M. Michel Bécot. Dans un souci de conformité à la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, il est proposé de créer plusieurs taxes affectées, versées par les entreprises au bénéfice des comités professionnels de développement économique, ou CPDE, et à leurs centres techniques industriels, ou CTI, comme le sont les taxes parafiscales jusqu'au 31 décembre 2003.
La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances a, en effet, supprimé les taxes parafiscales afin de restituer intégralement au Parlement l'une de ses prérogatives essentielles : le pouvoir de créer l'impôt.
La question s'est donc posée du financement des comités professionnels de développement économique et des centres techniques industriels, à compter du 1er janvier 2004.
Le Gouvernement a proposé aux professions concernées de choisir, pour le financement de leur comité professionnel de développement économique et de leur centre technique industriel, entre la budgétisation et la création d'une imposition affectée.
A l'unanimité, lesdites professions se sont prononcées en faveur de la création de l'imposition affectée, dans la mesure où cette solution est la mieux à même de maintenir un financement régulier des missions de service public économique et d'intérêt général des CPDE en impliquant les professionnels. En outre, cette solution présente l'avantage de ne pas grever le budget de l'Etat.
Compte tenu des difficultés de l'heure et de la nécessaire solidarité nationale, il n'est pas demandé de revenir sur le principe du prélèvement à opérer sur les réserves des comités professionnels de développement économique, tel qu'il figure à l'article 17 du projet de loi de finances pour 2004.
En revanche, il semble nécessaire de régler dès 2004 la question du financement des CPDE par la création d'une imposition affectée pour les biens de consommation, solution conforme à l'arbitrage de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire et de Mme la ministre déléguée à l'industrie.
Le présent amendement a donc pour objet de répondre au souci des professionnels de maintenir le financement des missions assurées par les comités professionnels de développement économique en leur reconnaissant un caractère de service public et d'intérêt général. Il reprend, en ce sens, le texte que le Gouvernement avait élaboré avec les professionnels concernés et auquel il n'a pas cru devoir donner suite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous arrivons ici au coeur d'une discussion qui nous conduit, les uns et les autres, à passer beaucoup de temps avec d'honorables professions.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Et de mieux faire connaissance avec elles ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est, en effet, l'occasion de mieux les connaître, de mieux connaître leurs bilans, l'état de leur trésorerie, etc. (Nouveaux sourires.)
Plus sérieusement, c'est pour nous l'occasion de réexaminer toute une série de situations sectorielles, ce qui permet d'abord de constater que, dans notre pays, bien des organisations professionnelles existent qui s'efforcent de se doter d'outils communs et de trouver les moyens de les faire fonctionner.
M. Bécot et plusieurs de ses collègues proposent d'instaurer, au bénéfice des CPDE et CTI, une contribution fiscale affectée, en lieu et place des anciennes taxes parafiscales.
Je m'abstiendrai de reprendre ici les considérations de droit, en particulier de droit budgétaire, issues de la loi organique sur les lois de finances, car elles sont développées dans le rapport écrit de la commission des finances. Je rappellerai simplement que la parafiscalité devant en principe disparaître au 1er janvier 2004, en vertu de ladite loi organique, la création d'une contribution fiscale affectée à laquelle tend le présent amendement est conditionnée par l'exercice d'une mission de service public ou d'une mission d'intérêt général suffisamment caractérisée.
C'est de façon prudente et en prenant appui sur ce critère des missions de service public ou d'intérêt général que le Gouvernement, selon les organismes et selon les secteurs, a choisi différentes solutions pour permettre la poursuite des activités de ces outils professionnels.
En ce qui concerne les CPDE, le Gouvernement considère que la meilleure solution est de passer à un financement budgétaire d'un montant de 30,5 millions d'euros.
Le Gouvernement fait au demeurant une différence entre les comités professionnels de développement économique et les centres techniques industriels, estimant que ces derniers peuvent se voir attribuer une contribution fiscale affectée. Cependant, quand on essaie de se forger une opinion avec les responsables des professions, il apparaît que le critère de service public ou d'intérêt général ne permet pas de faire une telle distinction entre CPDE et CTI. La commission des finances peine à comprendre ce qui sépare les deux catégories.
