I. - L'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre VI du livre Ier du même code est ainsi modifié :
Section 2. - De la procédure applicable au divorce par consentement mutuel. »
II. - Cette section comprend les articles 250, 250-1, 250-2 et 250-3 ainsi rédigés :
« Art. 250. - La demande en divorce est présentée par les avocats respectifs des parties ou par un avocat choisi d'un commun accord.
« Le juge examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.
« Art. 250-1. - Lorsque les conditions prévues à l'article 232 sont réunies, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce et, par la même décision, prononce celui-ci.
« Art. 250-2. - En cas de refus d'homologation de la convention, le juge peut cependant homologuer les mesures provisoires au sens des articles 254 et 255 que les parties s'accordent à prendre jusqu'à la date à laquelle le jugement de divorce passe en force de chose jugée, sous réserve qu'elles soient conformes à l'intérêt du ou des enfants.
« Une nouvelle convention peut alors être présentée par les époux dans un délai maximum de six mois.
« Art. 250-3. - A défaut de présentation d'une nouvelle convention dans le délai fixé à l'article 250-2 ou si le juge refuse une nouvelle fois l'homologation, la demande en divorce est caduque. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 68 est présenté par M. Dreyfus-Schmidt, M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 101 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« I. - A la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250 du code civil, supprimer les mots : "ou par un avocat choisi d'un commun accord".
« II. - Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250 du code civil, supprimer les mots : "le ou". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 68.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Avant d'aborder ce problème dont nous avons beaucoup discuté, je veux rappeler que le groupe socialiste a, dans des amendements précédents que le Sénat n'a pas retenus, proposé que, lorsqu'ils n'ont ni enfant ni patrimoine, les époux puissent ne pas avoir d'avocat du tout. Que l'on ne nous reproche donc pas ici de ne nous occuper que des intérêts pécuniaires des avocats.
C'est en effet uniquement dans l'intérêt des justiciables que nous demandons, comme nous le faisons depuis longtemps, que, dans les cas de divorce par consentement mutuel où, au contraire, il y a des enfants, un patrimoine ou l'un des époux qui ne travaille pas, chacune des parties ait son propre avocat.
Je regrette que certains de nos collègues appartenant à la majorité ne soient pas présents ce soir. Certes, l'amendement suivant va être défendu par un membre de l'Union centriste, mais je pense surtout à l'un de nos collègues de l'UMP, qui, sachant par expérience qu'un avocat ne peut pas être un arbitre, partage notre avis.
Un avocat est non pas un arbitre mais un conseiller, et cela reste vrai même lorsque l'avocat de l'un, qui s'engage à couvrir les frais, accepte de devenir aussi l'avocat de l'autre. Même dans ce cas-là, quand les clients se tournent vers leur avocat unique pour poser la question du montant de la pension alimentaire, celui-ci ne peut pas dire qu'elle doit être de tant par enfant : s'il est parfaitement consciencieux - et, bien sûr, il l'est dans 99,99 % des cas -, il répondra aux époux qu'à son avis le montant doit se situer dans une fourchette comprise entre tant et tant, mais que c'est à eux de se mettre d'accord. Et c'est ainsi que l'on arrive à des cotes mal taillées !
Au contraire, si chacune des parties a un avocat, il pourra y avoir une discussion dans laquelle les intérêts de l'une et de l'autre seront défendus et l'on parviendra en définitive à un arbitrage qui tiendra compte des intérêts des deux parties.
On dit, et c'est parfaitement exact, que, dans de nombreux cas, il y a moins de dramatisation avec un seul avocat. Mais, encore une fois, après l'essentiel, on passe ensuite à la fixation d'une prestation compensatoire, sous forme de capital, voire de rente viagère. Combien le capital ? Echelonné sur combien d'années ? Ce serait l'avocat qui devrait décider ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est le notaire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les époux vont choisir entre les solutions proposées par l'avocat, mais sans que les intérêts de l'un et de l'autre soient véritablement défendus.
Je pourrais d'ailleurs aller plus loin : c'est vrai pour la prestation compensatoire, mais c'est vrai aussi pour le domicile, pour le droit de visite, etc.
