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NOMINATION D'UN MEMBRE

D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Fonds de solidarité vieillesse, sans doute !

M. le président. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Alain Vasselle...

Mme Odette Terrade. Oh ! là ! là !

M. le président. ... membre du comité de surveillance du Fonds de solidarité vieillesse.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Bernard Angels.)

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour un rappel au règlement.

Mme Michelle Demessine. Puisque M. le ministre est présent parmi nous - pour de longs moments encore -, je voudrais l'interpeller sur un grave problème qui concerne l'emploi dans ma région.

M. Gérard Braun. Cela n'a rien à voir avec le règlement !

Mme Michelle Demessine. En effet, monsieur le ministre, 359 salariés de deux entreprises...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Gérard Braun. C'est n'importe quoi !

Mme Michelle Demessine. Excusez-moi, mais il y a très grande urgence !

M. Gérard Braun. C'est incroyable !

Mme Michelle Demessine. ... situées dans l'agglomération lilloise, l'entreprise SI-Energie, anciennement Alstom, et l'entreprise Coventry, anciennement Unilever, sont aujourd'hui dans une situation désespérée, et M. le ministre connaît le dossier. (M. le ministre approuve.)

Depuis la liquidation de ces entreprises, ils ne connaissent que le mépris et l'injustice, eux qui leur ont tant donné, eux qui ont accepté de travailler dans les pires conditions, notamment, pour les ex-salariés d'Alstom, au contact de l'amiante.

La faillite et la liquidation judiciaire ont été prononcées, mettant au chômage 359 personnes.

Les principaux donneurs d'ordre et employeurs de ces salariés sont des groupes connus et très importants, puisqu'il s'agit d'Alstom et d'Unilever, qui ont engagé leur responsabilité en signant avec l'Etat des protocoles d'accord visant à assurer la pérennité de l'activité sur les deux sites. Ces accords ont été bafoués : les entreprises ont été mises en faillite et des plaintes ont été déposées par les salariés pour abus de biens sociaux et faillite frauduleuse, mais aussi pour empoisonnement à l'amiante.

Après avoir tenté tous les recours, les salariés sont aujourd'hui mis au chômage, avec pour seule ressource les allocations de base des ASSEDIC, sans plan social.

Une solution est envisagée, celle qui a été retenue pour les 830 salariés de Metaleurop : il s'agit des congés de conversion, dont le financement est assuré par l'Etat et par l'employeur. Ils permettraient aux salariés de bénéficier de dix mois de salaire supplémentaires tout en entrant dans une phase active de reclassement, de formation et de recherche d'emploi. Ce n'est pas trop demander, me semble-t-il !

Malgré la mobilisation des élus, des salariés et de la population, les employeurs refusent de participer à ce financement. Leur attitude est totalement irresponsable et injuste, eux qui ont tant demandé à leurs salariés !

Sollicitée par les salariés, la région Nord - Pas-de-Calais a accepté de participer à hauteur de 25 %, soit 450 000 euros pour une dépense qui vous le savez, monsieur le ministre, n'est pas de la responsabilité de cette collectivité.

Aujourd'hui, parce que l'Etat ne veut pas participer au-delà des 50 % qu'il a déjà promis, les congés de conversion risquent d'être annulés.

Cette situation est inacceptable pour ces salariés et pour la population du Nord - Pas-de-Calais, d'autant plus inacceptable, monsieur le ministre, que vous avez décidé, dans un moment de grande émotion sur l'emploi, de financer à 100 % les congés de conversion des 830 salariés de Metaleurop ! Il y a une profonde injustice dans cette différence de traitement de salariés qui se trouvent éloignés de quelques kilomètres. L'inégalité entre les salariés est incomprise et suscite, vous le savez, beaucoup de colère et de désespoir.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, de manière solennelle, je vous demande de répondre à ce profond sentiment d'injustice. L'Etat peut aujourd'hui apporter les 25 % manquants dans le financement de ces congés de conversion.

Vous le savez, les regards des salariés, leurs espoirs, sont tournés vers votre ministère ; ils attendent avec impatience votre réponse.

M. le président. Madame Demessine, il s'agissait d'une question et non d'un rappel au règlement.

M. Gérard Braun. On aurait pu le dire avant ! Nous sommes mal partis !

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RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion d'un projet de loi

déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 4, pour lesquels la priorité a été ordonnée.

Art. additionnels après l'art. 3 (priorité) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Art. 4 (priorité)

Article additionnel avant l'article 4 (priorité)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 117 rectifié est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.

L'amendement n° 118 rectifié est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.

