire, manifestement indissociables.
Je ne comprends donc pas bien l'argument que vous avancez.
Afin d'élargir la question, je propose de rectifier l'amendement comme suit : « L'autonomie fiscale des collectivités territoriales et la péréquation verticale par l'Etat sont consubstantielles au principe de libre administration. »
Ainsi aurons-nous les deux grands principes fondateurs qui permettent d'assurer l'autonomie financière et la libre administration effective des collectivités territoriales.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, et ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :
L'autonomie fiscale des collectivités territoriales et la péréquation verticale par l'Etat sont consubstantielles au principe de libre administration.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'ai noté avec attention la rectification qui est proposée.
Nous avons eu l'occasion ce matin, en commission des lois, de débattre d'un certain nombre d'amendements qui concernent la péréquation. J'ai précisé que ces amendements ne pouvaient pas trouver place dans le cadre de la présente loi organique.
Je suis donc, à mon grand regret, amené à répondre à notre collègue Jean-Claude Peyronnet qu'ajouter la péréquation à la disposition prévue par l'amendement n° 43 ne change fondamentalement rien à l'avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je conçois que l'on puisse éprouver un sentiment de frustration à ne pas aborder ici dans le détail le thème de la péréquation. C'est un sujet majeur. D'ailleurs, le constituant, dans sa grande sagesse, l'a intégré dans le texte de la révision constitutionnelle, sans le renvoyer cependant à la loi organique, ainsi que l'a rappelé fort justement M. le rapporteur à l'instant.
C'est la raison pour laquelle il me paraît bien difficile d'aller plus avant à ce stade de la discussion, même si nous aurons peut-être l'occasion, lors du débat, d'en dire un peu plus.
En tout état de cause, cette question de la péréquation est essentielle. Elle est, comme vous le disiez, consubstantielle à la réforme des dotations, réforme sur laquelle le comité des finances locales a fourni un travail absolument remarquable - je le souligne en présence du président Fourcade. Ce sont autant d'éléments de réflexion dont nous disposerons dans les mois à venir, bien au-delà du seul débat sur la loi organique.
Ayant également à coeur d'aller de l'avant dans ce domaine, le Gouvernement proposera des avancées d'autant plus substantielles qu'elles sont appelées à répondre à des attentes anciennes, qu'il est grand temps de satisfaire, en matière de simplification, d'efficacité et de justice.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes obligés, puisque la discussion est déjà ouverte, de nous en tenir à l'essentiel.
L'essentiel, c'est, nous dit-on, la loi organique. Que doit faire la loi organique ? Elle doit fixer les conditions dans lesquelles une règle est mise en oeuvre. La règle est de fixer, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part déterminante de l'ensemble des ressources dans les recettes fiscales et autres ressources propres des collectivités territoriales. Il ne s'agit pas de définir ce que sont les ressources propres : on le sait, c'est évident, cela va de soi ! Il est donc inutile de l'inscrire dans la loi organique !
En revanche, nous verrons tout à l'heure ce que doivent être les catégories de collectivités territoriales. Il convient de distinguer, nous semble-t-il, les communes, les départements, les régions, et dans chacune de ces catégories, les petites communes, les moyennes communes, les grandes communes, en faisant peut-être aussi des distinctions entre les départements.
Les différences doivent être compensées par la péréquation. Par conséquent, il est tout à fait normal d'en parler lorsque l'on discute de ce que doit être la part déterminante des ressources propres.
C'est tellement vrai que, lors de la discussion générale, il nous a été expliqué que la part déterminante doit être assez faible de manière à laisser de la marge pour la péréquation. Cela nous sera répété dans la suite du débat, et il nous sera même proposé, disposition qui nous paraît anticonstitutionnelle, de fixer la même part déterminante pour toutes les collectivités territoriales.
C'est dire à quel point les deux sujets sont liés. Par conséquent, le débat sur les conditions dans lesquelles la règle est mise en oeuvre doit inclure la péréquation, afin que le reste soit la part déterminante des ressources propres.
Voilà pourquoi l'ajout qui est proposé par notre collègue Jean-Claude Peyronnet a parfaitement sa place dans le cadre de la loi organique, ce qui n'est pas le cas de la plupart des propositions que vous faites.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Les catégories de collectivités territoriales mentionnées au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution sont :
1° Les communes ;
2° Les départements auxquels sont assimilées la collectivité départementale de Mayotte, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et les collectivités à statut particulier issues de la fusion d'une ou plusieurs communes et d'un département ;
3° Les régions et la collectivité territoriale de Corse auxquelles sont assimilées les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution autres que celles mentionnées au 2°, les provinces de la Nouvelle-Calédonie, les collectivités à statut particulier issues de la fusion de départements et de régions et les collectivités mentionnées au dernier alinéa de l'article 73.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 1er du présent projet de loi définit, de manière en apparence relativement précise, les différentes catégories de collectivités territoriales qui serviront de référence pour l'application concrète des principes d'autonomie financière que l'on nous invite à valider avec ce texte.
Peu de surprises, en apparence, disais-je, puisque les trois principaux échelons que nous connaissons, et dont les pouvoirs et les compétences ont été de plus en plus clairement définis, notamment dans le cadre des lois de décentralisation de 1982, sont confirmés, avec une référence expresse à l'échelon communal, constituant la première catégorie, au département et à la région.
D'aucuns ne manqueront pas de souligner qu'il manque un échelon, que l'on va retrouver de manière indirecte dans l'article 2 du projet de loi, à savoir l'échelon intercommunal.
Pour autant, dès ce premier article, le projet de loi souffre, selon nous, de manière incontestable, d'une approximation dangereuse pour une juste appréciation de l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Comme vous le savez, nous avons consacré de longs débats, dans notre Haute Assemblée comme ailleurs, à mettre en évidence les profondes inégalités de capacités d'intervention financière de telle ou telle collectivité, la situation étant d'une grande disparité et d'une grande diversité à l'intérieur de chaque catégorie, comme d'ailleurs d'une catégorie à l'autre...
Quoi de commun, en effet, quand on prend l'échelon communal, entre la situation de nombreuses communes rurales, par exemple du sud-ouest de notre pays ou du Massif central, et celle des communes industrielles ou à forte activité économique de la proche couronne parisienne ?
Quoi de commun entre des départements comme l'Ariège, les Hautes-Alpes ou encore la Haute-Marne, et celui des Hauts-de-Seine - cela étant dit sans vouloir dénigrer, bien sûr, ni les uns ni les autres ?
Inégalité de ressources fiscales, faiblesse du revenu des habitants, difficultés sociales particulières, insuffisance des équipements publics disponibles caractérisent bien souvent les handicaps auxquels sont confrontés les territoires.
Dès lors, je vous pose les questions suivantes : peut-on, objectivement, traiter de la même manière chaque échelon de collectivité ?
Le principe d'autonomie financière doit-il être un simple dispositif de compensation globale des inégalités de situation entre collectivités ?
Si tel était le cas, nous ne répondrions pas aux attentes réelles tant des élus locaux que, bien sûr, des populations.
Ce sont là quelques observations que nous ne pouvions manquer de faire à l'occasion de l'examen de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas intervenu dans la discussion générale, car mon propos se limite à quelques réflexions consécutives à la mission que j'ai effectuée du 12 au 14 mai au Royaume-Uni, en compagnie de notre collègue Jean- Léonce Dupont.
C'est cependant une question qu'il me paraît important d'aborder avant l'examen de l'article 1er.
Nous nous sommes rendus au Royaume-Uni pour examiner les conditions dans lesquelles s'effectue ce que les Anglo-Saxons appellent la « dévolution ».
Il s'agit de la décentralisation à l'anglaise, qui s'inscrit dans le même esprit d'autonomie locale qu'en France, mais dans une diversité telle que nous avons du mal, nous, Français, à l'appréhender.
Nous avons examiné successivement le statut du Parlement d'Ecosse et celui de l'Autorité du grand Londres. Ce sont deux nouveautés dans le panorama britannique administratif, je dirais même politique.
Nous avons constaté que, dans ce pays pourtant particulièrement respectueux de l'autonomie locale - et Dieu sait si l'on parle toujours du local government dans les pays anglo-saxons et, plus particulièrement, au Royaume-Uni - l'autonomie fiscale est extrêmement réduite, l'essentiel du financement étant assuré par une dotation versée par le gouvernement du Royaume-Uni.
Même pour le Parlement d'Ecosse, qui n'est pas une simple assemblée régionale, c'est encore une dotation. Le Parlement écossais a la possibilité de décider trois points d'augmentation de l'impôt sur le revenu, mais, aux dires de nos amis écossais, il n'est pas question d'y recourir.
Nous avons fait une constatation analogue en ce qui concerne l'Autorité du grand Londres. Cela est particulièrement intéressant à noter dans la mesure où, dans notre pays, la tendance actuelle à l'augmentation de la part des dotations de l'Etat dans les collectivités territoriales est perçue comme une perte d'autonomie et de pouvoir par ces collectivités - ce qui a été souligné lors de la discussion générale.
Cela m'a conduit à consulter une étude de l'Institut national des études territoriales, consacrée aux différentes perceptions de l'autonomie financière locale dans les pays de l'Union européenne. Il est bon d'effectuer de temps en temps des études comparées, surtout avec ses voisins !
Le résultat montre que c'est surtout en France que la notion d'autonomie financière est liée à celle d'autonomie fiscale. J'allais dire qu'elle est presque considérée comme étant consubstantielle, comme cela a été indiqué tout à l'heure.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Pas vous, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. Or, ce sont deux choses totalement différentes.
En effet, dans de nombreux pays, l'autonomie financière est d'abord définie comme la liberté de gestion et d'utilisation de fonds au profit de réelles politiques locales.
C'est tout à fait le cas de l'Ecosse, qui donne presque l'impression de ne pas être dans le Royaume-Uni. L'Ecosse jouit d'une autonomie de gestion totale, tout en recevant des dotations.
Par conséquent, on le voit, vouloir considérer que toute l'autonomie financière locale est liée à l'autonomie fiscale n'est pas exact.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne fallait pas voter la révision de la Constitution !
M. Jean Chérioux. C'est le cas aussi en Allemagne, pays de grande liberté communale, où les collectivités locales ne disposent pas d'une autonomie fiscale importante. Il s'agit d'un modèle de déconcentration financière dans lequel la majorité des ressources provient du pouvoir central qui, il est vrai, est constitué par les Länder.
En effet, la fiscalité ne représente que 30 % des recettes des communes allemandes, contre 51 % pour les dotations.
Selon un tableau que j'ai sous les yeux, les recettes fiscales s'élèvent, par exemple, à 30 % en Allemagne, à 52 % en France et à 13 % au Royaume-Uni. L'on peut dire que nous sommes les champions dans ce domaine puisque nous ne sommes dépassés que par la Suède !
Dans notre pays, c'est la notion d'égalité, en tant qu'uniformité - toujours cette uniformité qui naît de la notion d'égalité ! - qui constitue la limite la plus importante à l'autonomie financière.
Il suffit d'ailleurs, pour s'en persuader, de constater l'importance des dépenses obligatoires, notamment de celles qui sont consécutives à des transferts de compétences. C'est sans doute au niveau des régions, je le reconnais, que l'autonomie budgétaire est la plus grande, et voilà pourquoi c'est à ce niveau-là qu'il convient d'être prudent en matière d'autonomie fiscale, si l'on veut éviter un dérapage des prélèvements obligatoires en France.
Ce n'est pas une vue de l'esprit, mes chers collègues, il suffit de voir ce que représentent un peu plus chaque année dans notre pays, déjà écrasé sous le poids des prélèvements obligatoires, les prélèvements qui sont dus aux collectivités locales. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne fallait pas voter la révision de la Constitution !
M. Jean Chérioux. J'ai encore la liberté de parole, que je sache !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez raison, mais il ne fallait pas voter la Constitution ainsi révisée!
M. Jean Chérioux. Je ne m'occupe pas de vos votes, moi !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je m'en voudrais, monsieur le président, de troubler ces échanges amicaux...
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons commencé à débattre hier soir avec toutefois le sentiment que ce que nous avons essayé de faire passer n'a pas été tout à fait entendu. Il nous faut donc nous armer de patience et reprendre notre argumentation.
Il me semble que l'article 1er introduit, par son existence même, non pas une solution mais une ambiguïté. J'ai relu, je le disais hier, les débats ainsi que les rapports tant du président René Garrec que du président Pascal Clément.
J'ai également repris cet excellent document élaboré par les services du Sénat - c'est un des Documents de travail du Sénat - intitulé L'organisation décentralisée de la République, loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et lois organiques du 1er août 2003. On peut y lire que l'article 72 nouveau, en son premier alinéa, fixe la liste des catégories de collectivités territoriales.
C'est tellement vrai que le Conseil constitutionnel, dans sa décision de décembre 2003, déclare qu'il ne peut pas statuer tant que la loi organique n'est pas intervenue. Que demande le Conseil constitutionnel ? Il demande deux choses : d'une part, que l'on fixe la part minimale, d'autre part, que l'on fixe le contenu de la notion de « ressources propres ». A aucun moment le Conseil constitutionnel ne demande au législateur de définir la notion de « catégorie de collectivités territoriales », et ce pour la raison simple que le Conseil constitutionnel en connaît parfaitement la définition, et depuis longtemps. Les catégories de collectivités territoriales sont, en effet, définies de la manière la plus claire par l'article 72 de la Constitution et sont actuellement au nombre de cinq.
Dans ces conditions, inventer de nouvelles catégories de collectivités territoriales ne semble pas conforme à l'article 72 de la Constitution, sauf à admettre - mais est-ce possible ?- qu'il y ait deux définitions différentes de la même notion, l'une par référence à l'article 72 de la Constitution, l'autre par référence à son article 72-2.
A cela, monsieur le ministre, vous avez eu pour seule réponse hier de nous dire que vous choisissiez l'approche juridique. Si vous choisissez cette « approche juridique », vous êtes lié par l'alinéa premier de l'article 72, et votre article 1er n'a donc pas de fondement.
Nous défendrons d'abord des amendements qui confirment la vision primaire, au sens noble du terme, de la Constitution et si jamais vous refusez les termes mêmes de la Constitution, monsieur le ministre, et vous départez de cette « approche juridique », alors, un autre champ sera ouvert.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout comme l'article 3, cet article 1er est circulaire, redondant et tautologique.
De deux choses l'une, monsieur le ministre : ou bien, dans le meilleur des cas, ces deux articles redisent ce que dit déjà très bien la Constitution pour ce qui est d'un certain nombre de catégories de collectivités territoriales - à cet égard, l'explication de M. Frimat est particulièrement convaincante - et, dans ce cas-là, je ne comprends pas à quoi sert la loi organique, puisqu'elle ne fait que répéter la Constitution, ou bien vous changez la définition des catégories de collectivités locales et, dans ce cas, cela relève de la Constitution et la logique eût été, alors, de nous proposer un projet de loi constitutionnelle. On ne peut pas sortir de cette logique.
Il y a quelques minutes, monsieur le ministre, vous nous avez dit que, pour les dotations de péréquation, il ne s'était rien passé, mais que, depuis la récente loi de finances, tout changeait et tout allait encore changer. Je sais que vous connaissez parfaitement l'histoire de la péréquation, mais je vous saurais gré de ne pas nous la faire oublier trop vite.
Qui a créé la DSU, la dotation de solidarité urbaine, pour les quartiers en difficulté ? C'est la gauche ! Qui a créé la DSR, qui s'est d'abord dénommée DDR, ou dotation de développement rural, pour les territoires ruraux en difficulté ? C'est la gauche ! Qui a créé, avec la loi de 1992, la première péréquation entre les départements ? C'est encore la gauche ! Qui a créé la première péréquation entre les régions de France ? C'est toujours la gauche ! Qui a créé la première péréquation entre les communes de l'Ile-de-France, c'est encore nous, la gauche, monsieur le ministre !
Et après, que s'est-il passé ? Je n'aurai pas la cruauté de revenir sur les épisodes qui ont marqué l'histoire de la DDR devenue DSR, c'est-à-dire dotation de solidarité rurale, me contentant de relever une fois de plus que cette dotation existe encore aujourd'hui, mais qu'elle est répartie entre 32 000 ou 33 000 communes, ce qui laisse penser que sa valeur « péréquatrice » s'est malheureusement considérablement affaiblie en raison de cet effet de saupoudrage manifeste qui aboutit à ce que chacun ne reçoit que quelques miettes dont il ne peut rien faire.
Nous avons bien entendu M. Devedjian nous présenter cette partie de la loi de finances ; on va donc ajouter la DSU, la DDR et le FNP, le Fonds national de péréquation, et encore une partie de compensation de la part « salaires » de la taxe professionnelle et, avec cela, on fera la péréquation future. Mais, en attendant, et le rapport de M. Michel Mercier sur la loi de finances est particulièrement éloquent à cet égard, dans la loi de finances pour 2004, la péréquation diminue.
Donc, en matière de péréquation, nous sommes sur la mauvaise pente, et les quelques calculs et les quelques réalités géométriques par lesquelles vous avez imaginé des composantes différentes dans cette même loi de finances ne changent rien et n'ajoutent pas un centime pour les collectivités locales. Or notre débat ne peut s'engager de manière crédible que sur des données justes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je confirme que les catégories de collectivités définies par la Constitution sont suffisantes et qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette question. Je rappelle simplement que la révision constitutionnelle n'a eu d'autre objet que d'inscrire la région dans la liste des catégories reconnues par la Constitution, alors que, jusque-là, elle existait de fait, sans plus. L'exposé des motifs indiquait : « L'existence des régions, qui constituent depuis 1982 l'une des catégories de collectivités territoriales de la République, est inscrite dans la Constitution au même titre que celle des communes et des départements ».
En outre, lors des débats préalables à la révision constitutionnelle, notre président-rapporteur, y compris jusque dans son rapport de deuxième lecture, a intitulé le chapitre consacré au premier alinéa de l'article 72 : « Les catégories de collectivités territoriales », tant il était clair dans son esprit, et dans l'esprit de tous, à l'époque, que l'actualisation de la liste des collectivités territoriales de la République revenait simplement à compléter la liste des catégories de collectivités déjà reconnues par la Constitution.
Il n'y a pas eu de débat sur ce point, pas de discussions, et, si des difficultés sont apparues, elles sont nées du refus de la majorité d'accepter que les établissements publics de coopération intercommunale soient reconnus comme collectivités à part entière et sur la question de la fusion de collectivités territoriales pour qu'il soit créé des collectivités d'un autre type.
Je n'ai pas le souvenir non plus que, lors de ces mêmes discussions, lorsque nous avons abordé les questions financières et envisagé le nouvel article 72-2, les catégories aient été énumérées d'une façon différente de celle dont elles avaient été énumérées au premier alinéa de l'article 72. Autrement dit, lorsque nous avons abordé, à l'époque, les questions financières, il semblait suffisant de se référer aux catégories précédemment définies dans notre discussion.
Voilà pourquoi, aujourd'hui, on ne comprend pas les raisons pour lesquelles, désormais, il faudrait créer par la loi organique des catégories nouvelles.
M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
. L'amendement n° 22 est présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 22.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, évidemment on pourrait se poser la question de savoir pourquoi nous sommes amenés, moi et mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, à déposer cet amendement de suppression pure et simple de l'article 1er.
Nous avons défendu, sur ce projet de loi organique, une motion tendant à opposer la question préalable, appuyée sur l'examen critique des dispositions du texte et de l'ensemble des mesures qui l'ont précédé et qui l'accompagnent. Dans ce débat, nous ne pouvons en effet oublier que le présent projet de loi organique se situe dans le cadre plus général ouvert par la loi sur l'organisation décentralisée de la République et prolongé par la loi sur les libertés et responsabilités locales.
De deux choses l'une, chers collègues, ou bien le présent projet de loi n'a guère de vertu normative, et l'on peut se demander s'il y a lieu d'en débattre plus longuement, ou bien il présente un caractère impératif et il s'articule avec les autres textes. Il est évident que c'est le cas, en ce sens que la présente loi organique reprend les considérants de la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi sur l'organisation décentralisée de la République, et qu'il se présente aussi comme le cadre général dans lequel on va situer le devenir des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
La catégorisation à laquelle se livre l'article 1er ne change pas fondamentalement l'existant, le perceptible pour le citoyen et, a fortiori, pour les élus locaux. Que l'on fasse expressément référence aux trois échelons de pouvoir local démocratiquement élus, c'est-à-dire les communes, les départements et les régions, ne modifie pas grand-chose.
Pour autant, la question qui se pose est celle des objectifs que l'on vise au travers de cette catégorisation. Nous avions, lors de la discussion de la loi constitutionnelle, fait notamment valoir qu'il pouvait y avoir controverse sur le contenu même du principe de caractère déterminant des ressources propres des collectivités locales.
Lors du débat mené en novembre 2002 sur cette question, nous avions déjà souligné l'un des aspects clés de l'article 7 de la loi constitutionnelle, introduisant l'article 72-2 dans le texte constitutionnel. Je cite : « C'est peu de dire que le texte de l'article 6, devenu depuis l'article 7, se présente, malgré des apparences séduisantes, comme un ensemble de dispositions qui sont plus que discutables et qui n'apportent pas de véritables réponses aux collectivités territoriales.
« Dans les faits, la rédaction actuelle de l'article consacre les profondes inégalités de ressources existant entre collectivités territoriales, elle donne à la compétition fiscale entre territoires une vertu quasi constitutionnelle et encourage, in fine, au développement des inégalités entre les citoyens devant l'impôt et vis-à-vis de la qualité du service public.
« Ainsi, considérer que recettes fiscales, ressources d'exploitation et dotations nées des transferts entre collectivités territoriales constituent une part déterminante des ressources des collectivités dans leur ensemble revient, de facto, à donner une vertu à une forme d'austérité partagée et à consacrer la déshérence des dotations budgétaires de l'Etat. »
En est-il aujourd'hui autrement, dans le texte qui nous est soumis et qui ne fait pas, c'est le moins que l'on puisse dire, référence à l'obligation constitutionnelle de péréquation ?
De fait, les attendus qui présidaient à la position que nous soutenions en 2002 n'ont pas perdu la moindre pertinence. Au contraire, ils ont été renforcés !
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression de l'article 1er du présent projet de loi organique.
(M. Christian Poncelet remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Bernard Frimat. La discussion commune de treize amendements nous oblige, monsieur le ministre - mais c'est la loi du genre -, à faire un long monologue avant que vous ne puissiez nous répondre avec précision, et que s'engage alors vraiment le débat.
Il s'agit là en quelque sorte de propos liminaires qui pourront sembler quelque peu redondants.
La succession d'amendements que nous présentons a une logique qui ne trouvera son expression que lorsque nous débattrons avec vous, monsieur le ministre, voire avec la majorité sénatoriale, si elle s'exprime.
L'amendement n° 45 vise, comme l'amendement n° 22 que vient de présenter M. Bret, à supprimer l'article 1er du projet de loi organique.
Lorsque je me suis exprimé sur cet article 1er, j'ai souligné un point de désaccord avec le rapporteur, même si nous nous rejoignons sur d'autres aspects.
Dans son rapport, M. Hoeffel écrit : « La loi fondamentale ne donne pas de définition des catégories de collectivités territoriales. » C'est faux. Cela nous semble être une vision erronée. L'article 72, alinéa 1, de la Constitution en donne une définition très claire.
Plusieurs de mes collègues, dont Jean-Claude Peyronnet, ont rappelé que, lors du débat sur la révision constitutionnelle, les catégories n'ont pas été un seul instant mises en doute, puisque toute l'argumentation consistait à dire - et je vous renvoie au débat - que les intercommunalités ne constituaient pas une catégorie de collectivités territoriales.
Si les intercommunalités étaient rejetées parce qu'elles ne constituaient pas une catégorie de collectivités territoriales, c'est bien que les autres en constituaient une. Il n'y a donc pas lieu de définir à l'article 1er du projet de loi organique une notion que la Constitution a déjà définie, et surtout de la définir d'une façon différente, réductrice, qui simplifie, en la travestissant, celle qui est inscrite à l'article 72, alinéa 1, de la Constitution.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus -Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Au sens du premier alinéa de l'article 72 de la constitution, les catégories de collectivités territoriales sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Comme je l'ai expliqué, monsieur le président, vous fonctionnez sous le signe des 3 S, qui est votre slogan favori. Au cours de la discussion, nous préciserons pourquoi nous pensons que vous fonctionnez plutôt sous le signe des 3 V !
Toutefois, permettez-moi de laisser passer un peu de temps avant d'illustrer mon propos, car il faut bien que nous suscitions un peu de...
M. Henri de Raincourt. Suspens !
M. Bernard Frimat. ... d'intérêt à ce débat.
Dans l'hypothèse malencontreuse où nous ne vous aurions pas totalement convaincus d'adopter l'amendement de suppression de l'article 1er du projet de loi, mes chers collègues - même si nous avons repris les arguments que vous avez avancés lors du débat sur la révision constitutionnelle -, considérant qu'il n'est pas nécessaire de définir une deuxième fois, et surtout différemment, les catégories, ce qui nous renverrait de facto à l'article 72 de la Constitution, nous proposons la définition suivante : « les catégories de collectivités territoriales sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. »
Nous ne voyons pas comment ces catégories pourraient être mises en cause puisque ce sont celles-là mêmes qui sont inscrites dans la loi constitutionnelle. Ce sont celles auxquelles vous avez, monsieur le ministre, reconnu à ce jour la qualité de collectivités territoriales.
Reprendre les termes mêmes qu'ont défendus, avec le brio qu'on leur connaît, les sénateurs de la majorité lors de la révision constitutionnelle, revient pour nous à prendre simplement acte du fait que cette Constitution est aujourd'hui la nôtre et qu'il nous faut donc, sauf à la changer, l'appliquer. Si nous l'appliquons, reprenons cette définition.
Outre le caractère quelque peu curieux que revêtirait votre refus d'adopter un alinéa de la Constitution que vous avez déjà adopté - mais au diable l'avarice, oserais-je dire -, si, d'aventure, vous rejetiez cet amendement, mes chers collègues, vous auriez, ce faisant, ouvert le champ de la réflexion.
L'article 72-2 de la Constitution définit non plus des catégories juridiques, puisqu'elles ont été définies par la Constitution, mais des catégories statistiques où l'on peut donc faire entrer un minimum de raison.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I - Au début de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
Dans le chapitre IV du titre unique du livre Ier de la première partie du même code, il est inséré un article L.O. 1114-1 ainsi rédigé :
II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la référence :
« Art. L.O. 1114-1. -
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) de cet article:
1° Les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Dans l'hypothèse peu probable où les arguments très forts de mon collègue et ami Bernard Frimat ne seraient pas retenus, je vous propose que nous fassions coïncider la réalité avec le droit, et que les groupements communaux soient rattachés aux communes.
Je le sais bien, vous allez me rétorquer, monsieur le ministre, que la Constitution n'a pas reconnu l'existence des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, les EPCI.
Il n'en demeure pas moins que, dans le texte même du projet de loi organique, ces groupements sont présents, et ils ne le sont pas d'une manière subliminale. C'est d'ailleurs normal, puisque leur budget s'élève à quelque 7,7 milliards d'euros, ce qui est considérable.
En effet, le deuxième alinéa de l'article 3 du présent projet de loi dispose : « Pour la catégorie des communes, la totalité des ressources mentionnées à l'alinéa précédent est augmentée du montant de la totalité des ressources dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale [...]. »
Voilà donc une catégorie qui n'existe pas et que vous utilisez malgré tout financièrement, monsieur le ministre, à juste titre d'ailleurs, en ajoutant ses ressources aux ressources propres des communes. Dès lors, il serait tout à fait légitime et pertinent, mes chers collègues, que vous reconnaissiez cette catégorie.
L'amendement n° 49 vise donc à inscrire les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dans les catégories qui sont reconnues. Cela correspondrait à la réalité effective de la France, car les EPCI représentent, je vous le rappelle, un poids financier important.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel, Collomb et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Compléter le 1° de cet article par les dispositions suivantes :
en distinguant les communes en fonction de leur strate de population selon le découpage suivant :
- de 0 à 499 habitants ;
- de 500 à 999 habitants ;
- de 1 000 à 1 999 habitants ;
- de 2 000 à 3 499 habitants ;
- de 3 500 à 4 999 habitants ;
- au-delà de 5000 habitants.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons été très sensibles à l'intervention de notre collègue Jean Chérioux.
Ce dernier a raison : si les collectivités territoriales reçoivent une dotation suffisante pour administrer la commune, ce peut être une solution.
M. Jean Chérioux. Merci, mon cher collègue !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais, il aurait fallu le dire avant !
Lorsque nous avons discuté de la révision de la Constitution, nous avions proposé de commencer par la réforme des finances locales, de manière à pouvoir savoir où nous allions. Mais, la majorité ne nous a pas suivis, ni vous non plus, monsieur Chérioux, et je le regrette d'ailleurs.
M. Jean Chérioux. Je n'étais pas allé en Grande-Bretagne !
M. Robert Bret. Il faut se méfier des modèles étrangers !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or, aujourd'hui, vous vous trouvez, mes chers collègues, dans l'obligation d'adopter un projet de loi organique qui vise à préciser à quelles conditions la part des ressources propres des collectivités territoriales peut être considérée comme déterminante.
Ainsi, l'article 3 du projet de loi dispose : « Pour chaque catégorie, la part des ressources propres est déterminante, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, lorsqu'elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie [...]. »
Mes chers collègues, vous ne pouvez pas voter en faveur de cette disposition après ce que vous avez dit, et j'en prends acte. Certes, vous n'étiez pas allé en Grande-Bretagne, monsieur Chérioux, mais nous pourrions peut-être demander que tous nos collègues y aillent !
En vérité, pourquoi faut-il une loi organique ? On l'a déjà dit, mais je veux ici citer les considérants du Conseil constitutionnel à propos de l'article 72-2 de la Constitution : « La méconnaissance de ces dispositions ne peut être utilement invoquée tant que ne sera pas promulguée la loi organique qui devra définir les ressources propres des collectivités territoriales et déterminer pour chaque catégorie de collectivités territoriales la part minimale que doivent représenter les recettes fiscales et les autres ressources propres dans l'ensemble de leurs ressources. »
Que devons-nous faire ? Le Conseil constitutionnel l'a dit, nous devons définir les ressources propres des collectivités et non pas les catégories. Vous le savez, l'article 72 de la Constitution précise que les collectivités territoriales sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Il s'agit là bien évidemment de catégories. Les communes sont très diverses, tout comme les régions et les départements.
Nous nous permettons d'insister : certes, nous ne saisirons pas le Conseil constitutionnel puisque, s'agissant d'un projet de loi organique, il est saisi de droit, mais il lira nos débats.
L'article 3 du projet de loi précise que certaines communes peuvent s'administrer elles-mêmes si elles ont suffisamment de ressources propres. Or, même si une moyenne a été établie en la matière, une commune qui appartient à cette catégorie peut être totalement dépourvue des moyens de s'administrer.
Selon nous, la solution la plus judicieuse consisterait bien sûr à supprimer purement et simplement l'article 1er ; à défaut, il conviendrait au moins de dissocier les communes en fonction de leur nombre d'habitants.
Tel est l'objet de cet amendement subsidiaire.
Considérer que nul n'a demandé que soit précisé dans la loi organique quelles sont les catégories de communes serait évidemment plus simple, puisque cette précision figure dans la Constitution elle-même et qu'il est difficilement imaginable qu'une loi organique la contredise.
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par MM. Miquel, Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Collomb, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article par les mots :
en distinguant les communes de moins de 10.000 habitants et celles de plus de 10.000 habitants ;
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Rassembler l'ensemble des communes au sein d'une seule catégorie alors que leurs ressources sont très différentes ne permet absolument pas d'avoir une vision de leur autonomie financière réelle. C'est pourquoi nous proposons, par le présent amendement, de dissocier les communes en fonction de leur nombre d'habitants, en référence à ce que fait le ministère de l'intérieur dans ses analyses financières.
Revendiquer l'autonomie financière n'a pas le même sens pour le maire d'une ville disposant de bases élevées que pour celui d'une petite commune de montagne ou d'une commune rurale aux faibles ressources.
Dans ces deux derniers cas, l'autonomie ne donne aucune possibilité à ces élus. Ce dont ils ont besoin, c'est d'une péréquation équitable.
Au moment où nous allons inscrire dans la Constitution le principe de précaution, les élus de notre pays auraient été sensibles au fait que nous y fassions figurer aussi le principe de péréquation.
M. le président. L'amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Delfau et Pelletier, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa (2°) de cet article par les mots :
et les établissements publics de coopération intercommunale ;
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Cet article 1er, qui vise à rappeler les catégories de collectivités locales concernées par ce projet de loi, pose manifestement des problèmes. Le silence du Gouvernement, à ce sujet, révèle d'ailleurs bien son embarras.
En effet, les rédacteurs de ce texte, se référant à l'article 72-2 de la Constitution, n'ont pas opéré de distinction entre des communes dont la capacité de prélever des ressources propres et la capacité d'intervention sont d'une totale hétérogénéité. Mon collègue indiquait à l'instant que la seule façon d'assurer aux plus petites d'entre elles la capacité de satisfaire les besoins de leur population consistait à leur garantir une péréquation. Ce sujet revient sans cesse dans ce débat.
Un second problème se pose : les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne sont pas cités.
Pourtant, il s'agit là de collectivités territoriales en pleine expansion, dont les budgets sont considérables - 7 milliards d'euros, ce n'est pas rien ! - et dont les possibilités d'intervention dépassent de très loin, quel que soit le domaine, celles de chaque commune les constituant : bien qu'étant en train de s'affirmer comme des outils majeurs de décentralisation et d'aménagement du territoire, ces établissements ne sont pas mentionnés pour des raisons d'ordre juridique !
Nous nageons en pleine incohérence.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Gérard Delfau. Cette situation est non seulement incompréhensible pour la quasi-totalité des élus locaux et contradictoire avec la position qu'ont adoptée les gouvernements depuis une quinzaine d'années, mais, de plus, elle risque de mettre en péril le principe même d'autonomie financière des collectivités territoriales.
