I. - L'article 137-4 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En matière criminelle ou pour les délits punis de dix ans d'emprisonnement, le procureur de la République peut alors, si les réquisitions sont motivées, en tout ou partie, par les motifs prévus aux 2° et 3° de l'article 144 et qu'elles précisent qu'il envisage de faire application des dispositions du présent alinéa, saisir directement le juge des libertés et de la détention en déférant sans délai devant lui la personne mise en examen ; l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention entraîne le cas échéant la caducité de l'ordonnance du juge d'instruction ayant placé la personne sous contrôle judiciaire. S'il renonce à saisir directement le juge des libertés et de la détention, le procureur de la République en avise le juge d'instruction et la personne peut être laissée en liberté. »
II. - Au début du dernier alinéa de l'article 137-1 du même code, sont insérés les mots : « Hors le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article 137-4, ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 210 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 253 est présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 210.
M. Robert Badinter. Il s'agit d'une disposition extrêmement fâcheuse s'agissant du pouvoir du juge d'instruction.
L'une des innovations, complexe dans sa mise en oeuvre, mais importante de la loi de juin 2000 était ce que l'on appelé le « double verrou » : il fallait d'abord que le juge d'instruction considère qu'il y avait lieu à placement en détention provisoire, puis qu'il saisisse le juge des libertés. Face à ce que nous considérons tous comme regrettable, c'est-à-dire le nombre très élevé de détentions provisoires ordonnées, cette mesure devait se révéler efficace.
Ici, s'agissant de faits criminels punis de plus de dix ans d'emprisonnement, le procureur de la République saisit directement le juge des libertés et de la détention, alors que, dans la pratique ordinaire, il saisit le juge d'instruction, lequel, ensuite, après avoir examiné le dossier, décide s'il y a ou non lieu de placer sous mandat et saisit en conséquence le juge des libertés et de la détention. Ainsi, un examen disparaît. On parlait du « double regard ». Or, voilà maintenant, dans le domaine de la détention provisoire, la justice borgne, voilà supprimée une garantie de la liberté individuelle !
Je suis frappé de cette espèce de paradoxe : alors que la peine susceptible d'être encourue serait plus grave, il faudrait réduire d'autant les garanties de la personne mise en examen ! Alors que le double regard serait particulièrement nécessaire pour une peine grave, on le supprime précisément dans ce cas !
Mais il n'y a aucune raison, ici ou là, de procéder à une telle distinction ! Le système doit exister de la même façon pour tous. Conformément au système procédural adopté dans la loi de 2000, votée par les deux assemblées après de longs travaux, l'examen préliminaire par le juge d'instruction, la faculté qu'a ce dernier de transmettre ou non au juge des libertés et de la détention le dossier de procédure doivent demeurer, sans que l'on donne au procureur de la République le droit de contourner le juge d'instruction, comme si, dans les affaires graves, l'avis du juge d'instruction n'importait pas. C'est exactement à cela que cela se résume !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 253.
Mme Josiane Mathon. Cet article, introduit en seconde lecture à l'Assemblée nationale,...
M. Jean-Pierre Sueur. Par M. Marsaud !
Mme Josiane Mathon. ... par M. Alain Marsaud, en effet, aboutit ni plus ni moins à supprimer le double regard sur la mise en détention provisoire. C'est en effet une négation de l'actuel article 137-1 du code de procédure pénale, qui dispose que le juge des libertés et de la détention est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction.
L'adoption d'une telle disposition aboutirait à remettre en cause toute la réflexion menée sous la législature précédente en vue de la protection renforcée des personnes présumées innocentes, préoccupation revendiquée unanimement par les parlementaires de l'époque.
La loi du 15 juin 2000 s'était aussi donné pour objectif de limiter le recours à une procédure attentatoire à la liberté individuelle s'agissant de personnes non encore condamnées, tandis que notre commission d'enquête sur les prisons devait estimer que certaines personnes n'ont rien à y faire : quelque 35 % de la population carcérale est constituée de prévenus, c'est-à-dire de présumés innocents jusqu'à la date de leur jugement. Il s'agit de mettre désormais en oeuvre ces dispositions afin de limiter le recours à la détention provisoire.