L'amendement n° 119 rectifié est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

« Avant l'article 4, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Après l'article L. 131-11 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Il est créé une cotisation sociale additionnelle sur les revenus financiers des entreprises et des ménages pour compenser la perte des ressources de la sécurité sociale consécutive à l'exonération des cotisations patronales au régime de base et répondre plus largement aux besoins des assurés sociaux.

« Cette cotisation sur les revenus financiers tient compte de la différence de nature des activités des entreprises et du poids des actifs financiers dans les revenus des ménages.

« a) Une cotisation sociale additionnelle assise sur le montant brut versé par les sociétés, les entreprises et autres personnes morales, hors institutions financières, assujetties en France à la déclaration de l'impôt sur les sociétés au titre de l'article 206 du code général des impôts, des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les opérations menées sur titres, les opérations menées sur les marchés réglementés et sur les marchés à terme des instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables.

« b) Une cotisation sociale additionnelle assise sur le montant net versé par les institutions financières assujetties en France à la déclaration de l'impôt sur les sociétés au titre de l'article 206 du code général des impôts, des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les opérations menées sur titres, les opérations menées sur les marchés réglementés et sur les marchés à terme des instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés des options négociables.

« Les institutions financières sont entendues au sens de la comptabilité nationale et définies par l'Institut national de la statistique et des études économiques.

« c) Une cotisation sociale additionnelle assise sur les revenus financiers bruts des ménages, hors intérêt de l'épargne populaire réglementée et des livrets d'épargne centralisés.

« Pour les sociétés placées sous le régime de l'article 223 A du code général des impôts, la cotisation sociale additionnelle est due par la société mère.

« Le montant de cette cotisation sociale additionnelle sur les revenus financiers est fixé à 10,36 %.

« La cotisation sociale additionnelle est contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles que les cotisations sociales assises sur les revenus du travail.

« II. _ Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »

La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 117 rectifié.

M. Guy Fischer. Notre amendement tend à créer une cotisation sociale additionnelle sur les revenus financiers des entreprises et des ménages.

Certains députés de l'UMP ont pu considérer que, après tout, il n'était pas inconcevable de ne pas faire supporter l'essentiel de la réforme par les salariés, qui, je le rappelle, en financent jusqu'à 91 %. Il leur a paru un peu équitable de commencer à imposer les revenus du capital, à hauteur de 1 milliard d'euros par an. C'est un tout petit début, mais c'est une excellente idée.

Si l'on veut vraiment sauver le régime par répartition, comme vous prétendez le faire, monsieur le ministre, il est évident qu'il ne sera pas possible de continuer à faire reposer le financement des retraites sur les seules richesses issues du travail, surtout si l'on persiste par ailleurs à favoriser le blocage des cotisations patronales, comme c'est le cas depuis près d'un quart de siècle - et dans le même temps, les cotisations des salariés ont augmenté de 2,5 % ! - et si ; on poursuit dans la voie de l'accroissement et de l'extension des exonérations.

Ce sont 236 milliards d'euros de profits financiers qui vont à la spéculation, et on essaye de nous convaincre qu'il n'y a pas assez d'argent en France et qu'une petite cure d'austérité ne ferait pas de mal ! Ce sont ainsi 236 milliards d'euros qui sont, à notre sens, détournés des salaires, de la formation, de l'investissement et de la création d'emplois.

M. Jean Chérioux. Cela n'a rien à voir ! C'est incomparable !

M. Guy Fischer. De même, comment est-il encore concevable que des éléments de la rémunération comme les stock-options, qui sont un exemple particulièrement scandaleux des avantages que s'octroient les dirigeants des grandes entreprises alors même qu'ils refusent d'augmenter les rémunérations de leurs salariés, ne soient pas soumis à cotisation ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est complètement faux !

M. Guy Fischer. Nous proposons donc de faire contribuer les profits financiers au financement des retraites. Dans une logique identique, nous proposons aussi, comme nous avons déjà eu l'occasion de l'expliquer, de taxer davantage les entreprises qui choisissent de licencier pour mieux spéculer et de taxer moins les entreprises qui contribuent à la création d'emplois et qui favorisent les salaires, la formation et l'innovation. En conjuguant ces deux paramètres, on pourrait trouver 56 milliards d'euros de recettes nouvelles pour le financement pérenne des retraites : M. le ministre avait chiffré toutes les propositions que nous avions faites, puisqu'il avait longuement développé ce sujet.