Elle souscrit aux propos des auteurs de cet amendement lorsqu'ils précisent que la taxe pour le développement des industries des biens de consommation a pour objet de financer les missions de service public et d'intérêt général qui sont dévolues à ces organismes. C'est un raisonnement qui s'inscrit dans le cadre du droit existant et qui est en conformité avec la jurisprudence et la loi organique elle-même.
D'une manière générale, le traitement de la parafiscalité revient à attribuer aux mêmes organismes les mêmes ressources, payées par les mêmes. (Sourires.) Tout cela est très compliqué, j'en conviens, et nous sommes conduits à faire des détours considérables pour continuer à faire fonctionner des outils qui sont utiles et dont le financement est assuré par les secteurs professionnels eux-mêmes.
C'est donc assez volontiers que la commission souscrit aux propositions des auteurs de cet amendement. Autant recourir à des mécanismes similaires aux taxes parafiscales existantes, le régime des taxes fiscales affectées ou des contributions fiscales affectées étant à cet égard le plus naturel.
J'ai cru comprendre que cet amendement correspondait aux intentions premières du Gouvernement qui avait envisagé cette solution dans un premier stade.
En outre, je relève qu'il en résulterait une économie budgétaire de 30,5 millions d'euros qui viendrait en réduction, même très minime, du déficit budgétaire.
Je pense donc, monsieur le ministre, qu'il convient d'émettre un avis favorable sur cet amendement n° I-253 rectifié bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement est désolé de ne pas partager l'avis du rapporteur général. Cet amendement soulève la question de l'avenir du financement des centres techniques industriels, les CTI, et des comités professionnels de développement économique, les CPDE, à la suite de la suppression des taxes parafiscales.
En ce qui concerne les CPDE, l'objectif prioritaire du Gouvernement est de sécuriser leurs ressources. Ils seront donc financés en 2004 par voie budgétaire à hauteur de 30,5 millions d'euros. S'agissant des CTI, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances rectificative de 2003 qui vous sera soumis dans quelques semaines la mise en place d'une taxe fiscale affectée, conformément aux souhaits des centres.
Sachant que votre préoccupation est entièrement satisfaite par le projet de loi de finances pour 2004 pour les CPDE et par le prochain collectif budgétaire pour les CTI, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement au motif qu'il soulève des difficultés techniques substantielles sur une question d'une très grande complexité.
M. le rapporteur général vient de développer une véritable plaidoirie pour démontrer la constitutionnalité du dispositif que vous proposez. J'ai cependant quelques doutes à cet égard.
Si l'inconstitutionnalité de la disposition était constatée par le Conseil constitutionnel, vous seriez en grande difficulté. Je rappelle que votre objectif est de sécuriser le financement de ces organismes. Or, le Conseil constitutionnel risque de se montrer très sourcilleux sur le contrôle de la notion de service public lors de l'examen de la constitutionnalité de cette nouvelle taxe affectée.
Il me semble donc plus prudent, pour atteindre l'objectif que vous vous fixez, de retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pardonnez-moi de prolonger le débat, mais je voudrais comprendre.
Nous avons affaire à deux types d'organismes, les CPDE et les CTI. Dans la mesure où les CTI exercent incontestablement une mission de service public, il ne se pose aucun problème puisqu'on transforme la taxe parafiscale en taxe affectée ou contribution affectée.
En ce qui concerne les CPDE, il y aurait doute sur le caractère de service public ou d'intérêt général de leur activité.
Le risque, si nous votons l'amendement, est de voir la disposition invalidée par le Conseil constitutionnel. Sans support juridique, ces organismes n'ont plus de ressources.
Il existe cependant une autre solution qui consiste à régler la situation des CTI par la création d'une contribution fiscale affectée, comme vous l'avez dit, et par la prolongation par le présent projet de loi de finances de la taxe parafiscale actuelle pour l'année 2004. La possibilité nous est donnée par la loi organique de 2001 relative aux lois de finances de décider une prolongation d'une année, à condition que la décision soit expressément prise dans la loi de finances. Cette prolongation d'un an devrait permettre, d'une part, de s'assurer de la réalité de la mission d'intérêt général ou de service public des organismes - après tout, il doit être possible, après examen du dossier, d'arbitrer le sujet en toute clarté avec les meilleurs publicistes et, d'autre part, d'économiser 30,5 millions d'euros.