Ces engagements des parlementaires prennent donc aujourd'hui des allures de voeux pieux, et ce après l'abaissement des seuils de peines encourues pour que la détention provisoire puisse être prononcée et l'allongement de la durée de celle-ci, et malgré les vives critiques du monde judiciaire. Vous affichez donc clairement, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, une volonté de mettre à bas les verrous à la mise en détention provisoire.
Après l'obligation faite au juge d'instruction de motiver le maintien en liberté, après l'institution du référé-détention au profit du ministère public, vous nous proposez aujourd'hui l'éviction pure et simple par le procureur de la République d'un juge d'instruction toujours suspect et qu'on voudrait aux ordres du parquet. M. le rapporteur nous le dit explicitement lorsqu'il avoue qu'il s'agit par cette disposition de permettre « au procureur de la République de surmonter un éventuel refus du juge d'instruction ».
Derrière ces dispositions se dissimulent mal les attaques latentes mais renouvelées contre le juge d'instruction, prêtes à resurgir à la moindre occasion.
Et ce n'est pas sans rappeler les méthodes employées par les pro-life, toujours prêts à s'émouvoir du sort des victimes pour les besoins de la cause anti-IVG, comme l'a indiqué hier Mme Gautier dans son intervention.
Mes chers collègues, s'agissant très précisément de cet article, il convient que vous mesuriez les effets de ce que vous allez voter. Au 1er janvier 2003, 20 852 prévenus se trouvaient dans les prisons françaises, soit une augmentation de près de 30 % par rapport à 2002. Ils représentent plus d'un tiers des détenus.
Ce n'est pas une situation acceptable au regard de la présomption d'innocence, s'agissant de personnes en attente de jugement. Ce n'est pas non plus un chiffre qui témoigne de la bonne santé démocratique de notre pays, alors que le comité de prévention de la torture s'apprête à rendre un nouveau rapport très dramatique et critique sur les prisons françaises.
C'est pourquoi nous vous demandons de supprimer l'article 53 bis en adoptant notre amendement par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. En dépit du souci permanent de la commission de veiller scrupuleusement au respect des libertés individuelles, je ne peux suivre la démonstration de nos collègues.
Le juge des libertés et de la détention est un juge indépendant, un juge à part entière. Nous venons d'ailleurs de voter un amendement prévoyant qu'il doit avoir une certaine expérience et se prononcer en toute indépendance. (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.)
Je fais confiance au juge des libertés et de la détention pour décider si une personne doit ou non être mise en détention.
Par ailleurs, j'observe que, si le procureur utilise cette procédure, il informera le juge d'instruction, en le saisissant de ses intentions.
Enfin, dernière remarque, mais non des moindres, la décision du juge des libertés et de la détention est, je le rappelle, soumise à une possibilité d'appel : la personne concernée peut toujours, et fort heureusement, faire appel de la décision du juge.
La commission est donc défavorable aux amendements n°s 210 et 253.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis défavorable à ces deux amendements pour des raisons identiques à celles que vient d'exposer M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. La demande de scrutin public formulée par Mme Borvo est opportune parce qu'il s'agit d'un sujet très grave.
Nous avons bien écouté vos explications, monsieur le rapporteur, mais, en réalité, la disposition que vous prévoyez d'introduire entraînerait une suspicion à l'égard du juge d'instruction, qui peut décider, après avoir procédé à son instruction, qu'il n'est pas utile de mettre en détention provisoire une personne mise en examen. Or, comme l'a dit notre collègue, il y a tellement de détentions provisoires que c'est un réel problème. Le juge d'instruction juge cela en toute indépendance.
L'article 53 bis que vous nous proposez de voter, comporte, écrit noir sur blanc - et c'est pourquoi nous considérons qu'il y a un vrai problème de constitutionnalité -, une suspicion à l'égard du juge d'instruction, le procureur pouvant décider que la décision de ce dernier est nulle et non avenue.
Comme l'a expliqué M. Badinter, ce texte supprime le double verrou auquel nous étions tous très attachés, il met en place une suspicion tout à fait injustifiée à l'égard d'un magistrat et il creuse le déséquilibre que l'on constate, dans de nombreux articles de ce texte, en faveur du procureur et au détriment des juges du siège.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous étions d'accord tout à l'heure avec la commision pour souhaiter que le juge des libertés et de la détention soit un juge d'expérience.