Pour le rejeter, le rapporteur de l'Assemblée nationale avait affirmé que cet amendement s'appuyait « sur la logique du parti communiste qui consiste à faire payer aux entreprises toutes les dispositions qui concernent la protection sociale, en l'occurrence le financement des retraites ». Soyons sérieux ! L'argument est bien mince quand on sait que les salariés vont supporter 91 % du coût des retraites ! Qui donc remet en cause la répartition, sinon les parlementaires de droite et le Gouvernement au travers du présent projet de réforme des retraites ?

Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, a également souligné qu'une telle taxation « ne serait pas à la hauteur des besoins » et qu'elle « aurait un effet tout à fait négatif sur les entreprises, les emplois, les cotisations ». Ce sont des arguments que nous avons déjà entendus, dans cet hémicycle !

Il faut effectivement travailler à trouver des ressources suffisantes et pérennes, grâce à un financement dynamique, ce qui passe notamment, nous l'avons dit, par le développement de l'emploi. Or pour l'instant, ce qui est, justement, profondément négatif, c'est que de nombreuses entreprises ferment - Mme Demessine vient d'en donner un exemple - et que le rythme des plans de licenciements s'accélère pour atteindre un niveau que l'on avait presque oublié. Ce qui est négatif, c'est tout ce qui pèse sur les cotisations sociales : le chômage, les bas salaires, les exonérations de toutes sortes.

Avec la réforme que vous voulez faire passer à toute force, sinon à marche forcée, d'ici à la fin de cette session extraordinaire, les actifs paieront plus pour des retraités qui toucheront moins. En revanche, les entreprises seront progressivement déchargées de leur contribution et une partie croissante des pensions sera « indexée » sur des marchés financiers volatils. Contrairement à ce que dit M. le Premier ministre, les sacrifices d'aujourd'hui ne sauveront pas les retraites de demain, bien au contraire !

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n{o 118 rectifié.

Mme Michelle Demessine. Par cet amendement, nous voulons démontrer que c'est surtout l'organisation économique dans son ensemble qui est placée au centre de la réflexion. Au-delà de la détermination du montant des pensions et des retraites pour les années à venir, ce qui est au centre des débats, c'est la vie des entreprises, leur mode de gestion, le niveau de la rémunération de leurs salariés, la question des coûts du capital dans le partage de la valeur ajoutée, les conditions générales de la production.

Le problème des retraites dépasse le défi de la démographie. Le catastrophisme que certains brandissent comme un étendard dissimule en fait des questions plus essentielles qui touchent à la gestion des entreprises et aux rapports sociaux. Il en est d'ailleurs des retraites comme il a pu en être de la réduction du temps de travail ou de la mise en place des congés payés : chaque avancée dans ces domaines est d'abord présentée par les entreprises comme une charge intolérable faisant peser sur l'économie le risque de la récession, avec toutes les conséquences que cela implique.

Or, chacun peut le constater, la série d'amendements tendant à insérer un article additionnel avant l'article 4 que nous vous proposons nous fait entrer de plain-pied dans le champ des questions de fond.

L'amendement n° 118 rectifié porte sur la question de la gestion des ressources des entreprises, ressources créées par le travail. Nous ne devons en effet jamais oublier que, en lui-même, le capital n'est pas créateur de richesse et qu'une intervention humaine est nécessaire pour qu'il le devienne.

Le financement de la protection sociale est assis sur la valeur ajoutée créée par le travail humain, il est calculé sur la base des salaires versés par les entreprises, les salariés s'acquittant en apparence eux-mêmes d'une partie du financement de l'assurance vieillesse.

Cela ne change pas grand-chose au fond : ce que l'on appelle un peu facilement les « charges patronales » ou, au mieux, la « part patronale des cotisations sociales » n'est jamais qu'un prélèvement sur les richesses créées, prélèvement d'autant plus important que la base de calcul - en l'occurrence les salaires - est plus large.

C'est pourtant en s'appuyant sur le fait que cette charge de financement est apparemment dévolue aux entreprises et fondée sur la prise en compte des salaires que, depuis de longues années, on conçoit des politiques d'allégement du coût du travail : le moins que l'on puisse dire est qu'elles n'ont pas porté leurs fruits en termes de qualité ou de quantité d'emploi !

Une telle analyse - nous l'avons déjà présentée en défendant certains autres amendements - nous amène donc naturellement à nous interroger une fois encore sur l'incitation à une utilisation sociale plus vertueuse, plus éthique de la richesse créée par le travail.

Dans cette optique, l'amendement n° 118 rectifié vise à appliquer aux investissements à caractère financier des entreprises un taux de cotisation sociale se rapprochant du taux de prélèvement appliqué aux rémunérations brutes, proposition qui appelle plusieurs observations essentielles.