J'évoque cette solution, qui suppose un dispositif différent de celui qui est proposé par nos collègues pour être exhaustif et surtout constructif. En résumé, quelques organismes conserveraient leur taxe parafiscale pendant l'année 2004. J'aimerais entendre le Gouvernement sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. On ne peut être plus constructif que je ne l'ai été puisque je vous ai dit que cette question serait définitivement réglée à l'occasion du collectif budgétaire qui vous sera soumis dans quelques semaines.
M. le président. Monsieur Bécot, l'amendement n° I-253 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Bécot. Je suis très gêné parce que notre proposition, qui était simple, consistait, comme l'a expliqué M. le rapporteur général, à ne pas faire appel au budget de l'Etat pour régler cette taxe au profit des comités professionnels de développement économique, mais à permettre aux professionnels de percevoir directement une taxe auprès des professionnels. En demandant aux autres industriels une contribution de 0,07 % de leur chiffre d'affaires hors taxes, le comité professionnel avait l'assurance de disposer des moyens de fonctionner. Or, avec la proposition de M. le ministre, nous ne connaissons pas l'avenir.
C'est la raison pour laquelle je suis tenté de soutenir la position de M. le rapporteur général, afin que les industriels règlent entre eux leurs problèmes sans avoir recours au budget de l'Etat, qui réaliserait ainsi une économie de 30 millions d'euros.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, pour explication de vote.
M. Francis Grignon. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le budget de l'industrie, j'ai reçu les responsables des CTI et des CPDE. Ils m'ont indiqué que, d'ores et déjà, le Conseil constitutionnel avait émis un avis négatif quant à l'instauration d'une taxe parafiscale pour les CPDE, considérant que leur action était parfois commerciale et tendait à défendre des professions commerciales. Ils ont ajouté qu'ils seraient favorables à une dotation budgétaire pour les CPDE, même si le risque existe toujours, à travers une dotation, que l'Etat ne tienne pas ses engagements. Leur souci est surtout d'avoir une parafiscalité claire l'année prochaine.
M. le ministre nous ayant donné des explications convaincantes, je le suivrai sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je demande à nouveau à la Haute Assemblée de rejeter l'amendement de M. Bécot parce qu'il comporte des dispositions inconstitutionnelles qui sont de nature à fragiliser le financement des organismes.
M. le président. L'amendement n° I-253 rectifié bis est-il toujours maintenu, monsieur Bécot ?
M. Michel Bécot. Monsieur le ministre, les industries du textile en France se battent actuellement tous les jours pour essayer de conserver des emplois. En retirant cet amendement, je serais désolé de ne pas leur rendre service comme je me dois de le faire. En Poitou-Charentes, des industries textiles sont encore en état de fonctionner. Je ne voudrais pas que par cette budgétisation elles n'obtiennent pas satisfaction.
Je suis prêt à vous faire confiance, monsieur le ministre, et je retire mon amendement, mais sachez que ce sont des industries qui connaissent en ce moment une situation difficile et que je ne souhaite pas les voir fragilisées davantage.
M. le président. L'amendement n° I-253 rectifié bis est retiré.
I. - Le compte d'affectation spéciale n° 902-00 « Fonds national de l'eau », ouvert par le I de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999), est clos à la date du 31 décembre 2003.
II. - Les opérations en compte au titre de ce fonds sont reprises au sein du budget général, sur lequel sont reportés les crédits disponibles à la clôture des comptes.
III. - Le I de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 précitée est abrogé.
IV. - Au deuxième alinéa de l'article 51 de la loi n° 47-520 du 21 mars 1947 relative à diverses dispositions d'ordre financier, les mots : « le Fonds national pour le développement des adductions d'eau sauf en 2003, » sont supprimés.