Je vous donne acte, même si je n'en pense pas moins, que vous voulez appliquer ce principe et rendre à cette fin les arbitrages budgétaires nécessaires. Toutefois, que ledit principe s'applique aux communes, aux départements et aux régions et ne concerne pas les intercommunalités serait un bon moyen, pour un gouvernement ne respectant pas avec une totale honnêteté l'esprit du présent projet de loi, de tarir, d'affaiblir et d'asphyxier les communes. En effet, puisque les intercommunalités ne bénéficieraient pas de cette autonomie financière, elles prélèveraient forcément ce qui leur manquerait sur les communes qui seraient parties prenantes de ces établissements publics à fiscalité propre.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas faire comme si cette strate n'existait pas. Quant à nous, nous ne pouvons pas faire comme si nous ne décelions pas, dans votre raisonnement, le moyen de détourner l'esprit du texte de loi tel que vous nous le présentez depuis le début de nos débats.
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa (3°) de cet article, après les mots :
autres que celles mentionnées au 2°
insérer les mots :
à l'exclusion de la Polynésie française
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Permettez-moi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de rappeler le début de l'article 72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. »
Les catégories de collectivités locales sont donc au nombre de cinq. Je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez que, dans la loi organique, elles soient redéfinies différemment.
Vous semblez considérer que les catégories évoquées au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution sont différentes de celles qui sont inscrites au premier alinéa de l'article 72.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit en commission - je crois ne pas trahir votre pensée - qu'aux termes de l'article 72 était dressée une liste de collectivités territoriales. Or, il s'agit simplement d'une liste de catégories : les communes constituent la première catégorie, les départements, la deuxième, les régions, la troisième, les collectivités à statut particulier, la quatrième et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74, la cinquième.
Pourquoi redéfinir des catégories qui sont déjà définies dans la Constitution ? Pourquoi ne pas reprendre celles qui y sont déjà citées ? Nous n'en comprenons pas la raison. Ou alors, il faut modifier la Constitution, mais tel n'est pas notre but aujourd'hui.
J'en viens - c'est là un argument très concret - à l'amendement n° 50, qui concerne la Polynésie française.
Mes chers collègues, souvenez-vous de nos débats de décembre dernier sur ce territoire tellement spécifique que, de l'avis de M. Flosse, il nécessitait pratiquement une constitution, en tout cas du « cousu main », du « sur mesure » : il fallait qu'aucun bouton de guêtre ne manquât pour que fût assuré le résultat électoral escompté. Chacun a pu constater récemment le succès obtenu ...
Or, nous devrions à présent approuver un article de ce projet de loi organique visant à rassembler « bêtement » en une nouvelle catégorie les régions, la Polynésie française et les provinces de la Nouvelle-Calédonie ?
Quelle en est la légitimité ? Quelle en est la pertinence ? En quoi est-ce conforme à l'article 72 de la Constitution ? J'écouterai avec intérêt l'explication qui me sera donnée.
Pour être logique, vous devriez au moins créer une catégorie particulière. Le plus simple serait de reprendre les cinq catégories qui sont énumérées dans la Constitution, mais vous ne le voulez pas. Nous ne comprenons pas pourquoi.
Ce qui est désolant, dans ce débat, c'est que nous ne percevons pas les arguments qui sont avancés pour ne pas garder tout bonnement le texte de la Constitution, qui est issu de nos travaux.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter in fine le dernier alinéa de cet article par les mots :
de la Constitution
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 15.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement étant identique à l'amendement n° 5, je considère qu'il est défendu.
M. Jean-Pierre Sueur. Quelle économie de moyens !
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
... ° Les établissements publics de coopération intercommunale.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Il s'agit non pas d'un amendement de précision, mais d'un amendement de repli, au cas où ceux que mon groupe a déjà présentés ne seraient pas adoptés.
Notre logique est de demander, tout d'abord, le retour à l'article 72 de la Constitution.
Si, monsieur le ministre, vous refusez d'appliquer la Constitution en créant d'autres catégories ou, comme vient de l'expliquer M. Jean-Pierre Sueur, en réduisant à trois le nombre de catégories de collectivités, en inventant, donc, une autre conception de la catégorie de collectivités, vous autorisez alors toutes les définitions.
Vous avez, hier soir, avec beaucoup d'émotion, cité par trois fois M. Mauroy. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je ne doute pas un seul instant qu'il en ait été bouleversé ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Dans cette nouvelle conception des catégories, à vocation statistique, si j'ai bien compris, il faut, selon moi, continuer, pour lui rendre hommage, à écouter ce qu'il vous disait quand il vous expliquait la nécessité d'inscrire dans la liste les établissements publics de coopération intercommunale.
En effet, la question qui se pose est de savoir s'il convient d'accorder l'autonomie financière aux établissements publics de coopération intercommunale en tant que catégorie.
La réponse - je le lis sur vos visages - est évidemment : oui,...
M. Henri de Raincourt. Non !
M. Bernard Frimat. ...d'autant plus que ces établissements publics de coopération intercommunale se trouvent aujourd'hui dans une curieuse situation.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai.
M. Bernard Frimat. Vous êtes très nombreux ici à jouer des rôles éminents dans ces établissements : sans doute avez-vous en perspective des projets d'investissement dans ces différentes communautés, qu'elles soient urbaines, d'agglomération ou de communes.
Pour faire un minimum de prospective, il faut bien sûr avoir l'autonomie financière, mais il faut aussi des assurances sur la permanence des ressources. Or, aujourd'hui, quelle visibilité les intercommunalités ont-elles, notamment celles qui sont passées à la taxe professionnelle unique ?
Si, par cette loi organique, vous leur signifiez que cette autonomie financière, que vous semblez d'ailleurs découvrir dans ce texte, leur est garantie parce qu'elles sont une catégorie de collectivités territoriales, un progrès considérable aura été accompli. De toute façon, vous les intégrez dans votre raisonnement et vous allez ajouter - nous le verrons tout à l'heure - ce qui les concerne à une catégorie considérée. Pourquoi compliquer quand vous pouvez faire simple en édifiant les établissements publics de coopération intercommunale en une nouvelle catégorie ?
M. le président. L'amendement n° 76 rectifié, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
... Les départements d'outre-mer régis par l'article 73 de la Constitution.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Cet amendement vise à réparer un oubli, car il ne peut s'agir que de cela : les départements d'outre-mer, qui sont reconnus par la Constitution en tant que tels, ne figurent pas dans les catégories mentionnées.
Il y a là une forme d'exclusion qui est très difficilement acceptable pour ceux qui vivent dans ces départements et pour ceux qui les représentent. Je propose donc que les départements d'outre-mer soient réintégrés à part entière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Les amendements identiques n°s 22 et 45 ont pour objet de supprimer l'article 1er du projet de loi organique. Pourquoi la commission y est-elle défavorable ?
Il faut rappeler que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 décembre 2003 relative à la loi de finances pour 2004, a considéré que « la méconnaissance [du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution] ne peut être utilement invoquée tant que ne sera pas promulguée la loi organique qui devra définir les ressources propres des collectivités territoriales et déterminer, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part minimale que doivent représenter les recettes fiscales et les autres ressources propres... »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et non déterminer les garanties ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Par conséquent, l'adoption de ce projet de loi organique est un impératif constitutionnel. Certes, il est possible de l'amender ; en revanche, il n'est pas souhaitable de le supprimer purement et simplement.
L'amendement n° 44 traite du nombre de catégories de collectivités territoriales et de la définition de chacune d'entre elles.
La Constitution ne donne pas de définition explicite des catégories de collectivités territoriales. Cependant, le premier alinéa de l'article 72 en dresse une liste. (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.)
L'article 1er du projet de loi organique, monsieur Sueur, définit trois ensembles de collectivités. D'ailleurs, les arguments avancés dans l'exposé des motifs me paraissent valables : « Il a paru souhaitable de retenir la définition la plus simple possible, qui est aussi la plus large, afin de ne pas multiplier le nombre de catégories à prendre en compte pour la détermination du degré d'autonomie financière. Aussi la définition de ces catégories s'appuie-t-elle sur les trois grands niveaux de droit commun que sont les communes, les départements et les régions. »
C'est pour ne pas multiplier les catégories et afin que les collectivités territoriales d'outre-mer ne constituent pas des catégories trop spécifiques que ces collectivités ont été rassemblées, à chaque niveau, avec celles de la métropole.
L'amendement n° 44 ne prend par ailleurs pas en compte les provinces de la Nouvelle-Calédonie, alors qu'il s'agit bien, aux termes de la loi organique de 1999, de collectivités territoriales de la République.
C'est la raison pour laquelle je suis au regret de devoir émettre un avis défavorable sur cet amendement. J'espère cependant que la définition des catégories que je viens de donner est de nature à vous expliquer pourquoi l'article 1er du projet de loi organique est ainsi libellé.
L'amendement n° 49 vise les établissements publics de coopération intercommunale. Nous le savons, nous avons eu un long débat, l'année dernière, à propos du projet de loi constitutionnelle...
M. Jean-Jacques Hyest. Oh oui !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. ...sur le fait de savoir si, oui ou non, les EPCI devaient être reconnus comme des collectivités territoriales de plein exercice. La loi constitutionnelle avait conclu que, dans l'état actuel des choses, il n'était pas possible de les considérer encore comme tels.
M. Paul Loridant. C'était l'année dernière !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Effectivement. Cela n'a rien à voir, ni avec l'importance qu'il convient d'attacher à la coopération intercommunale...
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. ...ni avec le fait que la coopération intercommunale est en train de couvrir une très large partie de notre territoire.
Face à l'évolution de cette situation, c'est une évidence, tôt ou tard - j'espère que ce sera le plus tôt possible -, ce débat renaîtra et permettra de clarifier la situation des établissements publics de coopération intercommunale.
L'amendement n° 46 vise à introduire une distinction entre les communes en fonction de leur population. Nous avons déjà vu combien nous avions le souci, dans ce texte, de regrouper dans trois catégories l'ensemble des collectivités territoriales. Introduire une distinction suivant l'importance de la population des communes entraînerait des complications qui, au regard de la situation actuelle, me paraissent devoir être évitées.
Monsieur Miquel, l'amendement n° 47 que vous avez présenté prévoit une distinction entre les communes, selon qu'elles comptent plus ou moins de 10 000 habitants. En ce sens, il est proche de l'amendement précédent. C'est pourquoi l'argumentation que j'ai développée pour l'amendement n° 46 me semble également valable pour le vôtre.
L'amendement n° 75 rectifié de M. Delfau témoigne, lui aussi, du souci de reconnaître aux EPCI la qualité de collectivité territoriale. Je reconnais d'ailleurs là l'intérêt que porte M. Gérard Delfau à la coopération intercommunale.
Je ne répète pas les raisons qui ne permettent pas, à l'heure actuelle, d'accorder aux EPCI la qualité de collectivité territoriale. De surcroît, je m'étonne quelque peu que vous souhaitiez, monsieur Delfau, rattacher les EPCI à la catégorie des départements plutôt qu'à celle des communes, alors que, nous le savons, l'intercommunalité est le prolongement naturel de la commune. Il est donc logique que communes et EPCI se trouvent regroupés au même échelon communal.
L'amendement n° 50 concerne la Polynésie française. La Polynésie française, au même titre que les provinces de la Nouvelle-Calédonie que j'ai évoquées tout à l'heure, constitue une collectivité territoriale de la République. C'est un fait évident et je ne vois pas sur quel fondement on pourrait aujourd'hui les retrancher des collectivités concernées par ce projet de loi organique.
Je suis désolé de devoir émettre des avis défavorables sur l'ensemble de ces amendements dont j'ai écouté la présentation avec beaucoup d'attention. Il vaut mieux, au début de l'examen de ce projet de loi organique et à propos de l'article 1er, mettre les choses au point et clarifier la situation. Cela nous permettra, dès l'article 2, d'attaquer le coeur du problème.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et alors que commence la discussion des articles, je voudrais rebondir sur les propos de M. Hoeffel et rappeler ce que nous avons eu l'occasion de dire hier : ce projet de loi organique a pour vocation de fixer les modalités d'application de l'alinéa 3 de l'article 72-2 de la Constitution.
C'est là une évidence ! Je le répète toutefois, car l'esprit dans lequel, nous, Gouvernement, avons proposé la rédaction de ce texte se retrouve dans cinq mots clés : clarté, simplicité, lisibilité, cohérence et efficacité.
Nous aurons l'occasion de revenir sur ces cinq termes. A à ce stade de la discussion, ils me permettent d'intervenir sur l'ensemble de ces amendements qui sont en discussion commune. Dans ce domaine, il convient tout de même de veiller à ce que le texte témoigne de ce souci réel de clarté, de simplicité et de cohérence.
Sur les amendements identiques n°s 22 et 45, il me semble, à l'instar de ce vient de dire M. Hoeffel, que l'idée de supprimer cet article est difficilement compréhensible. Nous avons une feuille de route ; elle est claire. Il nous appartient de préciser les choses et ce, pour chaque catégorie de collectivité, j'y reviendrai tout à l'heure. Il a fallu faire un choix : il répond tout à fait au souci de lisibilité et de cohérence que j'ai évoqué en introduction.
C'est la raison pour laquelle il me paraît impossible de supprimer l'article 1er, tellement il est essentiel au raisonnement d'ensemble de ce projet de loi organique.
L'amendement n° 45, présenté par M. Frimat, est dans la droite ligne de ses propos d'hier et reflète une certaine cohérence.
Le Gouvernement a souhaité inclure chacune des collectivités d'outre-mer dans l'une des trois grandes catégories de collectivités que constituent les communes, les départements et les régions. Il est important de l'indiquer sans ambiguïté. En effet, le Gouvernement a le souci de la clarté et de la simplicité ; il cherche aussi à avoir des catégories homogènes.
Je rappelle que l'esprit même de l'autonomie financière, l'un des éléments clés de notre débat, est l'homogénéité dans les catégories. Peut-on imaginer des catégories homogènes en ne visant que les catégories de collectivités d'outre-mer ? Ce serait bien difficile. Considérons les faits de manière inverse : en réalité, rien ne justifie que les collectivités d'outre-mer soient exclues de l'une ou l'autre des catégories susvisées.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 22 et 45.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 44, il lui a semblé souhaitable de ne pas multiplier le nombre de catégories à prendre en compte pour la détermination du degré d'autonomie financière. On retrouve ce que j'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire le choix du Gouvernement, dans un souci de cohérence, de limiter à trois le nombre de catégories de collectivités territoriales mentionnées à l'article 72-2 de la Constitution : les communes, les départements et les régions.
C'est pourquoi il a assimilé, d'une part, à des départements la collectivité départementale de Mayotte, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que les collectivités à statut particulier issues de la fusion d'une ou plusieurs communes et d'un département et, d'autre part, à des régions les autres collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, à savoir Wallis-et-Futuna et la Polynésie française, les provinces de Nouvelle-Calédonie et les collectivités à statut particulier issues de la fusion de départements et de régions ainsi que les collectivités qui seront éventuellement créées en application de l'article 73, dernier alinéa, de la Constitution, à savoir des départements et régions d'outre-mer dont les deux assemblées sont réunies en une assemblée commune.
Dans le même esprit de cohésion, ce projet de loi organique prend en compte les collectivités à statut particulier en les assimilant à la catégorie la plus proche de leur situation. La constitution d'une catégorie spécifique, certes justifiée pour des raisons juridiques, n'aurait pas de sens au regard de la consolidation des données financières.
L'amendement n° 4 est un amendement de codification auquel le Gouvernement émet un avis favorable.
L'amendement n° 49 me paraît extrêmement important et intéressant. Il vise clairement le problème des établissements de coopération intercommunale, les EPCI. C'est un sujet majeur qui a déjà été évoqué, notamment au moment de la révision constitutionnelle, puisque la question a été posée de savoir s'il fallait ou non créer une catégorie de collectivité territoriale spécifique pour les EPCI.
Cette question a été débattue...
M. Jean-Jacques Hyest. Et tranchée !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...et tranchée dans la sagesse. Si, à l'époque, des arguments recevables pouvaient justifier une telle création, aujourd'hui on peut trouver de vraies et solides raisons militant en sens inverse compte tenu de l'état d'avancement de l'intercommunalité en France, certes significatif mais encore insuffisant.
Pour aller au bout de la logique, je veux indiquer qu'à aucun moment le Gouvernement n'a voulu ignorer la réalité de l'intercommunalité. Il aurait d'ailleurs bien tort de le faire. Sur toutes les travées de cette assemblée, nous en sommes, les uns et les autres, partisans. Chaque gouvernement successif a apporté sa contribution à ce sujet. Tout doit être fait pour encourager l'intercommunalité et pour fournir tous les outils nécessaires, notamment sur les plans financier et fiscal.
Ce projet de loi organique n'ignore donc pas le développement de l'intercommunalité.
D'ailleurs, à l'article 2, alinéa 2, est prévue expressément la consolidation des ressources propres des communes avec celles des EPCI, ce qui permet d'éviter les doubles comptes. Cet élément est d'autant plus essentiel que, à un moment ou à un autre, des comptes d'apothicaire doivent être effectués: il s'agit de définir précisément la part des ressources propres des catégories de collectivités territoriales. Il est donc légitime d'y intégrer les transferts allant des communes vers les EPCI. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Le Gouvernement a retenu un dispositif équilibré et sage. J'emploie à dessein ce terme, car le Sénat est bien le lieu de la sagesse. Nous aurons l'occasion, à de nombreuses reprises, d'en donner l'illustration, j'en suis convaincu.
M. le président. Je le confirme, monsieur le ministre. Cette enceinte est le lieu de la réflexion et de la sagesse.
M. Jean-Claude Carle. Très bien, monsieur le président !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, je savais pouvoir trouver ici un écho positif ! (Sourires.)
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 49.
J'en viens à l'amendement n° 46 qui, lui aussi, est très intéressant. Il a également fait l'objet de réflexions légitimes. Le sujet est tellement complexe que personne ne doit revendiquer la vérité révélée ou des certitudes. Les uns et les autres, nous faisons avancer les choses en écoutant, en dialoguant et en essayant, à travers les différences qui peuvent nous opposer sur d'autres sujets mais qui, en l'occurrence, doivent nous rassembler, de trouver la solution qui soit la plus conforme à ces fameux mots clés que j'évoquais tout à l'heure pour définir l'esprit dans lequel a été élaboré ce projet de loi organique, à savoir la clarté, la simplicité, la lisibilité, la cohérence et l'efficacité.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous proposez de distinguer les communes selon qu'elles comptent plus ou moins de 5 000 habitants et d'instaurer des strates pour celles qui ont moins de 5 000 habitants. L'amendement n° 46 tend à créer six strates sur la base de celles qui existent pour la répartition de la DGF.
Votre proposition m'a beaucoup étonné. En effet, elle sous-entend que les disparités de bases fiscales seraient liées à la taille des communes. En fait, il n'en est rien. Si ces bases sont fortement concentrées, notamment celles qui sont relatives à la fiscalité des entreprises, cette concentration ne s'exprime pas forcément au profit des communes les plus importantes.
S'agissant des intercommunalités à taxe professionnelle unique, la répartition des bases entre les communes n'a plus de sens du tout.
Dans ce domaine, il y a lieu d'être un peu prudent.
Monsieur le sénateur, je vous opposerai une seconde objection : la Constitution ne distingue pas de catégories particulières au sein des communes en fonction du nombre d'habitants, de la superficie ou de je ne sais quel autre critère. S'engager dans cette voie me paraît risqué et pourrait compliquer considérablement l'approche qu'ont les Français de la décentralisation, sans compter les effets pervers que l'on pourrait imaginer dans le calcul de l'autonomie financière. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
En envisageant un tel avis défavorable, le groupe socialiste a déposé l'amendement n° 47 et a proposé un nouveau découpage qui, cette fois, concernerait les communes comptant plus ou moins de 10 000 habitants. Si ce découpage est, me semble-t-il, le dernier suggéré, il ne me paraît néanmoins pas tout à fait convaincant.
Il est vrai qu'existent des situations très disparates. Bien sûr, ce n'est pas dans cet hémicycle que nous l'ignorons. Mais regardons les choses de près : la moitié de la population française habite des villes de plus de 10 000 habitants qui représentent - je les ai comptées - 874 communes sur les 36 565 existantes. Aussi, si je vais jusqu'au bout du raisonnement, accepter la séparation que vous proposez reviendrait à opposer tranquillement mais sûrement le monde urbain et le monde rural.
M. Roger Karoutchi. Absolument !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Etant l'élu d'une ville de 50 000 habitants entourée de petites communes, président d'une communauté d'agglomération essayant de rompre avec ces oppositions qui font tant de mal à une société qui, bien souvent, se fissure en silence, il me semble au contraire indispensable de veiller à ce que ces découpages ne soient pas encouragés, y compris dans une logique d'autonomie financière.
Cela signifierait qu'il y a, d'un côté, la ville, avec ses activités économiques et ses richesses et, de l'autre, un monde rural moins peuplé, disposant de moins de marges de manoeuvre. C'est totalement contraire à la philosophie du Gouvernement, à savoir tenter de fabriquer les outils d'un développement harmonieux, équilibré, juste, au profit de l'ensemble de notre territoire et de tous nos concitoyens, où qu'ils habitent.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Autant dire qu'accepter une séparation en deux strates, c'est opposer des taux d'autonomie financière entre les uns et les autres. C'est, d'une certaine manière, fragiliser les petites communes. C'est chercher en vain une logique qui n'existe pas entre des seuils et que nous aurions beaucoup de mal à expliquer à nos concitoyens.
Je rappelle enfin que le constituant ne connaît qu'une seule catégorie relative aux communes et à leurs groupements. Je crains qu'une telle dissociation n'encourre la censure, qui me semblerait fondée, du Conseil constitutionnel.
L'amendement n° 75 rectifié concerne les EPCI que M. Delfau souhaite insérer dans la catégorie de collectivités territoriales mentionnées par l'article 72-2 de la Constitution. Je ne voudrais pas allonger les débats. Néanmoins, je veux rappeler qu'il me paraît bien difficile, dans le cadre de ce projet de loi organique, d'ouvrir à nouveau la discussion concernant la place des EPCI dans notre dispositif, discussion qui a été tranchée au moment de la révision constitutionnelle. (M. Gérard Delfau lève la main pour demander la parole.)
La particularité de M. Delfau est de demander la parole dès que j'interviens !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Sueur. M. Delfau est un homme de dialogue !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Absolument ! Il devient de ce fait un homme d'écoute et il me laisse terminer mon propos !
Les choses doivent être parfaitement claires et sans ambiguïté. Oui, le Gouvernement encourage le mouvement de l'intercommunalité. Tout ce qui peut être fait dans ce sens le sera.
De la même manière, s'il n'est pas possible, dans le cadre d'une loi organique, de revenir sur ce qui a été décidé dans la révision constitutionnelle, le Gouvernement a veillé, à travers l'article 2, à ce que les EPCI trouvent toute leur place, notamment pour la comptabilisation de l'autonomie financière. Je pense, en particulier, à ce qui concerne la taxe professionnelle unique. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 75 rectifié.
L'amendement n° 50 m'a beaucoup étonné, car il tend à exclure la Polynésie française de la catégorie des régions en raison de ses particularités fiscales.
Le Gouvernement n'entrera pas dans cette logique infernale, je vous le dis nettement, qui consisterait à découper avec des ciseaux des sous-catégories.
L'objectif de ce projet de loi organique est la simplicité. L'idée de retenir trois catégories de collectivités est un appel des uns et des autres à plus de clarté, de lisibilité, donc à plus d'efficacité publique. Je crois vraiment indispensable d'insister sur ce point. (M. Louis de Broissia applaudit.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le Gouvernement a à coeur de préparer une loi organique qui ne soit rien d'autre qu'un décret d'application de la Constitution. Nous avons besoin de l'adopter pour passer ensuite à l'autre grand rendez-vous : la deuxième lecture du projet de loi relatif à la décentralisation. Si le Premier ministre a souhaité prendre en compte le message qui lui a été adressé et examiner puis faire adopter ce projet de loi organique avant la deuxième lecture du projet de loi relatif à la décentralisation, c'est bien parce qu'il lui paraissait indispensable de clarifier les choses. C'est tout l'objet de notre discussion. Je veux vous dire combien nous serons attentifs à préserver ces mots clés de simplicité et de lisibilité.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 50. Selon moi, il n'y a absolument pas lieu d'exclure l'une des catégories de collectivités en raison des particularités de son régime fiscal. Sinon, on entrerait dans un système terriblement complexe.
L'amendement n° 5, identique à l'amendement n° 15, est un amendement de codification. Par conséquent, le Gouvernement y est favorable.
L'amendement n° 48 concerne les EPCI et vise à créer à leur intention une catégorie spécifique de collectivités territoriales. Je me suis exprimé sur ce point. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 76 rectifié a pour objet la création d'une nouvelle catégorie de collectivités pour les DOM régis par l'article 73 de la Constitution.
Sauf erreur de ma part, cet amendement pose un problème technique puisqu'il tend à créer une nouvelle catégorie de collectivités territoriales au sens de l'article 72-2 de la Constitution. Or, en l'état actuel de la rédaction de l'amendement, les DOM figurent toujours dans la catégorie des départements.
Je crois que, là encore, l'objectif de simplicité commande que l'on ne sépare pas les DOM régis par l'article 73 de la Constitution de la catégorie des départements telle que je l'ai évoquée tout à l'heure.
Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais apporter sur l'ensemble de ces amendements (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 22 et 45.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai l'impression que nos amendements de suppression ont été compris par l'ensemble de nos collègues, ce dont je me félicite.
En effet, qui ne dit mot consent. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que, jusqu'à présent, nous n'avons entendu personne dans la majorité adopter une position contraire (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Blanc. Il ne faut pas prendre vos désirs pour des réalités !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais féliciter M. le ministre de son humour ou de sa modestie. Je ne sais d'ailleurs si c'est de l'humour ou de la modestie (Les deux ! sur les travées de l'UMP) lorsqu'il nous explique que le texte est clair, simple, lisible, cohérent, efficace et, ajoute-t-il, équilibré et sage.
M. Jean-Pierre Schosteck. Tout est dit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour nous, disons-le tout de suite, il est obscur, compliqué, illisible, incohérent et inefficace ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Cela fait beaucoup !
M. Louis de Broissia. C'est moins bon !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous aurions aimé une réponse sur le fond. Or, aucune réponse ne nous est apportée lorsque nous affirmons que la Constitution mentionne des catégories et que l'on ne doit pas, dans une loi organique, prétendre en créer d'autres.
M. le ministre ne nous a absolument pas répondu sur ce point. En revanche, M. le rapporteur a fait un petit effort. Cependant, il n'a pas été convaincant. (Oh ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Ce n'était pas la peine, alors !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il nous a cité, comme je l'avais fait précédemment, la décision du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel n'a peut-être pas à indiquer ce que nous devons faire lorsque nous votons une loi organique. Je le dis comme je le pense : la loi organique, pour moi, est très simple ; elle doit fixer les conditions dans lesquelles est mise en oeuvre la règle selon laquelle « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ». C'est tout ce qu'elle a à faire !
A mon avis, cela ne souffre aucune difficulté parce que l'on sait ce que sont les ressources propres et l'on sait, puisque la Constitution le dit, ce que sont les catégories de collectivités territoriales.
Le Conseil constitutionnel ne dit pas, monsieur le rapporteur, que la loi organique doit définir les catégories. Il dit que la loi organique doit définir ce que sont les ressources propres - évidemment pour chaque catégorie, puisqu'il reprend les termes mêmes de la Constitution.
Ce qu'il demande, c'est que vous définissiez les ressources propres. Vous l'avez fait à l'article 2. Effectivement, vous pourrez, à cet article, pour défendre l'amendement que vous avez su faire adopter à l'unanimité de la commission, vous appuyer sur la décision du Conseil constitutionnel.
En revanche, ce ne sera pas possible pour les catégories ! Il n'a en effet jamais été demandé par le Conseil constitutionnel que soient définies des catégories.
Nos amendements les plus pertinents de toute cette série sont évidemment ceux qui visent à supprimer l'énoncé des catégories de collectivités territoriales dans la mesure où l'alinéa 1er de l'article 72 de la Constitution y procède déjà. C'est la méthode la plus simple.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, nous nous répondons à une heure d'intervalle. Sans doute le rythme des réponses pourrait-il être un peu plus rapide. Si ce décalage peut contribuer à aiguiser notre mémoire, il serait néanmoins utile de le réduire pour améliorer la qualité du dialogue.
Vous trouvez beaucoup de qualités au texte qui a été déposé en octobre 2003 par votre prédécesseur. Vous êtes séduit par son article 1er ; je ne saurais vous en vouloir. Vous avez décliné une liste d'adjectifs, tous plus élogieux les uns que les autres. Tout cela me semble bien normal et je ne vous chercherai pas querelle sur ces qualificatifs.
En revanche, il me semble plus intéressant d'essayer de comprendre pourquoi vous-même ou M. le rapporteur avez avancé que les catégories constituées dans cet article 1er avaient un degré d'homogénéité.
En droit - il n'est pas interdit d'en faire sur un tel sujet -, je n'ai jamais entendu dire que le caractère d'homogénéité était quelque chose d'essentiel à la notion juridique.
Par ailleurs, votre souci d'homogénéité a pour conséquence de réduire de cinq à trois le nombre des catégories alors même que vous avez passé un temps considérable à nous expliquer que les cinq catégories mentionnées à l'alinéa 1er de l'article 72 couvraient parfaitement l'ensemble du champ.
Tout en laissant la possibilité à la loi d'en créer d'autres, vous nous dites cependant que la constitutionnalisation de ces catégories empêchera leur remise en cause en raison de leur inscription précisément dans la Constitution.
Comment faites-vous alors pour préserver ces catégories à l'article 72 et les mettre en cause dans une loi organique qui est censée, si je vous ai bien compris, être un décret d'application de la Constitution ? Je sais bien que, dans toutes les facultés de droit, on apprend que la fonction du décret est de contredire la loi et que la fonction de la circulaire est de la rétablir en contredisant le décret.
En l'espèce, nous n'aurons pas de circulaire.
Par conséquent, vous avez sur ce sujet, me semble-t-il, une position très ambiguë : d'un côté - et nous le verrons à l'occasion des explications sur les amendements suivants -, vous rejetez toute une série de nos propositions au motif qu'elles ne sont pas constitutionnelles ; dans le même temps, vous écartez, vous réduisez, vous malaxez un alinéa parfaitement clair de la Constitution pour forger un article de loi organique qui, lui, ne l'est pas particulièrement. Il constitue en effet des catégories hétérogènes qui, par surcroît, vont produire des ratios dont la signification, comme nous le verrons tout à l'heure, sera à tout le moins limitée.
Quand nos amis du groupe CRC et nous-mêmes proposons la suppression de l'article 1er du projet de loi organique, nous ne souhaitons pas la suppression de la loi organique. Nous avons bien compris que le Conseil constitutionnel vous demandait, en quelque sorte, une règle d'application pour pouvoir en juger.
Si vous supprimez l'article 1er, vous êtes renvoyé à la Constitution - ce qui n'est pas déshonorant -, laquelle a parfaitement défini les catégories de collectivités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud, pour explication de vote.
M. Philippe Arnaud. J'avoue très humblement que, au début de ce débat, j'étais perplexe et ne comprenais pas vraiment le sens de la série d'amendements visant à la suppression de l'article 1er. En effet, il me semblait suffisant, au départ, de se référer à la Constitution.
Au cours de la discussion, je me suis rendu compte qu'une nouvelle série d'amendements visaient, par intégration des EPCI, notamment de ceux à fiscalité propre, à créer une catégorie supplémentaire de collectivité. J'ai été davantage troublé.
Enfin, une autre série d'amendements vise à la création de sous-catégories par tranches de population. Pareillement, j'ai réalisé qu'il y avait une contradiction chez nos amis auteurs de ces amendements entre leur première série et les séries suivantes.
J'ai entendu les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre. Je dois indiquer que, en prenant le contre-pied de ce qui vient d'être dit, ces explications m'ont éclairé.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même rejetterons les amendements de suppression et soutiendrons les amendements présentés par MM. Hoeffel et Mercier. Après ce débat intéressant, les choses me paraissent beaucoup plus claires.
M. le président. Je partage votre appréciation : c'est un très bon débat !
Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 45.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.
M. Bernard Frimat. Je vous avais expliqué - et j'appelle l'attention de l'intervenant du groupe de l'Union centriste sur ce point - que ces amendements avaient une logique et que l'adoption des amendements de suppression aurait évidemment eu pour conséquence de rendre sans objet tous les autres.
Les amendements que nous présenterons par la suite n'ont de sens qu'à partir du moment où l'éventuel rejet de l'amendement n° 44 ouvrirait effectivement la voie à une autre conception de la catégorie puisque le vote sur cet amendement serait en quelque sorte une négation de la Constitution.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez émis un avis défavorable sur l'amendement n° 44.
L'alinéa 1er de l'article 72 crée une liste de catégories. Je vous renvoie à tous les commentaires qui ont été faits bien avant nos débats sur cet alinéa : tous se rejoignent en parlant effectivement de catégories de collectivités territoriales. La Constitution, jusqu'à ce qu'elle soit modifiée, donne donc bien une définition claire et indiscutable des catégories.
La Constitution donne donc une définition claire. Sur ce point, nous avons, monsieur le rapporteur, une divergence.
Il nous faut maintenir cette position. Le seul moyen est de soumettre à l'assemblée le texte même de la Constitution. Vous avez la capacité de le rejeter. Mais si vous le rejetez, par cohérence ou, monsieur le ministre, peut-être par clarté, vous serez obligé de reconnaître que, ce faisant, vous ouvrez la voie à une tout autre conception de la catégorie. A ce moment-là, les autres amendements prennent leur sens une fois ceux-ci refusés.
Voilà ce que je voulais vous préciser puisqu'il me semblait que nous nous étions mal compris.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il est quand même difficile d'arguer que ce terme de catégories est absent de la Constitution.
C'est peut-être vrai sur un plan formel. Cependant, d'une part, ce terme se retrouvait dans une rédaction initiale de l'article 4 et, d'autre part, il a été constamment repris dans leur argumentaire par les ministres et les rapporteurs ainsi qu'au cours de la discussion.