L'argument qui nous a été opposé est qu'imposer deux avocats risquerait de coûter cher à l'aide juridictionnelle. D'abord, il n'est pas certain que si l'un des époux peut en bénéficier, l'autre doive nécessairement en bénéficier aussi. Ensuite, cela devrait coûter d'autant plus cher à l'aide juridictionnelle qu'elle serait relevée, car elle est vraiment très basse actuellement ! Pas d'avocat du tout, ce serait certes moins cher, mais il faut savoir ce que l'on veut et ne pas s'arrêter à de telles considérations.
C'est pourquoi nous insistons, et notre position est partagée par beaucoup, y compris par nombre de magistrats.
Tout à l'heure, dans un amendement subsidiaire, nous verrons les cas dans lesquels l'homologation n'est pas accordée par le juge ; de manière générale, nous aimerions que l'on revienne à la tradition, à savoir que l'avocat est le conseiller de son client et ne peut pas s'occuper de deux parties ayant des intérêts différents. Or, il est évident que deux époux qui divorcent, même s'ils sont décidés à le faire par consentement mutuel et intelligemment, ont des intérêts différents.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour présenter l'amendement n° 101.
Mme Gisèle Gautier. La finalité du divorce par consentement mutuel, on l'a compris, est de favoriser l'entente entre les époux. C'est une excellente chose. En revanche, je crois que le choix d'un avocat unique n'est pas pertinent. En effet, cela fait courir le risque d'un déséquilibre entre les époux, l'un prenant un ascendant sur l'autre devant l'avocat.
En outre, si le juge refuse d'homologuer la convention élaborée par les époux, ceux-ci doivent recommencer à discuter le règlement du divorce, moment malheureusement propice à la dégradation de leurs relations et pendant lequel l'avocat se trouve dans une situation inconfortable, car il ne doit pas prendre partie pour l'un des époux.
La présence d'un avocat unique fait également courir le risque d'un déséquilibre entre les époux, car une des parties peut choisir de conserver les services de cet avocat qui connaît mieux le dossier que quiconque, notamment dans le cadre des prestations conservatoires.
La présence de deux avocats ne signifie pas pour autant que les parties sont en conflit. S'agissant d'une profession à ordre, la confraternité est très développée et ces professionnels savent très bien, quand ils le veulent, coopérer pour que le divorce se déroule sereinement.
Enfin, bien que cette procédure soit la moins douloureuse pour les parties, j'en conviens, et que celles-ci ne soient pas systématiquement en conflit, les époux sont bien souvent psychologiquement affectés par la séparation. C'est indéniable. L'avocat joue en pratique un rôle très important auprès de ses clients par son écoute et ses conseils fondés sur l'expérience. Dans ce contexte, il est préférable que chaque époux prenne un avocat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Comme Mme Gautier et M. Dreyfus-Schmidt, je me suis longuement interrogé. J'ai d'abord été, je le dis, séduit par l'argumentation du barreau de Paris et de la conférence des bâtonniers de France, en faveur de la présence de deux avocats lors des divorces par consentement mutuel.
Puis, j'ai étudié les choses un peu plus en profondeur et constaté que, dans 90 % des divorces par consentement mutuel - lesquels représentent à l'heure actuelle 48 % des divorces -, les couples font appel à un seul avocat, et que 70 % de ces affaires se règlent sans l'intervention de qui que ce soit à un deuxième niveau, ce qui veut dire que, dans 70 % des cas de divorce par consentement mutuel, l'avocat unique a été parfaitement capable de jouer son rôle.
N'oublions pas que l'avocat n'a pas seulement pour mission de défendre une partie. Depuis la fusion des conseillers juridiques et des avocats, l'avocat est aussi conseiller juridique, et c'est ce qu'il est en l'espèce. L'objet n'est pas de transformer l'avocat en défenseur au pénal. La pratique actuelle démontre qu'un avocat unique est parfaitement capable de conseiller l'une et l'autre parties.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas cela, un conseiller juridique !
M. Patrice Gélard, rapporteur. De plus, je tiens à souligner que rien n'interdit dans notre droit actuel à chacune des parties de prendre un avocat différent. C'est la raison pour laquelle, en réalité, derrière cette apparente défense des intérêts du conjoint qui risquerait d'être écrasé par l'autre, avec la complicité de l'avocat, en cours de divorce, je crains, hélas ! que ne se cachent des questions strictement financières.