V. - Pour 2004, le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau, institué par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 précitée, est ainsi fixé :
Agence de l'eau Adour-Garonne |
7 636 000 EUR |
Agence de l'eau Artois-Picardie |
6 358 000 EUR |
Agence de l'eau Loire-Bretagne | 13 230 000 EUR |
Agence de l'eau Rhin-Meuse | 7 022 000 EUR |
Agence de l'eau Rhône-Méditerranée - Corse | 19 123 000 EUR |
Agence de l'eau Seine-Normandie | 29 631 000 EUR |
VI. - La section 4 du chapitre V du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est intitulée : « Subventions d'investissement pour l'adduction d'eau et l'assainissement ».
VII. - L'article L. 2335-9 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2335-9. - L'Etat peut attribuer des subventions en capital aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l'exécution des travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales. »
VIII. - L'article L. 2335-10 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2335-10. - Il est institué une taxe sur les consommations d'eau distribuée dans toutes les communes bénéficiant d'une distribution publique d'eau potable. Cette taxe est affectée au budget général de l'Etat à partir de 2004. »
IX. - Au premier alinéa de l'article L. 3232-2 du même code, les mots : « par le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, prévu à » sont remplacés par les mots : « sur le fondement de ».
X. - Aux articles L. 2335-13 et L. 2335-14 du même code, le mot : « redevance » est remplacé par le mot : « taxe ».
XI. - L'article L. 3553-6 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 3553-6. - Les subventions en capital accordées par l'Etat aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l'exécution des travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales prévues à l'article L. 2335-9 bénéficient à la collectivité départementale qui les répartit dans les conditions prévues aux articles L. 3232-2 et L. 3232-3. »
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, sur l'article.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que, face à cet article 21, qui bouleverse profondément le financement de la politique de l'eau, le président du groupe d'étude sur l'eau du Sénat et président du Cercle français de l'eau soit amené à intervenir.
Nos concitoyens veulent avoir une eau de qualité et font de plus en plus attention à l'environnement.
Les exigences européennes sont de plus en plus sévères.
La directive-cadre européenne qui a pour objectif d'améliorer l'état des eaux à l'horizon 2015, et que nous avons approuvée, nous impose une division par cinq des teneurs maximales admises en plomb et en arsenic dans l'eau de boisson.
Sur le plan national, nous avons une grande ambition dans le domaine de l'eau. Les discours prononcés à cet égard par le Président de la République, Jacques Chirac, à Orléans, à Avranches et récemment à Johannesburg ont été salués par la communauté internationale toute entière.
J'ajoute, monsieur le ministre, que le Conseil des ministres, dont vous êtes membre, a adopté le 25 juin 2003 le principe de la charte d'environnement qui sera associée à la Constitution.
Tout cela nous oblige à avoir une vision prospective et dynamique dans le domaine de l'eau.
Or, force est de constater que nous sommes confrontés à un déficit d'investissement patent et à une politique financière timide au regard des enjeux sanitaires, sociaux et environnementaux.
L'héritage est relativement lourd. La gestion antérieure a privilégié les dépenses de fonctionnement au détriment de l'investissement. En 2000, seuls 28,5 % des crédits du fonds national de solidarité pour l'eau ont été consommés et 90 % des dépenses relevaient du fonctionnement.
Notre bilan environnemental est mitigé : en 2001, seuls 55 % des points de suivi des cours d'eau étaient conformes aux objectifs de qualité des schémas directeurs d'aménagement des eaux, les SDAGE.
Des retards sont constatés dans le secteur de l'assainissement, en dépit des efforts non négligeables consentis par les collectivités. Des hausses importantes du prix de l'eau sont intervenues. Seules 47 % des agglomérations françaises ont respecté la première échéance de la directive « eaux résiduaires urbaines », qui a apporté des résultats incontestables au 31 décembre 1998. Nous avons actuellement cinq ans de retard.
Enfin, dernier constat, loin d'être brillant, nous sommes sanctionnés régulièrement par la Communauté européenne : pour dépassement de la teneur maximale autorisée en nitrates dans les eaux brutes en Bretagne - condamnations du 8 mars 2001 et dernier avertissement écrit pour se conformer à l'arrêt le 4 avril 2003, pour défaut d'échantillonnage des eaux de baignade - condamnations du 15 mars 2001 et dernier avertissement écrit pour se conformer à l'arrêt le 24 juillet 2003, pour insuffisance du traitement des eaux résiduaires urbaines - saisine de la Cour de justice des Communautés européennes contre la France le 24 juillet 2001 et envoi d'une seconde lettre d'avertissement le 21 janvier 2003, pour dépassement de la teneur en nitrates de l'eau distribuée en Bretagne - avis motivé du 21 janvier 2003 et citation à comparaître du 24 juillet 2003.