De plus, cela fait des années que nous demandons que les juges d'instruction soient des juges d'une qualité particulière. Nous ne verrions même aucun inconvénient - nous le disons depuis très longtemps - à ce qu'il soient payés plus que d'autres compte tenu de leurs responsabilités et de l'importance de leur travail dû aux nombreux dossiers dont ils sont saisis. Cela va de soi. C'est pourquoi nous faisons confiance aux juges d'instruction.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit. Mais croyez-vous que votre article 53 bis, monsieur le garde des sceaux, soit dicté par l'évolution de la grande criminalité ou même par l'évolution de la délinquance ? Sûrement pas ! C'est une mesure de défiance à l'égard du juge d'instruction.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela n'a aucun rapport avec l'objet de votre projet de loi.
C'est sous le bénéfice de toutes les observations qui ont été présentées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC que nous vous demandons de voter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Dans un passé pas si lointain, vous avez développé plus que de la méfiance à l'égard du juge d'instruction et mis en place le nouveau système des juges des libertés et de la détention !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'était en plus ! Pour ne pas mélanger les genres !
M. François Zocchetto, rapporteur. Au moment où cette idée commence à faire ses preuves, vous opérez un retournement complet de situation,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. François Zocchetto, rapporteur. ... en développant une suspicion à l'égard de ce juge qui commence à prendre de l'importance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. François Zocchetto, rapporteur. Et vous nous dites que, finalement, il faut redonner les pouvoirs au juge d'instruction.
M. Jean-Pierre Sueur. Non ! Nous disons qu'il faut le double verrou, monsieur le rapporteur !
M. François Zocchetto, rapporteur. J'observe aussi incidemment, et c'est intéressant, que vous encouragez le garde des sceaux à développer la rémunération des magistrats au mérite. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je ferai simplement deux observations.
Premièrement, comme l'a indiqué M. le rapporteur, on a l'impression, mesdames, messieurs de l'opposition, que vous éprouvez quelque remord à avoir créé le juge des libertés et de la détention.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! Le système nous convient parfaitement !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. C'est extraordinaire ! Vous avez créé le juge des libertés et de la détention il y a trois ans et demi, et maintenant, à chaque fois que l'on renforce ses pouvoirs et ses compétences, vous estimez que nous sommes dans l'erreur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce système nous convient parfaitement !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il y a là quelque chose qui me paraît complètement paradoxal.
Deuxièmement, monsieur Dreyfus-Schmidt, je pense que vous avez observé que l'article 53 bis résulte d'un amendement parlementaire et qu'il ne figurait donc pas dans le projet de loi initial. C'est une procédure tout à fait normale ! Soit le Parlement a le droit d'amender, soit il ne l'a pas. Mais cet amendement a été adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative d'un député, et il vient aujourd'hui en discussion au Sénat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un cavalier !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, on ne parle pas de délinquance dans ce texte ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne se rapporte pas à l'objet du projet de loi !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Mais ce projet de loi ne vise pas uniquement la grande criminalité. Je pense que vous n'avez pas lu la totalité du texte : il concerne « l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité », ce qui est un petit peu différent !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Ce que l'on est en train, à cet instant, d'évoquer n'est pas inintéressant, mais ce n'est pas le coeur du débat. La rédaction de l'article 137-1 du code de procédure pénale est quand même très claire. Monsieur le rapporteur, c'est évidemment le juge des libertés et de la détention qui ordonne ou prolonge la détention provisoire, aux termes du premier alinéa de cet article.
Toutefois, selon le dernier alinéa de ce même article, le juge des libertés et de la détention est saisi non par le procureur de la République, mais « par une ordonnance motivée du juge d'instruction ». C'est ce que nous avons tous voulu, et ce dans tous les cas. On ne peut donc pas prévoir un système dans lequel le procureur de la République, dans certains cas, pourrait contourner l'ordonnance motivée du juge d'instruction et saisir directement le juge des libertés et de la détention.
Monsieur le rapporteur, vous l'avez d'ailleurs vous-même écrit dans votre rapport, vous faites sauter un verrou. Vous tenez donc à cet instant le juge d'instruction pour quantité négligeable. Indiscutablement - il faut dire les choses comme elles sont -, on supprime ici l'une des garanties du justiciable face à une demande de placement en détention provisoire, à savoir la mesure la plus importante au regard de la portée de la présomption d'innocence, que nous nous sommes, pendant des semaines, appliqués à définir véritablement.
Or, vous ne justifiez pas cette décision. Il n'y a pas un mot pour expliquer pourquoi, dans certains cas, le procureur de la République pourrait passer outre à la décision du juge d'instruction et pourquoi, dans d'autres cas, il ne le ferait pas. Que l'on ne me dise pas que c'est au regard de la gravité des faits ; il s'agit de la présomption d'innocence, qui vaut pour des justiciables menacés de peines d'emprisonnement comme pour ceux qui encourent, je le rappelle, des peines criminelles. Il n'y a pas ici de distinction à établir : il est question du placement en détention provisoire. On ne va pas faire deux régimes avec, d'un côté, un double regard et, de l'autre côté, une justice « borgne », simplement parce que le parquet considérerait que c'est mieux.
Je n'ai pas de réponse sur ce point. L'égalité des justiciables est un problème fondamental au regard du régime de détention provisoire. Or, jusqu'à présent, je n'ai entendu aucune raison qui justifierait une distinction entre les justiciables en matière de placement en détention provisoire.
La suppression d'un des deux regards, d'une des deux garanties, n'est justifiée par rien, sinon par le désir d'aller vite.
Nous verrons bien ce qui adviendra en termes de constitutionnalité.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Je rappellerai simplement à M. le rapporteur que la création du juge des libertés et de la détention ne témoignait pas, de la part de mon groupe, d'une défiance à l'égard du juge d'instruction. Au contraire, nous considérions que le placement en détention provisoire est suffisamment grave pour que la décision soit prise en une sorte de collégialité.
Aujourd'hui, on tord le bâton dans l'autre sens, dans la mesure où une telle décision sera prise par un seul juge.
J'ajoute que nous ne sommes pas obligés d'accepter cet amendement qui nous vient de l'Assemblée nationale.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 210 et 253.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du
scrutin n° 135
:
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour | 114 |
Contre | 199 |
Je mets aux voix l'article 53 bis.
(L'article 53 bis est adopté.)
Après le premier alinéa de l'article 177 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'ordonnance de non-lieu est motivée par l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par le premier alinéa de l'article 122-1, les articles 122-2, 122-3, 122-4, 122-5 et 122-7 du code pénal ou par le décès de la personne mise en examen, elle précise s'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 211, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 75, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article 177 du code de procédure pénale, après les mots : "code pénal", supprimer les mots : "ou par le décès de la personne mise en examen". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 211.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons encore affaire, avec l'article 54 bis, à quelque chose de tout à fait curieux.
Je rappelle le texte de l'article : « Lorsque l'ordonnance de non-lieu est motivée par l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par le premier alinéa de l'article 122-1, les articles 122-2, 122-3, 122-4, 122-5 et 122-7 du code pénal ou par le décès de la personne mise en examen, elle précise s'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. »
Cette disposition est tout de même incroyable ! Elle a été introduite sans doute pour que les victimes puissent faire leur travail de deuil, même s'il n'y a pas de mort dans toutes les hypothèses.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ceux qui se sont le plus occupés des victimes, c'est nous, et en particulier Robert Badinter...
M. Robert Badinter. Si vous saviez le nombre de textes que j'ai fait voter !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... sur la proposition duquel nous avons créé un fonds d'indemnisation, et pour les actes de terrorisme, et pour les catastrophes naturelles, et pour l'ensemble des infractions. A l'évidence, l'on peut poursuivre dans cette voie : il suffit d'augmenter, ou même de supprimer les seuils et de décider de réparer dans tous les cas les dommages causés à toutes les victimes. Voilà ce qui s'appelle avoir le souci des victimes.