Rien n'interdit aux deux parties de prendre chacune un avocat, y compris en cours de procédure : si elles s'aperçoivent qu'il y a des problèmes, elles peuvent abandonner le premier avocat et prendre l'une et l'autre chacune un avocat.
Je pense que, dans le sens d'une justice bien comprise, la présence de deux avocats n'est pas essentielle et que le système qui fonctionne aujourd'hui est en grande partie satisfaisant, comme le démontrent les statistiques que j'ai citées tout à l'heure.
J'émets donc à l'égard de ces deux amendements identiques un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. Après M. le rapporteur, je rappelle qu'à l'heure actuelle, dans neuf cas sur dix, les époux qui demandent un divorce par consentement mutuel font le choix d'un seul avocat. Nous sommes dans le cas où les conjoints sont d'accord...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... mais où ils ont besoin de l'aide d'un avocat pour rédiger le projet de convention. Par ailleurs, ils peuvent être animés par un souci légitime d'économie. Je ne vois donc pas l'intérêt de les obliger à avoir deux avocats, étant entendu qu'ils ont toujours la possibilité de le faire. Il s'agit de conjoints qui se sont mis d'accord. Inutile de leur imposer une contrainte supplémentaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils sont d'accord sur le principe, pas sur le détail des modalités !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 68 et 101.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l'article 250-2 du code civil :
« Art. 250-2. - A la demande d'un ou des époux ou en cas de refus d'homologation de la convention, le juge peut cependant, à titre provisoire, homologuer les mesures que les parties s'accordent à prendre jusqu'à la date à laquelle le jugement de divorce passe en force de chose jugée.
« Le juge pourra également faire supprimer ou modifier les clauses de cette convention qui lui paraîtraient contraires à l'intérêt du ou des enfants.
« Une nouvelle convention est présentée par les époux dans un délai maximum de six mois.
« Ce délai peut être prorogé de la même durée à la demande expresse des parties qui entendent recourir à la médiation. »
L'amendement n° 69, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250-2 du code civil, après les mots : "En cas de refus d'homologation de la convention,", insérer les mots : "ou lorsqu'une seconde comparution a été demandée par l'un des époux ou les deux,". »
L'amendement n° 70, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250-2 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le juge a refusé d'homologuer la convention, il peut proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial. »
L'amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250-2 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ce cas, chacun des époux est assisté d'un avocat. »
La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, pour présenter l'amendement n° 34 rectifié.
Mme Sylvie Desmarescaux. Je pense que l'on ne me contredira pas si je dis que le présent projet de loi a pour but de responsabiliser les époux et de leur permettre de régler, par eux-mêmes, les effets du divorce. La procédure de divorce par consentement mutuel répond pleinement à cet objectif puisqu'il suppose que les époux s'entendent tant sur la rupture que sur l'ensemble de ses conséquences.
Dans cet esprit, même si le juge n'a pas un simple rôle d'enregistrement de la convention conclue entre les parties, il n'a pas à statuer.
Dans le cas où une seconde comparution s'avérerait nécessaire, le juge ne doit pas imposer des mesures provisoires mais doit homologuer celles que les époux se sont accordés à prendre. La référence aux articles 254 et 255 applicables « aux autres cas de divorce » n'est pas souhaitable. Dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel, le juge ne « prescrit » pas, il homologue.
Certes, il incombe au juge de s'assurer que la convention soumise à son approbation n'est pas contraire à l'ordre public et qu'elle est conforme à l'intérêt des époux et de leurs enfants. Il vérifie également le caractère libre et éclairé du consentement afin de s'assurer que l'un des époux n'exerce pas de pression quelconque sur l'autre. Pour le reste, le divorce par consentement mutuel est la loi des parties.
De même, afin de préserver l'essence même de cette procédure, il importe de permettre aux parties de demander à pouvoir bénéficier d'une seconde comparution.