Premier aspect, et non des moindres, il n'y a pas aujourd'hui de taxation sociale des revenus et placements financiers des entreprises, de type contribution sociale généralisée,...

M. François Fillon, ministre des affaires sociales. Si !

Mme Michelle Demessine. ... de sorte que les revenus financiers des entreprises, contrairement à ceux des ménages, échappent à toute ponction, aussi minime soit-elle, en faveur du financement de la protection sociale.

M. Jean Chérioux. Ce n'est pas vrai !

Mme Michelle Demessine. En termes d'impôts sur les sociétés, les placements financiers des entreprises échappent aussi assez largement aux règles de droit commun,...

M. Jean Chérioux. C'est faux !

Mme Michelle Demessine. ... leur prise en compte n'étant finalement que partielle, tandis que certains placements sans objet direct avec l'objet social - placements qui relèvent de ce qu'on appelle la « financiarisation » de l'économie - continuent de bénéficier de dispositions dérogatoires au droit commun en matière de taxation des plus-values.

M. Hilaire Flandre. N'importe quoi !

Mme Michelle Demessine. Tout cela constitue à l'évidence une incitation forte à la réalisation de placements financiers et à la collecte de leurs éventuels produits, souvent au détriment de l'emploi, des salaires, de la formation ou du développement des qualifications des salariés.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous inviter à adopter l'amendement n° 118 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 119 rectifié.

M. Roland Muzeau. Dans le débat récurrent sur le niveau de nos prélèvements obligatoires, on oublie un peu vite certaines réformes essentielles, et, si l'on examine la situation des entreprises, on constate que plusieurs points doivent être soulignés.

Premier point : l'impôt sur les sociétés.

Depuis 1985, le taux de cet impôt est passé du niveau historique de 50 % du bénéfice fiscal à 33,33 % aujourd'hui, soit une réduction de plus du tiers du montant de l'impôt dû à francs constants.

M. Jacques Oudin. Heureusement !

M. Roland Muzeau. Concrètement, si l'on prend le niveau de rendement actuel de cet impôt, ce sont aujourd'hui quelque 18,7 milliards d'euros de recettes fiscales en moins que l'Etat s'autorise à ne pas percevoir en vue de permettre à nos entreprises de renforcer leur compétitivité.

Dans un même ordre d'idées, on notera que nombre d'aménagements ont été mis en place depuis cette même année, aménagements qui concernent par exemple l'impact du régime des sociétés mères et des filiales ou encore les conditions d'application de l'amortissement dégressif ; s'y ajoutent des crédits d'impôt divers et variés, ainsi que les divers modes d'exonération, temporaire ou partielle, liée à la mise en place de zones franches ou de zones prioritaires d'aménagement du territoire.

Deuxième point : la taxe professionnelle, autre grand impôt acquitté jusqu'ici par les entreprises.

Le premier grand mouvement a été engagé en 1986 avec la mise en place de l'allégement transitoire de 16 % des bases d'imposition, allégement transitoire qui dure encore et dont le coût est particulièrement élevé pour les collectivités locales, puisque le décalage entre compensation et allégement représente au bas mot 3 milliards d'euros par an.

Dans la foulée, on a également procédé au perfectionnement des dispositifs de plafonnement de la taxe professionnelle, forte incitation d'ailleurs à l'externalisation des coûts au détriment de l'emploi. Ces dispositifs permettent aujourd'hui aux entreprises de s'exonérer d'environ 5 à 6 milliards d'euros de cotisations.

Avec la disparition de la part taxable des salaires, ce sont encore des sommes considérables qui seront désormais épargnées aux entreprises puisqu'elles excédent 10 milliards d'euros.

Lorsque l'on se décide à faire l'addition, on constate que le total des allégements s'élève chaque année à plus de 25 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés, à plus ou moins 15 milliards d'euros pour la taxe professionnelle : par rapport à la situation que nous connaissions il y a un peu moins de vingt ans, cela commence à faire beaucoup !

Si l'on ajoute les 16 milliards d'euros d'allégement de cotisations sociales aujourd'hui financés par le biais du FOREC, qui ne sont jamais que des impôts que l'Etat a cessé de percevoir pour son compte, on aboutit à des montants particulièrement importants et d'ailleurs supérieurs au niveau du déficit budgétaire prévu pour 2003.

Cela nous conduit à nous poser une question : qu'est-ce que les entreprises de ce pays ont bien pu faire des milliards et des milliards de francs et désormais d'euros dont elles n'ont plus eu à se délester pour payer leurs impôts ou leurs cotisations sociales ?