Il est donc difficile d'arguer que la loi fondamentale ne donne aucune définition des catégories des collectivités territoriales : c'est tout à fait le contraire.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel n'a à aucun moment invité le législateur à définir les catégories auxquelles s'applique le principe d'autonomie financière. En revanche, il l'enjoint à définir la notion de «ressources propres» et de «part déterminante». Vous nous l'avez rappelé suffisamment, et vous étendez donc vous-même le champ d'intervention de la loi organique.
Il est souhaitable de retenir cet amendement, car il correspond à l'esprit du premier alinéa de l'article 72 voté voilà moins de deux ans par la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 49.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement vise non pas à créer une nouvelle catégorie qui se substituerait ou s'ajouterait aux autres, mais à compléter la catégorie communale, comme dans l'article 3, où l'on tient compte des ressources des groupements.
Les établissements publics de coopération intercommunale sont en effet des extensions naturelles des communes. Je tenais à apporter cette précision.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. J'ajouterai un argument à ceux que vient de présenter Jean-Claude Peyronnet : le Gouvernement, dans le projet de loi organique, intègre lui-même les établissements publics de coopération intercommunale dans la catégorie des communes. En effet, il est très clairement dit ailleurs dans le projet de loi organique qu'il faut que les ressources des EPCI soient prises en compte dans celles des communes.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, être guidé par un souci de clarté et de lisibilité. J'ai donc du mal à comprendre pourquoi vous refusez d'ajouter dans la catégorie considérée les établissements publics de coopération intercommunale alors que, par ailleurs, vous faites figurer les ressources de ceux-ci parmi les ressources des communes.
Dans ce cas, il ne me semble pas très audacieux de considérer que les EPCI font partie de la catégorie considérée ! S'ils en font partie, pensez-vous renforcer la clarté en occultant ce fait, en ne le signalant pas ? Les EPCI - pas leurs ressources - sont dissimulés.
Monsieur le ministre, soit vous maintenez votre position initiale, qui n'est pas la nôtre, et vous vous en tenez strictement à la catégorie des communes et rejetez tout ce qui a trait aux établissements publics de coopération intercommunale, ce qui, convenons-en, n'aurait pas beaucoup de sens en termes de volume financier et de ressources, soit vous dites clairement et lisiblement ce que vous faites, et vous intégrez les EPCI à la catégorie des communes, car leurs recettes sont prises en compte dans la détermination du ratio.
A défaut, les EPCI seraient en quelque sorte des passagers clandestins de la catégorie des communes. Je ne sais pas si vous pourrez tenir longtemps sur cette ligne en termes d'efficacité et de transparence.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 46.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je suis un peu peiné par la façon caricaturale dont M. le ministre a retenu cet amendement, comme il avait lui-même été peiné hier à la suite de l'intervention de nos collègues. Il s'agit, vous le savez, de mesurer l'autonomie financière réelle des collectivités, en l'occurrence des communes.
Il est tout de même facile de comprendre que mêler dans une même catégorie des communes de 30 habitants et d'un million d'habitants, voire plus, aboutit à des distorsions fondamentales. Il existe peut-être des petites communes de 50, 100 ou 200 habitants ayant des ressources considérables parce qu'elles ont une entreprise importante sur leur territoire, mais ce sont des exceptions.
Ces tranches sont, je le rappelle, celles qui servent à la fixation du montant de la dotation globale de fonctionnement. On aurait pu en choisir d'autres, comme celles, que nous connaissons les uns et les autres, qui sont utilisées par les trésoreries générales pour analyser, par exemple, les ratios d'endettement des communes.
Ces tranches permettent de définir des catégories proches les unes des autres. Certes, des inégalités subsisteront, mais elles seront beaucoup moins fortes. Je crois donc qu'elles sont indispensables. Notre intention n'est pas du tout de gêner en quoi que ce soit le Gouvernement, elle est au contraire d'être plus efficace et d'éviter les distorsions.
La moyenne est trompeuse. Elle peut aboutir à un enrichissement des plus riches et à un appauvrissement des plus pauvres. La moyenne de la catégorie sera toujours satisfaisante, mais, puisqu'il ne s'agit que d'une moyenne, toutes les communes ne seront pas pour autant forcément autonomes, loin de là.
Il est un peu anormal, et je dirais intellectuellement pas très honnête, de nous dire que ce type de découpage est trop compliqué, que les Français ne s'y retrouveront pas. A mon avis, les Français s'en moquent ! Il s'agit, pour le Parlement, de disposer de catégories lui permettant de déterminer si certaines d'entre elles souffrent d'une distorsion en matière de ressources les empêchant d'être autonomes. Il serait plus honnête de distinguer des catégories, car cela permettrait de mieux mesurer l'autonomie financière des collectivités et ainsi de faciliter le travail du Parlement.
Nous dire que ce n'est pas possible n'est qu'une clause de langage : les ordinateurs permettent de faire des choses bien plus compliquées que cela !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai été très frappé par les propos de notre collègue M. Philippe Arnaud. En effet, il semble ne pas savoir ou comprendre ce que sont des amendements de repli.
Il nous a dit avoir relevé des contradictions entre nos amendements de suppression et nos amendements de repli. Evidemment qu'il y en a !
Nos premiers amendements étaient des amendements de suppression. Avec les suivants, nous sommes entrés dans la logique de la majorité, qui propose de créer des catégories, ce qui est inutile car elles existent déjà dans la Constitution. Mais dès lors qu'elle le propose, c'est donc qu'il est possible d'en créer d'autres.
De plus, nos amendements, et particulièrement celui-là, sont cohérents avec l'article 3 du projet de loi, dans lequel aucune distinction n'est faite entre les communes. On y mélange les carottes et les pommes de terre, qui sont certes deux sortes de légumes mais n'ont rien à voir les uns avec les autres !
L'article 3, vous le savez, dispose que sont pris en compte dans le calcul des ressources propres des communes «le montant de la totalité des ressources dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale». Je le dis d'emblée, et nous y reviendrons, c'est impossible, car certaines communes ne font partie d'aucun établissement public de coopération intercommunale. Ces communes ne peuvent donc pas compter les ressources des EPCI dans leurs ressources propres, puisqu'elles ne disposent que de ces dernières, plus, éventuellement, de quelques dotations.
Je rappelle que «pour chaque catégorie, la part des ressources propres est déterminante, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, lorsqu'elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie, compte tenu des compétences qui leur sont confiées ».
Il est évident qu'une toute petite commune de 200 habitants ne disposant d'aucune ressource mais ayant des charges complètes pourra difficilement s'administrer librement. Elle sera comptée parmi l'ensemble des communes. Et puisque, en moyenne, l'ensemble des communes disposera d'une part déterminante de ressources propres leur permettant de s'administrer librement, on considérera que ce sera également le cas de cette petite commune !
C'est impossible ! C'est incroyable ! Voyez-vous où nous allons ? C'est parce qu'il y a cet article 3 que nous souhaitons, s'il y a des catégories, que les communes soient au moins distinguées en fonction de leur taille. Bien sûr, une commune de 500 habitants peut être bien plus riche qu'une autre commune de taille identique, mais les disparités entre ces deux communes sont évidemment beaucoup moins grandes que celles qui existent entre l'ensemble des communes.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de voter l'amendement n° 46.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud., pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Après Jean-Claude Peyronnet et Michel Dreyfus-Schmidt, dont je partage les avis, je ferai quelques observations sur cet amendement relatif à la catégorisation des communes à raison de leur situation démographique.
Il est en effet évident que l'on ne peut décemment pas faire figurer dans un même groupe et traiter de la même manière en termes d'autonomie financière l'ensemble des communes de notre pays, de Revest-du-Bion ou Colombey-les-Belles à Paris, en passant par Courbevoie.
M. Thierry Foucaud. Le groupe CRC l'a dit et je le répète : cette position est injuste.
Devons-nous aller vers la précision que nous invite à valider nos collègues du groupe socialiste ? Je dirais que oui, tout en indiquant que, dans les faits, nous pourrions retenir une classification légèrement plus simple, fixée autour des seuils retenus pour les dotations de solidarité et des quelques outils, hélas limités, de péréquation figurant tant dans le code général des collectivités territoriales que dans le code général des impôts. Mais le fait est que l'on ne peut décemment pas traiter de la même manière l'ensemble de ces collectivités.
En fait, monsieur le ministre, vous ne retenez ni la définition la plus simple possible, comme vous l'avez indiqué, ni surtout la plus large. Il en résultera donc, et nous l'avons démontré, une profonde injustice, ce qui nous a contraint, comme nos collègues socialistes, à demander la suppression de l'article 1er.
Monsieur le ministre, le fait communal est une réalité assez spécifiquement française découlant de l'histoire et de ses aléas, mais aussi de ses avancées. Il doit donc être pris en compte. On pourra d'ailleurs utilement souligner que, bien souvent, plus la population d'une commune est réduite, plus la part relative de ce que l'on appelle, un peu abusivement à notre avis, ses «ressources propres» est faible, au moins du point de vue strictement fiscal. Les uns et les autres ici l'ont dit.
Enfin, nombre de nos communes rurales n'ont bien souvent comme ressources déterminantes, et nous le rappellerons en tant que de besoin, que le montant de la dotation globale de fonctionnement forfaitaire et celui de la dotation de solidarité versée par l'établissement public de coopération intercommunale dont elles sont adhérentes.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. Parce que nous sommes cohérents avec nous-mêmes, nous voterons la proposition qui nous est faite dans cet amendement n° 46.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote sur l'amendement n° 75 rectifié.
M. Gérard Delfau. A la suite du commentaire que vous faisiez tout à l'heure à mon égard, monsieur le ministre, je voudrais vous faire observer que, comme chacun au Sénat, c'est toujours avec la plus grande courtoisie que j'interpelle le Gouvernement.
J'ajoute que je ne le fais que lorsque j'ai le sentiment qu'un argument qui a été avancé dans la discussion n'a pas obtenu de réponse suffisamment détaillée. Or, sur un des points précis que soulève mon amendement, il n'y a pas eu de réponse du tout.
Je peux admettre, écoutant le rapporteur ou vous-même, monsieur le ministre, le raisonnement qui a conduit le Parlement à refuser d'inclure dans la Constitution les établissements publics de coopération intercommunale en les y mentionnant ès qualités. Il y avait du pour et du contre ; nous avons beaucoup débattu et une majorité - dont je n'étais pas - s'est dégagée. Dont acte.
Mais nous examinons maintenant le projet de loi organique d'application de la loi constitutionnelle et celui-ci vise à donner à toutes les collectivités territoriales sans exclusive une autonomie financière reposant sur des ressources propres. C'est là le fond du débat, comme nous le verrons à l'article 2.
Parmi l'ensemble des catégories de collectivités territoriales, il en est une qui est en pleine expansion, dont les responsabilités sont de plus en plus importantes et qui concerne désormais une majorité de Français. Or cette catégorie échappe complètement - parce que vous avez choisi qu'il en soit ainsi - au bénéfice du droit que vous demandez au Parlement d'accorder aux autres catégories de collectivités territoriales.
Avouez qu'il y a un problème ! Comprenez que nous prenions date !
C'est une source de malentendus et, surtout, c'est inéquitable.
Quand j'avance cet argument, vous me renvoyez à l'article 2. Je relis cet article, en particulier son deuxième alinéa, car je pense que c'est à celui-ci que vous faites allusion, et je n'y vois aucune réponse à l'objection que je présente.
Voilà, monsieur le ministre, pourquoi j'ai déposé l'amendement n° 75 rectifié et pourquoi je le maintiens.
J'ajoute que cet amendement est encore plus nécessaire quand il s'agit d'établissements publics à fiscalité propre, et je pense, bien sûr, à ceux qui sont soumis à la taxe professionnelle unique. Dans ce cas précis, il suffirait qu'un gouvernement - je ne vise pas le vôtre, monsieur le ministre, car je vous crédite de bonne foi - prenne unilatéralement une mesure inéquitable pour aussitôt amoindrir l'autonomie financière desdites collectivités territoriales. Ce serait imparable.
J'ajoute que, dans ce cas, d'une façon ou d'une autre, ce sont les communes qui composent l'établissement public qui seraient pénalisées et, sans doute, fiscalisées.
Monsieur le ministre, c'est sur ce point que je voulais vous interpeller tout à l'heure ; je le fais maintenant et je souhaiterais avoir une réponse avant que l'amendement ne soit mis aux voix !
M. Josselin de Rohan. On ne répond plus !
M. Gérard Delfau. Eh bien, c'est malheureux !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 15.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel avant l'article 2 ou avant l'article 3
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 51, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
Au sens du dernier alinéa de l'article 72-2 de la constitution, la péréquation est un élément constitutif de l'autonomie financière des collectivités territoriales.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Nous venons d'achever l'examen de l'article 1er. Pouvons-nous espérer, monsieur le ministre, si ce n'est pas abuser de votre présence, puisque celle de M. de Villepin nous est comptée, que, sur la péréquation, nos explications de vote susciteront autre chose que du silence ? Je sais bien que le silence a la qualité d'être clair, lisible, efficace et qu'il est d'or, mais vous nous avez tellement dit votre attachement au dialogue que nous aimerions que, sur ce point précis, vous mettiez en accord votre discours et vos réponses !
De nombreux orateurs, et M. le rapporteur le premier, ont évoqué la péréquation, notamment dans le débat d'hier soir, dont je tiens quant à moi à saluer la qualité et la sérénité,...
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Bernard Frimat. ...sérénité qui, je l'espère, demeurera, au-delà de la peine que ce débat a pu causer. Je pense d'ailleurs que, l'expérience venant, la peine disparaîtra, étant précisé que nos observations, les miennes notamment, ne s'adressent jamais aux personnes, mais portent sur le texte, d'autant qu'en l'occurrence le texte n'a pas pour auteur la personne qui le défend.
Sur ce point précis, nous sommes tous d'accord : toutes les associations de collectivités territoriales, ainsi, monsieur Fourcade, que le comité des finances locales, bref, chacun de nous sent que nous touchons là à quelque chose d'essentiel si nous voulons faire vivre le principe de la libre administration des collectivités territoriales.
On peut faire tous les discours que l'on veut sur l'autonomie financière, mais l'autonomie financière dans la misère n'a aucun sens.
Il nous semble donc nécessaire, au moment où nous discutons du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, de faire clairement apparaître que, dans l'autonomie financière, il n'y a pas seulement l'autonomie fiscale, il n'y a pas seulement l'autonomie de gestion ; il y a aussi l'exigence d'une péréquation.
La péréquation est un élément constitutif de l'autonomie financière des collectivités territoriales et, parce qu'elle est un élément constitutif, elle a toute sa place dans la loi organique relative à l'autonomie financière.
Il ne s'agit pas à ce stade, je l'ai dit hier soir et je le redis, de descendre dans le détail et de prévoir, dans une loi organique, les dispositifs de péréquation. Nous admettons tout à fait que la description de ces dispositifs relève de la loi ordinaire.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, reconnaissez que nous n'abusons pas du temps. Ces sujets sont sérieux, et je sais qu'ils vous passionnent !
M. le président. Nous sommes l'un et l'autre passionnés !
M. Bernard Frimat. Dès lors que l'autonomie financière ne peut exister sans péréquation, ces deux notions sont liées, et le but de cet amendement est la reconnaissance de ce lien dans la loi organique.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
La péréquation constitue une condition nécessaire de la mise en oeuvre de l'autonomie financière des collectivités territoriales.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Dans la continuité des propos de M. Frimat, je dirai qu'aujourd'hui le véritable problème des collectivités territoriales, notamment des communes, n'est ni celui de l'autonomie fiscale ni même celui de l'autonomie financière, encore qu'il soit important ; il est celui du rapport entre leurs charges et les ressources dont elles peuvent disposer, et ce problème, tout le monde le comprend.
Je ne prendrai qu'un exemple, celui de la dotation de solidarité urbaine.
La DSU a été constituée voilà quelques années pour permettre que des quartiers en difficultés soient refaits, ce qui est aujourd'hui de plus en plus nécessaire.
M. Jean-Jacques Hyest. La DSU n'est donc pas une réussite !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Hyest, la DSU représente l'une des rares dotations de l'Etat qui donne véritablement lieu à péréquation, et, à cet égard, elle a parfaitement réussi. Elle a bien mieux réussi que les autres composantes de la DGF, dont le taux d'inertie est considérable et qui n'ont pas d'effet péréquateur.
Vous savez très bien que la DSU a augmenté au fil du temps. Aujourd'hui, elle doit représenter 3 % de la DGF, c'est-à-dire 1,5 % de l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales.
M. Borloo nous a présenté une loi d'orientation pour la ville et la rénovation urbaine tout à fait intéressante, mais, dans le budget qui a suivi, on a pu constater que les crédits de la ville, comme d'ailleurs ceux du logement, diminuaient de 8 %. Résultat, beaucoup de villes et d'agglomérations sont confrontées à de terribles problèmes financiers. Ces collectivités ne parviennent pas à faire face.
Par conséquent, il serait intelligent, utile et urgent d'accroître la part de la DSU à l'intérieur de l'ensemble des dotations de l'Etat. De même, pour un certain nombre de communes du secteur rural en difficulté, il est absolument nécessaire d'accroître la part de péréquation qui leur revient.
Si l'on met en oeuvre une autonomie fiscale, encore très relative, sans traiter de front en même temps le problème de la péréquation, il est dérisoire de parler d'autonomie. En effet, avoir une autonomie financière, qu'est-ce que cela signifie lorsque l'on n'a pas les moyens de faire face à ses charges ?
Citons l'exemple de la commune de Clichy-sous-Bois : il y a des copropriétés dégradées, des logements sociaux en grand nombre, il y a peu d'activités économiques, très peu de ressources. Que vous voulez-vous que l'on fasse si n'est pas mise en oeuvre une plus grande péréquation ? On peut dire : on va vous donner l'autonomie fiscale et financière ! Mais à quoi cela servira-t-il si ces collectivités ont toujours aussi peu de moyens eu égard à leurs charges ?
C'est pourquoi il est complètement aberrant de vouloir parler d'autonomie sans parler de péréquation : chaque fois que vous nous direz que c'est en dehors du sujet, nous dirons que c'est au coeur du sujet, ou alors le sujet n'a pas de sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je vais donner, au nom de la commission, une réponse commune aux amendements nos 51 et 59 puisqu'ils concernent le même sujet.
Les amendements ne sont pas conformes à la Constitution pour la bonne raison que tout ce qui concerne la péréquation va faire l'objet d'une loi ordinaire alors que nous sommes en présence d'une loi organique. Cela étant, la péréquation est un sujet important.
Aux termes de l'article 72-2 de la Constitution, la péréquation ne relève pas de ce texte, mais le développement de l'autonomie financière locale, nous le savons, risque de se traduire par un creusement des inégalités entre collectivités,...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. ... les bases des impôts locaux étant inégalement réparties sur le territoire national.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Le renforcement de la péréquation, mais cela viendra en son temps, constitue donc l'indispensable corollaire au problème que nous traitons aujourd'hui.
La loi de finances pour 2004 a rénové l'architecture des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales. La DGF se compose désormais pour chaque niveau de collectivités, y compris les régions, d'une dotation forfaitaire, d'une part, et d'une dotation de péréquation, d'autre part.
M. Jean-Pierre Sueur. Dont on ne connaît pas le montant !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cette double dotation a été introduite par la réforme de la DGF qu'ici même, en décembre 1993, j'avais défendue.
Rappelons tout de même que l'agrégation de diverses dotations a permis de multiplier par deux son montant, qui atteint près de 37 milliards d'euros. Cela n'est pas négligeable et permet ainsi de dégager des marges de manoeuvre supplémentaires en faveur précisément de la péréquation.
Il importe désormais de réformer les critères de répartition de ces dotations.
Le comité des finances locales, présidé par notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade, a examiné, le 28 avril dernier, les conclusions du groupe de travail qu'il avait constitué en juillet 2003 afin de préparer cette réforme, laquelle pourrait intervenir dans le cadre de la loi de finances pour 2005.
La commission des finances, la commission des affaires économiques et la délégation du Sénat à l'aménagement du territoire, présidée par notre collègue Jean François-Poncet, ont formulé ? cela a été rappelé lors de la discussion générale hier ?, sur le rapport de notre collègue Claude Belot, des propositions tendant à renforcer la péréquation entre départements en retenant un indice synthétique des charges pesant sur ces collectivités. Elles examinent désormais les conditions de renforcement de la péréquation entre les régions.
Ces travaux ne manqueront pas d'éclairer utilement les prochains débats. Si les amendements présentés ne sont pas conformes à la Constitution, il n'en est pas moins vrai que le problème de la péréquation devait être posé. Mais d'ores et déjà, les travaux préparatoires ont été engagés pour en faire une réalité.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 51 et 59, mais elle n'en relève pas moins l'importance du sujet évoqué.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Avant de délivrer l'avis du Gouvernement, je souhaiterais rebondir sur l'observation de M. Frimat. Il s'interrogeait sur les raisons pour lesquelles je n'avais pas répondu à l'intervention prononcée à l'occasion des explications de vote, relative aux avis du Gouvernement sur les différents amendements présentés.
Je suis attentif au respect des usages et je crois savoir que, dans la Haute Assemblée, il n'est pas d'usage de répondre de manière systématique aux explications de vote. Je crois donc avoir été, de ce point de vue, suffisamment clair.
Pour le reste, monsieur Frimat, je ne vous apprendrai rien en vous disant que ce n'est pas mon genre de refuser le débat. Au contraire, je suis plutôt de ceux qui adorent cela et qui n'hésitent jamais, lorsqu'il s'agit d'aller au feu, à rappeler ce que sont nos convictions.
Mais vous comprendrez qu'il nous faut là aussi faire la part des choses et donner, une fois que l'assemblée est éclairée, tout le temps nécessaire à la suite du débat.
Que pouvais-je dire à M. Delfau ? J'ai bien entendu son explication de vote, j'ai bien compris qu'il souhaitait prendre date en ce qui concerne la montée en puissance des EPCI. Que dire de plus, si ce n'est que j'en ai pris bonne note et qu'il nous appartient à tous de respecter l'esprit et la lettre de la Constitution.
Pour revenir maintenant au sujet qui vous occupe à travers cet amendement, comme l'a rappelé M. Hoeffel, il est un moment pour chaque chose. Comment imaginer qu'ici, dans cette assemblée, certains ne se préoccupent pas de la péréquation ? C'est impossible ! La péréquation est bien une idée qui n'est ni de droite ni de gauche. La péréquation, c'est la solidarité, c'est la justice, c'est l'équité.
M. Jean-Pierre Sueur. Elle a diminué depuis le début 2004 !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Qui dans cet hémicycle peut s'opposer à cette idée dès lors que l'on est attaché aux valeurs républicaines ? Mais là encore, il faut, semble-t-il, faire les choses dans le bon ordre.
M. Michel Charasse. La quadrature du cercle !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je suis obligé de vous rappeler que la Constitution, à travers cette loi organique, nous incite à traiter non pas la péréquation, mais l'autonomie financière.
Un certain nombre de personnes ici, M. Charasse notamment, sont très attentifs à ce que nous respections scrupuleusement la lettre des institutions.
M. Jean-Pierre Sueur. Ne faites pas parler M. Charasse, il parle tout seul !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je le voyais approuver.
Vous comprendrez qu'il était opportun de ne pas mélanger les genres, sur ce point en tout cas. C'est la raison pour laquelle je souhaite vous rassurer : nous aurons, le moment venu, un vrai, beau et grand débat sur la péréquation...
M. le président. Monsieur le ministre, un débat le plus tôt possible s'il vous plait.
M. Gérard Delfau. Merci, monsieur le président !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, comme vous le savez, je suis moi-même d'un tempérament terriblement impatient,...
M. le président. C'est exact !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... et je ne peux donc que vous rejoindre sur ce point.
Le comité des finances locales a fait un gros travail dans ce domaine. A ce titre, les résultats de la première réforme, à savoir la dotation, sont déjà intéressants : la simplification opérée a permis un véritable progrès. On est passé, par exemple, de 40% à 33% en ce qui concerne les écarts entre communes.
M. Jean-Pierre Sueur. De quelle date à quelle date ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Entre 1994 et aujourd'hui ! On progresse dans tous les domaines.
Mais puisque vous m'interpellez, monsieur Sueur, je ne résiste pas !
Je vous ai vu, tout à l'heure, lever assez fièrement l'étendard de la contribution de vos amis et de vous-même à la péréquation. Permettez-moi de dire aux uns comme aux autres que, dans le domaine de la péréquation, chacun a, de manière très républicaine, apporté sa contribution : effectivement, la DSU, en 1991, c'est vous, monsieur Sueur ! Mais c'est bien la loi Hoeffel qui, en 1993, l'a améliorée et a même créé la dotation de solidarité rurale, ou DSR.
M. Jean-Pierre Sueur. Elle ne l'a pas améliorée !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Puis, en 1995, la loi Pasqua a créé le fonds national de péréquation. Et on pourrait ainsi continuer...
Monsieur Sueur, reconnaissez que, en tout état de cause, s'il fallait décerner, en cette période festivalière, la Palme d'Or, notre gouvernement, qui a inscrit dans la Constitution le principe de la péréquation, serait en bonne place. Pouvait-on imaginer mieux et plus courageux ? Cela ne vous a sans doute pas échappé !
M. le président. Sur incitation du Sénat, monsieur le ministre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez tout à fait raison de le souligner, monsieur le président. En effet, dans ce domaine, la contribution du Sénat a été absolument majeure.
Voilà donc la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 51 et 59. N'y voyez aucune hostilité à la réflexion et à l'amélioration du principe, mais nous devons respecter précisément la lettre de la Constitution dans l'esprit de cette loi organique.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 51.
M. Bernard Frimat. Monsieur le rapporteur, vous avez prononcé sur nos deux amendements un éloge funèbre (Sourires.) puisqu'il s'est conclu par un avis défavorable. J'ai d'ailleurs senti toute la difficulté que vous aviez à le formuler tant votre attachement à la péréquation est grand.
Mais je me permets de vous dire que mon interprétation de la Constitution qui, jusqu'à ce qu'elle soit changée, est notre bien commun est légèrement différente de la vôtre.
L'article 72-2, alinéa 5, dispose : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. » Or, en relisant l'amendement que j'ai signé avec mes amis, je ne vois nulle part qu'il s'agisse de dispositifs de péréquation. Je ne conteste pas un seul instant que les dispositifs de péréquation soient du domaine de la loi ordinaire.
Comme nous l'avons vu ce matin en commission, vous évoluez selon un rythme binaire qui consiste à nous répondre : ce n'est pas du domaine de la loi organique ou c'est contraire à la Constitution. Je pense que nous allons rythmer notre différence sur ces deux termes.
Reprenons les termes de votre éloge même si je n'en partage pas la conclusion : à partir du moment où vous indiquez qu'il est essentiel de réaliser la péréquation, et vous avez constaté l'impatience de M. le président à pouvoir se saisir de ce sujet, il est évident qu'elle est étroitement liée à la notion de l'autonomie financière.
L'autonomie financière ne se réduit pas ? et j'ai compris que c'était votre position, monsieur le ministre ? à l'autonomie fiscale. Notion large et complexe, l'autonomie financière implique, pour les communes les plus pauvres, sauf à être un leurre - dans ce cas, ce projet de loi organique relèverait non plus du débat politique mais de l'art abstrait -, la mise en oeuvre du principe de péréquation. Sauf à se livrer à cette extrémité, nous sommes donc bien en présence d'un élément constitutif de la notion d'autonomie financière.
Si ce principe est constitutif de la notion d'autonomie financière comme l'indique cet amendement, ce dernier a bien évidemment toute sa place dans la loi organique. C'est la raison pour laquelle nous le maintenons et nous le défendons en espérant vous avoir convaincu du bien fondé de notre interprétation et, avec grand regret, du caractère erroné de celle que vous avez pourtant brillamment présentée.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Dans ce débat, il y a le fond et il y a la forme. Que le Gouvernement ne souhaite pas introduire les péréquations dans la loi organique, c'est son droit, et il faut le respecter. Que le groupe socialiste souhaite le contraire, c'est son droit aussi.
Malgré tout, je ne peux pas laisser passer ce que j'ai entendu sur la conformité à la Constitution des amendements nos 51 et 59 de mes amis socialistes, qui ont à peu près le même objet, sans réagir.
Mes chers collègues, la Constitution prévoit que les péréquations sont réglées par la loi, ce qui est incontestable. Mais, dans un texte qui concerne l'autonomie financière des collectivités territoriales, il n'est pas interdit de dire que, dans le champ de l'autonomie financière, il y a la péréquation.
MM. Bernard Frimat et Jean-Claude Peyronnet. Très bien !
M. Michel Charasse. Bien entendu, si mes amis proposaient de régler par ces amendements les modalités de la péréquation, ...
M. Bernard Frimat. Ce n'est pas le cas !
M. Michel Charasse. ... je ne serais alors pas d'accord, car de telles dispositions sont du domaine non pas de la loi organique, mais de la loi ordinaire.
Pour autant, le fait de dire que la péréquation est un élément essentiel de la liberté locale, qui se traduit notamment à travers l'autonomie financière que le ministre rappelait il y a un instant, n'est pas du tout contraire à la loi organique.
J'ajouterai un point que les collègues juristes de cette assemblée connaissent. Si, par inadvertance, et cela arrive souvent, le Parlement « glisse » dans une loi organique une disposition de loi ordinaire, le Conseil constitutionnel ne déclare pas, par principe, cette adjonction non conforme. Il la déclasse en procédant ainsi : examinant l'ensemble de la loi, il constate que tel article, n'étant pas du domaine de la loi organique, n'est pas pour autant contraire à la Constitution, et décide donc de le déclasser en loi ordinaire pour apprécier ensuite s'il est ou non conforme à la Constitution ou à la loi organique.
Par conséquent, monsieur le ministre, il vaudrait mieux argumenter sur le fond que sur un obstacle constitutionnel qui n'existe pas.
M. Bernard Frimat. Très bien !
M. Michel Charasse. Il existerait, je le redis, si les amendements nos 51 et 59 avaient pour objet de fixer les règles de la péréquation ou d'en déterminer les modalités pratiques. Or ce n'est pas le cas.
Par conséquent, à partir du moment où nous précisons ce qu'il doit y avoir dans l'autonomie financière, il est parfaitement loisible à certains collègues, notamment de mon groupe, de dire que la péréquation doit en faire partie.
Monsieur le rapporteur, je suis désolé d'être en désaccord avec vous et avec le Gouvernement sur ce point de forme : il n'y a pas d'incompatibilité constitutionnelle entre les deux amendements et l'article 72-2 de la Constitution, puisque ces amendements ne déterminent pas les modalités de mise en oeuvre de la péréquation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Charasse, je voudrais vous répondre tant sur la procédure que sur le fond.
M. Michel Charasse. Je n'ai pas abordé le fond !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En ce qui concerne le point de procédure en question, c'est la première fois de ma vie que je défends, ici, un projet de loi organique.
M. Michel Charasse. Cela s'arrose !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Comprenez que je jugerais assez peu glorieux de me trouver, pour cette première, « déclassé » ! (Sourires.)
Vous pouvez donc imaginez que j'essaie, au moins pour la première fois, d'être rigoureux, afin d'établir une sorte de jurisprudence pour la suite.
Sur le fond, monsieur Charasse, vous avez souligné avec justesse le fait que j'aurais dû peut-être aller un peu plus loin dans ma réponse. Au demeurant, il existe entre nous un point de divergence important : selon nous, il faut vraiment, dans l'intérêt du débat, distinguer la péréquation de l'autonomie financière.
J'ai la conviction qu'intégrer la péréquation dans le concept d'autonomie financière aboutirait à un contresens. En effet, la péréquation relève de la compétence de l'Etat qui, par le versement des dotations, met en oeuvre la solidarité. Or, si l'on demande aux collectivités territoriales, à qui l'on donne l'autonomie financière d'intégrer dans cette dernière leur propre rôle de solidarité territoriale, où est, alors, la place de l'autonomie ?
Il me semble donc vraiment indispensable de séparer ces deux notions, ce que le constituant a d'ailleurs fait avec beaucoup de sagesse. Si je prends le temps de le redire ici, c'est parce que, sur cet élément du dossier, il ne doit y avoir entre nous aucune ambiguïté. C'est important, y compris pour la suite. Rappelez-vous les mots clefs qui sous-tendent notre action : clarté, transparence, lisibilité, cohérence, efficacité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Tout d'abord, sur un plan général, je voudrais me réjouir de ce que, pour la première fois à ma connaissance depuis de nombreuses années, le Sénat consacre autant de temps au principe de péréquation, à savoir, pour le dire dans le langage de tous les jours, la recherche d'une meilleure égalité des ressources entre les territoires qui connaissent des disparités considérables.
M. le président. Je vous remercie, monsieur Delfau, de cette observation.
M. Gérard Delfau. De nombreux orateurs ont pu ainsi s'exprimer : notre éminent rapporteur, M. Hoeffel, plusieurs de nos collègues, M. le ministre, mais vous aussi, monsieur le président. Nous avons pu vous entendre tout à l'heure presser le Gouvernement d'accélérer le calendrier sur un sujet qui devient maintenant urgent.
De ce point de vue, la démonstration si brillante, si percutante, de notre collègue Michel Charasse sur l'adéquation des amendements nos 51 et 59 au présent texte de loi me dispense d'argumenter à mon tour.
En revanche, monsieur le rapporteur, je voudrais saisir votre formule au bond et vous dire à quel point je la fais mienne. Selon vous, la péréquation n'est peut-être pas un élément constitutif, mais c'est le corollaire indispensable de l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Dans ces conditions, prenons ensemble les décisions nécessaires pour que cet accord général entre en application. Je ferai tout à l'heure une proposition concernant l'article 2. Au demeurant, ne laissons pas croire que l'autonomie financière des collectivités territoriales peut, si peu que ce soit, se passer de la solidarité nationale que représente le principe de péréquation. Si, au sortir de ce débat, nous en sommes convaincus, alors, nous aurons pris le bon chemin et le Sénat aura fait un travail utile pour la nation.
M. Bernard Frimat. Très bien !
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Premièrement, monsieur le ministre, je souhaite revenir sur le chiffre que vous avez donné tout à l'heure. Vous avez en effet déclaré qu'il y avait eu une réduction de 30 % des inégalités entre les collectivités. Je vous avais alors demandé d'où sortait ce chiffre et à quelle période il faisait référence.