Alléger la procédure en n'imposant plus qu'une seule comparution est certes une bonne chose lorsque le divorce ne pose pas de problèmes particuliers : les époux n'ont pas d'enfant, ne sont pas propriétaires de leur habitation ou sont déjà séparés depuis quelque temps et ont déjà réglé les problèmes de garde d'enfants ou de partage des biens, s'il y en a.
Dans les autres cas, bénéficier d'une seconde comparution permet aux époux de disposer d'un temps de réflexion mis à profit pour évaluer le bien-fondé des mesures qu'ils se sont accordés à mettre en place lors de la première comparution, par exemple la jouissance du logement, la garde des enfants ou le fait de procéder à la vente d'un immeuble.
Durant cette période, les époux peuvent demander à modifier la convention s'ils considèrent que les mesures qui leur sont appliquées ne répondent pas, tout compte fait, à leurs attentes. Un nouvel accord peut être difficile à trouver. Il faut donc s'assurer que les époux pourront bénéficier du recours à la médiation familiale et, pour que celle-ci produise ses effets, permettre la prorogation de six mois du délai pour présenter au juge une nouvelle convention. Tout doit être mis en oeuvre pour faciliter le règlement du divorce par les parties elles-mêmes.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 69.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il n'a plus d'objet, et je le retire.
M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 70.
M. Bernard Frimat. Il est également retiré.
M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 71 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà l'amendement subsidiaire dont je parlais tout à l'heure.
Si le juge refuse l'homologation de la convention, cela signifie que l'avocat ou les avocats qui l'ont préparée n'ont pas respecté les intérêts de l'une au moins des parties.
Notre amendement prévoit que, dans ce cas et dans ce cas seulement, puisque tous nos amendements précédents portant sur le nombre d'avocats ont été repoussés, « chacun des époux est désormais assisté de son avocat, ». Bien évidemment, un avocat n'ayant pas le droit d'intervenir contre quelqu'un qui a été son client dans une même affaire, il s'agira de nouveaux avocats.
Je dois à la vérité de dire que la commission des lois a adopté cet amendement par dix-huit voix pour - mandats compris - et six abstentions. C'est tout de même impressionnant, et cela devrait retenir l'attention de nos collègues ici présents qui ne sont pas membres de la commission. M. le président de la commission, M. le rapporteur et M. Hyest se sont abstenus et, comme ils avaient chacun un mandat, cela fait six, mais les dix-huit autres ne sont, hélas ! pas tous là.
Quoi qu'il en soit, le succès de cet amendement ayant été assez complet, nous espérons bien que le Sénat saura suivre l'avis de sa commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. L'adoption de l'amendement n° 34 rectifié, je suis obligé de le relever, aboutirait, en cas de recours à la médiation, à un allongement des délais prévus dans la loi.
Or, tel n'est pas l'esprit dans lequel nous travaillons : nous ne pouvons pas, d'un côté, annoncer que nous voulons raccourcir les délais et, de l'autre, ouvrir de nouvelles possibilités de les augmenter. C'est la raison pour laquelle je suis malheureusement obligé d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 71 rectifié, je ne peux que confirmer les propos de M. Dreyfus-Schmidt : la commission lui a donné un avis favorable. Je dois dire que, à titre strictement personnel, j'avais opté pour un avis de sagesse.
Mais je suis obligé de rapporter les décisions de la commission !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Exactement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Le rapporteur a dit, me semble-t-il, tout ce qu'il y avait à dire sur l'amendement n° 34 rectifié : je le regrette, mais il est vrai que son adoption aurait pour effet d'allonger inutilement les délais.
S'agissant de l'amendement n° 71 rectifié, je dois avouer que je ne le comprends pas. Les époux, qui sont d'accord entre eux, se présentent devant le juge accompagnés d'un avocat, et c'est le juge qui, considérant que le projet de convention ne convient pas, va leur demander de prendre deux nouveaux avocats. On sera donc en présence de trois conseils, sur le souhait du seul juge ! Il n'y a pas de logique dans cet amendement, monsieur le sénateur, excusez-moi de le dire, et j'émets donc un avis défavorable.