Il y a fort à craindre qu'elles n'aient, pour une bonne part, décidé d'en faire un usage financier de court terme et qu'elles n'aient, pour une bonne part également, transformé leurs économies fiscales en placements financiers divers, notamment en titres de la dette publique, ouvrant donc par là même une forme de créance sur l'Etat en lieu et place de leurs dettes fiscales antérieures.

J'ajoute que ces allégements fiscaux et sociaux n'ont manifestement pas été suivis d'un accroissement sensible de la part des salaires dans la valeur ajoutée, puisque cette dernière n'a cessé de baisser depuis vingt ans...

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Pour ne pas décevoir M. Fisher, je me réfèrerai moi aussi aux propos tenus à l'Assemblée nationale, mais en ne retenant, vous le comprendrez, que ceux du rapporteur : une cotisation additionnelle pénaliserait l'épargne et l'investissement.

En conséquence, la commission est défavorable à ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'avis du Gouvernement est également défavorable.

Je rappelle qu'il existe déjà des prélèvements sociaux sur les revenus financiers.

Les revenus financiers sont soumis, outre l'impôt sur le revenu des personnes physiques, à hauteur de 10 % à des prélèvements en faveur du financement de la protection sociale : il s'agit de la CSG, la contribution sociale généralisée, de la CRDS, la contribution au remboursement de la dette sociale, et du prélèvement social spécifique de 2 %.

Il ne nous paraît pas opportun d'envisager une augmentation de ces prélèvements : dans le contexte économique international et notamment européen, créer de nouveaux prélèvements alors même que nous détenons, à une ou deux exceptions près parmi les pays de l'Union européenne, quasiment le record en la matière, ne serait pas raisonnable. Cela aboutirait à handicaper notre croissance et à réduire de nombre de créations d'emplois à l'avenir.

M. Hilaire Flandre. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 117 rectifié, 118 rectifié et 119 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 114 rectifié est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.

L'amendement n° 115 rectifié est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.

L'amendement n° 116 rectifié est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

« Avant l'article 4, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Compléter l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale par le paragraphe suivant :

« Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon le ratio rémunération ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés de l'entreprise par rapport à sa valeur ajoutée globale. Le ratio ainsi obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret. Ces coefficients sont fixés de telle manière que les comptes prévisionnels des organismes de sécurité sociale et de l'UNEDIC soient en équilibre.

« Un autre décret détermine les modalités selon lesquelles le rapport salaires/valeur ajoutée est pris en compte.

« II. - Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »

La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 114 rectifié.

M. Guy Fischer. Les dispositions du projet de réforme ne régleront en rien la question du financement d'un régime de retraite à la hauteur des possibilités qui existent dans notre pays et des ambitions qui doivent être les siennes.

Dans cette série d'amendements, nous proposons que les cotisations patronales soient modulées en fonction du ratio salaires-valeur ajoutée globale de l'entreprise.

Ce devrait être une mesure phare dans une véritable réforme du financement des retraites, et vous aurez compris que c'est une des principales mesures alternatives que nous formulerons.

Cette proposition se fonde sur une autre logique pour assurer le financement des retraites, inciter au développement de l'emploi et de la formation au lieu de multiplier les exonérations de cotisations patronales et les plans de licenciements, qui, selon nous, plombent les retraites à venir.

Nous le savons, les entreprises ne sont pas égales face à l'emploi : les PME, par exemple, ne peuvent être soumises aux mêmes règles que les grandes firmes, dont le fonctionnement est tout entier sous-tendu par la recherche permanente du profit maximum, au détriment de l'emploi et de l'investissement.

Nous proposons ainsi de moduler les cotisations patronales en fonction de la réalité de la politique de l'entreprise en matière d'emploi. Autrement dit, nous proposons d'alléger la contribution des entreprises à fort taux de main-d'oeuvre et des PME, et d'augmenter dans le même temps celle des entreprises hautement capitalistiques.

Cela permettrait non seulement de dégager des ressources, immédiates et pérennes, mais aussi de peser sur la politique des entreprises, en les dissuadant de favoriser la spéculation et en les incitant à l'inverse à favoriser l'investissement et la création d'emplois.

Il n'y a pas de mystère : plus on développe l'emploi, plus on accroît les cotisations. Plus on créera d'emplois mieux qualifiés, mieux rémunérés, mieux sécurisés, plus on sera efficace sur le plan de la productivité. Ainsi, il y aura plus de richesses disponibles pour financer les retraites et, plus largement, l'ensemble de la protection sociale. Je pense notamment à la maladie, qui sera le dossier de la rentrée, et aux prestations familiales.