Je vais vous donner la réponse, car tout doit être dit : ce chiffre, très connu, est extrait d'un rapport du Commissariat général du Plan, intitulé Effets redistributifs des dotations de l'Etat aux communes, dans lequel sont présentées des évolutions chiffrées pour la période 1994-1997. Une lecture attentive de ce rapport très intéressant nous apprend que la dotation forfaitaire de la DGF contribue à elle seule à 60 % de la réduction de 30 % des inégalités entre les collectivités.
Or, par définition, la dotation forfaitaire n'est pas péréquatrice puisqu'elle est forfaitaire. Quand bien même on voudrait la considérer comme péréquatrice, il faudrait lire avec attention ce qu'écrivent les auteurs de ce rapport, qui soulignent le caractère de plus en plus obsolète des éléments entrant dans le calcul de la dotation forfaitaire.
Les statistiques présentées dans ce rapport sont donc très connues et ont donné lieu à de nombreux débats avec leurs auteurs, MM. Guenguant et Gilbert. Toutefois, le rapport ne montre pas, malheureusement, que la question de la péréquation peut être écartée, au motif que ce chiffre de 30 % aurait une crédibilité s'agissant de l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Par conséquent, le pourcentage réel de réduction des inégalités entre les collectivités, quand la dotation forfaitaire est exclue du calcul pour les raisons que j'ai évoquées, est malheureusement bien inférieur.
Deuxièmement, monsieur le ministre, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que le passage de la dotation de développement rural, la DDR, à la DSR, constitue une amélioration. En effet, la DDR reposait sur l'intercommunalité et sur des projets portés par des communautés ayant un véritable impact sur le développement rural. Au contraire, malheureusement - je n'en fais d'ailleurs grief à personne, mais c'est la réalité -, la DSR se traduit, pour la majorité de son montant, par une dispersion de crédits très forte, puisque 32 000 à 33 000 communes perçoivent des sommes qui sont extrêmement modestes.
Troisièmement, monsieur le ministre, au moment même où vous inscriviez le mot « péréquation » dans la Constitution, celle-ci, comme M. Mercier le note dans son rapport sur la dernière loi de finances, diminuait effectivement entre 2003 et 2004. Nous pourrions d'ailleurs parfaitement en expliquer les raisons, mais ce n'est pas ici le lieu pour le faire. Par conséquent, il faut relativiser ce que vous avez bien voulu dire en réponse à nos propos.
Pour conclure, je crains que nous ne nous trouvions dans un phénomène perpétuel de fuite en avant. Lorsque nous avons demandé des précisions sur ces questions lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle, vous nous avez répondu que cela ne relevait pas du niveau de la loi constitutionnelle. Nous allons examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif aux responsabilités locales. Nous avons demandé des explications sur le financement au moment de la première lecture. Il nous a été dit que tel n'était pas le sujet et que ces questions seraient traitées dans un projet de loi organique.
Nous voici donc en train d'examiner ce texte aujourd'hui. A sa lecture, nous constatons que la part des ressources propres est déterminante « au sens de l'article 72-2 de la Constitution ». Or, quand nous nous rendons dans nos cantons, dans nos communes, dans nos départements, nous sommes bien en peine d'expliquer le contenu de la réforme : après la Constitution, après le présent projet de loi organique, après le projet de loi relatif aux responsabilités locales dont l'examen sera achevé avant ou après l'été, qu'aurons-nous donc ? Eh bien ! nous aurons un projet de loi sur la péréquation. Peut-être réussirons-nous un jour à discuter des finances locales, c'est-à-dire des moyens pour les collectivités en difficulté de faire face à leurs charges.
Pour l'heure, et depuis maintenant un certain temps, nous attendons... Nous sommes, certes, pleins de bonne volonté, mais nous serions tout de même satisfaits que des mesures concrètes nous soient présentées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. J'ai écouté avec attention les arguments avancés tant par M. le rapporteur que par M. le ministre, qui s'est dit tout à l'heure prêt à « aller au feu ». J'ai pu observer que certains essayaient de « dresser des barricades », progressivement, pour essayer de limiter l'effet des amendements nos 51 et 59. En effet, ces amendements traversent incontestablement les esprits et font oeuvre de conviction dans cette assemblée.
La « barricade » concernant la loi constitutionnelle est déjà tombée. Michel Charasse, avec beaucoup de brio, a démontré à quel point l'argument ne tenait pas.
M. le ministre a essayé d'élever une autre barricade en soulignant la nécessité de procéder dans le bon ordre, d'abord le projet de loi constitutionnelle, puis le projet de loi sur les transferts de compétences, enfin, le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, on nous dit qu'il faut respecter l'ordre prévisionnel de discussion des textes. Je tiens toutefois à souligner que c'est le Gouvernement qui a décidé de changer l'ordre initialement prévu en demandant au Parlement d'examiner le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales avant de discuter en deuxième lecture du projet de loi sur les transferts de compétences. Cela indique bien que la pression de l'opinion, des collectivités et des élus, leur totale incompréhension de ce que prépare le Gouvernement en matière de décentralisation, conduit à changer l'ordre lorsque c'est nécessaire.
Alors, pourquoi ne pas à nouveau modifier l'ordre dès lors que l'on considère que la péréquation constitue un levier essentiel et que, comme l'a indiqué M. Bernard Frimat, le principe de péréquation est constitutif de l'autonomie ?
Le Gouvernement, je l'ai dit hier, adopte cette position parce qu'il a une vision et une perception réductrices de ce qu'est l'autonomie. L'autonomie de gestion, qui est pour nous un élément essentiel, est secondaire à ses yeux.
Dans certains pays du Nord de l'Europe, notamment en Suède et au Danemark, mais aussi en Allemagne, bien que la péréquation soit très importante et l'autonomie fiscale, au sens strict, très étroite, l'autonomie de gestion reste très grande.
Je considère que la péréquation est une condition nécessaire à l'exercice d'une véritable autonomie dans les collectivités les plus modestes. Je souhaite que le Sénat admette le bien-fondé de ces amendements qui visent à intégrer dans la loi organique la reconnaissance du principe de la péréquation comme un élément constitutif de l'autonomie.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 2
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La péréquation a pour objet de corriger les inégalités de ressources entre collectivités territoriales eu égard à leurs charges respectives.
Elle prend la forme à la fois de dotations de l'Etat visant à une action de solidarité au bénéfice des collectivités les moins favorisées, et de mécanismes de solidarité entre collectivités.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je présenterai en même temps les amendements nos 52 et 53, qui portent tous deux sur la péréquation.
Les explications que nous ont apportées MM. Frimat et Charasse sont particulièrement pertinentes.
Monsieur le ministre, je pense que vous faites un contresens lorsque vous déclarez que l'autonomie financière des collectivités ne comprend pas la péréquation. En effet, cela revient à limiter l'autonomie financière des collectivités aux seules ressources fiscales. Or il est de notoriété publique, de constat quotidien, que de nombreuses collectivités, des communes en particulier mais aussi des départements, ne pourraient pas vivre sans des dotations complémentaires versées par d'autres collectivités et surtout par l'Etat.
C'est grâce à ces dotations que la péréquation peut fonctionner. Autrement dit, la péréquation fait partie intégrante de l'autonomie des collectivités territoriales.
En fait, tout dépend de la définition même de l'autonomie. Des éléments précis ont été versés au débat. Monsieur le ministre, je considère, je le répète, que vous faites un contresens. L'amendement n° 52 peut vous être d'une grande utilité puisqu'il définit précisément ce qu'est la péréquation, laquelle ne se réduit pas, comme vous semblez le croire, à des dotations entre collectivités.
Dans cet amendement, il est fait référence à deux formes de péréquation : les dotations entre les collectivités, qui permettent de lisser un certain nombre de disparités entre les collectivités riches et les collectivités pauvres, et, surtout, les dotations versées par l'Etat, dotations pérennes que le Parlement peut moduler de façon diverse et variable dans le temps en fonction des besoins des collectivités. L'amendement n° 52 tend donc à définir l'objectif ultime de la péréquation.
Quant à l'amendement n° 53, il vise à contraindre le Gouvernement, lorsqu'il crée, étend ou transfère une compétence, à prévoir systématiquement un mécanisme de péréquation.
Un tel mécanisme aurait été particulièrement utile lorsqu'on a réalisé les transferts que vous savez. Vous allez sans doute me parler de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA. Mais c'est la même chose pour le RMI-RMA - j'anticipe, monsieur le ministre.
Tout transfert de ce type devrait donc être précédé par une étude d'impact approfondie visant à déterminer les capacités contributives et de financement des différentes collectivités et à établir un mécanisme de péréquation afin que les collectivités puissent assumer les charges qui leur sont ainsi transférées.
Tel est l'objet de ces deux amendements que je demande bien entendu au Sénat d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'ai indiqué tout à l'heure, dans un argumentaire que je crois assez complet, la position de la commission sur tous les amendements relatifs à la péréquation.
Sur la forme, les modalités d'application de la péréquation qui nous sont proposées ne sont manifestement pas conformes à la Constitution.
Cela ne veut pas dire que nous érigeons quelque barrière ou barricade que ce soit devant un débat sur la péréquation. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, le Sénat prépare de nouvelles modalités de péréquation applicables aux collectivités territoriales.
L'autonomie financière est au coeur de notre débat. La discussion sur les modalités de la péréquation viendra en son temps.
Je rappelle aussi qu'il est plus facile de pratiquer la péréquation dans une période de haute conjoncture que dans une période de conjoncture économique et budgétaire difficile. En effet, les dotations supplémentaires versées à certaines collectivités doivent alors être prélevées sur le budget d'autres collectivités.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est là que la péréquation cesse d'être un concept populaire.
M. François Marc. C'est pour cela que l'on baisse l'impôt sur le revenu !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, mon avis est, au mot près, identique à celui de M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur. Quelle cohérence !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Une telle coïncidence est suffisamment rare pour être soulignée.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La péréquation, telle que définie par l'article 72-2 de la Constitution, permet de donner à chaque collectivité territoriale des capacités financières équivalentes à celles des collectivités territoriales de sa catégorie et de sa strate.
Aussi, les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales compensent les inégalités en matière de bases d'impôts locaux existant entre les collectivités territoriales.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte lui aussi sur la péréquation des ressources entre les collectivités locales.
Comme nous l'avons indiqué, les ressources propres des collectivités territoriales sont parfois si faibles au regard des charges qui leur incombent qu'il convient de procéder à quelques menues corrections.
Dans ce domaine, les outils sont peu nombreux. Il s'agit, pour l'essentiel, de dispositions marginales du code général des impôts ou de la répartition de la dotation d'aménagement, de plus en plus souvent captée par la dotation d'intercommunalité.
On peut, certes, assigner à la loi l'objectif de favoriser le rééquilibrage des ressources des collectivités territoriales. Le tout est de savoir comment.
Si nous pouvons nous étonner que le présent projet de loi organique ne porte aucune modification de la situation des collectivités locales en matière de péréquation des ressources -je rappelle que tel est pourtant l'objectif du dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution -, nous pouvons aussi nous demander comment parvenir à mettre en oeuvre cette péréquation.
La réalité commande de dire que les différents outils de péréquation dont nous disposons n'ont le plus souvent été conçus qu'au travers d'une forme de discrimination positive conduisant à répartir autrement le volume des dotations budgétaires attribuées par l'Etat ou des produits fiscaux votés par les collectivités locales.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Hoeffel, j'ai un point de vue différent. N'est-ce pas vous qui, à l'automne 1993, avez soutenu une réforme de la dotation globale de fonctionnement visant à geler en francs courants la dotation forfaitaire et à limiter au seul bénéfice de la dotation d'aménagement les faibles crédits alloués par l'Etat aux collectivités au titre de la dotation complémentaire ?
N'est-ce pas vous, aussi, qui avez défendu le principe d'une variation de l'enveloppe globale de la DGF, favorisant ainsi la croissance de la dotation d'aménagement au détriment de la dotation forfaitaire dont le pouvoir d'achat n'a, vous le savez, cessé de se dégrader depuis cette date ?
La même analyse pourrait d'ailleurs s'appliquer à d'autres outils de péréquation. Chaque fois, la péréquation est un jeu à somme nulle avec des petits plus pour certains et quelques moins pour les autres.
Au-delà des objectifs assignés à la péréquation - mission nécessaire de régulation de l'Etat -, il convient de déterminer aujourd'hui des mécanismes de financement performants afin de l'alimenter durablement et de permettre ainsi aux collectivités locales de répondre aux besoins des populations.
Dans cette optique, notre proposition essentielle est d'instituer une taxation des actifs financiers des entreprises au titre de la taxe professionnelle, taxation qui permettrait de dégager les moyens objectifs d'une véritable péréquation.
Selon nos estimations, c'est l'équivalent du tiers de l'actuelle DGF, et donc bien plus que la seule dotation d'aménagement, qui serait ainsi mobilisable au titre de la péréquation des ressources. Chaque élu local peut d'ailleurs faire lui-même le calcul.
Imaginez ce que pourrait représenter, dans la vie concrète et quotidienne des habitantes et des habitants d'une commune, d'un EPCI ou d'un département, un accroissement de ressources équivalent au tiers de l'actuelle DGF ? C'est bien sûr dans cet esprit que nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement, lui aussi relatif à la péréquation, fait l'objet d'un avis identique à celui que j'ai exprimé tout à l'heure sur des amendements ayant le même objet.
M. Foucaud a mis l'accent sur certaines difficultés que soulève la mise en oeuvre d'un système de péréquation. Il a rappelé la loi de 1993. La loi de finances pour 2004 a franchi une étape supplémentaire.
Pas à pas, étape après étape, et compte tenu des moyens budgétaires, cette péréquation prend forme. Il était bon que le sujet soit évoqué mais, du point de vue du texte, elle n'a pas, sous la forme des amendements présentés, sa place dans le présent projet de loi organique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec ces réponses réitérées, nous sommes en plein irréalisme. En effet, à la suite des grandes difficultés que suscitait le texte relatif aux responsabilités locales - il fallait revoir, rediscuter certains points -, pour rassurer les élus, pour leur apporter des réponses, votre gouvernement a proposé que le présent projet de loi organique soit discuté avant la deuxième lecture du projet de loi relatif aux responsabilités locales.
M. Jean-Pierre Sueur. Je crois que, sur ce point, nous pouvons être clairs. Cela voulait dire que vous alliez donner quelques garanties aux élus locaux avec le présent texte. Or je ne prendrai qu'un exemple. Dans le texte relatif aux responsabilités locales, il est prévu de donner aux régions des compétences en matière hospitalière. Ainsi, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, le président de cette région, M. Vauzelle, se verra proposé de payer pour les hôpitaux, comme les présidents des régions Limousin, Nord-Pas-de-Calais ou Alsace.
M. Josselin de Rohan. Il pourra le faire ou ne pas le faire !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes. Mais la question que vont se poser ces présidents de région est la suivante : comment va-t-on assurer le financement ?
M. Josselin de Rohan. Il ne fallait pas promettre !
M. Jean-Pierre Sueur. Si les amendements des commissions sont adoptés, ces élus vont apprendre que le taux d'autonomie fiscale de leur collectivité est au minimum de 33 %. Eh bien, quand vous aurez mis cela dans leur besace, cette garantie remarquable selon laquelle ils auront droit, dans les temps futurs, à au moins 33 % d'autonomie fiscale, alors qu'ils ont actuellement 35 %,...
M. Charles Gautier. Quel progrès !
M. Josselin de Rohan. Avant vous, c'était 60 % !
M. Jean-Pierre Sueur. ...croyez-vous vraiment qu'ils seront rassurés et pourront faire face aux dépenses hospitalières, à toutes les nouvelles compétences, notamment les personnels TOS ?
Vous le constatez, en limitant ainsi le débat, en refusant de voir le problème dans son ampleur, on n'apporte aucune réponse. Et ce faisant, on reviendra - je ne sais pas si ce sera avant l'été, après l'été, à l'automne, cet hiver ou au printemps - au texte relatif aux responsabilités locales sans avoir avancé d'un pas sur les garanties financières.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour traiter de tous ces points, qui sont importants - je ne suis pas, bien sûr, en situation de tout vous dire dans le détail -, je vous propose d'aborder l'article 2, car nous allons alors parler d'autonomie financière. C'est donc à l'occasion de l'examen de cet article, et non pas dans des digressions certes passionnantes mais avant ledit article, que l'on va en débattre. Il va de soi que je répondrai sur les points sur lesquels je suis en mesure de le faire. Mais avançons !
M. Jean-Pierre Sueur. Marchons !
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La péréquation, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, profite notamment aux collectivités territoriales dont le potentiel fiscal est faible et dont la proportion de logements sociaux est particulièrement importante.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Comme nous, vous pouvez observer, à l'occasion de la discussion de cette loi organique, l'absence de toute considération sur la péréquation des ressources entre collectivités locales. La question mérite pourtant d'être analysée dans le cadre du présent projet de loi puisqu'elle figure en toutes lettres dans l'article 72-2 de la Constitution.
Or, dans la présente loi organique, présentée comme un impératif institutionnel par le rapporteur M. Daniel Hoeffel, qu'en est-il des dispositifs de péréquation ? Il n'en est rien, et aucune disposition tendant à améliorer ce principe pourtant constitutionnalisé ne figure dans le texte qui nous est soumis. Pourtant, rien ne nous l'interdit, comme l'a rappelé justement notre collègue M. Michel Charasse.
Cela étant dit, on ne peut manquer de faire une analyse, même succincte, des dispositifs existants, dont la portée est particulièrement limitée. En effet, comme l'a rappelé mon ami et collègue Thierry Foucaud, le principal outil de péréquation dont nous disposons est la dotation globale de fonctionnement, et que l'on nous comprenne bien, telle qu'elle ressortissait de l'économie de la réforme de 1993.
Parce que la DGF comprend une dotation forfaitaire et une dotation d'aménagement chapeautant la dotation d'intercommunalité et les dotations de solidarité urbaine et rurale, elle est l'outil essentiel - elle l'était en tout cas - de la péréquation des ressources des collectivités locales. L'équilibre fragile qui résultait de cette architecture a d'ailleurs été rompu par l'intégration de la compensation pour la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle, qui a cristallisé les disparités de ressources entre collectivités. On pourrait d'ailleurs s'interroger aujourd'hui sur la réalité des différences de DGF attribuée aux divers échelons de collectivités territoriales. Mais c'est un autre débat.
S'agissant de la péréquation opérée sur le produit de la taxe professionnelle notamment, force est de constater qu'elle a quasiment disparu avec la réforme de la taxe et qu'elle ne représente plus aujourd'hui qu'une portion congrue des produits fiscaux, monsieur le ministre.
Cela dit, il y a péréquation et péréquation. Tout ce que nous connaissons aujourd'hui est, de manière générale, fondé sur une sorte de mutualisation de la même recette ou de la même dotation. C'est un peu comme si la péréquation était un gâteau dont on ne ferait que couper les parts autrement, sans prendre le temps de le rendre plus appétissant. La véritable question est bel et bien de faire en sorte que nous disposions d'outils de péréquation efficients, dont la portée et l'importance seront suffisantes pour tenir l'objectif d'égalité de ressources inscrit dans le marbre du texte constitutionnel.
Quant à la question des critères, qui est posée à travers le présent amendement, chacun aura compris qu'elle découle naturellement de l'analyse que nous venons de produire.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter le présent amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. S'agissant toujours de la péréquation et pour les raisons qui ont été exposées tout à l'heure, tout en ayant écouté attentivement le plaidoyer de notre collègue M. Bret, je ne puis qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute création, extension ou transfert de compétences au profit des collectivités territoriales s'accompagne de la mise en place de mécanismes de péréquation permettant d'assurer l'exercice de ces compétences sur l'ensemble du territoire dans des conditions conformes au principe d'égalité.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Même argumentation, même réponse.
M. Claude Estier. Et même vote ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les recettes fiscales, dont les collectivités territoriales et leurs groupements fixent librement le montant, ne peuvent être remplacées ni par des dotations globales d'Etat, ni par des produits d'imposition dont ils ne peuvent voter le taux ou moduler l'assiette.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je salue l'harmonie entre le ministre et le rapporteur. Cet amendement devrait la magnifier.
La semaine dernière, la commission des finances, qui attendait d'écouter le rapport de M. Hoeffel, a commencé ses travaux avec dix minutes de retard, ce qui est tout à fait rarissime. Nous avons alors eu l'intuition qu'il n'y avait pas une totale adéquation entre la position du rapporteur et la position du groupe politique auquel il appartient.
M. le président. Cela peut arriver !
M. Bernard Frimat. Eh oui, c'est la vie ! Les difficultés semblaient tenir au fait qu'ils devaient s'accorder - et nous allons y venir, monsieur le ministre, dans l'article suivant - sur la notion de ressources propres. Vous savez comme nous sommes serviables ! (Sourires.) D'où cet amendement n° 54 pour essayer de les sortir de ce mauvais pas. (M. Josselin de Rohan rit.)
En effet, on a entendu de multiples fois que le niveau auquel nous étions arrivés - je fais allusion à la discussion sur la révision constitutionnelle - en matière d'autonomie fiscale était désormais suffisant et qu'il ne fallait pas descendre plus bas ; à l'époque, nous avions proposé de le geler, ce que vous aviez refusé, mais vous y venez aujourd'hui.
Avant d'aborder le difficile problème des ressources propres, essayons de nous mettre d'accord sur des principes simples, qui, puisqu'ils ne touchent pas à la notion de ressources propres, ne sont pas au coeur du conflit, énonçons ce principe tout à fait important dans la vision de l'autonomie. Les recettes fiscales ont une existence aujourd'hui ; eh bien, rassurons les élus locaux sans bloquer la réforme fiscale sur laquelle votre imagination est en train de fonctionner ; donnons simplement à l'ensemble des élus locaux l'assurance que leurs recettes fiscales d'aujourd'hui sur lesquelles ils ont une maîtrise ne pourront demain être remplacées ni par des dotations globales d'Etat ni par des produits d'imposition dont ils ne peuvent moduler le taux ou l'assiette.
Cet amendement ne fait que reprendre ce qui avait été évoqué antérieurement. Si nous le votons, cela revient simplement à dire que nous décidons de garantir le niveau actuel de recettes fiscales libres correspondant au pouvoir fiscal des collectivités. Nous ne décidons pas de garantir les impôts locaux tels qu'ils existent : ils peuvent être modifiés. Mais si, demain, ils doivent être modifiés, il faudra les remplacer par quelque chose qui préserve le pouvoir fiscal des collectivités territoriales.
L'adoption de cet amendement nous permettra d'aborder beaucoup plus sereinement l'article 2, et le débat sur les ressources propres pourra être relativisé. En l'occurrence, nous n'entrons plus dans des querelles pour savoir ce que sont les impositions de toutes natures. Aujourd'hui, il existe un pouvoir fiscal ; certains regrettent qu'il n'ait pas été maintenu à un plus haut niveau pour tout le monde ; dont acte. Eh bien, puisque ce pouvoir fiscal existe, faisons en sorte de le respecter. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Au cours du débat sur la révision constitutionnelle de 2003, la commission des lois du Sénat avait proposé un amendement sensiblement identique à celui qui vient d'être présenté. La commission avait alors retiré son amendement, pour deux motifs : d'une part, parce que la disposition proposée aurait introduit une trop grande rigidité, qui compliquerait la réforme de la fiscalité locale ; d'autre part, parce que le principe d'une part déterminante des ressources propres dans l'ensemble des ressources nous paraissait donner une garantie suffisante pour l'étape suivante.
Nous retenons aujourd'hui la même argumentation. C'est la raison pour laquelle, à ce stade, je ne puis donner qu'un avis défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je rejoins l'avis défavorable du rapporteur. Mais il y a une question que l'on doit évoquer dès maintenant. Il est vrai que nous avons déjà abordé beaucoup de sujets avant d'examiner l'article 2.
Pour ma part, je pense qu'il ne faut pas insulter l'avenir. Le partage d'impôts nationaux est une solution que nul ne peut négliger. Aujourd'hui, l'essentiel est programmé. Demain, si nos successeurs veulent avancer dans la décentralisation tout en respectant le principe d'autonomie financière et qu'il n'y a plus d'impôts disponibles dont on puisse voter le taux, on sera amené à proposer pour les collectivités locales un partage d'impôts nationaux, le tout sous le contrôle du Parlement qui est souverain en la matière.
Tout cela mérite d'être médité. Mais je vous invite à entrer rapidement dans le vif du sujet avec l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite juste formuler une remarque afin de permettre à M. le rapporteur, s'il le souhaite, de modifier son amendement à l'article 2.
Dans l'amendement n° 54, nous indiquons que les recettes ne peuvent être remplacées par des dotations globales d'Etat. En effet, ce ne sont pas des ressources propres.
En revanche, les dotations qui ne sont pas globales et qui viennent remplacer, euro pour euro, des impôts propres doivent être comprises dans les ressources propres.
Or l'amendement proposé par la commission n'en fait pas mention, d'où un vide juridique que nous vous invitons, monsieur le rapporteur, à combler.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Cela reste des dotations.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. J'ai écouté avec un grand intérêt la discussion, mais j'ai entendu beaucoup de contrevérités, d'inexactitudes.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jean-Pierre Sueur. Nous aussi !
M. Jean-Pierre Fourcade. Permettez-moi de sourire devant cet amendement émanant d'un groupe qui a soutenu depuis cinq ans toute une série de suppressions de recettes fiscales remplacées par des dotations d'Etat.
Il est toujours un temps pour se convertir. Je vous en félicite. Mais il ne faut pas prendre les élus locaux pour des demeurés. Ils ont supporté pendant cinq ans la réduction de leur capacité à disposer de ressources propres.
A mon avis, cet amendement est une provocation. Par conséquent, je crois qu'il faut vraiment le repousser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
Au sens de l'article 72-2 de la Constitution, les ressources propres des collectivités territoriales, autres que le produit des impositions de toutes natures que ces collectivités territoriales reçoivent en application du deuxième alinéa de cet article, sont constituées des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs.
Pour la catégorie des communes, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui, mentionnées au premier alinéa, bénéficient aux établissements publics de coopération intercommunale.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, sur l'article.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 2 du présent projet de loi organique, nous entrons enfin dans le vif du sujet puisqu'il s'agit de déterminer ce que sont les ressources propres des collectivités territoriales, socle de leur autonomie financière.
Plusieurs observations s'imposent.
Tout d'abord, il nous faut a priori rejeter l'idée que la faculté de lever l'impôt l'emporte sur toute autre considération pour déterminer l'autonomie financière. Nous y reviendrons, mais il s'agit d'un point important.
Comment, par exemple, ne pas rappeler que nombre de collectivités territoriales, communes ou départements, sont confrontées à des charges de caractère obligatoire qui consomment une part croissante de leur si précieuse autonomie financière au point que la possibilité de percevoir un produit fiscal ne sert, bien souvent, qu'à compenser cette montée en charge ?
Les exemples fourmillent en la matière, qu'il s'agisse des dépenses sociales ou d'autres dépenses et illustrent de manière éclairante cette situation.
Un département rural confronté au vieillissement de sa population est, aujourd'hui, fortement sollicité pour répondre au financement de l'autonomie des personnes âgées, et ce dans des proportions mettant fortement en cause sa capacité d'intervention dans d'autres domaines.
M. Michel Charasse. Sans parler des pompiers !
M. Paul Loridant. Nous connaissons de nombreux exemples en la matière et avons tous à l'esprit les cris d'alarme des présidents des conseils généraux de notre pays.
Revenons sur la question du périmètre des ressources propres et notamment la notion d'impositions de toutes natures. Le débat sur ce sujet est crucial. En effet, si l'on s'arrêtait à la définition du texte, on engloberait dans cet ensemble à la fois les produits fiscaux votés par les collectivités locales, qu'il s'agisse du produit des quatre principales taxes ou de celui des autres taxes de portée plus locale, et le produit fiscal perçu par l'Etat et transféré en tant que de besoin aux collectivités territoriales.
Rappelons que les lois de décentralisation de 1982 avaient déjà procédé au transfert d'une bonne partie du produit de l'enregistrement aux collectivités locales.
Ainsi, la vignette automobile était devenue un produit fiscal voté par les départements tandis que l'essentiel des droits de mutation portant sur la propriété immobilière avaient été transférés à différents échelons de collectivités.
Depuis, nombre de décisions apparemment en contradiction avec les objectifs affichés de la décentralisation sont venues empiéter sur le transfert de ces produits fiscaux, comme sur le niveau de perception des produits fiscaux dévolus auparavant aux collectivités territoriales. Je pense en particulier à la taxe professionnelle.
On peut d'ailleurs se demander si la notion d'impositions de toutes natures recouvre également de manière effective les compensations budgétaires diverses et variées incluses aujourd'hui dans les lois de finances pour prendre en compte tel ou tel allégement de charge fiscale des contribuables.
La compensation de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle est-elle assimilable à une de ces impositions de toutes natures ou est-elle une simple dotation d'Etat, sachant qu'elle évolue désormais comme la principale des dotations, c'est-à-dire la DGF ?
La réalité commande donc de dire que cette notion d'impositions de toutes natures a une définition suffisamment lâche, floue et souple pour être l'objet de multiples interprétations potentiellement contradictoires les unes avec les autres.
Demain, si l'on s'arrête à la définition prévue, la dévolution d'une part plus ou moins importante de la TIPP aux départements et/ou aux régions sera une ressource propre des collectivités territoriales, permettant le respect de la norme fixée par la loi organique.
Nous pensons que ce n'est pas le bon choix. Nous tenions à le dire dans le cadre de la présentation de cet article. C'est dans ce sens que le groupe CRC présentera des amendements.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. J'ai longuement étudié l'article 2 et l'amendement de M. le rapporteur ...
M. Jean-Pierre Sueur. Vous l'avez voté !
M. Patrice Gélard. ... et j'ai beaucoup réfléchi depuis la dernière réunion de la commission des lois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
La première chose qu'il faut avoir à l'esprit, c'est que notre rapporteur est un ardent défenseur des collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Patrice Gélard. Il a été animé dans ses amendements à l'article 2 ainsi qu'à l'article 3 par le souci de défendre les collectivités territoriales et leur autonomie financière. Il faut l'en féliciter.
En revanche, les solutions qu'il nous propose ne sont pas les bonnes, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, on part d'un système qui existait jusqu'à maintenant, dans lequel figuraient d'un côté les ressources propres et de l'autre les dotations. Il a été un peu modifié par le transfert de telle ou telle taxe aux régions ou aux départements.
La réforme constitutionnelle a apporté une grande innovation avec l'alinéa 2 de l'article 72-2 de la Constitution, prévoyant qu'il y aurait désormais deux sortes d'attributions fiscales aux collectivités territoriales : les transferts d'impôts d'Etat et les impôts traditionnels de nos collectivités locales.
C'est une nouveauté pour nous alors que cela se pratique dans de nombreux pays étrangers depuis très longtemps. Il faut savoir que la plupart de nos voisins n'ont pas d'impôts locaux. Les impôts d'Etat sont reversés aux collectivités locales avec plus ou moins de péréquation. Nous n'allons pas reprendre le débat sur la péréquation qui relève non de la loi organique, mais de la loi ordinaire.
Le problème est posé par l'alinéa 3 de l'article 72-2 de la Constitution, qui additionne un certain nombre de recettes constituant la part déterminante que nous devons fixer. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent pour chaque catégorie de collectivité une part déterminante.
Par conséquent, ce que l'on ne peut pas faire, c'est séparer les recettes fiscales et les autres ressources propres par rapport à l'alinéa 3 de l'article 72-2 de la Constitution.
En revanche, on pourrait dire que les ressources fiscales et les ressources propres des collectivités territoriales représentent 50 % de leurs recettes. C'était lors de la révision constitutionnelle la proposition du président Christian Poncelet, qui n'a pas abouti, mais je la rappelle pour mémoire.
On pourrait également établir à l'intérieur de cet ensemble de recettes des sous-ensembles. La part constituant les impositions sur lesquelles on ne peut fixer ni le taux ni l'assiette représenterait un certain pourcentage de la part déterminante, la part des ressources fiscales propres sur lesquelles les collectivités territoriales ont la maîtrise des taux et de l'assiette représenterait un autre pourcentage, et le reste des ressources propres représenterait un troisième pourcentage. Cette solution était conforme à la Constitution.
Mais le fait de séparer les impositions sur lesquelles il n'y a pas de contrôle des collectivités locales des autres impositions et des ressources propres n'est conforme ni au texte ni à l'esprit de l'alinéa 3 de l'article 72-2 de la Constitution.
Je m'interroge sur le pourcentage de 33 % qui apparaît dans l'amendement n° 10. Cette part est inférieure à la réalité actuelle.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Patrice Gélard. Je me demande dans quelle mesure on va rendre service aux collectivités territoriales en ayant la possibilité d'abaisser considérablement cette part. D'après les chiffres donnés par notre excellent rapporteur, la part de ressources propres des régions est à l'heure actuelle de 38 %, celle des départements est de 58 % et celle des communes de 56 %. On ne va pas descendre à 33 % !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est clair !
M. Patrice Gélard. Bien sûr, il ne faut pas oublier que les impôts d'Etat redistribués ne sont pas pris en compte dans ce calcul, compte tenu de l'amendement n° 5, mais il me semble que la version retenue par l'Assemblée nationale et qui consiste à ramener le taux à celui de 2003 est plus simple que celle qui fixe le taux à 33 % et qui ouvre la possibilité de manoeuvres importantes pour l'avenir.
Mais, surtout, distinguer les ressources fiscales sur lesquelles les collectivités territoriales n'ont pas le contrôle et les ressources fiscales traditionnelles sur lesquelles elles fixent le taux ou l'assiette - et là je ne suis pas du tout d'accord avec l'amendement plus compliqué de M. Paul Girod, selon lequel seules seront considérées comme ressources propres les impositions dont la collectivité locale fixe le taux et l'assiette, alors que cela pourrait être l'assiette ou le taux - ,c'est risquer pour se faire plaisir ou pour défendre les collectivités territoriales d'aller à l'encontre de la Constitution. Notre travail consiste, s'agissant d'un projet de loi organique, à veiller à la mise en oeuvre du décret d'application, en quelque sorte, du texte constitutionnel.
Si nous persévérons dans cette voie - mais pourquoi pas, après tout, car je comprends les motivations de M. le rapporteur - nous courons deux risques.