Le dernier avertissement, qui date du 24 juillet 2003, concerne le dépassement de la teneur en nitrate et en pesticides dans les eaux brutes et l'eau distribuée dans les Deux-Sèvres.
Ce constat accablant est le résultat d'une certaine insuffisance d'action au cours des dernières années.
Face à ce constat, quelles orientations devons-nous adopter ? Monsieur le ministre, l'ensemble du Gouvernement devrait d'abord adopter une meilleure démarche d'évaluation, car il nous faut comprendre et mieux connaître le contexte écologie et du développement durable. Mme la ministre de l'environnement se bat d'une façon très vigoureuse dans ce domaine. Après les états régionaux, elle organisera un grand colloque national le 16 décembre prochain à la Défense. Elle aboutira au même constat. Nous sommes en retard.
Nous disposons, certes, de plusieurs outils de gestion, notamment les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, les contrats de rivière et de baie. Il faut de l'argent pour avancer.
Nos concitoyens ont exprimé leur désir de participer à cette politique de l'eau. Ils l'ont fait dans les commissions consultatives des services publics locaux, dans les commissions locales de l'eau, dans les comités de bassin, et même au comité national de l'eau.
Nous devons restaurer une confiance qui a quelque peu disparu, puisque 20 % des Français n'ont pas confiance dans l'eau du robinet et que 68 % d'entre eux s'estiment mal informés.
Il faut définir une politique financière. L'article 21 prévoit une transformation profonde. Or, avant l'examen de la nouvelle loi sur l'eau, je ne suis pas sûr que nous aurons suffisamment débattu pour cadrer la totalité de cette politique financière qui repose sur un principe : l'eau paie l'eau. Encore faut-il que les circuits qui alimentent ces financements soient identifiés et la direction indiquée de façon claire.
Nous devons soutenir les capacités d'intervention des agences de l'eau. Grâce à ces excellents outils souvent cités, qui ont été créés en 1964 et développés en 1992, nous avons une politique de l'eau exemplaire.
Or l'article 21 prévoit des prélèvements importants sur les agences de l'eau. Certes, l'objectif recherché est un meilleur usage. Monsieur le ministre, je suis persuadé que vous comprendrez nos préoccupations et que vous saurez faire progresser ce financement de la politique de l'eau.
Mais je sais aussi que nos communes rurales vont souffrir. Le FNDAE va disparaître. Les communes rurales seront-elles suffisamment soutenues financièrement dans leurs actions, alors même qu'elles ont des taux de qualité d'eau parmi les plus bas de France ? Il faudra, bien entendu, instaurer une sélectivité accrue des aides financières, car, si les agglomérations importantes peuvent financer des réseaux, des unités de traitement, les communes situées dans les espaces ruraux ne le peuvent pas.
Enfin, nous l'avons trop oublié, il faut réhabiliter notre patrimoine de l'eau. Comme vous le savez, monsieur le ministre, de nombreux circuits de distribution d'eau, vieux de plus de quatre-vingts ans, sont dans un état déplorable. Il faut faire un effort considérable en termes de qualité, de quantité, de stockage et de distribution de l'eau.
L'eau n'est pas une denrée chère. Ce n'est pas non plus une denrée rare. Elle dépend des investissements que l'on fait et les investissements dépendent de la politique financière que vous allez mettre en oeuvre. Nous sommes à la première étape, celle de la loi de finances. Il y en aura une seconde avec la discussion du projet de loi sur l'eau. Nous serons attentifs aux propos que vous tiendrez. Si nous soutenons, bien entendu, le Gouvernement, nous avons néanmoins plus d'interrogations que de certitudes dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. L'article 21 vise à clôturer le compte d'affectation spéciale du Fonds national de l'eau dont la section A correspond au Fonds national de développement des adductions d'eau, le FNDAE, afin de respecter les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances qui prohibent les affectations de recettes sans lien avec les dépenses qu'elles financent. C'était bien le cas puisque les prélèvements sur le produit du PMU étaient utilisés pour financer les réseaux d'eau. Sur le principe, cette mesure n'est donc pas discutable.
Cependant, sous couvert de cette réforme, le Gouvernement poursuit la réduction des crédits affectés à ce fonds, qui a été amorcée dans la loi de finances pour 2003 et qui vise particulièrement les aides accordées aux communes rurales pour le service public de distribution de l'eau.
Voilà des années que l'on affiche des objectifs ambitieux en matière de reconquête de la qualité des eaux. Directives, circulaires, projets de loi, réglementations diverses engagent les communes à investir au plus vite pour économiser l'eau, pour améliorer l'efficacité des stations d'épuration, pour protéger les captages, pour raccorder les zones sensibles, etc.
D'ici à 2005, de très nombreux programmes sont prévus en ce sens, notamment en zone rurale, et l'Etat s'est engagé à soutenir financièrement ces investissements, ô combien indispensables et urgents !
Aussi, face à cet enjeu essentiel, monsieur le ministre, comment ne pas s'inquiéter de la reculade, pour ne pas dire « l'arnaque », pratiquée à l'occasion des budgets 2003 et 2004 sur les crédits du FNDAE destinés aux communes rurales ? Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Dans le budget 2002, les dotations FNDAE aux communes rurales - réparties par les bons soins des départements - étaient de 127,2 millions d'euros. En 2003, sur les 77 millions d'euros votés par le Parlement, seulement 37 millions d'euros d'autorisations de programmes ont été affectés, soit une baisse réelle de plus de 70 %.
Dans le projet de budget pour 2004, le FNDAE, dorénavant inscrit à l'article 40 du chapitre 61-40 sous l'intitulé « subvention d'investissement pour l'adduction d'eau et l'assainissement », est doté de 75 millions d'euros, ce qui représente une baisse de 40 % par rapport au niveau de 2002 qui doit servir de référence.
Les baisses de crédits observées en 2003 et 2004 représentent donc au total une ponction de 150 millions d'euros par rapport au niveau de 2002, somme qui ne sera, en conséquence, pas affectée aux communes rurales, et chaque département a très certainement des exemples à fournir à cet égard.
Pourquoi le Gouvernement fait-il preuve d'une telle désinvolture vis-à-vis des communes de la France d'en bas ? Il est difficile de comprendre le sens de cette décision politique qui, à l'évidence, ne peut trouver de justification dans la modification de l'architecture du budget de l'Etat, je veux parler de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.
S'agissant de responsabilités et de transparence budgétaire, on ne peut manquer d'interroger le Gouvernement sur le tour de passe-passe effectué en 2003. Comment se fait-il que, sur un budget de 77 millions d'euros voté par le Parlement pour le FNDAE, seulement 37 millions ont été distribués aux communes ? Quelle explication le Gouvernement est-il en mesure de fournir au sujet de l'évaporation des 40 millions d'euros manquants ?
Incontestablement, les élus locaux ont de bonnes raisons de s'interroger sur la cohérence de l'action gouvernementale vis-à-vis des territoires ruraux confrontés à des enjeux vitaux tels que ceux qui sont liés à la qualité de l'eau.
Un projet de loi sur la défense du monde rural est annoncé pour les mois à venir. A cet égard, le Gouvernement aurait sans nul doute amélioré la crédibilité de ses intentions législatives en s'abstenant de faire trinquer aussi brutalement les communes rurales.
Je conclurai en posant trois questions à M. le ministre.
Premièrement, promesse avait été faite l'année dernière, lors du vote du budget, que la ponction réalisée était exceptionnelle. Répondant à une question de M. Vasselle, M. le ministre avait bien indiqué qu'en 2004 on rétablirait le niveau de crédits de 2002. Ce n'est pas le cas, et j'ai souligné qu'il y avait une baisse de 40 % par rapport à 2002. Par conséquent, la promesse n'a pas été tenue.
Deuxièmement, à l'heure où l'on parle tant de transparence, de contrôle et de mise en place de principes nouveaux avec la LOLF, comment est-il possible à un gouvernement de « pomper » la moitié d'une dotation votée par le Parlement ? Alors qu'on avait voté 77 millions d'euros, seuls 37 millions ont été attribués.
Troisièmement, enfin, comment le Gouvernement peut-il justifier la cohérence de son action, lorsqu'il incite les collectivités à agir en ce qui concerne la protection de l'eau, pour qu'elles se mettent aux normes, qu'elles répondent à toutes les exigences européennes, alors que, dans le même temps, il réduit considérablement les aides publiques qui sont consenties aux communes rurales ? Où est la cohérence et quelles sont les explications ?
Je souhaiterais que soit aujourd'hui, soit lors de l'examen des crédits du ministère de l'agriculture, des réponses précises puissent nous être apportées sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Avec Philippe Arnaud, je souhaite insister sur la suppression du FNDAE.
Ce fonds permettait aux communes rurales d'obtenir une péréquation souhaitable. Même si son fonctionnement n'était pas toujours de premier ordre, en raison de procédures administratives complexes qui occasionnaient des retards, ce fonds, même s'il était insuffisamment doté, nous paraissait tout de même intéressant. Comme cela vient d'être dit, les sommes mises à disposition avaient plutôt tendance à diminuer. Néanmoins, pour que le monde rural puisse disposer d'un service de qualité, les compensations constituent un passage obligé. Et je pense que le FNDAE était un instrument national de péréquation sans lequel, à l'avenir, les départements les plus pauvres seront ceux qui, proportionnellement, apporteront la plus grosse contribution financière. Il faut avoir à l'esprit que les dépenses ne pourront qu'augmenter. Cela n'est pas rassurant pour l'avenir. Les départements ne disposeront plus de ce « plus ».
Je ne veux pas rappeler de mauvais souvenir, mais l'argument selon lequel « l'eau paie l'eau » est un peu difficile à faire passer dans des lieux où les canalisations sont très longues et ne concernent qu'un nombre réduit d'abonnés. Néanmoins, cet argument était entré dans les moeurs. Le prélèvement qui vient de s'opérer sur le compte des agences de l'eau ne nous rassure pas non plus.
C'est la raison pour laquelle, en m'exprimant sur cet article, je souhaitais insister sur notre attachement à un système de qualité qui est au service du monde rural et que l'on risque de faire disparaître sans avoir prévu de véritable compensation. Toutefois, nous espérons que le projet de loi sur la ruralité nous permettra de revenir sur ces thèmes et de trouver les adaptations utiles de nature à nous rassurer.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Certaines réflexions de notre collègue M. Marc, qui m'ont semblé pertinentes mais que d'aucuns pourraient, sous certains aspects, qualifier de polémiques, m'incitent en effet à intervenir. Il a cité des chiffres qui, à mon avis, ne sont pas contestables, puisqu'ils figurent dans le rapport de M. Marini, en ce qui concerne la consommation des crédits du FNDAE.
Je me souviens des engagements qui avaient été pris par le Gouvernement au moment où avaient été ponctionnées les recettes du PMU qui devaient être affectées au FNDAE. Il ne devait s'agir que d'un prélèvement exceptionnel. Ce fonds va être supprimé et les crédits, si j'ai bien compris, seront reportés sur le ministère de l'agriculture. Toutefois, les montants de crédits qui sont annoncés par M. Marini dans son rapport et qui seront inscrits au chapitre 61-40 ne sont nullement à la hauteur de nos espérances, compte tenu de l'immensité des besoins de l'ensemble de nos départements.
Il est en tout cas un engagement que vous avez respecté, monsieur le ministre : vous avez en effet confié à la commission des finances le soin de mener une enquête à laquelle le Gouvernement n'était pas opposé, bien au contraire, puisqu'il avait, comme nous, mesuré les difficultés que nous rencontrions à propos de la consommation des crédits du FNDAE.
Je suis, je l'avoue, resté sur ma faim en prenant connaissance des conclusions du contrôle, qui a en particulier été mené par les rapporteurs spéciaux Joël Bourdin et Paul Loridant, et qui figurent dans le rapport de M. Marini.
Il est dit : « Ce contrôle a permis de confirmer l'ampleur des reports engendrés par le fonctionnement du compte... » - on reprend le constat que nous avions fait nous-mêmes l'année dernière - « ... que le fonds était aujourd'hui géré selon une procédure complexe et une répartition des compétences entre directions départementales de l'agriculture et conseils généraux qui conduisent soit à des cofinancements difficiles à mettre en oeuvre, soit à une répartition des dossiers à financer entre Etat et départements sur la base de critères souvent inopérants. »
MM. Bourdin et Loridant n'ont fait que confirmer les dysfonctionnements que nous avions dénoncés l'année dernière au moment de l'examen des crédits du FNDAE. Je m'attendais, cette année, à des propositions de la part d'Alain Lambert - mais peut-être viendront-elles pour simplifier les procédures, accélérer l'instruction des dossiers et permettre une véritable consommation des crédits.
Il est tout de même effarant de constater qu'il y a une baisse de la consommation des crédits d'année en année : la consommation, qui était de 43 % en 1999 et de 37,2 % en 2002, est tombée à 17 % en 2003. Il y a véritablement un problème !
A cet égard, je souligne que l'enveloppe qui est affectée au département de l'Oise est effectivement consommée. Simplement, le délai pour que les crédits arrivent jusqu'à leurs destinataires empêche la consommation réelle d'être celle à laquelle on peut s'attendre dans l'année, et oblige à reporter les crédits sur l'exercice suivant ; il en est ainsi depuis des années. J'avais d'ailleurs, l'an dernier, lors de mon intervention dans ce débat, établi un parallèle avec le retard de consommation des crédits de la DGE.
Je me rappelle aussi que, lorsque M. Charasse était ministre du budget, nous avions également dénoncé la lenteur de la procédure pour l'engagement des crédits d'Etat.
La conclusion de nos collègues rapporteurs spéciaux consiste à dire - et la Cour des comptes se prononce dans le même sens - qu'il faut décentraliser et transférer la gestion de la totalité des crédits aux départements. Je suis preneur, mais je souhaiterais, à ce propos, monsieur le ministre, que vous rafraîchissiez ma mémoire. N'ayant malheureusement pas pu participer au débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, puisque, compte tenu de l'organisation serrée de nos travaux, je participais, au même moment, à l'étude du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je n'ai pas le souvenir que le transfert de cette compétence aux conseils généraux était prévu dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales !
Cela veut dire que l'on savait, avant que le texte de loi soit déposé sur le bureau du Parlement, que nos deux collègues avaient conclu, comme la Cour des comptes, qu'il fallait transférer la gestion des crédits du FNDAE aux départements. Or aucune initiative n'a été prise par le Gouvernement pour que ce transfert devienne effectif dans le cadre de l'acte II des lois de décentralisation.
J'aimerais donc savoir si cela peut être rattrapé, puisque nous sommes en première lecture. Une deuxième lecture des textes de décentralisation aura lieu au Parlement : peut-on espérer le transfert de cette compétence dès l'année 2004 ou au plus tard en 2005, de manière qu'il y ait une véritable consommation des crédits ?
Je suis persuadé - et je terminerai par là mon intervention - que si vous répartissez ces 200 millions d'euros de crédits, qui sont reportés d'une année sur l'autre, entre tous les départements, vous obtiendrez une consommation très rapide de ces crédits au moins à hauteur de 60 % ou 70 % de l'enveloppe.
Une multitude de dossiers émanant de communes rurales ou de syndicats de communes sont en souffrance, et, faute de recevoir des aides, ces collectivités ne peuvent engager aucune opération. Ce qui est le plus préoccupant et révoltant, c'est que lorsque les maires des communes rurales sollicitent l'Etat ou le conseil général pour obtenir des subventions destinées à financer des travaux d'assainissement, il leur est répondu que les crédits à des taux qui rendraient supportable le montant de la dépense ne sont pas disponibles.
Il y a là un véritable problème. Il faut absolument que les moyens soient mis en oeuvre par le Gouvernement en liaison avec les conseils généraux et avec le soutien du Parlement pour que la consommation des crédits soit effective et corresponde à un véritable besoin, ce qui permettra de soutenir notre économie.