Comme vous le voyez, nous n'avons aucunement l'intention que certains nous prêtent d'« assassiner » les entreprises. Vous nous en faites trop souvent et de manière caricaturale le reproche, mais c'est tout le contraire, puisque nous proposons de baisser les cotisations de celles qui paient les charges les plus lourdes parce qu'elles utilisent plus de main-d'oeuvre.

Si nous proposons par ailleurs de taxer les revenus financiers, vous voyez bien que ce n'est pas notre seule préoccupation. Nos amendements visant à moduler les cotisations démontrent que nous ne voulons pas seulement faire contribuer les revenus financiers non réinvestis ; nous voulons aussi faire en sorte qu'au lieu d'alimenter la bulle financière ces revenus soient utilisés de manière efficace ; d'autant que nous savons ce qu'est devenue la bulle financière !

Du fait de la politique du Gouvernement et de la majorité parlementaire, la situation en matière d'emploi est en passe de devenir catastrophique dans notre pays. Il faut donc prendre des mesures urgentes pour y remédier. Or, le présent projet de loi ne va pas du tout dans ce sens.

On a bien vu que la réforme Balladur ne réglait absolument rien et la problématique se répète puisque les effets de la réforme qui nous est proposée ne se feront sentir que dans dix ans, ce qui ne sera pas le cas pour la réforme de l'assurance maladie puisque ses effets seront immédiatement ressentis au quotidien par nos compatriotes. Mais, pour les retraites, les salariés ne s'apercevront, hélas ! que dans dix ans de la perte réelle de pouvoir d'achat de leur pension.

M. Hilaire Flandre. A l'inverse, il a fallu beaucoup moins de temps pour s'apercevoir de votre échec !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre l'amendement n° 115 rectifié.

Mme Michelle Demessine. L'un des enjeux du débat, qui nous occupe depuis maintenant quelques heures, sur la réforme des retraites est de savoir s'il est encore possible, compte tenu des caractéristiques de l'activité économique de notre temps, d'en rester au mode de calcul des cotisations sociales tel qu'il résulte de la mise en place de nos régimes par répartition à la Libération.

Nous avons d'ores et déjà souligné que, si les fondateurs de la sécurité sociale avaient opté pour un prélèvement sur la richesse créée par le travail calculable - et donc lisible - par rapport aux salaires versés, les cotisations sociales devaient de fait être considérées, en termes de vision économique, comme une utilisation sociale de la valeur ajoutée.

On fera à ce titre plusieurs observations liminaires.

La moindre n'est pas de constater que les contraintes démographiques, qui sont assez régulièrement invoquées pour justifier le recul global du niveau des pensions, étaient autrement plus prégnantes lors de la naissance de notre système de retraite par répartition.

En effet, les actifs des années de l'immédiat après-guerre étaient considérablement moins nombreux que ceux d'aujourd'hui, en valeur absolue comme en valeur relative, alors que les besoins émergents étaient au moins aussi importants. Le taux d'activité des femmes en particulier était sensiblement plus faible, de même d'ailleurs que celui des salariés.

Mais, à l'époque, on recourait aussi beaucoup moins au travail précaire et le taux de chômage était sensiblement plus faible. Or travail précaire et chômage constituent aujourd'hui des facteurs essentiels de la réduction du montant des recettes des régimes de retraite.

Peu d'études fournissent des indications sur l'impact du sous-emploi sur la situation des comptes sociaux, mais il est évident que l'amélioration temporaire des comptes sociaux que nous avons connue entre 1997 et 2000 était liée au mouvement de création d'emplois qui a alors marqué la vie économique et sociale.

Créer un emploi payé au SMIC, c'est s'assurer plus de 900 euros de recettes complémentaires par an pour le financement de nos retraites, ce qui donne une idée de ce que pourraient être les effets d'une politique favorable à la création d'emplois...

Eu égard aux quelque trois millions de chômeurs que compte notre pays, cela signifie que près de 3 milliards d'euros de recettes manqueront, quoi qu'il arrive, au financement de nos retraites.

Il convient donc aujourd'hui de se demander comment il serait possible d'inciter les entreprises à créer des emplois. Il faut notamment réfléchir à un mode de financement de l'assurance vieillesse qui prenne en compte les efforts que celles-ci peuvent consentir à cet égard : c'est ce que nous vous proposons par le biais de cet amendement.

Dans les faits, à l'heure actuelle, les entreprises qui embauchent voient naturellement croître la part de leur chiffre d'affaires consacrée au financement de la protection sociale, puisque chaque création d'emploi est source d'un relèvement du montant des cotisations acquittées.

Parallèlement, la création d'emplois entraîne également une progression du chiffre d'affaires et une amélioration de la productivité, ce qui relativise la portée de toute création d'emplois.

Par ailleurs, le dispositif actuel de financement de la protection sociale comporte un certain nombre de mesures tendant à alléger les cotisations des entreprises à concurrence d'un certain montant de rémunération. Une telle démarche soulève évidemment d'autres questions, que nous avons déjà mise en exergue.

En effet, tout incite les entreprises à tenter de bénéficier des effets de la ristourne dégressive accordée pour les bas salaires, et donc à maintenir ces derniers à un faible niveau pour profiter pleinement du système. Cette situation est loin d'être satisfaisante, car elle entraîne une compression de la masse des rémunérations versées, ce qui affecte d'autant le financement de la protection sociale, assis précisément sur celles-ci.

Notre proposition vise donc à changer la donne en cette matière.

Nous sommes en effet partisans d'une modulation des cotisations sociales acquittées par les entreprises fondée sur une appréhension du rapport entre la valeur ajoutée globale et la masse salariale.

Il s'agit, par conséquent, de favoriser les entreprises créatrices d'emplois, qui consacrent davantage de ressources au versement de salaires qu'au financement d'éléments de rémunération du capital.

En pratique, la masse salariale de chaque entreprise serait appréciée année après année, son évolution relative se traduisant soit par une minoration, soit par une majoration des cotisations dues.

Toute politique d'entreprise favorable à l'emploi serait encouragée en termes d'allégement de la contribution au financement de la protection sociale - cela concernerait nombre de petites et moyennes entreprises - et, à l'inverse, toute politique néfaste à l'emploi serait donc pénalisée.

Sous le bénéfice de ces observations, nous invitons le Sénat à adopter l'amendement n° 115 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet, pour présenter l'amendement n° 116 rectifié.

Mme Danielle Bidard-Reydet. Cet amendement vise lui aussi à proposer une réforme en profondeur des cotisations patronales de sécurité sociale, s'agissant de l'assurance vieillesse.

On observe que ces cotisations n'ont pas connu, ces derniers temps, d'évolution sensible, puisque leur taux n'a pas changé depuis fort longtemps, ce qui est d'ailleurs quelque peu contradictoire avec le discours plutôt catastrophiste qui nous est assez régulièrement asséné.

Il est tout à fait surréaliste que l'on nous annonce, au travers de multiples rapports et de discours empreints de gravité, la fin de notre régime de retraite par répartition, alors même que l'on n'a pas examiné tous les moyens de le financer autrement.

Tout se passe comme si l'on réfléchissait en vase clos, en oubliant que l'on peut éventuellement modifier la base de calcul des cotisations des entreprises, et se demander si l'on doit laisser indéfiniment le capital se substituer au travail en se résignant à un taux de chômage élevé ou en acceptant une tendance globale à la réduction des salaires.

Le débat sur le financement des retraites est, en fait, au coeur de la réflexion que l'on peut et que l'on doit mener sur l'utilisation de l'argent et de la richesse créée par le travail. En réalité, une question essentielle se pose, celle de savoir si l'on laisse jouer les critères actuels de gestion des entreprises, fondés sur la rémunération maximale du capital, sur l'accroissement constant de la productivité, sur la recherche insatiable d'allégements du coût du travail, ou si l'on décide de faire des salaires et des transferts sociaux la source d'un nouveau développement économique.

Ce débat sur les retraites aura permis de faire prendre conscience aux salariés de ce pays que le coeur du problème, c'est l'utilisation de l'argent, de la richesse.

Aujourd'hui, les entreprises sont fortement incitées à pratiquer des politiques salariales marquées par le nivellement par le bas, ce qui soulève évidemment, sur le moyen terme, des problèmes de débouchés, et pèse en outre sur les comptes sociaux, le montant des salaires ne suivant pas la progression réelle de la productivité. Elles sont d'autant plus tentées d'agir ainsi qu'aucune réelle différence n'est faite, en matière de montant des cotisations appelées, entre les entreprises hautement capitalistiques et les autres, où la part des salaires est plus importante, du fait de la faiblesse de la valeur ajoutée. Sur ce point aussi, il convient donc de s'interroger.

Remarquons, à titre d'exemple, que, dans un tout autre domaine, lorsqu'il s'est agi de définir un taux minimal de taxe professionnelle, la spécificité de certaines industries de main-d'oeuvre a été prise en compte, puisqu'elles n'ont pas été soumises aux mêmes règles que les autres.

En matière de sécurité sociale et d'assurance vieillesse en particulier, cette différenciation doit aussi être instaurée pour la fixation de la contribution de chaque entreprise au financement de la protection sociale.

Ce que nous proposons par le biais de cet amendement, c'est, ni plus ni moins, un dispositif tenant compte de la réalité des cotisations versées par chaque entreprise, l'année 2003 servant, en quelque sorte, de point de départ. L'année suivante, le montant de ces cotisations évoluerait en fonction de la valeur ajoutée globale, c'est-à-dire incluant les sommes consacrées par l'entreprise à des placements financiers, hors financement des investissements. Toute évolution positive de celle-ci - relèvement des rémunérations, embauche de nouveaux salariés... - serait prise en considération pour moduler à la baisse le montant des cotisations. Nous mettrions donc en place une décote au profit des entreprises utilisant la richesse créée pour améliorer les salaires ou embaucher, et une majoration pour celles faisant d'autres choix.

Cette proposition, que nous versons au débat, vise donc à pérenniser le financement de la protection sociale des Français, tout en établissant une plus grande équité de traitement entre les entreprises. Nous invitons le Sénat à adopter l'amendement n° 116 rectifié.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela fait deux amendements en une heure !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Après avoir examiné les amendements identiques n°s 117 rectifié, 118 rectifié et 119 rectifié, nous en venons aux amendements identiques n°s 114 rectifié, 115 rectifié et 116 rectifié...

M. Guy Fischer. Le débat s'accélère !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le triptyque reste une règle dans votre orthodoxie, monsieur Fischer, mais, de même que nous connaissons vos propositions, vous connaissez maintenant notre réponse.

Mmes Michelle Demessine et Danielle Bidard-Reydet. On espère vous convaincre !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Elle sera défavorable, conformément à la position adoptée par la commission des affaires sociales.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. En effet, l'idée d'asseoir peu ou prou la cotisation des entreprises sur la valeur ajoutée avait été écartée, à juste titre, par le précédent gouvernement. Cela constituerait, nous le savons, une solution inappropriée. Nous avons déjà eu l'occasion de le dire plus de trois fois, mes chers collègues, ces trois derniers jours ! (Sourires.)

M. Paul Blanc. On le redira !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Je ne suis pas sûr que l'accusation d'orthodoxie s'applique à M. Fischer !

Quoi qu'il en soit, s'agissant des propositions qui nous sont faites, je voudrais répéter que, pour le Gouvernement, l'idée de lier les cotisations sociales des entreprises à la valeur ajoutée conduit à une impasse et fait en réalité courir des risques au financement des retraites.

En effet, la valeur ajoutée constitue une assiette beaucoup plus instable que la masse salariale, qui présente à ce titre des avantages inégalés, avec une progression régulière dans le temps et une prévisibilité satisfaisante tant pour les organismes de recouvrement que pour les entreprises.

En revanche, la valeur ajoutée, soumise aux aléas de la conjoncture, se rétracte automatiquement en période de crise ; si on l'adoptait comme assiette des cotisations, il en résulterait une moindre stabilité de la ressource sociale.

Cette dernière solution présenterait en outre d'autres inconvénients, notamment en termes d'emploi. Nous avons aujourd'hui atteint, on le sait bien, l'extrême limite des possibilités en matière de prélèvements sur les entreprises, au regard tant de la situation dans les autres pays européens que de la compétition économique dans laquelle nous sommes engagés. La création d'une contribution assise sur la valeur ajoutée pénaliserait gravement l'investissement et, par là même, la croissance et l'emploi.

En conclusion, j'indiquerai qu'il est quelque peu fallacieux de vouloir faire croire que les ressources évoquées seraient réellement des ressources supplémentaires. En effet, à chaque fois que l'on a voulu changer l'assiette des cotisations sociales, on a en fait substitué une assiette à une autre. Aujourd'hui, la mise en oeuvre de la solution proposée par le groupe communiste républicain et citoyen conduirait inexorablement à réduire d'autres prélèvements, comme ce fut le cas, par exemple, en 1997-1998, lorsque la CSG a été substituée à l'essentiel des cotisations salariales d'assurance maladie. On n'ajoute pas des prélèvements aux autres ! C'est donc une supercherie que de donner à croire que le dispositif présenté permettra de financer les régimes de retraite.

Mme Michelle Demessine. Il faudrait alléger la bulle financière ! C'est là qu'on ira chercher l'argent !

M. François Fillon, ministre. Alléger les bulles, c'est dangereux ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 114 rectifié, 115 rectifié et 116 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)