En premier lieu, nous risquons d'être totalement désavoués par l'Assemblée nationale et, en second lieu, même si l'Assemblée nationale, pour nous faire plaisir, accepte de nous suivre, il y a de fortes chances que le Conseil constitutionnel nous censure.
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Patrice Gélard. Or, si nous sommes censurés par le Conseil constitutionnel sur cette disposition, nous ne pourrons plus remplir notre rôle de défenseur des collectivités territoriales.
M. Patrice Gélard. C'est la raison pour laquelle je demande à notre rapporteur de réfléchir à ce que je viens de dire. Je crois, pour ma part, qu'une certaine sagesse commande que l'on débatte de ces questions, comme on a discuté de la péréquation, afin d'en revenir à une solution plus simple et plus sage. C'est donc à notre rapporteur que je fais appel, à son intelligence que tout le monde connaît, et je lui fais confiance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous sommes effectivement au coeur du sujet, même si nous anticipons sur les amendements qui ont été déposés sur l'article 2, mais cela est compréhensible.
La question qui est posée est de savoir quel est le degré de liberté des collectivités pour fixer l'impôt et si, dans cette perspective, cela leur donne ou non une plus grande autonomie. Tel est le fond de la question.
Lorsque nous avons débattu de la réforme constitutionnelle, il ne pouvait s'agir dans l'esprit de chacun que d'impôts, même nationaux, ou de dotations, même nationales, modulables. Je veux dire par là que l'autonomie des collectivités est liée à leur capacité de voter le taux ou l'assiette et donc de définir elles-mêmes une part déterminante, prépondérante - on a beaucoup insisté sur l'adjectif approprié - de leurs ressources.
Or je pense, comme je l'ai dit lors de la discussion générale, qu'il y a eu mystification, voire pour certains tromperie. En effet, en parlant d'impositions de toutes natures, il n'était pas dans l'esprit de la plupart des constituants de penser qu'il s'agissait d'impôts d'Etat qui devenaient de fait, puisqu'ils étaient non modulables, de simples dotations. Pour eux, il s'agissait de fiscalité modulable. C'est là, selon moi, un élément majeur pour comprendre l'enjeu du débat.
Cela étant, pourquoi une dotation d'Etat ne serait-elle pas modulable ? Pourquoi faut-il absolument que la fiscalité transférée ne soit pas modulable ? On pourrait concevoir - et ce n'est pas forcément une réforme fiscale que j'ébauche ici - que 10 % - le chiffre est arbitraire - du produit de l'impôt sur le revenu soient transférés aux collectivités locales et que, sur ces 10 %, 5 % ou plus, cela reste à définir, soient modulables, en tout cas fixés par la loi selon les différentes collectivités. Cela est tout à fait réalisable, comme le montre l'exemple de certains Etats voisins, notamment l'Allemagne.
Je ne vois donc pas pourquoi il ne serait pas possible de moduler des dotations d'Etat lorsqu'elles sont localisées, ce qui est le cas en particulier de l'impôt sur le revenu.
C'est la raison pour laquelle nous défendons cette autonomie des collectivités à travers leur capacité de voter le taux et l'assiette, car il nous semble que c'est le seul moyen de garantir leur véritable autonomie et leur liberté de gestion.
M. Gélard a raison quand il affirme que sa thèse est conforme à la lettre de la Constitution. En revanche, il a tort eu égard à l'esprit des débats et c'est la raison pour laquelle nous défendons, quant à nous, une position tout à fait différente sur ce point.
Quant à nous, nous approuvons l'amendement de M. Hoeffel relatif à l'obligation de mettre en place une modulation sur les finances locales, qui est d'ailleurs similaire au nôtre. Toutefois, nous considérons que ces amendements positifs seront complètement vidés de leur sens et de leur portée si le taux plancher est fixé à 33 %. En effet, dans ce cas, nous assisterons à une limitation drastique des capacités des collectivités et nous ne comprenons pas très bien comment une réduction de 55 % à 33 % de la part d'une collectivité permettrait d'accroître son autonomie ! Nous pensons que c'est exactement le contraire qui se passera.
Nous serons très attentifs, car il existe des divergences au sein de la majorité sur ce point. Le moment venu, nous prendrons nos responsabilités en votant pour une fixation libre du montant des ressources propres des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Je ne suis pas juriste, mais je sais par expérience qu'il existe dans les ressources des collectivités locales tout un continuum entre, à une extrémité, la dotation d'Etat pure et, à l'autre extrémité, l'impôt local pur dont les collectivités locales contrôlent et l'assiette et le taux.
Tout le problème est de savoir où placer la frontière entre l'une et l'autre, où établir la séparation entre les impositions de toutes natures qui peuvent être considérées comme des ressources fiscales propres et celles qui sont des dotations. Telle est la question posée, et je comprends très bien la solution proposée par nos deux commissions consistant à dire que le coeur de l'autonomie financière est constitué par les impôts dont on contrôle et le taux et l'assiette, c'est-à-dire le produit.
Je me suis procuré le rapport sur les prélèvements obligatoires qui est mis à notre disposition depuis cette année afin de vérifier si cette définition concordait avec le sens commun. Effectivement, elle concordait partiellement, et je suis heureux de constater que, au moins sur ce point, le droit et le bon sens ne sont pas en opposition concernant ce que nous appelons les contributions directes locales, qui représentent 50 milliards à 55 milliards d'euros.
Mais là où j'ai ressenti une gêne par rapport à la position prise par nos commissions, c'est quand je me suis aperçu que des impôts, tels que les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, c'est-à-dire la principale recette propre des départements, étaient des impositions à taux fixe et étaient écartés de la définition, puisque désormais le taux est non plus variable, mais fixe à 3,60 %.
Quand j'ai constaté qu'un impôt comme le versement transport de la région parisienne dont l'Etat fixe le taux - taux qui est variable selon le département - ne serait plus considéré comme une ressource propre, j'ai pensé qu'il y avait tout de même une contradiction entre la position dure de juriste, que je comprends parfaitement, et ce que les élus locaux appellent « ressources propres ».
Je crois donc qu'il nous faut, en complément de la définition proposée à juste titre par la commission des lois et approuvée par la commission des finances, pouvoir classer ce qui manifestement représente d'autres ressources propres dans les impositions de toutes natures qui font partie de la catégorie « ressources propres ».
Ce critère consiste à dire que, lorsqu'il y a un élément de localisation fort qui permet par collectivité de rattacher un impôt à une collectivité, soit parce qu'on en localise le taux - et je prends là encore l'exemple du versement transport de la région parisienne dont les taux sont variables département par département - , soit parce qu'on en localise l'assiette - je cite à nouveau les droits de mutation à titre onéreux - , nous sommes manifestement là en présence de ressources qui doivent être considérées comme propres et qui sont des impositions de toutes natures. Cela permet d'établir une frontière claire avec les dotations.
Hier, il a été question à plusieurs reprises de la situation de la dotation globale de fonctionnement d'après 1979 qui était définie comme une part d'un impôt d'Etat, à savoir 16,5 % du produit net de la TVA.
Or, selon moi, il ne s'agit pas d'une imposition de toutes natures pouvant être classée dans les ressources propres parce que cette enveloppe globale, une fois déterminée, était non pas répartie par collectivité, mais accordée globalement à l'ensemble des collectivités. La loi ne déterminait pas - je rependrai ce terme dans mon amendement - la part de chaque département ou de chaque commune. En outre, la loi ne fixait ni le taux ni l'assiette pour chaque collectivité, mais définissait un mécanisme de péréquation de telle sorte que cette part d'imposition de toutes natures n'était manifestement pas une ressource propre pour les collectivités locales, mais était tout simplement une dotation.
En conclusion, il me semble que l'on pourrait élargir aux impôts localisés la définition tout à fait pertinente que proposent nos deux commissions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Comme notre collègue M. Gélard, j'ai beaucoup réfléchi, depuis la réunion de la commission des lois de la semaine dernière, à cet article 2.
J'ai notamment relu - ce fut un exercice intéressant - les débats relatifs à la révision constitutionnelle qui ont engendré l'article que M. le ministre nous oppose aujourd'hui comme le carcan auquel il ne peut échapper.
Notre collègue Patrice Gélard nous dit que la position du Gouvernement est la seule constitutionnellement acceptable. Mais elle n'est pas la seule.
En effet, tous les travaux qui ont été menés sont d'une très grande clarté. Quand nous avons discuté de l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, il n'a jamais été question que les ressources propres puissent être constituées - et je vous rejoins sur ce point, monsieur Fréville, puisque j'utilise bien le terme de « ressources propres » et non pas celui de « ressources fiscales » - d'autres éléments que ceux sur lesquels les collectivités ont un pouvoir.
Certes, on peut discuter ensuite de savoir si ce pouvoir doit s'exercer sur le taux, sur l'assiette ou sur le montant. Mais, dans notre perception commune, dans l'esprit qui nourrissait la rédaction constitutionnelle, les collectivités territoriales avaient un pouvoir sur leurs ressources propres. Sinon, ce ne sont plus des ressources propres.
Monsieur le ministre, il est curieux de constater que vous défendez une position qui est en désaccord avec celle de la totalité des associations de collectivités territoriales.
M. Michel Charasse. Eh oui !
M. Bernard Frimat. Hier, vous avez fait un exercice intellectuellement satisfaisant de droit comparé. Si l'on considère la position du Congrès des pouvoirs régionaux et locaux de l'Europe et la charte européenne des libertés communales, avec laquelle un certain nombre de sénateurs de la majorité ont exprimé leur complet accord, la définition des ressources propres qui est proposée ne correspond pas à ce que vous voulez que nous adoptions aujourd'hui, monsieur le ministre.
Les acceptions communément reçues et celles qui ont présidé aux débats dans cet hémicycle, à l'Assemblée nationale ou au Congrès, vont dans le sens de la définition des ressources propres évoquée et retenue par l'Association des maires de France. En prétextant un prétendu carcan juridique, vous voulez y substituer une autre définition, tout simplement parce que cela vous arrange. Car vous êtes dans une nasse !
De nos travées, nous pouvons apprécier à sa juste valeur le ballet qui se tient depuis un moment. Comme cela s'était produit pour l'amendement n° 248 sur le projet de loi constitutionnelle issu, à l'époque, de tractations et qui nous avait été présenté au retour d'un week-end comme la panacée de l'autonomie financière des collectivités locales, nous assistons aujourd'hui à certains mouvements dans l'hémicycle. Peut-être une suspension de séance permettrait-elle au ministre de régler dans la sérénité ce problème, ce qui nous permettrait ensuite d'avancer sur des bases plus claires ?
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je n'aurais pas pris la parole si je n'avais pas été interpellé il y a un instant par M. Gélard au sujet du sous-amendement n° 41 que j'ai déposé et qui rejoint une partie des préoccupations de notre ami Yves Fréville.
Notre collègue expliquait en effet que, dans l'esprit des élus locaux, la ressource à leur disposition est, en définitive, celle dont ils fixent le produit. Je comprends bien que l'amendement n° 7 de la commission témoigne d'une recherche dans cette direction, ce qui écarte évidemment une réflexion plus globale incorporant dans les ressources propres des collectivités locales les transferts d'impôts d'Etat, sur lesquels par définition elles n'ont aucune prise, sauf si l'on revient à un système de centime additionnel qui, après tout, n'est pas forcément stupide, et si l'on fait voter les collectivités locales sur le taux des centimes additionnels.
J'ai déposé le sous-amendement n° 41, car, si l'on considère comme ressource propre l'impôt dont la collectivité peut voter « l'assiette, le taux ou le tarif », je crains qu'il ne suffise que la collectivité ait une prise sur l'assiette de cet impôt pour qu'il devienne un impôt d'appropriation local.
Or, à l'expérience, nous savons que la capacité des collectivités à influer sur l'assiette va toujours dans le même sens, et en sens unique, celui de la diminution. Alors, si l'on explique aux collectivités territoriales qu'elles auront entre leurs mains un système fiscal dans lequel elles ne peuvent influer que sur l'assiette et à la baisse, je crains que l'on ne crée quelques désillusions.
Je retirerai très certainement mon sous-amendement le moment venu. Mais je souhaite entendre les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur sur le fait que l'assiette n'ouvre pas une seule voie de diminution de la ressource locale par décision du conseil délibératif compétent et que les collectivités auront une capacité de toucher à l'assiette dans un autre sens.
Sinon, très honnêtement, je crains que les collectivités locales ne se souviennent avec amertume d'un système qui leur donne plus de liberté, en leur permettant simplement de s'estropier elles-mêmes !
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. A ce stade de la discussion, nous avons trois problèmes à résoudre : un problème juridique, un problème financier et un problème politique.
Le problème juridique est celui de la conformité à la Constitution. M. le ministre et M. Gélard se sont exprimés très clairement à ce sujet. L'article 72-2 de la Constitution comporte le mot « peuvent », ce qui induit, en ce qui concerne la notion de ressources propres, une situation de fait que nous devons prendre en compte.
En ce qui concerne le problème financier, la proposition de loi constitutionnelle de M. le président Poncelet, en 2000, s'inscrivait, je souhaitais le rappeler, dans un contexte différent de celui qui prévaut aujourd'hui. En effet, il s'agissait des compétences détenues à cette époque par les collectivités. Cette proposition n'anticipait pas sur d'éventuels transferts de compétences de nature à modifier la structure des dépenses comme la structure des ressources.
Mes chers collègues, si vous avez des idées précises et concrètes sur des impôts d'Etat modulables dans le respect du droit communautaire et susceptibles d'être transférés à nos collectivités territoriales, faites-nous, de grâce, des propositions !
Vous savez ce qu'il en est du débat sur la TIPP et vous savez que le Gouvernement a vraisemblablement obtenu, après avoir beaucoup argumenté, la capacité de moduler le taux au niveau régional pour les seules utilisations non professionnelles du carburant.
C'est le maximum que l'on puisse faire dans le respect du droit communautaire, et encore avec une interprétation que l'on peut, à certains égards et par rapport à certains précédents, considérer comme bienveillante.
M. Michel Charasse. On est fragile face à la cour !
M. Philippe Marini. Mes chers collègues, nous pouvons nous interroger sur la marge de manoeuvre dont peuvent bénéficier les gestionnaires de budgets locaux. Personne ne souhaite mettre en oeuvre une gestion standardisée qui soit la même partout. Il faut que des choix s'expriment dans les budgets locaux, et c'est bien sur la part déterminante que l'on doit pouvoir appliquer des politiques différentes.
En même temps, nous avons tous voulu inscrire dans la Constitution le principe quelque peu antinomique de péréquation. Il faut être conséquent avec ce que nous avons voté et avec ce que nous avons, les uns et les autres, proclamé.
J'en viens maintenant au problème politique. Nous le savons tous, mes chers collègues, les maires, les présidents d'intercommunalité, les conseillers généraux, les présidents de départements, les conseillers régionaux, les présidents de conseils régionaux expriment de vives inquiétudes.
Naturellement, lors de la négociation sur les transferts de compétences et les ressources correspondantes, il faudra trouver un juste équilibre.
Mes chers collègues, je pense qu'avec les contributions qui sont versées au débat et de la bonne volonté nous arriverons à concilier tout à la fois les approches justifiées de nos commissions et la réalité constitutionnelle. J'ai l'espoir qu'avec un peu de dialogue nous parviendrons, monsieur le ministre, à une rédaction de ce texte qui intègre les préoccupations des élus locaux.
Ici, au Sénat, nous ne pouvons pas ne pas les porter, à l'instar du rapporteur Daniel Hoeffel et du rapporteur pour avis Michel Mercier. Bien entendu, si nous votions, pour nous faire plaisir, une disposition sans lendemain, je crois que nous décrédibiliserions cette institution. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Puisque tout le monde s'exprime avant l'examen des amendements sur l'article 2, je souhaite apporter quelques observations qui viennent de mon expérience.
Tout d'abord, nous voulons éviter qu'on ne continue à démanteler la fiscalité locale en remplaçant des impôts par des dotations budgétaires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai !
M. Roger Karoutchi. La politique socialiste !
M. Jean-Pierre Sueur. La politique des quinze dernières années !
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est ce qui a été fait pendant cinq ans. C'est ce qui a servi de base à la modification de la Constitution,
Comme l'a rappelé très justement M. Gélard, l'article 72-2 précise, premièrement, que les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures » et, deuxièmement, que « la loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ».
Il faut tenir compte de ces deux phrases, car la loi organique doit appliquer la Constitution de la manière la plus précise possible.
Quel est donc le risque que nous courons ? Je m'étonne d'ailleurs qu'aucun des orateurs précédents n'ait parlé de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par un autre impôt, dont on a défini toutes les caractéristiques et qui s'apparente beaucoup plus à la quadrature du cercle qu'à un élément fiscal possible.
Siégeant à la commission de réforme avec certains de nos collègues, notamment avec M. Marini, nous voyons bien que nous ne nous approchons pas rapidement d'une solution acceptée par tous. Nous avons déjà beaucoup d'impôts, le niveau des prélèvements est déjà très élevé et nous sommes engagés dans une concurrence internationale de plus en plus difficile qui pèse directement sur l'emploi. Par conséquent, il ne faut pas que le texte que nous allons adopter fasse courir aux collectivités un risque du fait du remplacement de la taxe professionnelle.
C'est la raison pour laquelle, contrairement à nos excellents rapports de nos collègues Daniel Hoeffel et Michel Mercier, je suis opposé au pourcentage de 33 %, car je crois que, dans la conjoncture actuelle, compte tenu du remplacement de la taxe professionnelle, il constitue un danger pour l'ensemble de nos collectivités territoriales.
Pour ma part, je me rallie au texte qui nous vient de l'Assemblée nationale. Il prévoit que le Gouvernement établira un rapport précisant le taux réel de l'ensemble des ressources locales en 2003. C'est à partir de cette base que nous pourrons fixer le cliquet qui nous permettra d'engager dans de bonnes conditions l'avenir, je parle d'un avenir lointain, car une constitution ne se modifie pas sans cesse.
En troisième lieu, la solution de sagesse apparaît être celle qu'a indiqué notre excellent collègue M. Fréville ; il faut partir des ressources qui sont directement à la main des collectivités territoriales : assiette et taux, ou assiette ou taux ; pour ma part, j'adopterais plutôt la formulation de M. Hoeffel et de M. Mercier : « assiette, taux ou tarif », car cela me paraît préférable.
Il faut aussi ajouter les éléments de fiscalité sur lesquels nous n'avons pas directement un droit en matière de taux ou d'assiette, mais qui sont des ressources locales. Des droits d'enregistrement sont devenus, dans nos budgets, des ressources propres. (Oui ! sur les travées de l'UMP.) C'est parfaitement clair.
Il faut par conséquent partir des amendements de la commission et intégrer les éléments qu'a ajoutés M. Fréville ; il me semble que, dans ces conditions, nous pouvons supprimer les 33 %, être en conformité avec le texte de la Constitution et arriver à quelque chose de satisfaisant qui nous permettra d'apporter des améliorations.
En effet, le problème de fond est le calcul de la part déterminante, au sujet de laquelle le Conseil constitutionnel s'est clairement prononcé dans sa décision sur l'affaire du RMI-RMA : il veut avoir un point de départ. Le point de départ est la situation de 2003 et, comme l'article 72-2 la Constitution fait référence aux catégories de collectivités territoriales, il faut que nous ayons trois points de départ :...
M. Philippe Marini. C'est plus protecteur !
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. ...un pour les communes, un pour les départements et un pour les régions.
Voilà les quelques éléments que je voulais verser au dossier ; il faut que nous soyons tout à fait en conformité avec le texte de la Constitution. Nous pouvons partir des amendements de la commission en ajoutant ce qu'a proposé M. Fréville, et il faut laisser au Gouvernement le soin de fixer de manière précise, dans une prochaine loi de finances, le cliquet de départ pour chaque catégorie de collectivités territoriales. Il me semble que, dans ces conditions, nous arriverons à réaliser l'objectif que nous poursuivons sans trop bouleverser l'ensemble des choses et en ayant un résultat assez consensuel. Puisque le groupe socialiste nous a proposé un amendement qui allait bien au-delà de tout cela, il aura la capacité de se rallier à cette position consensuelle et transactionnelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Renvoi en commission !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J'ai écouté tous mes collègues qui se sont exprimés et je commence à ne plus voir le fil directeur.
M. Gérard Delfau. Vous n'êtes pas le seul !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Monsieur le président, je souhaite que nous entrions directement dans le débat et je demande donc l'examen par priorité de l'amendement n° 7, des sous-amendements nos 41 et 37 qui lui sont rattachés ainsi que de l'amendement n° 16, identique à l'amendement n° 7.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Nous allons donc examiner par priorité l'amendement n° 7, les sous-amendements n os41 et 37 et l'amendement n° 16
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
, autres que le produit des impositions de toutes natures que ces collectivités territoriales reçoivent en application du deuxième alinéa de cet article, sont constituées
par les mots :
sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif,
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. A ce point du débat, présenter l'amendement n° 7 doit être, je l'espère, une contribution à la recherche d'une solution la plus consensuelle possible.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les interventions des uns et des autres, de ceux qui mettent davantage l'accent sur le plan juridique, d'autres qui le mettent sur le plan financier et d'autres encore sur le plan politique. Je remercie les uns et les autres d'avoir, avec beaucoup de franchise, et d'une manière très directe, exposé leurs convictions et leur point de vue, car c'est ainsi que, sur un texte relativement complexe, nous pouvons arriver à dégager une solution.
Beaucoup d'entre vous ont mis l'accent sur les attentes et les inquiétudes des élus locaux. Ce n'est pas l'apanage de l'un ou l'autre d'entre nous, le Sénat est tout à fait dans son rôle en plaçant au coeur d'un débat comme celui sur l'autonomie financière des collectivités locales le problème des finances et des moyens de nos différents niveaux de collectivités territoriales, et j'espère que la solution qui se dégagera permettra à la fois pour l'essentiel de respecter les fondements constitutionnels, de respecter, sur le plan financier, ce qui est compatible avec une situation financière qui n'est pas facile mais aussi d'y inclure les aspects politiques de nos collectivités locales, car c'est cela qu'attendent de nous les élus qui nous ont envoyés au Sénat, Haut conseil des collectivités territoriales de France.
Evidemment, toute solution comporte, sur ce plan, quelques risques : c'est tantôt ce que va dire l'Europe, c'est tantôt ce que pourra dire ou risque de dire le Conseil constitutionnel, ou tantôt encore ce que peut penser l'Assemblée nationale, car, après tout, dans la suite de ce débat, il faudra bien qu'à un moment donné députés et sénateurs puissent, ensemble, dégager une solution.
Je voudrais également, avant de présenter l'amendement proprement dit, m'exprimer à propos des 33 %.
Bien que ces 33 % soient au coeur de l'article 3 que nous verrons tout à l'heure - mais, nous l'avons bien compris, on ne peut dissocier le seuil plancher du reste du débat -, je dirai d'emblée, ayant entendu ce qui se disait à droite, au centre et à gauche, que je n'ai trouvé que peu de partisans effrénés du maintien d'un seuil plancher de 33 %. (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.)
Ce n'est pas la commission des lois, et je ne préjuge pas, en l'occurrence, de ce que pourra dire la commission des finances, qui fera obstacle à une solution plus réaliste et moins porteuse de rumeurs et d'inquiétudes que ce seuil de 33 %.
Par conséquent, si accord il doit y avoir, il doit porter non seulement sur l'article 2, concernant la définition des ressources propres, mais aussi sur l'article 3, concernant la notion de plancher, particulièrement de 33 %.
Ce décor étant campé, je dois maintenant présenter l'amendement n° 7 de la commission des lois avec le souci que cet amendement puisse être examiné en même temps que certains sous-amendements qui suivent, car c'est peut-être de là que pourra jaillir la lumière et l'issue favorable.
S'agissant de l'amendement n° 7, mes chers collègues, je vous prie d'emblée de bien vouloir m'excuser de redire ce que j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer hier dans la discussion générale. Mais comme nous sommes là au coeur du sujet, mieux vaut peut-être dire deux fois la même chose que de laisser dans l'ombre certains aspects.
L'amendement n° 7 a pour objet de préciser que, parmi les impositions de toutes natures, seules constituent des ressources propres les recettes fiscales dont les collectivités sont autorisées, par la loi, « à fixer l'assiette, le taux ou le tarif ».
La commission propose cet amendement pour plusieurs raisons.
Le premier argument - je sais que lorsque des juristes discutent, il n'y a pas forcément unanimité au départ, et c'est d'ailleurs le charme des débats juridiques - est que cet amendement me paraît conforme à la Constitution.
En effet, le deuxième alinéa de l'article 72-2 prévoit que les collectivités peuvent disposer de recettes fiscales modulables et de recettes fiscales non modulables.
Le troisième alinéa dispose clairement que seules les recettes fiscales propres doivent représenter, avec les autres ressources propres, « une part déterminante de l'ensemble des ressources ».
M. Jean-Pierre Sueur. C'est l'essentiel !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il revient donc à la loi organique - nous sommes cette fois-ci au coeur de la loi organique, et je pense que personne, ici, ne le contestera - de définir ce que sont les recettes fiscales propres.
Or, que sont les recettes fiscales propres sinon des recettes dont les collectivités ont la maîtrise ? C'est au contraire la définition extensive des ressources propres retenue dans le texte qui nous revient qui me paraît fragile, même si j'en comprends parfaitement les motivations profondes.
M. Jean-Pierre Sueur. D'accord !
M. Daniel Hoeffel. Le deuxième argument qui justifie cet amendement est que ce dernier est, je le crois, parfaitement conforme à l'esprit de la révision constitutionnelle et aux interprétations qui en ont été données au cours des débats, particulièrement au Sénat, en 2003.
Je citerai quelques témoignages venant étayer cette position.
Dans son rapport sur la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Pascal Clément, définissait les ressources propres comme « les ressources libres d'emplois, définitivement acquises et dont l'initiative quant au principe et au montant relève d'une décision de la collectivité territoriale. »
J'en viens au deuxième témoignage : cette définition reprend celle que le Gouvernement avait alors communiquée à votre commission des lois en réponse à notre président René Garrec, alors rapporteur de ce projet de loi constitutionnelle. Lors des débats au Sénat, le garde des sceaux, M. Dominique Perben, avait souligné l'importance de l'idée de responsabilité fiscale corollaire de la responsabilité démocratique.
Troisième témoignage : je rappelle que la proposition de loi constitutionnelle votée par le Sénat en octobre 2000 -certes, en d'autres temps, mais sur un thème qui n'est pas totalement déconnecté de celui dont nous traitons aujourd'hui -,...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le même !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. ... a directement inspiré la rédaction de l'article 72-2 de la Constitution, puisqu'elle contenait le texte suivant :
« La libre administration des collectivités territoriales est garantie par la perception de recettes fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la loi.
« Les ressources hors emprunt de chacune des catégories de collectivités territoriales sont constituées pour la moitié au moins de recettes fiscales et autres ressources propres.
« Les collectivités territoriales peuvent recevoir le produit des impositions de toute nature. »
Ainsi, la proposition de loi établissait une distinction claire entre les ressources fiscales propres et le produit des impositions de toute nature, distinction qui figure également dans la Charte de l'autonomie locale, dont l'article 9 précise : « Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d'impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi. »
Telles sont, monsieur le président, mes chers collègues, les raisons qui ont conduit vos commissions à déposer cet amendement.
Je le répète, nous sommes prêts, sans renoncer à l'essentiel, à trouver à la lumière des sous-amendements la solution réaliste qui répondra à l'aspect juridique, à l'aspect financier et à l'aspect politique. En effet n'oublions jamais que nous sommes le Grand Conseil des collectivités territoriales de France !
C'est dans cet esprit que je me permets de vous présenter cet amendement, avec autant de conviction que possible, en espérant que nous pourrons dégager une solution satisfaisante pour les uns comme pour les autres - ce qui, évidemment, n'est pas aisé sur un texte complexe comme celui-là. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - M. Gérard Delfau applaudit également.)
M. le président. Le sous-amendement n° 41, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 7, remplacer les mots :
l'assiette, le taux
par les mots :
l'assiette et le taux
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. J'ai déjà indiqué tout à l'heure que ce sous-amendement recouvre une question précise : quelle sera la possibilité pour une collectivité territoriale d'influer sur l'assiette - ce qui fait basculer l'impôt dans ses ressources propres - sans être enfermée dans une simple logique de diminution ?
M. le président. Le sous-amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Fréville et du Luart, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 7 par les mots :
ou dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux,
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Ce sous-amendement s'inscrit dans la droite ligne des réflexions que vient de nous livrer M. Hoeffel.
Je suis parfaitement d'accord avec lui sur l'équilibre que nous devons trouver entre la définition des ressources propres, d'un côté, et la part déterminante, de l'autre côté : si nous élargissons la notion de ressources propres, nous devrons naturellement en tenir compte pour calculer plus tard la part déterminante !
Cependant, mon point de départ est en quelque sorte inverse. Alors que la commission des lois a commencé par définir, parmi les impositions de toutes natures, le noyau dur auquel on pouvait reconnaître le caractère de ressources propres, j'aurais personnellement tendance à prendre pour base la position qui était initialement celle du Gouvernement et de l'Assemblée nationale : en principe, sont éliminées des ressources propres les dotations de l'Etat.
Je me suis donc demandé quelles étaient, parmi ces dotations de l'Etat, celles qui pouvaient, à tort, apparaître comme des « impositions de toutes natures » et être classées parmi les ressources propres. Je le disais tout à l'heure, on trouvera certainement des impôts partagés qui ont le caractère de dotations, et ce sont ceux-là que nous devons absolument éliminer de façon précise.
J'ai pensé, et c'est ce qui m'a poussé à déposer ce sous-amendement, que la localisation d'un impôt partagé suffisait à caractériser une ressource propre.
Cela a pour conséquence a contrario qu'une ressource dont la loi ne détermine pas la part attribuée à chaque collectivité est une dotation : il est certain qu'une ressource affectée globalement à l'ensemble des collectivités locales, même si elle provient d'une imposition de toutes natures, ne peut pas être considérée comme une imposition propre à chaque collectivité locale, voire à chaque catégorie de collectivité locale.
Voilà donc un premier critère.
Prenons des exemples concrets, parce qu'il ne faut pas tourner autour du pot : si nous répartissons entre les départements la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, il faudra en affecter une part à chaque département, nommément désigné ; il faudra procéder de même à l'échelon régional et attribuer une fraction de la TIPP à chaque région, nommément désignée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et les communes ?
M. Yves Fréville. Soyons clairs : ce sera effectivement difficile à réaliser pour les communes.
Le deuxième critère est à chercher dans la localisation de l'assiette, lorsqu'elle est possible.
Dans la répartition que la loi détermine collectivité par collectivité, en effet, le premier principe à respecter est que le partage soit opéré en fonction d'une localisation de l'assiette, dès lors qu'elle est possible. Ainsi, lorsque l'on voudra partager la TIPP entre les régions, il faudra bien évidemment définir les critères de localisation de l'assiette, si l'on tient compte des quantités consommées ou livrées - je ne sais pas quel est le terme le plus approprié - dans chacune. De la même façon, sont ici visés tous les impôts à taux fixe dont l'assiette est localisée, en particulier les droits de mutation à titre onéreux.
Toutefois, il arrivera que nous ne soyons pas en mesure de localiser l'assiette, et l'exemple de la répartition de la TIPP entre les départements semble illustrer ce cas de figure. Il faudra alors localiser le taux ! Je le rappelais tout à l'heure, ce n'est nullement une nouveauté dans notre droit, puisque nous avons voté le versement transport pour la région d'Ile-de-France en différenciant le taux par département.
Bien entendu, les deux aspects peuvent se combiner.
Tel est le sens de ce sous-amendement, qui vise à définir avec précision les ressources propres des collectivités et, a contrario, les dotations.
(M. Christian Poncelet remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 16.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. A ce point du débat, et après avoir entendu notre collègue M. Fréville, je voudrais rappeler les raisons qui ont poussé la commission des finances à déposer cet amendement, identique à celui que vient de défendre la commission des lois.
Lorsque, sur l'invitation du Gouvernement, nous avons voté la réforme constitutionnelle, qui représente la principale innovation dans notre droit public local de ces dernières années, nous l'avons fait en ayant quelques idées en tête, non seulement des idées juridiques, mais aussi des idées sur l'organisation de notre pays, des idées politiques au sens noble du terme.
Il s'agissait de faire reposer la décentralisation sur deux principes tout simples : d'une part, il existe un vrai pacte de confiance entre l'Etat et les élus locaux ; d'autre part, le renforcement et la garantie de la responsabilité des élus locaux - maires, présidents de conseils généraux, présidents de conseils régionaux -, responsabilité qui devient ainsi contrôlable par nos concitoyens, fonde la philosophie de la décentralisation.
Ce n'est pas la peine d'aller voir comment cela se passe chez nos voisins, tant il est vrai que, dans les autres pays européens, l'autonomie de gestion rend inutile toute discussion sur l'autonomie financière. Mais comme, en France, la décentralisation a vu l'autonomie de gestion se réduire comme peau de chagrin, c'est l'autonomie financière qui a pris le dessus !
Le projet de loi organique, dont nous débattons depuis de nombreuses heures maintenant, a naturellement pour objet essentiel de faire en sorte que la Constitution soit respectée.
J'ai écouté M. Gélard, j'ai écouté M. Hoeffel : il m'a semblé qu'ils étaient tous deux de très bons juristes. Ils soutenaient deux thèses complètement opposées, ce qui est assez normal pour des juristes ; j'avoue que, pour ma part - mais je n'en ferai pas une affaire -, la thèse de M. Hoeffel me convient plutôt mieux que celle de M. Gélard. Je préfère Strasbourg à Caen depuis longtemps, c'est ainsi ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, notre premier souci doit être d'envoyer un signe politique clair aux élus locaux.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. De toute évidence, nous devons énoncer très nettement que constituent des ressources propres les ressources fiscales dont ils peuvent voter le taux ou l'assiette. Nous répondrons ainsi à une demande profonde de leur part.
Mais notre rôle est aussi d'éclairer l'avenir.
Le principal problème auquel nous nous heurtons actuellement est qu'il n'y a plus d'impôt d'Etat qui puisse être transféré dans sa totalité aux collectivités locales : la disposition contenue dans notre amendement répond à un souci d'aujourd'hui, voire d'hier, les élus locaux ayant été échaudés par le sort qu'ont connu leurs capacités fiscales sur les impôts traditionnels.