Mais lorsque l'auteur de l'infraction est décédé, l'action publique étant éteinte - il n'est plus là pour se défendre - pourquoi le juge d'instruction devrait-il préciser s'il existait des charges suffisantes ? Il faudrait au moins écrire : « à ses yeux » parce que, l'affaire n'étant pas jugée, il n'a pas qualité pour dire si l'individu, s'il avait vécu, aurait dû être condamné.
C'est vrai également pour les irresponsables. Du moment qu'un individu est reconnu irresponsable, c'est là une motivation suffisante. Au pire pourra-t-il être demandé une copie du dossier afin de savoir si, oui ou non, il y avait des charges suffisantes. En général, il sera évident qu'il en existait.
Prenons l'exemple de celui qui a tiré sur le Président de la République le 14 juillet. Il est inutile de se demander s'il y a des charges suffisantes. Tout le monde le sait. Personne ne dit le contraire. Mais son irresponsabilité a été établie par plusieurs expertises. Tout le monde sait ce qu'il en est.
Dès lors, nous refusons de nous voir imposer de tels textes et c'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 75 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 211.
M. François Zocchetto, rapporteur. J'indique d'abord que la commission est défavorable à l'amendement n° 211.
Je pense au contraire que le texte est source de progrès en ce sens que l'ordonnance de non-lieu pour irresponsabilité devra préciser s'il existait des charges suffisantes contre la personne poursuivie. Je ne vois donc pas où est le problème.
En revanche, s'agissant de l'amendement n° 75, en cas de décès, une telle possibilité ne paraît pas judicieuse car personne ne peut plus contester l'ordonnance de non-lieu. La commission vous propose donc de revenir au texte voté par le Sénat en première lecture.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais le malade mental non plus ne peut pas contester l'ordonnance !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 211 et favorable à l'amendement n° 75 visant au retour au texte voté par le Sénat en première lecture.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 211.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai l'impression que nous sommes d'accord, mais la position de la commission, approuvée par le Gouvernement, est une cote mal taillée.
Il vient de nous être dit que celui qui est décédé n'est plus là pour contester l'ordonnance du juge. J'ajoute que celui qui est irresponsable ne peut pas non plus le faire puisqu'il est irresponsable ! Il n'y a donc aucun intérêt à prévoir une ordonnance motivée dans un cas plus que dans l'autre.
Avouez que notre position, à la différence de celle de la commission et du Gouvernement, a au moins pour elle la logique !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'ajouterai simplement un mot, pour faire revenir dans notre débat une grande absente, la victime. Elle existe !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Evidemment ! Les victimes ne sont pas idiotes !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 54 bis, modifié.
(L'article 54 bis est adopté.)
Section 8
Dispositions diverses de coordination
I. - Dans l'article 273 du code de procédure pénale, le mot : « signification » est remplacé par le mot : « notification ».
II. - Dans le deuxième alinéa de l'article 614 du même code, les mots : « signifié par huissier » sont remplacés par le mot : « notifié ».
III. - Dans l'article 579 du même code, le mot : « signification » est remplacé par le mot : « notification ».
IV. - Dans l'article 589 du même code, les mots : « de la signification » sont remplacés par les mots : « de la notification ». - (Adopté.)
Chapitre IV
Dispositions relatives au jugement
Section 1
Dispositions relatives au jugement des délits
I et II. - Non modifiés.
III. - L'article 396 du même code est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « après avoir recueilli les déclarations du prévenu, son avocat ayant été avisé, et » sont supprimés et les mots : « s'il y a lieu » sont remplacés par les mots : « sauf si elles ont déjà été effectuées » ;
1° bis Dans l'avant-dernière phrase du troisième alinéa, les mots : « deuxième jour ouvrable » sont remplacés par les mots : « troisième jour ouvrable » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Si le juge estime que la détention provisoire n'est pas nécessaire, il peut soumettre le prévenu, jusqu'à sa comparution devant le tribunal, à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Le procureur de la République notifie alors à l'intéressé la date et l'heure de l'audience selon les modalités prévues au premier alinéa de l'article 394. »
IV. - Non modifié.
M. le président. L'amendement n° 212, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa (1°) du III de cet article, supprimer les mots : "après avoir recueilli les déclarations du prévenu, son avocat ayant été avisé, et" sont supprimés. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement vise à rétablir l'article 396 du code de procédure pénale dans sa rédaction actuelle. Cet article permet au procureur de traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention aux fins de détention provisoire. La formalité qui prévoit que l'avocat ne soit plus avisé est tout à fait cohérente et satisfaisante ; elle doit être maintenue. Il n'y a aucune raison que l'avocat ne soit plus avisé, qu'il soit l'avocat de l'accusé ou celui de la victime.
Pardonnez-moi, monsieur le garde des sceaux, mais nous ne devons pas jouer avec les victimes !
La plupart des avocats généralistes ont l'occasion de défendre des personnes qui sont accusées, mais aussi des victimes, « la veuve et l'orphelin ». Les unes comme les autres méritent d'être représentées et que l'on se penche sur leur sort ! Il est tout de même trop facile de se jeter à la figure les victimes comme si qui que ce soit les oubliait !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable. Le projet de loi ne vise à supprimer les dispositions que vous avez rappelées que parce qu'elles sont redondantes. Il ne traduit aucune volonté de modifier la procédure sur ce point. Votre amendement n'est donc pas justifié.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 77 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 213 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le troisième alinéa (1° bis) du paragraphe III de cet article. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 77.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement prévoit de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture et d'en rester à un délai de deux jours de détention provisoire en attendant d'être jugé en comparution immédiate. Il paraît préférable de conserver le droit actuel, qui donne satisfaction.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 213.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est identique à l'amendement n° 77 qui vient d'être défendu par M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 212, 77 et 213 ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 212. Le texte retenu par l'Assemblée nationale est purement rédactionnel, comme l'a dit M. le rapporteur, puisque le dispositif relatif au rôle de l'avocat figure dans l'article 393 du code de procédure pénale.
En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements identiques n°s 77 et 213.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 212.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 77 et 213.
(Les amendement sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 57, modifié.
(L'article 57 est adopté.)
I. - Non modifié.
II. - La sous-section 4 bis de la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'organisation judiciaire est abrogée.
M. le président. L'amendement n° 214, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. L'Assemblée nationale a modifié l'article 399 du code de procédure pénale relatif au nombre de jours des audiences correctionnelles. Cet amendement vise à supprimer cette modification qui ne se justifie en rien.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commisison est, au contraire, très favorable au dispositif de l'article 57 quater, qui a été bien amélioré par le Sénat en première lecture et agréé par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Elle est donc défavorable à l'amendement n° 214.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 57 quater.
(L'article 57 quater est adopté.)
Dans le deuxième alinéa de l'article 400 du code de procédure pénale, les mots : « ou les moeurs » sont remplacés par les mots : « , la sérénité des débats, la dignité de la personne ou les intérêts d'un tiers ».
M. le président. L'amendement n° 215, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce texte comporte un nombre astronomique de dispositions nouvelles introduites par l'Assemblée nationale, qui n'auront donc pas fait l'objet de deux lectures.
Celle qui est ici concernée modifie l'article 400 du code de procédure pénale.
Nous avons parlé de cet article 400 en première lecture et nous y reviendrons tout à l'heure. Nous avons demandé en effet, et nous persisterons en ce sens, que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ait lieu en audience publique et que, s'il doit y avoir un huis clos ordonné par le magistrat, ce soit dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues par l'article 400, lequel fixe les conditions dans lesquelles le huis clos peut être prononcé par la chambre de l'instruction.
L'Assemblée nationale propose dans l'article 57 quinquies de modifier les termes de l'article 400 qui prévoit que le huis clos peut être prononcé pour une question de « moeurs » et de remplacer ces termes par les mots : « la sérénité des débats, la dignité de la personne ou les intérêts d'un tiers ». Pourquoi pas ? Nous ne sommes pas opposés à cet article 57 quinquies dont nous avons demandé la suppression dans un premier mouvement, parce qu'il ne nous paraissait pas d'une importance primordiale.
Cela étant, dans la mesure où il ne change rien et où il présente l'intérêt de mettre le projecteur sur ce que nous proposerons tout à l'heure, nous retirons notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 215 est retiré.
Je mets aux voix l'article 57 quinquies.
(L'article 57 quinquies est adopté.)