M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Desmarescaux. Je suis bien consciente que l'adoption de cet amendement aurait pour effet de prolonger la durée du divorce. Dès lors, assumant mon souci de respecter l'objet du projet de loi, qui tend à raccourcir les délais de procédure et à favoriser la rapidité du jugement, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié est retiré.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 71 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens absolument à dissiper un malentendu : M. le garde des sceaux ne comprend pas la logique de mon amendement, je vais donc essayer de la lui expliquer ! Il devrait tout de même être impressionné par la netteté du vote qui est intervenu ce matin en commission.
Selon M. le garde des sceaux, les époux sont d'accord pour avoir un avocat commun et c'est au seul juge que le projet de convention ne convient pas. Mais pourquoi ? Parce que le juge, en vertu de dispositions du projet de loi sur lesquelles nous sommes tous d'accord - elles figuraient déjà dans la proposition de loi de M. Colcombet -, doit vérifier que le consentement des époux est libre et éclairé. S'il refuse d'homologuer la convention, c'est bien évidemment parce qu'il estime que l'un au moins des consentements n'est pas libre ou n'est pas éclairé et que l'avocat, s'il n'y en avait qu'un, ou les deux, s'il y en avait deux, n'ont pas su recueillir un avis éclairé et libre, une adhésion pleine et entière de chacune des parties.
Il nous paraît dès lors nécessaire que, lorsqu'il y avait un avocat, il y en ait désormais deux et, lorsqu'il y en avait deux, il y en ait alors deux autres.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pourquoi deux autres ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lors de la présentation de cet amendement devant la commission, certains membres n'en avaient peut-être pas immédiatement compris l'esprit ; mais, en définitive, six d'entre eux ont demandé que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat et dix-huit se sont prononcés pour un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le président, je n'avais effectivement pas tout compris : ce n'est pas un avocat, puis deux autres, qui font trois, mais éventuellement deux avocats, puis deux autres, qui font quatre !
Vous venez, monsieur le sénateur, de faire la démonstration que cet amendement doit être rejeté !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Ma femme est une sorcière ! » (Sourires.)
M. Robert Del Picchia. Ce n'est pas la commission qui décide, sinon nous ne serions pas là !
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
I. - L'intitulé de la section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier du même code est ainsi modifié :
Section 3. - De la procédure applicable aux autres cas de divorce. »
Cette section comprend les articles 251 à 259-3.
II. - Il est créé au sein de cette section un paragraphe 1 intitulé : « De la requête initiale » et comprenant l'article 251 ainsi rédigé :
« Art. 251. - L'époux qui forme une demande en divorce présente, par avocat, une requête au juge. L'indication des motifs du divorce n'est pas requise. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l'article 251 du code civil :
« Art. 251. - L'époux qui forme une demande en divorce présente, par avocat, une requête au juge, sans indiquer les motifs du divorce. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Le projet de loi prévoit que l'indication des motifs du divorce dans la requête introductive n'est pas requise. Cet amendement tend à aller plus loin en prévoyant qu'elle est même interdite.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
I. - Après l'article 251 du même code, il est créé un paragraphe 2 intitulé : « De la conciliation », qui comprend les articles 252, 252-1, 252-2, 252-3, 252-4 et 253.
II. - A l'article 252 du même code :
- au premier alinéa, les mots : « Quand le divorce est demandé pour rupture de la vie commune ou pour faute, » sont supprimés ;
- le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences. »
III. - A l'article 252-1 du même code :
- le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les avocats sont ensuite appelés à assister et à participer à l'entretien. » ;
- le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans le cas où l'époux qui n'a pas formé la demande ne se présente pas à l'audience ou se trouve hors d'état de manifester sa volonté, le juge s'entretient avec l'autre conjoint et l'invite à la réflexion. »
IV. - L'article 252-3 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 252-3. - Lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l'amiable.
« Il leur demande de présenter pour l'audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce. A cet effet, il peut prendre les mesures provisoires prévues à l'article 255. »
V. - L'article 253 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 253. - Les époux ne peuvent accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 233 que s'ils sont chacun assistés par un avocat. »
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Au premier alinéa du II de cet article, après les mos : "du même code", ajouter les mots : "tel qu'il résulte de l'article 6".
« II. - En conséquence, procéder à la même adjonction de mots :
« - au premier alinéa du III de cet article ;
« - au premier alinéa du IV de cet article ;
« - au premier alinéa du IV de l'article 18 ;
« - au III de l'article 22 ;
« - au premier alinéa du IX de l'article 22 ;
« - dans le X de l'article 22. »
« La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par le dernier alinéa du III de cet article pour le troisième alinéa de l'article 252-1 du code civil, supprimer les mots : "et l'invite à la réflexion". »
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous ne voyons pas très bien l'intérêt de préciser que le magistrat « invite à la réflexion » l'époux qui a demandé le divorce et dont le conjoint ne s'est pas présenté à l'audience de conciliation. A quoi l'invite-t-il ? A réfléchir aux raisons pour lesquelles le conjoint ne s'est pas présenté ? A se demander si, après tout, il est bien raisonnable de demander le divorce ?
Cette situation rappelle celle du curé et du pénitent : « Mon enfant, réfléchissez bien ! Avez-vous péché ?... Vous direz trois Pater et trois Ave... » Ce n'est pas du tout ce que doit être la relation entre le magistrat et un époux demandeur du divorce !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cette invitation à la réflexion existant déjà dans le code civil, nous n'allons pas la remettre en cause.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah bon ? Et que faisons-nous depuis le début de cette discussion sinon remettre en cause des dispositions du code civil ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous ne le ferons pas sur ce point, monsieur Dreyfus-Schmidt !
Par ailleurs, la plupart de nos concitoyens n'ont aucune idée de ce qui va entraîner la prononciation du divorce. Demander à un public qui, de la maternelle jusqu'à l'âge adulte, ignore tout des règles de notre vie en société, de l'institution du mariage et du divorce, de réfléchir sur ces questions est une saine incitation tout à fait justifiée.
C'est la raison pour laquelle j'émets sur cet amendement un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne connaissons toujours pas la composition du groupe de travail. Je suppose qu'il comportait des magistrats,...
M. Patrice Gélard, rapporteur. Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... je suppose qu'il comportait des avocats,...
M. Patrice Gélard, rapporteur. Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et je suis prêt à parier qu'il ne s'en est pas trouvé un seul pour rapporter un cas où un juge aux affaires familiales aurait invité à la réflexion celui qui demandait le divorce, que ce soit un divorce par consentement mutuel ou pour rupture de la vie commune, alors que son conjoint ne s'était pas présenté. C'est peut-être inscrit dans le code civil, mais c'était une erreur !
Je ne vois pas de ma place si Portalis ne tremble pas sur ses fondations. (Nouveaux sourires.)
M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, non ! Il ne bouge pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On me dit qu'il reste de marbre, tant mieux ; mais il n'en pense sûrement pas moins ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Il en a vu d'autres !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une personne a demandé le divorce, son conjoint ne se présente pas, et c'est le moment que vous choisissez pour l'inviter à réfléchir ! Mais réfléchir à quoi ? A ne pas demander le divorce ? Est-ce là l'objet de la loi ? Est-ce le rôle d'un magistrat que de solliciter qu'on ne demande pas le divorce ? Sûrement pas !
Vous voulez gagner du temps, monsieur le rapporteur : là, on en perdrait - s'il se trouvait un magistrat pour le faire. Mais, je le répète, je n'ai personnellement jamais vu, et je me demande s'il y a ici quelqu'un qui ait jamais vu un magistrat appliquer cette disposition, et je sais pas dans quelles conditions elle avait été, en effet, introduite dans le code civil, que M. le rapporteur nous exhorte subitement à ne pas modifier alors que, depuis quinze heures, nous ne faisons que cela.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas sur ce point !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette disposition est tout à fait ridicule, et personne ne peut expliquer à quoi elle sert : ni M. le rapporteur ni M. le garde des sceaux ne nous a d'ailleurs précisé à quelle réflexion le juge aux affaires familiales devait inviter celui qui a demandé le divorce et dont l'adversaire est absent, et j'espère qu'on voudra bien me répondre avant que l'amendement ne soit mis aux voix.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous avons déjà répondu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et s'il est mis aux voix sans que ni M. le rapporteur ni M. le ministre nous ait dit à quelle réflexion il faut inviter, j'espère bien que le Sénat acceptera de le voter, car il se grandirait en supprimant cette disposition.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le président, je ne voudrais pas qu'il soit dit que je ne réponds pas aux interrogations légitimes de M. Dreyfus-Schmidt !