Nous devons donc envisager la façon dont se fera le partage des impôts d'Etat, seuls disponibles désormais pour financer la décentralisation.
Nous avons entendu des idées intéressantes, tout particulièrement celle que vient de nous présenter notre collègue M. Fréville, et je voudrais exposer la façon dont je la comprends.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui ! Vous allez nous l'expliquer !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, je ne suis pas plus malin que vous,...
M. Jean-Pierre Sueur. Si, vous l'êtes bien plus !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. ... mais, ayant écouté M. Fréville, j'ai essayé de comprendre ce qu'il a voulu dire.
M. Fréville a d'abord indiqué que nous pouvions partager les impôts d'Etat, mais que, si nous procédions au niveau national, en affectant une part globale de la ressource, ils ne constitueraient pas des ressources propres des collectivités locales. Nous sommes parfaitement d'accord avec lui sur ce point, et je veux souligner combien la position qu'il nous a présentée se distingue de celle qu'a adoptée l'Assemblée nationale.
M. Fréville a ensuite relevé que, pour que l'on puisse considérer qu'un impôt partagé devenait la ressource propre d'une collectivité territoriale, il fallait que la loi en détermine soit l'assiette, soit le taux,...
M. Jean-Pierre Sueur. Par collectivité, non par catégorie de collectivités !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. ... et ce par collectivité territoriale.
Nous avons tous lu le texte, mon cher collègue, et je crois qu'il contient trois dispositions essentielles.
C'est collectivité par collectivité que la loi devra déterminer la localisation de l'assiette ou du taux.
Je reprends les exemples qu'il a cités.
S'agissant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dont une part est affectée aux départements, il faudra que, dans la loi de finances, un tarif soit fixé pour chacun des départements. Cette localisation de l'impôt constitue donc une garantie très importante.
M. Jean-Pierre Sueur. Une innovation !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Nous pouvons en effet estimer, dès lors qu'un tarif différent figure dans la loi pour chaque département, que l'innovation est suffisamment importante pour soutenir que le caractère propre apparaît.
M. Charles Gautier. Et l'Europe ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Ce sous-amendement ouvre le débat sur l'avenir et sur le partage des impôts d'Etat. On ne peut pas continuer à avoir des partages d'impôts d'Etat résultant de calculs effectués au sein des ministères, calculs que nous avons parfois de la peine à comprendre. C'est le législateur, comme le prévoit l'article 34 de la Constitution, qui fixera, pour chacun des bénéficiaires de cet impôt partagé, un tarif ou une partie d'assiette.
Il est bien évident, mes chers collègues, que le fait d'avoir voté deux fois le tarif pour chacune des collectivités concernées constituera une grande innovation, d'abord parce que chacun saura combien aura l'autre, ensuite parce que cela ouvrira au sein du Parlement, et notamment au sein du Sénat, un vrai débat !
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Il faudra bien, alors, en venir à une appropriation croissante de cette part d'impôts partagés.
C'est parce que les amendements que nous défendons avec Daniel Hoeffel répondent à ce qui est actuellement une réelle inquiétude des élus locaux qu'il faut les adopter. C'est parce qu'il n'y aura pas, demain, d'autres impôts d'Etat transférables, susceptibles d'être assimilés, dans le régime juridique, aux impôts traditionnels des collectivités locales - qui sont d'ailleurs d'anciens impôts d'Etat : on n'a rien inventé en la matière ! - et parce qu'il faut regarder l'avenir que le sous-amendement de M. Fréville me semble augurer d'un vrai partage et d'un vrai pouvoir du Parlement, dans la mesure où il lui appartiendra de fixer les modalités du partage, auxquels seront forcément associées les collectivités territoriales.
C'est ainsi que les choses avanceront : il nous a fallu attendre 1980, soit plus d'un siècle, pour pouvoir voter les taux des impôts traditionnels des collectivités territoriales, mais je suis intimement persuadé qu'il faudra moins de temps pour reconnaître aux collectivités territoriales un pouvoir sur les impôts d'Etat partagés.
Le sous-amendement de M. Fréville va dans ce sens. D'une certaine façon, il pourrait constituer les prémices de ce que serait, demain, une réforme de notre fiscalité locale, si nous étions tous convaincus de l'intérêt de trouver au Sénat un accord et sur l'amendement n° 7 de la commission des lois, soutenu par la commission des finances, véritable pierre angulaire du système, qui répond à l'inquiétude des élus locaux, et sur le sous-amendement de M. Fréville, qui crée une ouverture sur l'avenir.
Ainsi, nous ferions oeuvre utile en faveur d'une véritable autonomie des collectivités territoriales, nous irions plus loin que l'Assemblée nationale ; mais, pour cela, encore faut-il que Sénat se prononce favorablement à une large majorité. Un compromis ne satisfait jamais tout le monde - c'est d'ailleurs sa raison d'être -, mais, à un moment donné, il faut faire preuve de réalisme et de sagesse.
Pour ma part, je souhaite, si un accord peut être trouvé sur les idées que je viens de rappeler et dont s'inspirent l'amendement n° 7 et le sous-amendement de M. Fréville, que nous puissions « faire bloc » : ce serait probablement la meilleure façon d'aider et de soutenir les collectivités territoriales au moment où nous allons devoir aborder l'étude approfondie de la répartition des compétences.
Ce serait, à mon sens, le rôle du Sénat, sa force, sa justification que de dire à nos collègues de l'Assemblée nationale que ses membres sont allés plus loin qu'eux - non pas contre eux - pour donner du sens à la décentralisation et des responsabilités aux élus locaux. Nous aurions alors tout simplement rempli notre mandat ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous abordons certainement là l'un des points les plus importants du débat relatif à ce projet de loi organique.
Chacun voit bien ce qui est en cause. J'ai eu l'occasion de le rappeler hier, en répondant aux intervenants de la discussion générale. C'est un problème de confiance.
Comment se fait-il que, depuis deux jours, s'expriment ici et là des interrogations ou des doutes, y compris par les voix de MM. les rapporteurs ? C'est parce que, finalement, depuis des années, nous entendons tous, les uns et les autres, des élus locaux nous dire et dire aux gouvernements successifs : « A quoi bon ? On ne vous croit plus ! »
C'est là le problème majeur : nous le savons bien ! Les mesures qui ont été prises, notamment par certains gouvernements, visant à substituer des dotations, en nombre très important, aux impôts locaux, certaines décisions ayant même parfois provoqué des dépenses nouvelles non financées ...
M. Josselin de Rohan. Ils nous ont plumés, et pour quoi faire ?
M. Henri de Raincourt. L'APA !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...ont porté une atteinte majeure à la relation de confiance qui doit exister entre l'Etat et les collectivités locales.
M. Gérard Delfau. Et vous voulez continuer !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Si tout cela n'était pas arrivé, ce débat serait probablement d'une autre nature.
Voilà pourquoi, mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens à dire, avant d'aller plus au fond de la question, avant de répondre à tous les arguments et de vous donner la position du Gouvernement, qu'un des éléments majeurs de cette réforme constitutionnelle et de ce projet de loi organique consiste à dire que le message a été reçu « cinq sur cinq ».
Grâce à eux, nous tirons les leçons du passé et nous parlons ensemble d'un avenir serein. En effet, si nous ne sommes pas capables de construire un pacte de confiance pour l'avenir, à quoi bon faire un nouveau mouvement de décentralisation ? Cela n'aurait aucun sens !
Voilà deux ans que, sur l'initiative du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, nous travaillons à cette question. Voilà deux ans que, à travers vos contributions qui étaient elles-mêmes issues de réflexions antérieures - je pense, bien sûr, monsieur le président, à la proposition de loi constitutionnelle que vous aviez présentée avec un certain nombre de vos collègues, en l'an 2000 -, avec tous les travaux accomplis, nous sommes en situation d'évoquer ensemble un certain nombre de questions !
Je voudrais maintenant en venir au fond des choses. M. Hoeffel comme M. Mercier ont une lecture de la définition des ressources propres qui n'est pas tout à fait celle que nous vous présentons. Je veux y insister, car cela signifie que je ne peux pas, en l'état, donner un avis favorable aux amendements que vous avez, l'un et l'autre, présentés, et cela pour une raison simple.
Que dit la Constitution, s'agissant de la définition des ressources propres ? Elle évoque les impôts de toutes natures, incluant donc des impôts dont les collectivités ne fixent pas nécessairement le taux ou l'assiette. C'est écrit dans la Constitution et je veux rappeler, comme l'ont fait avant moi MM. Gélard, Fourcade et Marini, que, sur ce point, la Constitution précise : « La loi peut ...», ce qui signifie que ce n'est pas une obligation.
Vous pouvez donc tourner le problème dans tous les sens, couper les cheveux en quatre, en dix ou en quinze, vous ne trouverez pas autre chose !
Je comprends le réflexe qui consiste à dire que nous sommes traditionnellement, notamment avec la référence aux fameuses « quatre vieilles » que nous voulons par ailleurs, les uns et les autres, réformer depuis des années, monsieur Fourcade, habitués au vote de taux ; mais là, nous voyons bien quelles sont les limites de l'exercice.
Il y a d'abord l'argument constitutionnel, mais je pourrais y ajouter d'autres éléments de droit : par exemple, le fait que le partage de l'impôt national, même sans vote de taux, n'est pas une dotation. Vous l'avez d'ailleurs dit vous-même dans votre rapport, et à juste titre dans la mesure où un impôt évolue de manière dynamique, en cohérence avec le territoire, et donc différemment d'une dotation dont l'évolution est plus ou moins, en fonction d'une norme administrée décidée par le Gouvernement, indexée sur l'inflation. Nous ne sommes donc pas dans la même logique.
Enfin, il est un autre argument de droit essentiel qui vient s'ajouter aux autres et que certains d'entre vous ont évoqué : le Parlement lui-même vote le taux et l'assiette des impôts nationaux. Cela concerne aussi les impôts qui seront partagés. Nous avons là un élément essentiel qui consiste à renvoyer au Parlement, et à lui seul, la possibilité de voter le taux et l'assiette pour ce qui concerne ces impôts nationaux. C'est une garantie majeure qui nous renvoie à des principes que chacun connaît car ils constituent le creuset même de nos valeurs républicaines.
J'ajoute à cela - et je veux le dire ici - une préoccupation de fait, qui me paraît primordiale car elle nous engage tous, pour ce qui concerne l'avenir : l'avenir tel que nous devons le bâtir, nous, et dont hériteront ensuite nos successeurs.
J'ai bien étudié le problème. Il tient d'abord à l'Europe, à qui les Etats membres ont demandé de travailler à une harmonisation des taux. Comment concilier indéfiniment l'harmonisation des taux de fiscalité et la possibilité pour les collectivités locales de moduler à l'infini les taux de fiscalité ? Un moment viendra où il faudra bien trouver l'équilibre !
Enfin, considérons un instant le paysage fiscal français : quels sont les impôts dont on pourrait librement voter les taux ? A y regarder de près, il peut y avoir la TIPP et la taxe sur les conventions d'assurance. Il n'y en a pas beaucoup d'autres.
C'est là un élément de fait majeur qui nous engage tous, sur toutes les travées de cet hémicycle : en effet, restreindre trop la notion de ressources propres interdirait tout futur transfert de compétences, faute de ressources propres à transférer.
Je veux insister sur ce point qui est essentiel. Il nous engage, je le répète, pour l'avenir de la décentralisation. Nous ne pouvons pas être, tous autant que nous sommes, de grands militants de la décentralisation, d'un partage efficace des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, et ne pas intégrer cet élément dans notre discussion sur le présent projet de loi organique.
Nous avons donc une décision majeure à prendre.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Girod - et Dieu sait si j'écoute toujours très attentivement vos interventions -, j'émets une réserve, que vous comprendrez bien, sur votre sous-amendement n° 41 : en associant les deux conditions de cumul - l'assiette et le taux -, vous restreignez la notion même de ressources propres et d'impositions de toutes natures. Dès lors, je crains que le résultat obtenu ne soit contraire à l'objectif que nous voulons atteindre.
J'en viens au sous-amendement de M. Fréville. La disposition que vous proposez, monsieur Fréville, est effectivement très intéressante. Elle constitue une avancée significative par rapport à la première définition qui est donnée des ressources propres, dans la mesure où elle ajoute à l'impôt dont la collectivité territoriale fixerait le taux, la possibilité d'une ressource qui serait composée d'un impôt localisable perçu par la collectivité.
C'est un élément supplémentaire qui présente l'avantage d'ajouter notamment des taxes, telles que l'imposition forfaitaire sur les pylônes, ou la redevance des mines, dont les montants ne sont pas négligeables et qui, après tout, sont une illustration de votre démonstration.
Néanmoins, monsieur le sénateur, même si c'est un progrès significatif dans le débat, comme le rappelait M. Mercier, il ne me paraît pas suffisant. Les ministres ont vocation à regarder les choses d'un point de vue très pratique. Lorsque les amendements sont présentés, la première préoccupation du ministre en charge du dossier est de vérifier immédiatement si tous les projets possibles d'impôts transférables entrent bien dans l'une ou l'autre des catégories. Nul ne souhaite en effet voir annuler une disposition par le juge constitutionnel, maintenant ou ultérieurement, au motif qu'elle ne serait pas conforme à la future loi organique.
Certes, votre sous-amendement permet d'intégrer quelques impositions, comme celles que j'ai citées. On peut y ajouter, par exemple, certains droits additionnels au droit de mutation, pour lesquels l'assiette correspond à une collectivité et dont le taux est fixé par la loi sans modulation possible.
Mais un problème se pose dans le cas de la TIPP sur les départements, qui a pour vocation de financer le dispositif du RMI-RMA : en l'état, les départements ne reçoivent pas les montants de la TIPP perçus dans le département localisable, mais un pourcentage d'un montant national qui subit une nouvelle ventilation en fonction des charges de RMI transférées.
Votre sous-amendement ne permet pas de répondre à cet aspect de la question. Bien que le critère que vous indiquez soit intéressant, il ne permet pas de régler le cas précis de la TIPP versée aux départements.
A ce moment clé du débat, je considère, en ma qualité de ministre en charge de la décentralisation des collectivités locales, que nous avons accompli une avancée. Mais elle ne me paraît pas suffisante pour pouvoir donner un avis favorable à ces amendements et sous-amendements, compte tenu de la vision que nous avons de ce projet de loi organique, pris en application des dispositions de l'article 72-2 de la Constitution, me référant d'ailleurs aux observations légitimes qui ont été faites, en particulier par MM. Fourcade, Marini et Gélard.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me paraîtrait sage d'interrompre brièvement nos travaux pour nous permettre d'aboutir à une rédaction intégrant les différents éléments que nous venons de voir.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance d'une dizaine de minutes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas encore dit un mot !
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt heures quinze.)
M. Yves Fréville. Monsieur le président, j'ai dit tout à l'heure, en présentant mon sous-amendement, qu'il s'agissait du sous-amendement n° 37, tendant à compléter l'amendement n° 7 par les mots : « ou dont la loi localise la matière imposable ». Il était à ce moment-là tout à fait logique que M. le ministre me fasse remarquer que cela ne résolvait pas les problèmes des transferts de ressources fiscales actuels.
C'est pour cela que je présente maintenant, et sans erreur de ma part, cette fois-ci, le sous-amendement n° 37 rectifié, qui prévoit très clairement de compléter le même amendement n° 7 par les mots: « ou dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux, ».
Je rappelle les trois principaux apports de ce sous-amendement : premièrement, c'est la loi qui détermine par collectivité; deuxièmement, l'assiette est localisable, et il n'y a donc pas de problème ; troisièmement, pour répondre à la préoccupation de M. le ministre concernant la TIPP, lorsque l'assiette n'est pas localisable, on peut du moins localiser le taux.
En termes très clairs, cela veut dire que, si ce sous-amendement était adopté, lorsque le Parlement aurait à voter la répartition de la TIPP entre les départements, l'assiette évoluerait comme l'assiette nationale, bien entendu, mais il y aurait un taux spécifique pour chaque département. (M. Roger Karoutchi applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je propose que nous suspendions nos travaux afin que la commission des lois se réunisse. Il ne faut pas nous raconter d'histoire : c'est bien le sous-amendement n° 37 rectifié qui a été présenté tout à l'heure par M. Fréville.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est évident !
M. Bernard Frimat. Absolument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons entendu l'avis de la commission et l'avis du Gouvernement, l'un comme l'autre formulés sur le sous-amendement n° 37 rectifié.
Si nous continuons nos travaux purement et simplement, monsieur le président, je vous demanderai la parole pour explication de vote, puisque nous en sommes à ce stade du débat. Cela étant, le plus simple serait de suspendre la séance, car il est vingt heures vingt et nous avons encore beaucoup à dire, y compris sur cette question-ci. S'il doit y avoir un accord, que la commission des lois se réunisse et que nous en discutions !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a déjà donné son avis !
M. le président. Mon cher collègue, le Gouvernement a la parole quand il le souhaite !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, notre débat aura eu, entre autres qualités, d'abord d'avoir été d'un très grand intérêt, ensuite de nous avoir évité d'entrer dans des polémiques, notamment de forme, qui n'avaient pas lieu d'être. En toute honnêteté, donc, j'ai clairement donné la position du Gouvernement sur le sous-amendement n° 37, mais dans sa version non rectifiée.
M. Robert Bret. Le sous-amendement n° 37 rectifié avait été distribué, monsieur le ministre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Peut-être avais-je mal compris, mais j'ai donné l'avis du Gouvernement compte tenu des éléments dont je disposais.
Pour être parfaitement clair et lever toute ambiguïté, autant le Gouvernement était vraiment réservé, comme vous l'avez compris, sur le sous-amendement n° 37, autant il est tout à fait favorable au sous-amendement n° 37 rectifié, qui lève toutes ses appréhensions.
Encore une fois, le dispositif tel qu'il est présenté ne suscite plus aucune réserve de la part du Gouvernement, qui émet en conséquence un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je suis un peu surpris de la façon dont les choses se déroulent.
Ce sous-amendement, il est vrai non rectifié, avait été examiné par la commission qui en avait demandé le retrait à M. Fréville.
On nous présente maintenant un sous-amendement n° 37 rectifié, qui est un peu compliqué et dont on ne sait pas très bien comment il va s'appliquer. Compte tenu de l'heure, il me semble que la sagesse voudrait que nous prenions un peu de temps pour l'analyser plus avant et que nous décidions de le renvoyer devant la commission.
Je ne crois pas plus que vous, chers collègues, à une réforme de la fiscalité, ne serait-ce qu'ébauchée, sur un coin de table. Or c'est précisément l'exercice auquel nous sommes en train de nous livrer. Si nous voulons faire des sottises, c'est vraiment le meilleur moyen. (M. Yves Fréville s'exclame.) Non pas que je considère votre sous-amendement comme une sottise, cher collègue, mais il y a là tout de même, concernant la fiscalité partagée, une ébauche tout à fait intéressante qui mérite mieux que d'être traitée ainsi à la légère, en quelques minutes.
A première vue, je suis, comme mes amis, sans doute, absolument défavorable à cette proposition, car elle est tout le contraire de l'autonomie. C'est en effet le Parlement qui fixera l'assiette et le taux pour les collectivités. Quelles collectivités, d'ailleurs ? On peut s'interroger, car il ne s'agit pas de catégories de collectivités. Le Parlement va-t-il fixer l'assiette et le taux pour chaque collectivité ?
En outre, toujours a priori et en première analyse, si c'est par collectivité, le dispositif peut fonctionner pour les départements et pour les régions. On voit bien que, dans ce cas, en effet, on peut fixer le taux de telle ou telle taxe, l'assiette pour telle ou telle recette. Mais cela exclut tout transfert en direction des communes ou des groupements, car comment pourrait-on fixer l'assiette et le taux pour les quelque 36 000 communes ? Ce qui est possible pour 101 départements ne l'est plus pour l'ensemble des communes de France ; même par catégorie, cela poserait problème.
Donc, a priori - mais cette analyse vaut ce qu'elle vaut, je l'avoue, car je découvre complètement ce texte avec vous, mes chers collègues (Rires sur les travées de l'UMP) -, si j'essaie d'imaginer comment le dispositif peut être appliqué, je vois qu'il est contraire à ce que nous souhaitons, raison pour laquelle nous ne pouvons pas voter le sous-amendement.
Autant nous sommes favorables, et unanimement favorables, à l'amendement de la commission des lois, autant nous sommes défavorables à ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. A ce stade du débat, je propose que nous modifiions tout de suite l'intitulé du projet de loi pour le libeller ainsi : « Projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des régions et des départements » !
M. Charles Gautier. Voilà !
M. Gérard Delfau. Il faut qu'il soit clairement dit, et je tiens à ce que cela soit acté à ce moment du débat, chers collègues de la majorité, que vous voulez exclure de l'autonomie financière, et ce n'est pas rien, les établissements publics de coopération intercommunale, ...
M. Josselin de Rohan. Mais non !
M. Gérard Delfau. ...vous l'avez décidé tout à l'heure, et, maintenant, les 36 000 communes de France.
M. Josselin de Rohan. Mais non !
M. Yves Fréville. C'est absurde !
M. Gérard Delfau. C'est absurde ? C'est très exactement ce que vous proposez et que, évidemment, nous ne voterons pas.
Nos rapporteurs ont fait et font encore des efforts considérables pour trouver une solution qui tienne compte des différentes objections et qui donne du contenu à la réforme constitutionnelle que vous avez voulue, chers collègues de la majorité du Sénat, et dont vous vous êtes suffisamment glorifiés. Aujourd'hui, vous êtes en train d'essayer d'y renoncer en faisant croire que vous continuez à la défendre. Les élus locaux, qui sont des gens de terrain, ne seront pas dupes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. J'avoue ne pas bien comprendre certaines réactions. Il me semble que le sous-amendement rectifié dont nous débattons ne diffère du précédent, sur lequel, je le rappelle, la commission des lois avait émis un avis de sagesse, que sur des points de nature rédactionnelle. Certes, la rectification précise et clarifie les intentions des auteurs du sous-amendement, mais elle n'introduit pas d'innovation substantielle sur le fond.
Cette formulation paraît claire dans la mesure où il est bien indiqué que la loi « détermine » la localisation, ce qui ne veut pas dire qu'elle fixe un chiffre par collectivité.
M. Yves Fréville. Bien sûr !
M. Philippe Marini. La loi fixe les règles selon lesquelles la localisation s'opère.
M. Yves Fréville. Tout à fait !
M. Philippe Marini. On ne peut pas dire, comme vient de le faire notre excellent collègue Gérard Delfau, que les communes et l'intercommunalité seraient exclues de ce raisonnement.
Dans ces conditions, devant un texte plus précis, la commission des finances, dont je vois plusieurs des membres ici présents et notamment son excellent rapporteur pour avis, ne peut que confirmer l'appel à la sagesse et, à mon avis, elle serait susceptible de le faire dans un esprit tout à fait favorable. (Rires.)
M. Gérard Delfau. C'est un psychodrame, cette affaire !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. A la suite des débats tant en commission des lois qu'en commission des finances, nous étions sur une position extrêmement claire : les ressources propres sont celles dont les collectivités déterminent l'assiette et le taux.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. C'est inconstitutionnel !
M. Jean-Pierre Sueur. C'était clair et facile à comprendre.
M. Josselin de Rohan. C'est aussi inconstitutionnel !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouvez dire que c'est inconstitutionnel, mais je vous rappellerai les excellents propos tenus à l'Assemblée nationale par M. de Courson qui a dit que, dans l'article 72-2 de la Constitution, toute la question est de savoir à quelle phrase du deuxième alinéa on se réfère, à la première, suivant laquelle les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures », ce qu'a fait M. le ministre, ou bien à la seconde : « La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons très clairement entendu le Gouvernement, et avec quelle détermination, s'élever contre l'amendement de M. Hoeffel, mais, si je l'ai bien compris, M. le ministre vient de nous dire à l'instant qu'il serait favorable à l'amendement de la commission sous-amendé par le sous-amendement n° 37 rectifié de M. Fréville.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais enfin, regardons les choses telles qu'elles sont ! Peut-être ai-je mal compris, mais que vient ajouter au dispositif le sous-amendement de M. Fréville si ce n'est, excusez le mot, cher collègue, vous dont nous connaissons les compétences en cette matière, ce qui pourrait s'apparenter à du bricolage ?
On nous dit que la loi « détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux, ». Ou bien cela ne veut rien dire ou bien cela veut dire que la loi détermine, pour chaque collectivité, l'assiette ou le taux.
M. Philippe Marini. La loi détermine des règles !
M. Jean-Pierre Sueur. Que veut dire « déterminer la localisation », sinon fixer dans quel endroit il y a tel taux, dans quel endroit il y a telle assiette ?
Si l'on ne dit pas où cette disposition s'applique, on ne détermine pas la localisation. On arrive alors à une situation aberrante : la loi devrait elle-même fixer des taux ou des assiettes par collectivité alors que, je le rappelle, aux termes de la Constitution, elle peut autoriser les collectivités à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.
Il ne faut pas présenter comme un compromis ce bricolage, dont il est aujourd'hui très difficile de déterminer les conséquences, lesquelles donneront lieu à des conflits d'interprétation de toute nature. Tout le monde pense, en effet, qu'il est impossible de prévoir que la loi déterminera la localisation du taux, commune par commune, département par département, région par région.
Certes, on peut comprendre la divergence de vues du Gouvernement, d'une partie des sénateurs de la majorité et des rapporteurs sur la constitutionnalité de cette disposition, mais prétendre que l'adjonction du sous-amendement n° 37 rectifié à l'amendement n° 7 règle le problème et apporte une réponse crédible à ce différend, est complètement invraisemblable, incompréhensible et indéfendable.
Pour notre part, nous sommes en total désaccord avec ce bricolage qui ne règle rien et ne grandit pas notre débat. Comme l'a proposé M. Dreyfus-Schmidt, nous devrions peut-être prendre le temps de régler cette question autrement que par le biais de ce subterfuge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il était prévu, dans l'ordre du jour, d'examiner ce projet de loi organique jusqu'à demain après-midi. Je ne comprends donc pas pourquoi, contre toutes les habitudes du Sénat, vous n'avez pas, monsieur le président, purement et simplement suspendu la séance à vingt heures, pour la reprendre à vingt-deux heures. Cela aurait été plus simple. J'ajoute que le personnel du Sénat a aussi droit à un repos.
En effet, nous n'en avons pas encore fini avec ce débat, c'est le moins que l'on puisse dire. Nous avons encore des explications à donner et à défendre notre point de vue.
Une partie de tennis intéressante s'est déroulée entre les membres de la majorité ; nous n'avons rien dit. J'en suis resté, pour ma part, aux attaques inhabituelles et incompréhensibles de notre collègue Jean-Pierre Fourcade contre l'un de nos amendements.
Or M. Fourcade a oublié que la première dotation globale qui a été fixée ne l'a pas été par un gouvernement de gauche, en 1979 ! Quant au souci des élus locaux ces dernières années, il était important de savoir si les dotations allaient être réévaluées de manière convenable ou pas. Elles l'ont été.
En matière de péréquation, je ne vois pas comment nous pourrons procéder autrement que par le biais de dotations.
S'agissant de la taxe professionnelle, je ne veux pas attaquer M. Fourcade, mais, au départ, des excès particulièrement importants avaient été dénoncés par les uns et par les autres. Aujourd'hui, a été mise en place la taxe professionnelle unique pour les établissements publics intercommunaux. Que va-t-elle devenir ?
S'agissant de la TIPP, l'argument avancé par M. le ministre m'avait, je l'avoue, semblé convaincant : la TIPP compensera le RMI. Cela reste vrai. Cet argument, qui était péremptoire, à vos yeux, tout à l'heure, monsieur le ministre, ne compte plus du tout maintenant. Pourquoi ? Nous l'ignorons.
Lorsque nous avons demandé tout à l'heure comment cela se passerait pour les communes, je ne sais pas si vous y avez prêté attention, mes chers collègues, mais M. Fréville a reconnu que la mesure n'était pas applicable pour elles.
M. Yves Fréville. Pour le taux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour chaque commune, ai-je dit, et vous avez répondu par la négative, monsieur Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur Dreyfus-Schmidt, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en prie, monsieur Fréville.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Yves Fréville. Monsieur Dreyfus-Schmidt, lorsque j'ai dit que cette mesure est inapplicable pour les communes, je pensais évidemment au problème de localisation du taux.
Pour ce qui concerne la localisation de l'assiette, aucune difficulté ne se pose.
Lorsque nous votons un impôt, actuellement à taux fixe, pour les collectivités locales, qu'il s'agisse des droits de mutation ou du versement transport, nous fixons l'assiette, et nous la localisons pour chaque commune en précisant, par exemple, qu'elle vaudra dans la commune où est situé l'établissement ou dans celle où est situé le siège social. Déterminer signifie ici préciser le lien qui existe entre la matière imposable et la collectivité locale.
Localiser un impôt dans les 36 000 communes reviendrait à caricaturer la situation, en prévoyant que les assiettes seraient précisées dans 36 000 pages du Journal officiel !
Monsieur Dreyfus-Schmidt, pour fixer le taux, il faut le faire commune par commune. J'ai sciemment pris l'exemple du versement transport pour montrer que ce mécanisme existe déjà aujourd'hui et qu'il n'est pas une invention de ma part.
En votant le versement transport dans la région parisienne, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, nous avons prévu que, dans tel département, le taux s'élève à 2,6%, et, dans tel autre, il est de 1,7%.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez parfaitement raison, je ne vois pas comment nous pourrions mettre en oeuvre une localisation du taux au niveau des 36 000 communes. Il s'agit là non pas d'une impossibilité juridique, mais d'une remarque de bon sens.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie, monsieur Fréville, de ces précisions, mais je ne suis pas certain que tout le monde ait compris. L'exemple de la taxe versement de transport de la région parisienne ne s'applique pas partout !
Pour ce qui concerne les communes, je ne vois pas très bien comment on pourrait procéder. J'ajoute que le sous-amendement n° 37 rectifié vise à compléter l'amendement n° 7 par les mots : « dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux », mais qu'il ne précise même pas que l'assiette ou le taux dépend de la collectivité.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est la loi qui détermine !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La loi détermine la localisation de l'assiette ou du taux, mais on n'indique pas qui fixe l'assiette ou le taux. C'est tout de même assez extraordinaire !
La localisation est déterminée par collectivité. A la rigueur, on aurait pu dire : « par région, d'une part, par département, d'autre part », mais ce n'est pas ce qui nous est proposé. Il ne faut donc pas nous faire croire que cette disposition est applicable aux 36 000 communes de France.
S'agissant de la TIPP, il faut voir ce qu'elle représente. A combien s'élève aujourd'hui le prix du baril ?
M. Philippe Marini. Le rapport n'est pas direct !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une évidence, aucune collectivité ne pourrait encore augmenter le prix de l'essence, du gasoil ou du fioul dans son département, car nous avons déjà atteint des sommets !
Si l'on en revient un jour à la TIPP flottante, ...
M. Philippe Marini. Quelle belle invention de votre part !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ...je ne sais pas non plus comment l'on fera !
Comme ils le font pour le tabac, dans les régions frontalières, les habitants iront faire leur plein d'essence de l'autre côté de la frontière !
M. Josselin de Rohan. Vous êtes un mauvais patriote !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne parle pas pour moi, monsieur de Rohan ! Je ne parle pas non plus de nos compatriotes que vous voulez amnistier pour leur permettre de rapatrier les fonds qu'ils ont déposés à l'étranger ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je le répète, nous ne pouvons pas accepter ce sous-amendement n° 37 rectifié tel qu'il est proposé.
J'ajoute qu'il serait sage, à vingt heures quarante, de suspendre la séance et de renvoyer nos travaux en commission, puisque c'est du travail de commission que vous avez fait tout l'après-midi, monsieur le président, en allant et venant voir les uns et les autres, comme l'ont fait également un certain nombre de nos collègues.
Par ailleurs, M. du Luart, que je n'ai pas eu le plaisir de voir, ...
MM. Yves Fréville et Henri de Raincourt. Il est là !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne l'ai pas entendu !
... est l'autre signataire du sous-amendement n° 37 rectifié.
En outre, d'un point de vue européen, sera-t-il possible de faire ce que l'on veut avec la TIPP, alors que l'on a appris que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tentait de faire en sorte que le prix de l'essence soit le même dans toute l'Europe ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est quelque peu contradictoire avec ce sous-amendement !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je veux simplement comprendre le débat, sans aucune polémique, même si la TIPP n'entre pas vraiment dans le cadre du développement durable. Mais passons...
Dans la rédaction initiale du sous-amendement, on pouvait comprendre que vous proposiez trois solutions, monsieur Fréville.
Premièrement, les collectivités territoriales devaient bénéficier d'une part de la TIPP sur les produits vendus sur notre territoire et le taux serait voté par notre collectivité. Il s'agit bien ici de l'autonomie des collectivités, mais il semblerait que ni Bruxelles ni le Gouvernement n'en veuillent. La dernière rédaction retenue ne leur laisse donc plus cette opportunité.
Deuxièmement, une part de la TIPP sur les produits pétroliers vendus sur notre territoire leur serait accordée, mais le taux serait voté par le Parlement. Il s'agit bien là d'une localisation, mais cet outil ressemble plutôt à la péréquation, puisque nous n'avons pas la maîtrise du taux.
La dotation est discutable parce que, si le Parlement établit des taux différenciés par collectivité régionale et départementale, il pourrait être vertueux et permettre une péréquation.
Troisièmement, une solution plus simple dans les calculs consisterait à fixer une part de la TIPP nationale - on ne s'occupe pas des localisations des pompes à essence - que l'on répartit selon un taux voté par le Parlement. Il s'agit là d'une dotation et non plus d'autonomie.
De ces trois scénarios, j'aimerais que vous nous disiez, monsieur Fréville, lequel est sous-tendu par votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je tiens à vous dire, monsieur le président, que c'est fort probablement la seule et unique fois que j'interviendrai dans le débat. J'avoue avoir quelques scrupules à le faire, car j'ai entendu d'éminents experts et spécialistes sur le sujet, dont je ne suis pas.
Toutefois, permettez-moi, monsieur le président, en tant qu'élu de base et maire d'une petite commune rurale, de livrer mon sentiment sur le sujet. Je veux vous dire ce qui déterminera mon vote sur les dispositions législatives qui nous sont proposées à la fois par le rapporteur et par nos collègues qui ont souhaité sous-amender l'amendement n° 7.
De toutes ces propositions, j'ai retenu que nous nous heurtions à une difficulté majeure, qui est liée à une faute originelle du constituant lors de la révision de la Constitution.
Si nous avions, à l'époque, bien rédigé la Constitution, sans doute n'aurions-nous pas ce débat ce soir. Si j'ai bien compris, nous sommes obligés d'accepter un sous-amendement déposé par nos collègues Yves Fréville et Roland du Luart pour que l'amendement de la commission soit compatible avec la Constitution. (M. le ministre délégué acquiesce.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Alain Vasselle. Je constate, avec votre signe d'approbation, monsieur le ministre, que j'ai compris le débat ! (Sourires.)
Mes chers collègues, lorsque je vais retourner dans ma commune rurale, je vais devoir expliquer aux conseillers municipaux que, demain, grâce à la réforme constitutionnelle et à la loi organique, je pourrai, en tant que maire, bénéficier d'une véritable autonomie financière. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Bon courage !
M. Alain Vasselle. Par conséquent, je vais avoir un réel pouvoir grâce aux ressources propres de ma commune pour investir, gérer, apporter des services à la population et équiper ma commune. C'est parfait !
En définitive, ce débat est certainement très intéressant, mais ce que vont retenir les maires, c'est le résultat.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Alain Vasselle. Comment cette autonomie financière va-t-elle se traduire, concrètement, pour eux, au quotidien, lorsqu'ils vont voter leur budget, gérer leurs ressources propres ?
Ce qui va importer, c'est ce qui va résulter de nos travaux sur l'article 3, concernant la part déterminante.
Je crois comprendre également que M. le rapporteur s'apprête, compte tenu de ce que nous aurons décidé sur les points qui nous occupent présentement, à retirer son amendement, relatif au niveau de 33 %. Je dois avouer qu'une première lecture du texte ne m'avait pas convaincu.
Pour l'élu rural que je suis, la véritable autonomie financière serait celle qui me permettrait, avec mes ressources propres, en toute indépendance, sans le concours de quelque collectivité que ce soit, d'investir, de faire face à des dépenses de fonctionnement dans la limite des compétences qui m'auront été transférées par la loi de décentralisation.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est du bon sens !
M. Alain Vasselle. Si, demain, je ne peux pas, avec mes ressources propres, investir dans tous les domaines de compétences qui sont les miens, je n'aurai pas l'autonomie financière que j'attends, car je resterai en situation de dépendance d'une autre collectivité, le département, la région ou l'Etat, à travers les dotations, notamment la dotation globale de fonctionnement, mais, surtout, la dotation globale d'équipement, la fameuse DGE.
Mon vote se déterminera en fonction de ces éléments. A priori, je ferai confiance aux experts, n'étant pas spécialiste,...
M. Gérard Delfau. Le résultat est assuré !
M. Alain Vasselle. ... mais j'espère que je ne serai pas déçu du résultat, non plus qu'aucun maire de France, et que l'autonomie financière sera bien effective le moment venu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Girod. Je ne crois pas avoir très mauvais caractère, mais je tiens cependant à apporter une précision.
Autant que je me rappelle, j'ai exposé le sous-amendement n° 41, qui était appelé en discussion avant le sous-amendement de M. Fréville ; or, j'ai entendu l'avis du Gouvernement, mais pas celui de la commission.
Je veux bien que mon sous-amendement soit appelé après le sous-amendement de M. Fréville, mais je n'accepterai pas que l'amendement de la commission soit mis aux voix sans que mon sous-amendement n° 41 l'ait été auparavant.
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. le président. Il sera bien sûr mis aux voix avant celui de M. Fréville.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Nul doute que la question des ressources propres est l'un des points essentiels de notre débat d'aujourd'hui, mais permettez-moi de rappeler ce que l'on peut appeler « ressources propres » des collectivités territoriales et d'ajouter quelques éléments à ceux qu'a apportés notre collègue M. Yves Fréville en présentant le sous-amendement n° 37 rectifié.
Selon la définition donnée dans le présent projet de loi, ces ressources propres sont, d'abord et avant tout, les ressources fiscales des collectivités locales, essentiellement fondées sur les quatre grandes taxes historiques.
S'y ajoutent, notamment depuis 1983, le produit des droits de mutation immobilière pour l'essentiel et quelques taxes annexes aux précédentes, notamment la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, dont, d'ailleurs, la consistance et l'évolution, soit dit en passant, devraient éveiller très prochainement notre attention.
En plus de ces recettes fiscales figurent les recettes d'exploitation des biens détenus dans le patrimoine des collectivités locales - il est important de le rappeler -, comme celles qui découlent de la rémunération des services rendus.
Dans les faits, cela va du produit de la vente des coupes claires effectuées dans les bois propriétés de nos communes forestières à l'encaissement des recettes de piscine, de cantine scolaire ou de centre culturel, notamment.
S'agissant des recettes fiscales, quel est le véritable degré d'autonomie des collectivités locales ? L'assiette de l'impôt à la marge de laquelle les assemblées délibérantes des collectivités locales peuvent décider soit des abattements pour charges de famille, soit des exonérations temporaires circonstanciées, n'est - c'est finalement assez heureux - pas fixée par les élus locaux eux-mêmes.
Les éléments fiscaux essentiels sont, en effet, calculés par les services du ministère des finances. Dès lors, la liberté de détermination d'assiette des impositions locales est fort limitée.
Devons-nous pour autant inscrire ce principe dans la loi organique, au sens où cela peut offrir l'opportunité d'une interprétation relativement exhaustive en la matière ? Nous pourrions le faire, mais cela poserait d'autres problèmes. Il faut que les élus locaux soient mis en situation de déterminer en toute connaissance de cause de la quotité des impositions locales.
Nous disons « oui » à une réévaluation régulière des bases locatives qui permette, notamment, de prendre en compte l'évaluation réelle des biens constitutifs de la matière imposable, qu'il s'agisse des immeubles destinés à l'habitation ou de ceux qui sont voués aux activités économiques. Les entreprises, par exemple, sont souvent les premières bénéficiaires des politiques de développement des infrastructures menées par les collectivités locales elles-mêmes. Il n'est donc pas anormal, en retour, qu'elles contribuent au financement de ces politiques.
Le vrai débat sur les ressources propres ne peut être détaché de l'ensemble de la problématique des finances locales : qu'adviendra-t-il de la taxe professionnelle ? Qu'adviendra-t-il des dotations budgétaires ? Quelles seront, sur l'utilisation - je dis bien « l'utilisation » - des ressources propres des collectivités locales, les incidences de la mise en oeuvre de la décentralisation telle que définie par la loi sur les libertés et responsabilités locales ?
S'il s'agit de définir précisément les ressources propres, puis de voter une loi contraignant les collectivités locales à les utiliser de manière quasi exclusive pour le transfert non de nouvelles compétences, mais de charges dont l'Etat se serait délesté, alors, nous n'aurons pas avancé d'un pouce concernant l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Nous refusons ce marché de dupes et ne voterons pas ce sous-amendement négocié à la faveur de dix minutes de suspension de séance, car il est, de notre avis, grotesque et, en même temps, inapplicable : nul n'ignore, ici, que la France compte quelque 36 000 communes. De plus, la mesure proposée entraînerait une généralisation de la décentralisation à la sauce gouvernementale.
M. le président. Mes chers collègues, j'ai laissé à chacun d'entre vous une grande liberté de discussion, car il s'agit de points importants. Mais il nous faut à présent en revenir à plus de rigueur.
La parole est à M. Claude Estier, pour un rappel au règlement.
M. Claude Estier. Ce débat, dont M. le ministre disait tout à l'heure, avec raison d'ailleurs, qu'il s'était jusqu'à présent tenu dans de bonnes conditions, sur les sujets essentiels que nous avons abordés à l'article 2, est en train de devenir confus, ce qui n'est pas digne du Sénat, dont vous rappelez souvent, monsieur le président, qu'il est le gardien des collectivités locales et des libertés locales.
Il est vingt heures cinquante : ce n'est pas une heure raisonnable pour poursuivre une telle discussion. Je vous demande donc instamment, monsieur le président, de suspendre maintenant la séance, afin que nous allions dîner et que nous puissions réfléchir en même temps.
Il n'est pas sérieux de continuer à travailler dans ces conditions.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. René Garrec, président de la commission des lois. Je tiens à rappeler, en premier lieu, quelle fut la position de la commission des lois sur les deux sous-amendements en question, celui de M. Girod et celui de M. Fréville : dans les deux cas, la majorité des membres de la commission avaient décidé de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas sur le sous-amendement n° 37 rectifié !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Je ne vois pas ce que le fait qu'il soit rectifié change ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Gautier. Cela doit changer quelque chose, puisque M. le ministre n'émet plus le même avis !
M. René Garrec, président de la commission des lois. En second lieu, je note que vous n'avez pas demandé l'avis de la commission, monsieur le président.
M. le président. J'ai laissé s'ouvrir un large débat sur l'amendement n° 7 et sur le sous-amendement n° 37 rectifié parce qu'ils ont trait à un point essentiel, mais nous allons reprendre le cours normal de nos travaux après la suspension, et je demanderai alors bien évidemment l'avis de la commission.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, je tiens à rappeler, pour éviter toute confusion entre nous, la position du Gouvernement : j'ai, tout à l'heure, donné un avis favorable sur cet amendement, sous réserve que le sous-amendement n° 37 rectifié de M. Fréville soit adopté. Il est à présent nécessaire que soient présentés les autres amendements déposés sur cet article 2, afin que le Sénat puisse ensuite se prononcer en toute sérénité.
Je sais d'ailleurs à quel point chacun, ici, est attaché, à ce que ce débat se déroule dans la sérénité, sérénité qui en fait toute la qualité. Je vous propose donc, monsieur le président, de suspendre la séance, afin que nous allions dîner.
M. le président. Tout à fait ! Mais j'ai tenu à laisser une totale liberté aux uns et aux autres de s'exprimer sur un sujet aussi préoccupant, et je ne pouvais suspendre la séance au beau milieu de la discussion.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-trois heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, au sein de la discussion de l'article 2, sur lequel douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune ont été déposés, l'amendement n° 7 et les sous-amendements nos 41 et 37 rectifié ainsi que l'amendement n° 16 ont été appelés en priorité. Ils ont été présentés par leurs auteurs et ont donné lieu à un très large débat, au cours duquel chacun a pu librement s'exprimer. En effet, compte tenu de l'importance du sujet, il m'a paru nécessaire de donner un peu de souplesse à la discussion. Le Sénat a ainsi montré l'intérêt qu'il portait à ce projet de loi organique.
Il nous reste maintenant à examiner les dix amendements encore en discussion sur l'article 2.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement pourrait, à première vue, surprendre un peu. Il découle des positions de principe qui sont les nôtres sur ce texte que nous examinons depuis hier après-midi.
L'article 2 est relatif aux ressources propres des collectivités territoriales. Pour l'essentiel, ces ressources comprennent le produit des impositions de toutes natures, en particulier des fameuses « quatre vieilles », et les produits d'exploitation.
Cependant, le présent projet de loi organique ne fait que renvoyer au deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, qui dispose que les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ».
Cette insertion - ou non - de la référence explicite au texte constitutionnel dans la loi organique va encore alimenter la controverse, puisque sont visés ici des amendements identiques de la commission des lois et de la commission des finances.
De toute évidence, toutefois, ce qui est en jeu, au-delà de la controverse, c'est bien évidemment le contenu que l'on donne à ces dispositions. Rédiger l'étiquette de la bouteille ne suffit pas : encore faut-il savoir ce que l'on met dedans...
Prenons la question de la fixation de l'assiette et des taux des « quatre vieilles ». Rappelons-le une fois encore, ces quatre impôts locaux étaient, avant la création de l'impôt général sur le revenu par un ministre des finances radical de la IIIe République, des impôts nationaux qui ont été transférés aux collectivités.
S'agissant de l'assiette, nous attendons encore la révision des valeurs locatives, engagée en 1990 et jamais mise en oeuvre...
Dois-je également rappeler ici l'ensemble des mesures qui ont modifié les règles en matière d'imposition locale, qu'il s'agisse du plafonnement à la valeur ajoutée de la taxe professionnelle, de l'allégement transitoire des bases, ou encore, plus récemment, de la suppression de la part taxable des salaires, sans compter bien sûr, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation ?
Pour les élus locaux, fixer les taux des impôts locaux sur une assiette de plus en plus indéfinissable revient à jouer à une sorte de colin-maillard où le bandeau ne serait jamais retiré.
En réalité, les élus locaux votent, en quelque sorte, à l'aveugle, sans avoir les moyens réels de connaître les effets de telle ou telle décision.
Dans bien des cas, la hausse, même modérée, des taux d'imposition mécontente les résidents propriétaires ou accédant à la propriété et ne fait qu'accroître le montant du dégrèvement auxquelles les entreprises ont légalement droit.
Dans ce cadre, pouvons-nous, chers collègues, nous dispenser d'attendre que la réforme des finances locales, tant espérée et si nécessaire, ait enfin été mise en oeuvre avant d'inscrire dans le marbre de la loi organique un principe qui n'a guère de vertu ?
Nous avons déposé dans ce sens - dois-je le rappeler ? - une proposition de loi qui doit permettre d'ouvrir sans délai cet indispensable débat.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à adopter cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au sens de l'article 72-2 de la Constitution, les ressources propres des collectivités territoriales sont celles dont les collectivités et leurs groupements fixent librement le montant. Elles sont constituées du produit des impositions de toutes natures, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je voudrais d'abord exprimer ma satisfaction : le happening a pris fin et nous reprenons un cheminement un peu plus clair.
M. le ministre, à de multiples reprises, a témoigné son souhait de clarté et de lisibilité. Ce faisant, il a distingué deux objectifs sur lesquels nos débats récents montrent qu'un long chemin...
M. Jean-Pierre Sueur. Un très long chemin !
M. Bernard Frimat. ...reste encore à parcourir.
En effet, jusqu'ici nous avions un débat d'une grande clarté.
D'un côté, certains, à droite, préfèrent sauver un compromis boiteux : parce que nous sommes dans un carcan, il faut considérer comme autonomes des choses qui ne le sont pas mais qu'il faut trouver telles. Je pense notamment aux « impositions de toutes natures », sur lesquelles pourtant les collectivités locales n'ont aucun pouvoir.
Je salue la clarté d'une telle position : elle est certes la négation parfaite de l'autonomie financière, mais, comme tentative de définition a contrario, elle est lisible et claire, même si elle se révèle inefficace au regard du but recherché.
D'un autre côté, la position défendue par le bureau de l'Association des maires de France - je vais mettre à l'aise son président - est tout aussi claire : le bureau de l'AMF, à l'image de toutes les autres collectivités territoriales ou du congrès des pouvoirs locaux régionaux d'Europe, affirme clairement et simplement qu'une ressource propre est une ressource sur laquelle les collectivités ont un pouvoir.
Notre amendement n° 56 a donc été déposé pour le cas où, d'aventure, la position initiale des auteurs de l'amendement n° 7 devrait connaître quelque traquenard ou quelque tentative de clarification qui réunisse à la fois la proposition et la contre-proposition. Or c'est à peu près le compromis de grande qualité vers lequel nous nous dirigeons ! Nous allons pouvoir adopter cet amendement de l'AMF de façon que le Sénat, dans sa grande sagesse, puisse envoyer à toutes les associations de collectivités territoriales un message simple : nous, Sénat, qui vous représentons, sommes en désaccord absolu.
C'est en effet ce que vous signifierez si vous votez contre cet amendement n° 56, ou si vous le faites tomber en adoptant l'ersatz de compromis que constitue en réalité l'amendement n° 7.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I - Au début de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
Dans le chapitre IV du titre unique du livre Ier de la première partie du même code, il est inséré un article L.O. 1114-2 ainsi rédigé :
II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la référence :
« Art. L.O. 1114-2. -
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il va enfin nous faire connaître l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 37 rectifié !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas la parole ! Pour l'instant, seul M. le rapporteur est invité à s'exprimer sur l'amendement n° 6 !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est un simple amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Marc, Peyronnet, Frimat, Sueur, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel, Collomb et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
, autres que le produit des impositions de toutes natures que ces collectivités territoriales reçoivent en application du deuxième alinéa de cet article, sont constituées
par les mots :
sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif,
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. La définition des ressources propres constitue, comme nous pouvons le constater depuis plus d'une semaine maintenant, le sujet fondamental du désaccord au sein de la majorité.
A l'Assemblée nationale, l'UMP, à quelques remarquables exceptions près, a soutenu contre vents et marées son gouvernement en jouant, une fois n'est pas coutume, la carte du juridisme triomphant.
Au Sénat, vous en conviendrez, c'est un petit peu plus compliqué : le vote dans cet hémicycle, au-delà des choix opérés en commission, dira si l'autonomie fiscale et financière des collectivités y trouvera son compte.
Ne nous y trompons pas : il s'agit bien de décider ici du contenu d'une loi organique qui s'imposera ensuite à l'ensemble des travaux législatifs à venir sur les transferts de compétence.
L'enjeu est donc de taille ! La question essentielle posée par ce texte porte en effet sur le point de savoir si, parmi les impositions de toutes natures, seules les recettes fiscales, dont les collectivités territoriales peuvent fixer l'assiette, le taux ou le tarif, doivent être considérées comme des ressources propres.
La réponse du groupe socialiste n'a pas changé depuis l'adoption de ce texte à l'Assemblée nationale. Elle est la seule défendable et la seule pertinente : seules peuvent être considérées comme des ressources propres celles sur lesquelles les collectivités disposent de marges de manoeuvre pour en moduler le produit par le vote d'un taux ou la détermination d'un tarif.
Il ne saurait être question d'inclure dans les ressources propres des produits d'impôts nationaux sur lesquels les collectivités n'ont aucun pouvoir. Ces impôts partagés sont tout simplement assimilables à des dotations d'Etat, qui plus est non indexées, et donc sans que leur évolution soit garantie.
L'autonomie fiscale - et, à travers elle, la maîtrise de l'assiette ou du taux des impôts locaux - accroît la liberté de gestion des collectivités territoriales. Elle rend les élus locaux comptables de leurs choix devant leurs électeurs et peut donc être considérée comme un fondement de la démocratie locale. Mais, à elle seule, je tiens à le souligner, elle ne garantit pas l'autonomie financière des collectivités, car une autonomie fiscale garantie ne résout pas le problème de certaines collectivités dépourvues de base. C'est pourquoi cette autonomie ne saurait exister sans des dispositifs de péréquation efficaces et rénovés.
Cela nous conduit donc à vous proposer, mes chers collègues, l'adoption de cet amendement n° 55, qui correspond bien à l'esprit de ce qui a été recherché depuis déjà de nombreux mois dans le souci de donner de l'autonomie aux collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :
de toutes natures
insérer les mots :
à l'exception du produit d'impôts nationaux transféré
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur une question clé en matière de finances locales.
En effet, depuis un certain temps, nous avons pu constater qu'une bonne partie du débat sur les compétences respectives de l'Etat et des collectivités locales se polarisait sur la dévolution de ressources fiscales de l'Etat à ces collectivités.
Je ne prendrai que quelques exemples, que chacun garde en mémoire.
Ainsi, le transfert du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité aux départements a été gagé sur le partage du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dans des conditions que d'aucuns ont d'ailleurs trouvé discutables.
De même, on peut s'interroger, pour l'avenir, sur le système qui viendra éventuellement se substituer à un ou plusieurs niveaux de taxe professionnelle, si tant est que la réforme annoncée en début d'année par le Président de la République lui-même voie le jour...
En fait, le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales, pour autant qu'il s'arrête à la faculté de lever l'impôt en toute connaissance de cause, coïncide difficilement avec le jeu de bonneteau fiscal auquel se livre ou risque de se livrer le Gouvernement dans les mois qui viennent.
Si l'on retient l'expression « impositions de toutes natures », on vise, certes, les recettes fiscales traditionnelles des collectivités locales, mais on laisse aussi la porte ouverte à de plus importants transferts portant sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers, sur la taxe sur la valeur ajoutée ou sur tout autre produit fiscal presque exclusivement perçu aujourd'hui par l'Etat pour son propre compte.
Mais, à chaque fois, le transfert de compétences et de moyens ne vise, in fine, qu'un seul et même objectif : délester l'Etat de ses obligations, à bon compte et à moindres frais, sur les collectivités locales. Libre à elles, ensuite, en parfaite autonomie, de répondre autant que faire se peut aux missions de service public ainsi transférées.
Il serait donc clairement abusif de considérer que le produit des impôts nationaux, partagé au détour de telle ou telle loi, soit assimilable à une ressource fiscale autonome des collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Delfau, Pelletier, Laffitte et Joly, est ainsi libellé :
I- Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :
impositions de toutes natures
insérer les mots :
et les fractions du prélèvement sur recettes affectées aux dotations de péréquation de la dotation globale de fonctionnement
II- Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'intégration des fractions du prélèvement sur recettes affectées aux dotations de péréquation de la dotation globale de fonctionnement dans les ressources des collectivités territoriales, sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Nous venons d'assister à un débat d'une grande confusion sur l'autonomie financière des collectivités territoriales et, plus précisément, sur sa dimension « ressources propres ».
Permettez-moi de rappeler les éléments de ce débat.
Chacun, dans cet hémicycle, s'accorde à considérer que font partie des ressources propres et concourent à l'autonomie financière des collectivités territoriales les recettes de la fiscalité locale. La controverse commence quand il s'agit des impôts partagés.
La commission des lois comme la commission des finances et leurs rapporteurs respectifs souhaitent que le taux et l'assiette de ces impôts qui seront affectés aux collectivités territoriales soient fixés par ces dernières. C'est le gage de la libre administration de ces collectivités.
A ces éléments s'ajoute un aspect qui n'a été évoqué que lors de la discussion générale, à savoir la péréquation.
Par l'amendement n° 77 rectifié, nous proposons que la fraction de péréquation de la dotation générale de fonctionnement puisse concourir à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Nous savons bien que la DGF est un prélèvement sur les recettes de l'Etat. Nous avons approuvé le fait que, depuis 2004, son architecture soit simplifiée et comprenne, pour chaque catégorie de collectivités, une dotation de péréquation.
Inclure cette dernière parmi les ressources propres des collectivités nous semble légitime pour quatre raisons.
D'abord, selon nous, la technique du prélèvement sur recettes de l'Etat est financièrement assimilable au transfert par l'Etat d'un impôt aux collectivités si, du moins, ce transfert permet de renforcer l'autonomie financière des collectivités territoriales. Ce serait le cas en l'espèce.
Pour cette même raison, nous limitons l'intégration au sein des ressources propres des fractions consacrées à la péréquation.
Ce transfert est par ailleurs justifié par les inégalités de ressources considérables entre collectivités et territoires.
Enfin, nous proposons de constitutionnaliser cette fraction de DGF, ce qui permet de faire figurer dans la loi organique la notion de péréquation, mesure attendue par les collectivités. Bref, nous complétons le dispositif qui nous est soumis.
L'amendement n° 77 rectifié a au moins un mérite : il permet de faire apparaître à quel point les débats que vous menez, chers collègues de la majorité sénatoriale, sont biaisés.
Nous considérons, pour notre part, qu'il est important, symboliquement, d'inscrire dans la loi la présence, à côté des recettes fiscales locales, des impôts partagés - s'ils sont d'une façon ou d'une autre maîtrisés par la détermination par les collectivités territoriales de leur assiette ou de leur taux -, d'une fraction de la dotation globale de fonctionnement. Ce serait une garantie d'autonomie financière desdites collectivités.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé:
Les collectivités territoriales peuvent, dans les limites déterminées par la loi, fixer l'assiette et voter le taux des impôts qu'elles perçoivent.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne vous échappera pas, mes chers collègues, que cet amendement, inspiré par une phrase issue de l'excellent rapport de M. Arthuis, Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme, est un amendement de repli.
Il serait finalement assez rafraîchissant d'accepter d'insérer dans l'article 2 cette phrase de bon sens, après le marasme que nous avons connu à la fin de la séance de cet après-midi.
M. Josselin de Rohan. Vous avez raison !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne peux cesser de penser à ce qui s'est passé tout à l'heure. C'était très frappant, monsieur de Rohan, et je constate que cela ne vous a pas échappé !
M. Josselin de Rohan. Vous avez été frappé ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'était d'ailleurs intéressant sur le plan intellectuel.
M. Josselin de Rohan. C'était distrayant !
M. Jean-Pierre Sueur. Ainsi, monsieur Garrec, vous avez indiqué - je ne pense pas trahir votre pensée - que la commission des lois avait émis un avis de sagesse sur le sous-amendement présenté par M. Fréville. Mais cet avis, si je ne me trompe, portait sur le texte initial, qui a été ensuite rectifié. Or vous avez fait remarquer que, de toute façon, cette modification ne changeait rien à l'esprit du sous-amendement. Est-ce exact ?
M. René Garrec, président de la commission des lois. Cela ne changeait rien à l'avis de la commission !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans le même temps, monsieur le ministre, vous nous avez signalé qu'autant vous n'auriez pas accepté le sous-amendement initial, autant vous considérez que ce texte modifié règle, d'une certaine façon, tous les problèmes et vous permet d'accepter l'amendement n° 7 de la commission des lois.
M. le président. Venez-en à l'amendement n° 57, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai voulu rappeler la situation de marasme que nous avons connue, afin que mes propos figurent au Journal officiel et que chacun puisse bien apprécier les dimensions du problème.
Pour ce qui est de l'amendement n° 57, voter la phrase de bon sens et tout à fait rafraîchissante suggérée par le rapport de M. Arthuis serait un élément de stabilité dans notre assemblée qui ne pourrait qu'être profitable à ces collectivités locales que nous aimons tant.
M. le président. Amour partagé, monsieur Sueur ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Bravo, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le second alinéa de cet article.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement porte sur la question sous-jacente dans le débat que nous menons de la prise en compte de l'intercommunalité.
Comme nous le savons tous, le fait intercommunal n'est pas, aujourd'hui, constitutif de collectivités locales de plein exercice.
Certains s'en plaignent d'ailleurs, d'autant qu'ils appellent aussi de leurs voeux une forme de spécialisation des recettes fiscales locales qui ferait de la taxe professionnelle l'instrument fiscal essentiel de l'échelon intercommunal.
Plus généralement, concernant les EPCI, il nous faudra bien un jour mener le débat à son terme si nous ne voulons pas rester au milieu du gué, comme c'est encore le cas aujourd'hui avec ce projet de loi organique.
La rédaction actuelle des articles 72 et 72-2 de la Constitution ne contient pas de trace non plus du fait intercommunal.
On pourrait presque se dire que l'article 2 du présent projet de loi organique ne propose d'autre évolution signifiante que celle qui vise à assimiler, en termes d'évaluation des ressources propres, les communes aux établissements publics de coopération intercommunale.
Mais, dans les faits, une telle orientation a une particularité essentielle, qui ne peut échapper aux observateurs les plus attentifs de la situation de nos collectivités locales : l'intercommunalité, notamment parce qu'elle est portée par l'homogénéisation des taux de taxe professionnelle au titre du coefficient d'intégration fiscale, gomme sinon écrase la réalité des disparités de ressources dont disposent les collectivités locales, notamment celles qui sont également éligibles au bénéfice des dotations de solidarité comprises dans le périmètre de la DGF.
Les faits sont patents et connus de tous.
L'accroissement sensible du nombre des EPCI, depuis l'adoption de la loi de 1999, a pour conséquence, entre autres, de réduire sensiblement la part de la taxe professionnelle dans les ressources des communes.
En 1999, ladite taxe professionnelle représentait environ 45 % des recettes fiscales des communes. En 2001, cette part est passée sous les 33 %, et nul doute que 2002 a amplifié ce processus, qui sera encore accentué les prochaines années.
Chacun sait dans cette enceinte qu'il existe des transferts, au sein des EPCI, de ce produit fiscal au travers des dotations de solidarité intercommunale.
Mais peut-on raisonnablement estimer que ces ressources fiscales ainsi retraitées sont des ressources propres des communes, attendu qu'elles procèdent, dans un premier temps, d'un abandon pur et simple, par les conseils municipaux concernés, de leur faculté de fixer assiette, taux et tarif de ces recettes fiscales ?
Une telle vision nous semble plus que discutable, sauf à être ensuite instrumentalisée pour servir, en application des dispositions de l'article 4 du présent projet de loi organique, d'élément favorisant le statu quo et la réalité des inégalités de richesse entre collectivités locales.
Sous le bénéfice de ces observations, qui soulèvent toute une série de questions de fond qu'il faudra bien affronter, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement de suppression du second alinéa de l'article 2.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les compensations forfaitairement prises en charge par l'Etat ne constituent pas des ressources propres.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.
L'amendement n° 38, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Pour la catégorie des régions, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui, mentionnées au premier alinéa, bénéficient aux autorités organisatrices des transports urbains dans la région d'Ile-de-France.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Le présent amendement n'a aucun rapport avec la discussion que nous venons d'avoir.
Si j'ai bien compris, le versement transport est une ressource propre des collectivités locales. Aucun problème ne se pose en la matière dans les villes, c'est-à-dire dans les communes et les établissements publics de coopération intercommunale. Il n'y a en effet aucun doute : c'est bien une ressource propre pour les communes.
Mais il existe également un versement transport dans la région parisienne, qui suit d'autres règles, et le provincial que je suis n'a aucune compétence particulière sur la nature juridique sui generis du syndicat des transports en Ile-de-France, le STIF.
Ma question est donc la suivante : à quelle catégorie ce versement transport dans la région parisienne doit-il être rattaché ? Il ne me semble pas qu'il puisse l'être aux communes. Doit-il alors être rattaché à la catégorie des régions ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est localisé ! (Sourires.)
M. Yves Fréville. C'est cette question que je voudrais voir tranchée.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est une bonne question !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas la parole ! Et vous non plus, monsieur Sueur !
M. Gérard Delfau. Pour une fois que nous approuvons ! (Rires.)
M. le président. Il faut continuer dans cette voie ! (Nouveaux rires.)
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, au nom de la commission des lois, faire le point après la présentation de l'ensemble de ces amendements et sous-amendements.
Il me semble nécessaire de clarifier le débat.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Pour des raisons que j'ai longuement évoquées et sur lesquelles je ne reviendrai pas, la commission des lois avait présenté deux amendements, identiques à ceux de la commission des finances, aux articles 2 et 3 du projet de loi organique.
Ces deux amendements sont indissociables.
Le premier, l'amendement n° 7 à l'article 2, définit les ressources propres comme étant les ressources dont les collectivités territoriales ont la maîtrise.
Le second, l'amendement n° 10 à l'article 3, tend, en contrepartie de leur définition plus restrictive, à abaisser la part minimale que les ressources propres doivent représenter dans l'ensemble des ressources des collectivités. C'est un seuil modeste, réaliste en l'état actuel de nos finances publiques, parce qu'il présente - ou présentait - l'avantage de laisser un maximum de place à la future péréquation.
Depuis lors, deux sous-amendements nous ont été présentés par nos collègues Paul Girod et Yves Fréville.
Le sous-amendement n° 41, présenté par Paul Girod, tend à donner des ressources propres des collectivités une définition plus exigeante que celle qui est proposée par la commission des lois. En effet, seules pourraient, d'après lui, être considérées comme telles les recettes fiscales dont les collectivités pourraient fixer à la fois - et non alternativement - l'assiette et le taux ou le tarif.
Ce sous-amendement a reçu un avis de sagesse en commission des lois.
Le sous-amendement n° 37 rectifié, présenté par notre collègue Yves Fréville, tend à inclure dans la définition des ressources propres des collectivités le produit des impositions de toutes natures dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou le taux.
La rectification - il faut bien l'évoquer - a consisté à permettre à la loi de localiser le taux d'un impôt par collectivité, sans discrimination aucune entre les différents niveaux de collectivités. Communes, départements et régions sont concernées de la même manière même si, sur un plan pratique, cela peut poser un peu plus de problèmes pour l'un des échelons.
Dans un premier temps, la commission des lois avait décidé de s'en remettre, sur le sous-amendement n° 37 original, à la sagesse du Sénat. Je ne pense pas que la rectification proposée soit telle qu'il y ait lieu de modifier cet avis de sagesse.
Ne nous y trompons pas : le débat n'est pas seulement juridique, il est financier et politique.
Préférons-nous, comme nous y invite le Gouvernement, retenir une définition large des ressources propres incluant des ressources dont les collectivités n'ont pas la maîtrise - même si celles-ci ne peuvent être assimilées à des dotations - et un seuil plancher élevé, ou bien, comme vous le proposaient vos deux commissions, préférons-nous retenir une définition plus exigeante des ressources propres et un seuil plancher plus faible compte tenu des minces possibilités de transfert d'impôts modulables ?
La signification de ces dispositions a été expliquée par leur auteur et par notre collègue Michel Mercier lorsque celui-ci a présenté la position de la commission des finances. Je n'y reviens pas. Toutefois, pour rendre le texte du sous-amendement plus clair et l'ordonnancement de ses termes plus compréhensible, il faudrait que M. Fréville accepte de remplacer les mots : « la loi » par le mot : « elle ».
Le choix qui nous est offert est donc clair. En cas d'adoption du sous-amendement de notre collègue Yves Fréville, l'amendement n° 10 serait retiré à l'article 3 et le seuil plancher serait constitué par la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités territoriales en 2003.
C'est dans cet esprit que je m'apprête à retirer l'amendement n° 10.
La commission des lois a décidé, je le répète, de s'en remettre sur les deux sous-amendements nos 41 et 37 rectifié à la sagesse du Sénat. Une fois cette question tranchée, elle serait évidemment défavorable aux autres amendements à l'article 2, que je vais cependant reprendre dans l'ordre où ils ont été défendus.
L'amendement n° 23, présenté par notre collègue Thierry Foucaud, tend à supprimer l'article 2. Pour les raisons que j'ai évoquées alors que nos collègues du groupe CRC et du groupe socialiste nous proposaient de supprimer l'article 1er, je ne puis évidemment y donner un avis favorable.