Ce type de situation me paraît assez simple : quelqu'un demande le divorce, dans les conditions qui viennent d'être rappelées, et son conjoint ne se présente pas devant le juge. Il n'est pas inutile que celui-ci ait alors avec le demandeur une conversation lui permettant de réfléchir, par exemple, sur le fait de savoir s'il n'a pas présenté sa demande, éventuellement, sur un coup de tête, ou à l'occasion d'une circonstance particulière...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a l'avocat pour cela !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je vous ai laissé parler, monsieur le sénateur ; si vous pouviez me laisser parler à mon tour, ce serait plus pratique pour le déroulement de nos débats !
Par ailleurs, je tiens à préciser que ce texte n'a pas été rédigé par je ne sais quelles personnes qui ne connaîtraient rien au droit. Il se trouve que la direction des affaires civiles de la Chancellerie - tout comme le groupe de travail qu'il m'importait de réunir, si je le souhaitais, pour me permettre de préparer le texte et de le présenter au Parlement - compte notamment des magistrats ayant une expérience en matière d'affaires familiales. Ces personnes, femmes et hommes, ont estimé que le projet de texte était conforme à l'expérience qu'ils pouvaient avoir de leur travail.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils ne sont pas infaillibles !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On a beau vous inviter à la réflexion, cela ne sert à rien !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous avons encore besoin de l'approfondir !
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :
« Remplacer la dernière phrase du texte proposé par le IV de cet article pour l'article 252-3 du code civil par deux phrases ainsi rédigées :
« A cet effet, il autorise chaque époux ou son mandataire à procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux ou toute autre information relative aux critères retenus par l'article 271, sans que le secret professionnel puisse être opposé. Il peut également prendre les mesures provisoires prévues à l'article 255. »
La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. Quand le juge statue sur le divorce, il lui est impossible, chacun le sait, de connaître les résultats de la liquidation du régime matrimonial des époux.
Certes, la rédaction proposée pour l'article 252-3 du code civil répond partiellement à cet inconvénient en imposant aux parties de présenter un projet de règlement des effets du divorce pour l'audience de jugement. Toutefois, cette mesure ne saurait éviter quelques désagréments : la liquidation effective du régime matrimonial peut toujours réserver des surprises, telle la révélation de certains mouvements de fonds ou d'éventuelles récompenses ou créances entre époux. Il faut donc permettre aux époux d'avoir accès à toutes les informations utiles concernant leur conjoint.
En outre, pour répondre aux exigences de simplification des procédures et de réduction des coûts posées par le Gouvernement, il serait important de lever le secret professionnel. A l'heure actuelle, il tombe lorsque les époux en font la demande au juge. L'avocat doit alors présenter une requête et le juge désigne un expert, ce qui induit encore coût et lenteur.
Cet amendement concerne toutes sortes d'informations utiles au règlement des effets du divorce, telles que celles qui sont relatives au patrimoine ou aux pensions de retraite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur le président, je tiens à rendre hommage à Mme Sylvie Desmarescaux, car les amendements qu'elle a déposés dénotent une véritable recherche sur les différents problèmes posés.
Malheureusement, là encore, je suis obligé d'émettre un avis défavorable, et d'abord parce qu'il n'est pas dans la tradition française que des recherches soient menées indépendamment du juge : la conception dont relève la procédure américaine, où il est normal que l'avocat se livre à des investigations, n'est pas encore entrée dans nos moeurs. Peut-être cela viendra-t-il, peut-être sera-t-il un jour utile que l'avocat se transforme aussi en détective privé.
Pour l'instant, il appartient non pas aux parties, mais au juge d'effectuer les recherches. Il peut déjà désigner un expert à cet effet, et le secret est normalement levé en application de l'article 259-3 du code civil à l'égard du juge.
C'est la raison pour laquelle je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement, à moins que vous n'acceptiez, madame, de le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis défavorable.
M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Desmarescaux. Après les propos aimables de M. Patrice Gélard, je ne veux pas être désagréable ! Je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)