La définition que donne l'amendement n° 56 des ressources propres est moins claire, me semble-t-il, que celle qui a été retenue par la commission des lois et par la commission des finances. Nous y sommes donc défavorables.
Je ne reviens pas sur l'amendement n° 7, non plus que sur les deux sous-amendements et sur l'amendement n° 16, sur lesquels je me suis expliqué.
La modulation de l'assiette d'un impôt constitue un élément de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Je ne puis donc, par conséquent, donner un avis favorable sur l'amendement n° 55.
L'amendement n° 24 sera satisfait par l'amendement n° 7 de la commission si ce dernier est adopté.
Par ailleurs, les collectivités territoriales n'ont aucune maîtrise sur les recettes visées par l'amendement n° 77 rectifié présenté par notre collègue Gérard Delfau. L'Etat fixe seul le montant de ces dotations et décide seul des critères de leur répartition. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme des ressources propres.
L'amendement n° 57 aurait pour conséquence de priver les collectivités du bénéfice d'impôts partagés. Je ne puis y être favorable.
L'agrégation des ressources des EPCI et de celles des communes est légitime et nécessaire. Je ne puis donc donner un avis favorable sur l'amendement n° 25.
Quant à l'amendement n° 38, j'ai cru comprendre que M. Fréville ne verrait aucun inconvénient à le retirer compte tenu de la position adoptée sur l'ensemble des amendements déposés sur l'article 2.
M. le président. Monsieur Fréville, l'amendement n° 38 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville. Non, monsieur le président.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Avant la suspension de séance, j'avais émis, je le rappelle, un avis défavorable sur l'amendement n° 7, présenté par M. Hoeffel, pour les raisons que vous savez et que je ne répéterai pas.
J'avais également indiqué que j'émettais un avis défavorable sur le sous-amendement n° 41 de M. Paul Girod, le considérant trop restrictif dans la mesure où il associait trop étroitement l'assiette et le taux.
A cette occasion, vous m'avez demandé, monsieur Girod, si les collectivités disposant d'un pouvoir sur l'assiette pouvaient avoir d'autre choix que de le baisser.
Il est vrai que, aujourd'hui, le législateur ne prévoit que des abattements et des exonérations, et je ne sache pas que des évolutions soient prévues dans un autre sens, par exemple en matière de taxe d'habitation ou de foncier bâti. Cependant, rien n'empêche d'imaginer que la loi puisse autoriser, à partir d'une assiette moyenne, des marges de manoeuvre et de fluctuation, à la hausse comme à la baisse, dès lors qu'elle les aura définies avec suffisamment de précision. La possibilité existe donc dans un sens comme dans l'autre.
M. Paul Girod. Venant d'obtenir la réponse à la question que j'avais posée, je retire mon sous-amendement, monsieur le président.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est magique ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le sous-amendement n° 37 rectifié de M. Fréville est de nature, je crois, à répondre à un certain nombre des interrogations que j'avais évoquées. Bien que je trouve sa formulation soit moins simple que celle qu'avait initialement proposée le Gouvernement, je considère que l'essentiel est de trouver un accord. Or ce sous-amendement correspond à la philosophie qui est la nôtre.
M. Jean-Pierre Sueur. Du coup, vous acceptez l'amendement n° 7, qui devient vertueux à vos yeux !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est en effet la raison pour laquelle j'émets un avis favorable sur l'ensemble de ce dispositif, compte tenu de ce que je viens d'indiquer.
M. Yves Fréville. Je profite de l'occasion pour dire, monsieur le président, que j'accepte la rectification proposée par M. le rapporteur.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 37 rectifié bis, présenté par MM. Fréville et du Luart, et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 7 par les mots :
ou dont elle détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. La rédaction proposée est un peu lourde, mais permet de répondre à toutes les questions qui se posent.
J'en viens à l'amendement n° 23.
M. Foucaud a une certaine constance, parce tous ses amendements ou presque visent à supprimer un article du présent projet de loi organique. Or, là encore, je dois dire qu'il serait vraiment dommage de supprimer cet article 2, qui a vocation à permettre une application directe des dispositions de l'article 72-2 de la Constitution. Par conséquent, je suis évidemment défavorable à cet amendement de suppression.
L'amendement n° 56, présenté par M. Frimat, suppose que les ressources propres sont celles dont les collectivités fixent librement le montant.
Ne rouvrons pas ce débat. Si cette définition était retenue, cela aurait pour conséquence de vider de tout sens la liste prévue par cet amendement. En suivant cette logique, il n'y aurait plus de ressources propres. Je suppose que ce n'est pas tout à fait l'esprit, monsieur Frimat, dans lequel vous avez imaginé cet amendement, auquel le Gouvernement est, en tout état de cause, défavorable.
L'amendement de codification présenté par M. Hoeffel ne pose naturellement aucun problème. J'y suis tout à fait favorable.
L'amendement n° 55, présenté par M. Marc, vise à ce que les ressources propres des collectivités territoriales soient « constituées du produit des impositions de toutes natures dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif ». Beaucoup de choses ont été dites sur ce point, et je crois que la Haute Assemblée est éclairée. Vous comprendrez donc que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cet amendement.
Il émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 24 de M. Foucaud, qui, cette fois, ne vise pas à supprimer l'article, mais à exclure du produit des impositions de toutes natures le produit des impôts nationaux transférés. Nous sommes en désaccord sur ce point, monsieur Foucaud, ce qui n'enlève rien au caractère éminemment respectable de vos observations. Nous avons déjà eu des désaccords dans le passé, nous en aurons probablement d'autres. Après tout, c'est aussi cela qui fait la beauté de la démocratie...
L'amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Delfau, vise à inclure dans les ressources propres des collectivités énumérées à l'article 2 les dotations de péréquation de la dotation globale de fonctionnement, financées par prélèvement sur recettes.
Je me vois contraint de vous dire, monsieur Delfau, que nous avons, vous l'avez bien compris, un désaccord de fond. J'insiste vraiment sur le fait que ces deux notions essentielles - l'autonomie financière d'un côté, la péréquation de l'autre - doivent être distinctes, non pour le plaisir de les dissocier par principe, mais tout simplement parce que les mélanger, c'est les rendre contradictoires.
Il ne revient pas aux collectivités locales d'assurer la mission de péréquation. Celles-ci doivent bénéficier de l'autonomie financière, qui sera désormais actée dans la Constitution grâce au présent projet de loi organique. La péréquation, c'est autre chose : elle relève de la solidarité nationale, donc de l'Etat. Je crois donc vraiment utile de distinguer ces deux notions et de ne pas lier péréquation et autonomie financière.
J'ajoute que, pour ma part, je trouve un peu contestable, je vous le dis très librement, de distinguer parmi les dotations celles qui seraient comprises dans les ressources propres au motif qu'elles seraient plus « péréquatrices » que les autres. Nous entrerions là dans un système très complexe - à supposer qu'on y entre -, qui serait tout à fait contradictoire avec l'immense travail réalisé par le comité des finances locales pour simplifier ces dotations. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'amendement n° 77 rectifié.
L'amendement n° 57 de M. Sueur vise à ce que les collectivités territoriales puissent, « dans les limites déterminées par la loi, fixer l'assiette et voter le taux des impôts qu'elles perçoivent ». Très franchement, monsieur Sueur, cela figure déjà clairement dans la Constitution : « La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine. »
Vous avez bien lu la Constitution, monsieur Sueur, je l'ai constaté en étudiant votre amendement, et je m'en réjouis. Mais il n'y a pas de raison de répéter dans le projet de loi organique ce qui figure déjà dans la Constitution ! Il me semble donc que l'on peut en rester là et j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Pour être tout à fait honnête, monsieur Sueur, je vous ai entendu tout à l'heure faire preuve d'ironie. On avait l'impression que vous vous réjouissiez un peu en évoquant les divergences qui pouvaient exister - elles ont d'ailleurs été surmontées, je crois - entre la commission des lois, le Gouvernement et la majorité. Vous avez ainsi suscité les sourires au sein de la partie gauche de l'hémicycle. Etant très soucieux d'équité depuis le début de ce débat, je me dis qu'il serait dommage de terminer cette soirée sans que la partie droite de l'hémicycle ait à son tour l'occasion de sourire un peu. J'ai donc profité du dîner pour tenter de rétablir l'équilibre. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Et j'ai trouvé ! Figurez-vous que, lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, votre groupe, monsieur Sueur, avait déposé un amendement formidable - l'amendement n° 151 - qui visait à supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 6 dudit projet de loi pour insérer un article 72-2 dans la Constitution.
Vous précisiez, dans l'objet de votre amendement : « Il n'apparaît pas utile d'inscrire dans la Constitution que les collectivités territoriales peuvent recevoir le produit des impositions de toutes natures ni qu'elles peuvent en fixer l'assiette et le taux. » Vous voyez !
« En effet, écriviez-vous, la loi leur garantit déjà ces pouvoirs, sans que cela ne pose de difficultés constitutionnelles. »
Puis vous ajoutiez : « En outre, la politique fiscale doit demeurer du ressort de l'Etat. »
« Par ailleurs, affirmiez-vous plus loin, le pouvoir de voter l'impôt, exercé par les représentants de la nation, est à l'origine de l'édification des régimes parlementaires. Pour sa part, l'impôt est légitime, parce que librement consenti par les représentants de la nation. Ainsi, Parlement et impôt se légitiment mutuellement. »
Si j'avais su, je vous aurais adressé la bienvenue dans notre club ! (Sourires.) En effet, ce débat vous concernait tout autant que nous. Finalement, rien ne vaut les archives !
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous aviez alors accepté cet amendement, nous n'en serions pas là aujourd'hui !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je précise que cet amendement était signé de M. Jean-Claude Peyronnet, de M. Bernard Frimat, de M. Michel Dreyfus-Schmidt, ici présents, et de M. Pierre Mauroy - sans qui on ne pourrait pas parler de décentralisation. On passe de très bons moments en consultant de temps en temps les archives du Sénat !
M. Charles Gautier. Qu'est-ce qu'on rit !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'était destiné à la partie droite de l'hémicycle : vous, cela ne pouvait pas vous faire sourire !
M. Jean-Pierre Sueur. Ils ne sont pas hilares !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'amendement n° 25 de M. Bret vise à supprimer le second alinéa de l'article 2, qui intègre les EPCI à la catégorie des communes.
Nous avons déjà longuement débattu de ce sujet. Je le répète : les EPCI ne sont pas considérés comme des collectivités territoriales et ne constituent donc pas une catégorie de collectivités. J'émets, dans ces conditions, un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, monsieur Fréville, vous avez retiré l'amendement n° 38. Je crois très honnêtement que vous avez bien fait. Si tel n'avait pas été le cas, je vous aurais rassuré en vous indiquant que les ressources que vous évoquez sont bien entendu intégrées dans les ressources propres des régions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement.
M. le président. Vous allez l'user, ce règlement, depuis le temps que vous nous y rappelez ! (Sourires.)
Je vous donne néanmoins la parole, mon cher collègue, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, l'amendement n° 25 de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen vise à supprimer le second alinéa de l'article 2. Il est donc normal qu'il fasse l'objet d'une discussion commune au sein de l'article 2 tant que figure parmi les amendements en discussion un amendement de suppression de l'ensemble de l'article.
Toutefois, si ledit amendement de suppression était repoussé, l'amendement n° 25 ne serait alors plus en discussion commune ! Je voulais donc m'assurer qu'il ne tomberait pas si d'autres amendements sont adoptés.
M. le président. Nous verrons cela le moment venu, mon cher collègue !
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 37 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions la possibilité de conclure ce débat en faisant un choix clair. Celui qui nous a été présenté par M. Hoeffel et par M. Mercier, au nom de la commission des lois unanime et de la commission des finances sans doute elle aussi unanime, aurait eu une forte valeur symbolique pour l'ensemble des collectivités locales de ce pays. En effet, s'il avait suivi ses deux commissions, le Sénat aurait solennellement réaffirmé que les ressources propres des collectivités locales sont celles qu'elles maîtrisent.
Cela, monsieur le président du Sénat, aurait été tout à fait conforme à la lettre et à l'esprit de la proposition de loi constitutionnelle que vous avez présentée, ainsi que M. Jean-Pierre Raffarin et d'autres collègues, à cet égard.
M. Josselin de Rohan. Oui, mais la Constitution a été modifiée depuis !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, il y a eu, monsieur de Rohan, vous venez de nous le rappeler, une révision constitutionnelle.
Quoi qu'il en soit, j'ai dit tout à l'heure et je répète qu'il eut été préférable de faire un choix clair en faveur d'une position ou d'une autre.
Nous avons, quant à nous, clairement dit quel était notre sentiment : nous pensons que la position de la commission des lois et de la commission des finances était et reste la bonne. Cela dit, il aurait également été cohérent avec une autre interprétation de la Constitution et du rapport entre la loi organique et la Constitution d'en adopter une autre...
Mais ce que vous nous proposez de faire ici n'aura ni la cohérence qui était possible ni la clarté qui était nécessaire, car le sous-amendement n° 37 rectifié bis de M. Fréville est - ne jouons pas sur les mots - centralisateur dans son principe. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Il vise, cela me paraît clair et c'est d'ailleurs une opinion tout à fait respectable,...
M. Gérard Delfau. C'est son seul mérite !
M. Jean-Pierre Sueur. ... à ajouter aux ressources qui sont clairement celles des collectivités locales et qu'elles maîtrisent, un ensemble inconstitué d'impositions à caractère local dont la loi pourra déterminer la localisation de l'assiette et du taux, c'est-à-dire, monsieur Fréville - et je ne vous en fais pas le reproche -, que des décisions émanant du niveau central s'appliqueront aux collectivités locales sans que celles-ci en aient, cela doit être parfaitement clair, la maîtrise. Et je laisse de côté les innombrables difficultés techniques qu'entraînerait l'application d'une telle disposition !
Si d'aventure l'amendement n° 7 était adopté dans cette version finale, je souhaite bon courage aux remarquables fonctionnaires de la non moins remarquable direction générale des collectivités locales pour déterminer la localisation de l'assiette et du taux des différents impôts en question !
M. Charles Gautier. Ils ont le droit de s'amuser eux aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. En tout état de cause, en adoptant ce sous-amendement, nous renonçons à une définition claire des ressources locales dont les collectivités locales resteraient maîtresses.
En réalité, monsieur Hoeffel, monsieur Mercier - mais vous le savez, je crois -, le sous-amendement n° 37 rectifié bis est contradictoire avec l'amendement n° 7 que vous avez présenté.
Je regrette vraiment que l'on n'ait pas choisi la clarté, parce que, même si cela présentait un petit risque constitutionnel - et encore, nous pensons que tel n'est pas le cas - nous aurions adopté une position digne de ce que les collectivités locales sont en droit d'attendre de notre assemblée, qui a pour mission de les représenter.
Parce qu'il est contradictoire avec l'amendement n° 7, nous ne pourrons pas voter le sous-amendement n° 37 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La commission des lois s'en était remis à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 37 dans sa version originale.
Nous n'avons pas encore modifié le règlement du Sénat afin de permettre aux auteurs des amendements de venir les défendre devant les commissions auxquelles ils n'appartiennent pas, ce qui est dommage, parce que cela leur permettrait d'obtenir des explications. Or, en la circonstance, nous n'en avons eu aucune.
M. le rapporteur a proposé en commission de s'en remettre à la sagesse du Sénat, ce qui pour tout le monde signifiait : « On verra en séance ». Mais nous n'avons pas discuté du fond.
Puis le sous-amendement n° 37 a été rectifié. M. le président de la commission nous a dit que c'était la même chose et que la commission s'en serait également remis à la sagesse du Sénat si elle avait été saisie de ce sous-amendement rectifié.
Je dois cependant faire un aveu à notre collègue M. Fréville : j'ai beaucoup d'admiration pour son talent, ses connaissances et sa science, mais je ne comprends rien au sous-amendement n° 37 rectifié bis, comme, j'en suis sûr, nombre d'entre nous ici. Il est vrai qu'il nous a dit qu'il n'était pas juriste, et ce n'était sans doute pas de la fausse modestie...
Que signifie l'expression : « dont elle détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux » ? Cela signifie-t-il que la loi détermine uniquement la localisation, ou qu'elle détermine également le taux ?
J'aimerais qu'on me réponde, car je crois comprendre qu'il s'agit seulement de la localisation de l'assiette ou du taux. Mais qui fixe l'assiette et le taux ?
M. René Garrec, président de la commission des lois. La loi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On n'en sait rien, et cela vous est égal parce que, dans votre esprit, l'Assemblée nationale balaiera tout ça ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Ce n'est tout de même pas suffisant, d'autant que, dans l'objet du sous-amendement n° 37, qui, paraît-il, « revient au même » que le sous-amendement n° 37 rectifié bis, on trouvait la réponse à la question que je pose.
On y lisait en effet : « Qu'est alors qu'une recette fiscale locale ? C'est un impôt localisé, c'est-à-dire un impôt dont le produit reçu par une collectivité, qu'elle en vote ou non le taux, » - j'y insiste - « est directement ou indirectement rattachable au territoire de cette collectivité et donc dont la matière imposable est localisée. »
Que la collectivité « en vote ou non le taux » signifie que la loi déterminera seulement la localisation par collectivité, et M. le rapporteur a bien voulu reconnaître comme moi que l'on ne voyait pas très bien comment cela pourrait fonctionner pour les communes.
En vérité, on distingue entre les régions et les départements, d'une part, et les collectivités, d'autre part.
Nous ne pouvons voter une telle disposition, mais, chers collègues de la majorité, vous, vous allez sans doute le faire parce que vous avez l'impression que cela sauvera la face des uns et des autres tout en sachant parfaitement que l'Assemblée nationale fera litière et de l'un et de l'autre !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Sûrement pas !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Si nous choisissons de nous exprimer sur le sous-amendement de M. Fréville, c'est parce que, tout en souhaitant ne pas multiplier nos interventions, nous sommes bien conscients que c'est maintenant que nous devons expliquer notre vote. On peut en effet penser que l'amendement sous-amendé va connaître un sort favorable et que, logiquement, les autres amendements devraient en grande partie « tomber ». Rassurez-vous donc, mes chers collègues : le timing de cette séance devrait convenir à tous.
Monsieur le rapporteur, vous disiez tout à l'heure, en commentant l'amendement que nous avons repris de l'AMF, que son texte vous semblait moins clair que celui de votre amendement n° 7 sous-amendé par M. Fréville.
J'avoue que j'ai beaucoup de difficulté à trouver de la clarté dans l'« attelage » que vous venez de constituer !
Nous sommes en désaccord non pas sur les termes du débat, que M. le ministre a, me semble-t-il, bien posé, mais sur la réponse à apporter.
Les ressources propres sont soit des ressources sur lesquelles les collectivités ont un pouvoir, soit « le produit des impositions de toutes natures » que vise le Gouvernement dans le projet de loi organique. C'est soit l'un, soit l'autre.
Je pense n'avoir jamais entendu M. le ministre contester que les ressources sur lesquelles les collectivités avaient un pouvoir fussent des ressources propres. Le problème n'était donc pas là : il s'agissait de savoir si les ressources sur lesquelles les collectivités n'avaient pas de pouvoir étaient des ressources propres.
Voilà où devait se situer votre contribution au compromis !
On était déjà parvenu, à l'occasion de la révision constitutionnelle, à un premier compromis dont on a pu apprécier aujourd'hui toute la qualité si l'on en croit la facilité qu'a eue le Gouvernement pour rédiger le projet de loi organique...
Vous êtes en train d'en préparer un autre de même nature, puisque le sous-amendement contredit la logique de l'amendement n° 7 et le vide de son contenu.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
M. Bernard Frimat. Je ne dis pas que chacune des parties est incohérente : je salue la technicité et la cohérence centralisatrice du sous-amendement, et de la démarche, de notre collègue Yves Fréville ; je salue de même la cohérence de l'amendement n° 7 ou, au choix, celle de l'amendement n° 16, puisque ces amendements sont identiques. Mais, en assemblant ces deux parties, vous arrivez à un tout particulièrement incohérent puisqu'il contient une chose et son contraire !
Est-ce votre contribution à l'ambiance du moment ? Nous sommes bientôt le 6 juin et il faut sauver le soldat Ryan ! (Sourires.) Quel sénateur s'appelle Ryan, et quelle face faut-il sauver pour pouvoir prétendre que nous aurons jusqu'au bout défendu la position qui aurait assuré l'indépendance des collectivités ?
Il est plus de minuit, l'heure du crime vient d'être dépassée. Nous parvenons maintenant à une synthèse qui n'a qu'un défaut, celui d'être parfaitement contradictoire.
Le « confort » parlementaire dont vous bénéficiez vous permet d'aligner des compromis de mauvaise qualité successifs. Nous vous en sommes reconnaissants, puisque nous pourrons bientôt en faire un recueil !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Le texte qui nous arrive de l'Assemblée nationale a été jugé peu satisfaisant par la majorité des membres de notre assemblée. Pourtant, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le ministre avait indiqué très clairement que c'était la « seule solution politiquement acceptable ».
On comprend, dès lors, pourquoi le sous-amendement présenté par notre collègue Yves Fréville a trouvé grâce aux yeux du représentant du Gouvernement. Il s'agit en effet non pas d'accroître l'autonomie des collectivités mais, au contraire, de créer un mécanisme qui, par une dotation publique décidée au niveau de l'Etat et dont les paramètres seront déterminés à ce même niveau, permet d'attribuer de nouvelles dotations aux collectivités.
Le fil conducteur reste donc le même et nous sommes toujours dans la ligne de cette « seule solution politiquement acceptable », en totale contradiction avec l'objectif visé, à savoir donner davantage d'autonomie aux collectivités territoriales.
La pirouette que l'on nous propose d'accomplir ce soir pour que chacun puisse présenter un visage réjoui après le débat, qui s'est révélé assez piètre, est parfaitement illustrée par une citation tout à fait intéressante que je relève dans le rapport établi par Michel Mercier au nom de la commission des finances et qui résumera d'ailleurs l'esprit dans lequel nous conduisons nos travaux.
« Les dispositions du présent projet de loi organique relatif à l'autonomie financières des collectivités territoriales n'assurent aucunement à ces collectivités de bénéficier de ressources fiscales modulables dès lors qu'aucune distinction n'est effectuée, au sein des impositions de toutes natures, entre les impositions pour lesquelles elles seraient en mesure de moduler les taux et celles pour lesquelles elles ne le pourraient pas. Il faut bien reconnaître que ce constat limite beaucoup l'intérêt de la réforme et risque d'en faire une "coquille vide". Quelle est en effet la différence entre une part d'impôt d'Etat déterminée au niveau central » - comme la TIPP, dont nous avons longuement parlé ce soir - « et une dotation budgétaire, du point de vue de l'autonomie de gestion des collectivités territoriales ? Seule une imposition dont la collectivité détermine ou, à la rigueur, module les taux répond au critère économique d'autonomie. »
Voilà, mes chers collègues, la position de la commission des finances !
Nous assistons bien à une pirouette, et celle-ci ne trompe personne. On nous disait tout à l'heure vouloir faire sourire l'hémicycle. Je crains que l'on ne rencontre pas beaucoup d'hilarité lorsque les élus locaux prendront connaissance des conditions dans lesquelles l'autonomie financière des collectivités territoriales aura été présentée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Cette discussion sur la définition de la notion de ressources propres appelle, au moment où nous devons nous exprimer pour ou contre le contenu partiel de l'article 2 du projet de loi organique, quelques observations complémentaires.
Sur la forme, tout d'abord, il apparaît clairement que le sous-amendement de notre collègue Yves Fréville est devenu d'un seul coup plus présentable aux yeux du Gouvernement que les amendements conjoints de la commission des lois et de la commission des finances.
Sur la forme, toujours, il est manifeste que, au-delà des discours plus ou moins vertueux que nous avons pu entendre, la présentation et l'adoption éventuelle de l'amendement n° 7 ainsi sous amendé ont surtout valeur d'affichage.
Mes chers collègues, nous ne sommes pas dans le cadre de la loi organique, ni même d'un débat sur l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais dans celui d'un exercice compliqué dont l'objet est de tenter, assez maladroitement à la vérité, de lier conjoncture de court terme et vision de moyen ou long terme, en créant - devons-nous le rappeler ? - les conditions de la mise en oeuvre d'une généralisation de l'expérimentation des transferts de compétences telle que conçue dans le cadre de la loi relative aux responsabilités locales.
Le peu d'autonomie qui pourrait découler de l'adoption de l'amendement n° 7 tel que rectifié par le sous-amendement n° 37 rectifié bis serait en fait aussi rapidement « aspiré » par la mise en oeuvre de la décentralisation définie dans la loi précitée.
Sur le fond - et c'est une observation que plusieurs de nos collègues ont également produite -, il est évident que le périmètre des impôts susceptibles d'être transférés par l'Etat en direction des collectivités locales est réduit.
Que recouvre-t-il en effet ? Le produit de l'enregistrement, même si nous voyons mal les assemblées locales décider à l'avenir du tarif des droits de succession ? Le produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, taxe que d'aucuns voudraient, si l'on en croit certaines publications spécialisées, consacrer au financement des services d'incendie et de secours ?
Va-t-on passer, à partir de là, à la mode espagnole, c'est-à-dire au partage du produit des impôts d'Etat ? Et l'on pense singulièrement à la TIPP, déjà consacrée pour partie au financement du transfert du RMI, ou encore à la TVA...
A ce propos, nous rappellerons qu'il existe une menue marge de manoeuvre découlant de la suppression de la quotité de TVA consacrée au financement de la protection sociale agricole.
Tout cela pose, on l'a dit, d'incontestables problèmes de mise en oeuvre.
Faudra-t-il demain, monsieur Fréville, pour localiser les produits fiscaux partagés, compter une à une les stations d'essence, où le fait générateur de la TIPP est le remplissage du réservoir des véhicules automobiles ?
Faudra-t-il demain, monsieur Fréville, pour partager une partie des droits de consommation sur le tabac, localiser avec précision le nombre de buralistes ou d'épiceries rurales faisant office de bureau de tabac ?
On pourrait multiplier les exemples rendant sa véritable mesure à la déroutante construction législative qui nous est proposée et que, bien évidemment, nous ne pouvons que rejeter.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.
M. Yves Fréville. Je ne suis pas juriste, mais je me souviens de l'adage : nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Nul n'est recevable à invoquer sa propre turpitude - au sens latin du terme - ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela signifie-t-il que vous retirez votre sous-amendement ? (Sourires.)
M. Yves Fréville. Au cours de cette séance, mes chers collègues, on a beaucoup évoqué les fautes que certains d'entre nous peuvent commettre. Mais je souhaiterais tout de même rappeler que, si nous en sommes arrivés à ce stade, c'est parce que nous avons assisté à l'accumulation éhontée des suppressions d'impôts contrôlés par les collectivités locales.
M. Jean-Pierre Fourcade. Oui : 15 milliards d'euros !
M. Yves Fréville. Cela a été le cas avec la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, impôt contrôlé par les collectivités locales ; avec la suppression de la vignette, impôt parfaitement contrôlé par les collectivités locales ; avec la suppression de la variation possible des droits de mutation à titre onéreux, variable contrôlée par les collectivités locales. Et le tout s'élève en effet, comme l'a dit M Fourcade, à 15 milliards d'euros !
M. Josselin de Rohan. Et ils n'ont rien dit à l'époque ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yves Fréville. Or, mes chers collègues, si nous avions conservé ces 15 milliards d'euros, nous aurions pu voter en l'état l'amendement de la commission des finances et de la commission des lois.
On est obligé, si l'on veut respecter l'autonomie financière des collectivités locales, de fixer deux objectifs : l'objectif de contrôle, qui est parfaitement justifié ; et, pour combler le trou qui a été ainsi créé, l'objectif de localisation, qui a été rendu nécessaire.
J'estime qu'une ressource qui est localisée profite directement à la collectivité locale, que c'est une ressource propre. C'est sur ces deux principes simples que nous allons fonder notre décision. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. Je ne comptais pas intervenir dans ce débat, mais, en entendant les propos de M. Fréville, je ne peux pas rester silencieux.
Monsieur Fréville, vous ne nous aviez pas habitué à ce style d'attaque directe !
M. Josselin de Rohan. C'est l'effet de l'indignation !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous êtes piqués au vif, messieurs !
M. Charles Gautier. Ce que vous venez de dire a déjà été répété au moins cinq fois au cours de l'après-midi ; il n'était donc pas du tout indispensable d'y revenir !
Vous nous avez présenté une disposition que, inspiré peut-être par un certain nombre de vos amis, vous considériez comme étant la solution à toutes les difficultés rencontrées depuis quelques heures et quelques jours. Toutefois, à partir du moment où l'on examinait votre projet, on devait étudier ses conséquences, les anticiper éventuellement... Et nous constatons que vous êtes maintenant en train de monter une machine qui n'apporte pas les réponses aux problèmes que vous posez. En effet, si vous regrettez la suppression de certains impôts d'initiative locale,...
M. Jean-Jacques Hyest. Mais par qui ont-ils été supprimés ?
M. Josselin de Rohan. Par vous, monsieur Gautier !
M. Charles Gautier. ... alors vous avez une solution toute simple devant cette nostalgie extraordinaire : les rétablir !
Mais je m'aperçois que, d'une part, vous ne le proposez pas et que, d'autre part, vous proposez une usine à gaz qui n'apporte en rien une solution à cette problématique. C'est un déni du titre même de ce projet de loi organique. Ce projet tend effectivement à accroître l'autonomie locale. Or, au bout de quarante-huit heures de discussion, nous nous dirigeons tout simplement vers la diminution de l'autonomie locale.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas vrai !
M. Josselin de Rohan. Lisez la Constitution !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 37 rectifié bis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, nous demandons un scrutin public.
M. le président. Vous ne le pouvez plus, monsieur Dreyfus-Schmidt : le vote est commencé.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 7.
M. Jean-Pierre Sueur. Je serai bref.
Monsieur Hoeffel, vous avez considéré tout à l'heure que les amendements n° 7 et 10 étaient strictement complémentaires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Indissociables, même !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez indiqué que vous alliez retirer l'amendement n° 10 puisqu'il était indissociable de l'amendement n° 7 dans sa première version. En conséquence, il nous sera impossible de nous exprimer sur l'amendement n° 10.
Dans ces conditions, je souhaite exposer la position qui a été la nôtre en commission : nous avons voté chaleureusement pour l'amendement n° 7 dans sa version originelle - sans le sous-amendement de M. Fréville, évidemment -, et nous avons voté contre l'amendement n° 10. En effet, nous sommes convaincus que l'on pouvait et que l'on devait tout à la fois définir de façon claire les ressources propres des collectivités locales et faire en sorte que leur niveau d'autonomie s'accroisse, ce qui ne sera pas le cas avec ce seuil de 33 %, dont la portée ne peut être que négative.
Selon nous, il était possible de définir clairement les ressources propres et d'accroître l'autonomie fiscale des collectivités tout en accroissant la part de la péréquation à l'intérieur des dotations. Ces trois objectifs sont complémentaires !
Telle est la position que nous défendons depuis le début dans nos interventions. Je tenais à le souligner au moment où va être adopté l'amendement n° 7, contre lequel nous nous prononcerons, bien entendu, en raison de notre opposition au sous-amendement n° 37 rectifié bis.
Nous pensons, en revanche, qu'il aurait été tout à fait possible d'adopter cet amendement n° 7 - dans sa rédaction originale - sans adopter pour autant l'amendement n° 10, qui a été retiré par anticipation par M. le rapporteur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils étaient donc bien dissociables !
M. le président. En conséquence, les amendements nos 16, 23, 56, 55, 24 et 77 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 25.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le second alinéa de l'article 2 du projet sera repris à l'article 3. Autrement dit, alors qu'on vient de définir ce que sont les ressources propres, il est précisé que, « pour la catégorie des communes, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui, mentionnées au premier alinéa, bénéficient aux établissements publics de coopération intercommunale ».
Nos collègues proposent la suppression de cette disposition, et ils ont parfaitement raison. En effet, il est tout à fait injuste d'ajouter les ressources dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale pour celles des communes qui n'appartiennent pas nécessairement à un EPCI, et il en existe encore. De plus, n'avons-nous pas voté récemment des dispositions qui permettent à des communes de sortir des établissements publics de coopération intercommunale ?
C'est pourquoi nous vous demandons de réfléchir à cet argument et de voter l'amendement n° 25, qui tend à supprimer le deuxième alinéa de l'article 2.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Guy Penne, Raymond Courrière, Jean-Pierre Masseret et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée une proposition de loi visant à accorder la nationalité française aux pupilles de la nation.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 331, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
4
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre blanc sur les services d'intérêt général.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2600 et distribué.
5
renvoi pour avis
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi constitutionnelle (n° 329, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Charte de l'environnement dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis à sa demande, à la commission des affaires économiques et du Plan.
6
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de M. Henri Revol un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation sur l'énergie (n° 328, 2003-2004).
Le rapport sera imprimé sous le n° 330 et distribué.
7
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Xavier de Villepin un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union Européenne sur l'élargissement de la zone euro.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 332 et distribué.
8
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 3 juin 2004 :
A neuf heures trente :
1. Suite du projet de loi organique (n° 314, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Rapport (n° 324, 2003-2004) fait par M. Daniel Hoeffel, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Rapport pour avis (n° 325, 2003-2004) fait par M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du texte.
À quinze heures :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Discussion des conclusions du rapport (n° 327, 2003-2004) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.
MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido, rapporteurs pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
4. Éventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Alain Gournac modifiant les articles 1er et 2 de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques et relative au recouvrement, par les institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage, des prestations de solidarité versées entre le 1er janvier et le 1er juin 2004 aux travailleurs privés d'emploi dont les droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été rétablis (n° 312 rect., 2003-2004) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : Lundi 7 juin 2004, à 17 heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : Lundi 7 juin 2004, à 17 heures.
Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 116, 2003-2004) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : Lundi 7 juin 2004, à 17 heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : Lundi 7 juin 2004, à 12 heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation sur l'énergie (n° 328, 2003-2004) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : Mardi 8 juin 2004, à 17 heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : Mardi 8 juin 2004, à 12 heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 3 juin 2004, à zéro heure vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD