PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour explication de vote.

Mme Danièle Pourtaud. Je comprends très bien les interrogations et les craintes de M. Trégouët.

Mais je voudrais d'abord faire observer au Gouvernement que nous sommes là directement confrontés au problème du « saucissonnage » des textes. Autant je comprenais pourquoi Christian Pierret n'avait pas intégré la transposition de la directive sur le droit d'auteur dans la loi sur la société de l'information, autant je ne comprends pas, alors qu'on nous annonce que nous allons être saisis à l'automne de la transposition de la directive « droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information », pourquoi le Gouvernement n'a pas, soit attendu l'automne pour nous présenter le présent texte, soit anticipé en nous présentant d'ores et déjà le texte sur le droit d'auteur et les droits voisins.

Franchement, ce que vous nous proposez ici, n'est-ce pas très exactement - sauf erreur de ma part - le coeur du projet de loi que vous allez nous proposer pour la transposition de l'article 6 de la directive sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ?

Dans ces conditions, il est très difficile d'avoir un raisonnement cohérent et de prendre une position !

En ce qui concerne plus précisément l'amendement déposé par M. Trégouët, je me répète : je ne suis pas emballée par la création d'une nouvelle structure, car l'autorégulation de la communauté Internet existe déjà grâce au Forum des droits, dont nous avions proposé la création.

Par ailleurs, puisque vous aviez pour ambition, en déposant ces amendements, de nous amener à réfléchir, je me permettrai une dernière remarque, monsieur Trégouët.

Je partage vos craintes, cher collègue, qu'un logiciel, demain - mais peut-être déjà aujourd'hui ! - puisse nous « fliquer » via le disque dur, via le hard de nos ordinateurs. Je partage toutes vos angoisses sur ce sujet, mais la consultation d'un comité d'éthique français par le « grand méchant loup » dont vous avez parlé et auquel je ne ferai pas de nouveau de la publicité en le nommant expressément me paraît totalement inopérante. Il faudrait s'en remettre à l'OMC ou à une autre instance de cette envergure, car seuls des moyens de rétorsion qui dépasseraient l'espace français, voire l'espace européen, seraient susceptibles de faire plier ou renoncer ce « grand méchant loup ».

Les questions soulevées sont donc de vraies questions de société puisqu'il s'agit du risque de voir s'installer, dès demain, Big Brother à domicile chez chacun de nous.

Mais, en même temps, la solution doit être mondiale et non uniquement française ou européenne.

Néanmoins, pour marquer que nous partageons cette réflexion, nous voterons l'amendement n° 137, à défaut de voter cet amendement n° 136.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Le groupe communiste républicain et citoyen est très sensible à l'argumentation développée par notre collègue René Trégouët.

Nous sommes favorables à une commission ou à un comité national d'éthique, et nous devrons réfléchir, au cours de la navette, à la mise en place d'une structure qui ne laisserait pas seuls face à face l'hébergeur et l'internaute.

Nous sommes très sensibles à l'argumentation que vous avez développée, monsieur Trégouët, et, comme viennent de l'indiquer nos collègues Jack Ralite et Danièle Pourtaud, à la nécessité de poursuivre notre réflexion au-delà de cette enceinte, et même au-delà de nos frontières.

M. le président. La parole est à M. Alex Türk, rapporteur pour avis.

M. Alex Türk, rapporteur pour avis. Je voudrais simplement rassurer M. Trégouët, car j'ai le sentiment que nous ne nous comprenons pas.

Monsieur Trégouët, votre préoccupation en matière de droits d'auteur est exacte, mais elle l'est aussi, hélas ! dans tous les autres domaines. Nous abordons là un nouveau domaine technologique, qui va poser des problèmes sociologiques, philosophiques, juridiques, etc. Nous partageons donc toutes vos angoisses, mais nous devons essayer d'y apporter des réponses concrètes.

Tout d'abord, je veux vous dire que le Forum des droits sur l'Internet fonctionne. De nombreuses personnes y échangent leurs expériences. Il est d'ailleurs présidé par une personne de qualité, que nous avons auditionnée. Nous n'avons donc pas besoin de légiférer en la matière, car nous pouvons lui demander de mettre en place une commission de travail qui répondra précisément à votre préoccupation, qui est réelle, en conduisant une réflexion sur ces problèmes éthiques, afin notamment de ne pas laisser seuls face à face l'internaute et l'hébergeur, comme vient de le dire Mme Terrade.

Toutefois ne l'oublions pas, car c'est un point essentiel, le moment venu, le juge judiciaire exercera son contrôle ! La vraie protection que nous attendons tous en la matière, c'est la protection que nous donne notre justice en la personne du juge judiciaire,...

M. René Trégouët. Les délais sont longs !

M. Alex Türk, rapporteur pour avis. ... lequel aura le loisir d'élaborer la jurisprudence. En effet, vous le savez comme moi, nous ne pourrions pas nous satisfaire de décisions prises par un organisme informel. Quoi qu'il en soit, nous devrions recourir à la jurisprudence du juge judiciaire.

Enfin, nous nous accordons à reconnaître que nous devrons résoudre, à un moment donné, un problème de structure, de coordination. Nous le savons, il s'agit là d'un droit particulièrement mouvant : nous sommes en effet en train de mettre en place une sorte de trépied, nous avons commencé voilà quelques semaines avec le projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, nous continuons aujourd'hui en matière d'économie numérique, nous poursuivrons bientôt avec ce que l'on appelle gracieusement le « paquet télécom ». Tous ces textes évolueront et nous verrons bien, dans les années qui viennent, comment, organiquement, nous devrons régler le problème !

Pour le moment, il me semble prudent et raisonnable de ne pas créer un organisme supplémentaire, fût-il totalement informel.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. L'absence d'encadrement ne peut qu'entraîner des dérives !

Pour ma part, je soutiendrai cet amendement, parce qu'il tient compte de la réalité et apporte la sécurité nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René Trégouët. Puisqu'il en est ainsi, monsieur le président, je retire tous les autres amendements que j'ai déposés ! Je me retire du débat.

M. le président. Les amendements n°s 137 à 141 sont retirés.

Sur l'amendement n° 136, il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 174 :

Nombre de votants318
Nombre de suffrages exprimés317
Majorité absolue des suffrages159
Pour110
Contre207

Je mets aux voix l'amendement n° 177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, contre les amendements identiques n°s 20, 52 et 88.

M. Pierre-Yvon Trémel. Nous avons vécu un grand moment avec la magistrale intervention sémantique du rapporteur pour avis Alex Türk ! Apparence, appearance, évidence, evidence, faisant apparaître, mettant en évidence : une fois ce projet de loi adopté, nous aurons à travailler encore ! (Sourires.)

En fait, ces trois amendements identiques aboutissent à restreindre la responsabilité des fournisseurs d'hébergement au seul cas où le caractère illicite du contenu serait évident. Or il existe un certain nombre d'informations dont le caractère illicite est flagrant - c'est le cas des injures raciales, de l'apologie de crimes contre l'humanité, des photos à caractère pédophile ou pornographique -, mais il n'en va pas de même des contenus auxquels sont attachés, par exemple, des droits de la propriété intellectuelle, des droits patrimoniaux ou des droits de la personnalité.

Cette dernière considération pourrait aboutir à une situation paradoxale : exonérer de sa responsabilité un hébergeur alors même qu'il refuserait de faire droit à la demande du titulaire du droit concerné de retirer le contenu litigieux. Dans ce dernier cas, le fournisseur d'hébergement ne peut s'ériger en juge !

Telle est également la raison pour laquelle nous défendons avec force la procédure de notification, qui apporte une clarification utile dans le dispositif d'ensemble tel que nous l'envisageons.

Quoi qu'il en soit, vous ne pourrez pas éviter, en fin de compte, une certaine insécurité juridique. Il faudra attendre que la jurisprudence, progressivement, vienne préciser cette notion d'évidence en fonction des situations.

Pour notre part, nous ne sommes pas favorables à l'apparition de trop nombreuses « évidences » devant les tribunaux. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 20, 52 et 88.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 175 :

Nombre de votants317
Nombre de suffrages exprimés295
Majorité absolue des suffrages148
Pour177
Contre118

En conséquence, l'amendement n° 150 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 151, présenté par M. Ralite, Mme Terrade, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le caractère illicite d'une diffusion se caractérise par tout acte, y compris l'utilisation d'une mesure technique de protection, qui violerait une norme ou un droit, y compris un droit à rémunération. »

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Cet amendement vise à définir le « caractère illicite des diffusions », afin de rappeler deux dimensions de la propriété intellectuelle que l'approche législative actuelle de l'environnement numérique tend à faire disparaître au profit des seuls droits des groupes de communication : le droit de copie privée - celui des citoyens - et le droit moral - celui des auteurs.

Nous avons été piégés par l'illusion technologique. Voilà à peine deux ans, Internet devait nous faire vivre une révolution du savoir : la démocratie réelle enfin devenue réalité grâce aux réseaux électroniques. Cette illusion a justifié tous les investissements, même les plus pharaoniques et les plus hasardeux. Leur échec dramatique est éminemment symbolisé par le séisme culturel, social, économique et financier de Vivendi Universal - dont il a toujours été interdit de discuter au Parlement, à l'Assemblée nationale comme au Sénat - qui conduit aujourd'hui à écrire une loi pour rétablir la confiance dans l'économie numérique.

C'est sans doute pour rassurer les investisseurs, que, dans le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui, le critère économique prévaut systématiquement sur le critère culturel. La culture est là, mais ce n'est même plus un supplément d'âme. C'est un effet secondaire. Doit-on aller jusqu'à dire qu'elle est un effet indésirable quand on constate que les scrutins publics s'accumulent dès qu'une possibilité d'ouverture dans ce domaine se fait jour ?

La libre transmission du savoir est perçue comme un danger dans un monde où le savoir est de plus en plus considéré comme une marchandise, inséré dans un système de rentabilité. Tout se passe comme si on n'attendait plus du savoir qu'il serve l'épanouissement de la personne humaine et, par ricochet, de la société. On attend aujourd'hui que le savoir produise le retour sur investissement exigé par les actionnaires des groupes de communication.

Voilà pourquoi la plus petite liberté supplémentaire offerte par le numérique aux citoyens inquiète les grands groupes, qui veulent voir disparaître toute approche non marchande de la culture ; en tout cas toute approche soumise à ce marché sans rivage. Ainsi, prenant prétexte d'une chute mondiale des ventes de disques qu'elles attribuent au piratage, les maisons de disques cherchent à abolir la copie privée par des dispositifs anticopie.

La possibilité qu'offre le numérique de copier des oeuvres sans porter atteinte à leur intégrité est, du point de vue de la connaissance, une très bonne nouvelle, car elle autorise une large diffusion des oeuvres de l'esprit.

Du point de vue de la rémunération des ayants droit, c'est un défi, qui a notamment été relevé par la commission Brun-Buisson avec l'extension de la copie privée au numérique.

Mais le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique n'a jamais pour objet de protéger ce droit, alors que ce dernier est plus que menacé par les dispositifs de cryptage que les maisons de disques ont installés, au mépris de la loi.

Nulle part le droit de copie privée n'est mentionné, tandis que à plusieurs reprises, dans les rapports, apparaît la nécessité de lutter contre le piratage qualifié par notre collègue M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, de « véritable fléau de la communication en ligne ».

D'après ce que j'ai lu dans la presse, votre projet de loi relatif à la transposition de la directive droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information autorise les dispositifs de cryptage - ces dispositifs empêchent pourtant l'exercice du droit de copie privée et ont fait l'objet d'une plainte déposée par l'association de consommateurs Union fédérale des consommateurs - Que Choisir -, voire condamne les utilisateurs de matériels permettant de les contourner.

En résumé, la technologie, oui, mais à condition qu'elle serve les intérêts financiers et économiques des groupes de communcation.

Nulle part non plus votre texte ne vise à préserver le droit moral. Seul le droit du propriétaire est défendu ici.

C'est une réplique en miniature de ce qui se passe au niveau international, où la seule institution ayant une autorité effective est celle qui défend les droits du propriétaire, c'est-à-dire l'Organisation mondiale du commerce. Les institutions défendant la paix - l'ONU -, le droit au travail - l'OIT -, la santé - l'OMS -, le droit à un environnement préservé - le protocole de Kyoto - ne pouvant que regretter la toute-puissance de la loi du marché.

Les auteurs, les artistes-interprètes, les citoyens amateurs de musique, de films, de livres - je me refuse à les appeler des « consommateurs » - ont des droits théoriques qui disparaissent à force de n'être pas défendus.

Les titulaires de droits moraux ont pourtant tout lieu de s'inquiéter de l'incidence des nouvelles technologies sur l'exercice de leurs droits : droit de divulgation, qui permet à l'auteur d'autoriser ou d'interdire la première communication de l'oeuvre au public ; droit à la paternité, qui ouvre à l'auteur la possibilité d'exiger que son nom et sa qualité d'auteur soient clairement indiqués lors de toute exploitation de l'oeuvre ; droit au respect de l'oeuvre, qui permet à l'auteur de s'opposer à toute atteinte à l'intégrité ou à l'esprit de l'oeuvre. Comment un auteur peut-il s'assurer que personne, sur l'Internet, n'enfreint ces dispositions ?

Ces questions exigent une intervention du législateur pour rendre effectif le droit moral dans le contexte numérique. Mais on ne perçoit nulle trace de telles préoccupations dans la politique du ministère de la culture, qui, décidément, s'occupe de plus en plus d'économie.

L'économie numérique ne doit pas être l'occasion du renforcement du pouvoir des entreprises de communication au détriment des auteurs, des artistes et des citoyens. C'est pourquoi je veux ici préciser des fondamentaux du droit qui sont de plus en plus enfouis sous un Niagara de règles. Le code de la propriété intellectuelle dispose, dans son article L. 211-1, que « les droits voisins » - donc ceux des producteurs et entreprises de communication audiovisuelle - « ne portent pas atteinte aux droits des auteurs. En conséquence, aucune disposition du présent titre ne doit être interprétée de manière à limiter l'exercice du droit d'auteur par ses titulaires ».

Cette dimension me semble singulièrement absente de ce projet de loi, à tel point que l'on craint ou que l'on peut craindre de voir bientôt les auteurs remplacés par d'obscurs « fournisseurs de contenus ». N'est-il pas espéré que le droit d'auteur, comme dépourvu de titulaires, connaisse un affaissement de certaines de ses composantes ?

Or, comme le dit le juriste Bernard Edelman, la nature reconnue au droit d'auteur « constitue l'expression juridique de la représentation qu'une société se fait de sa propre culture ».

Je fais partie de ceux qui ne laisseront pas brouiller cette représentation conquise. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement soulève la question de la copie légale privée, qui est effectivement extrêmement importante, monsieur Ralite, et qui a connu récemment des rebondissements remarquables, notamment avec la plainte de l'association UFC - Que Choisir contre plusieurs grandes compagnies de distribution de musique.

La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement. Cela étant, elle considère que la rédaction de l'amendement est floue ; la prudence lui dicte donc une réserve certaine.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Avis défavorable.

M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote sur l'amendement n° 151.

M. Pierre Laffitte. Sur le fond, je suis tout à fait d'accord avec M. Ralite, comme le Gouvernement je crois. Cela dit, je pense que c'est probablement à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la transposition des directives européennes que pourront être précisées les sanctions à prendre contre ces atteintes au droit d'auteur.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Il est inacceptable qu'un membre du Gouvernement se borne à dire : « avis défavorable » sans donner le moindre argument sur un amendement qui porte sur l'une des plus grandes conquêtes de la civilisation. (Mme Danièle Pourtaud applaudit. - M. Jean Chérioux proteste.)

Mme le ministre a été présidente du Parlement européen ; elle sait donc bien qu'actuellement, notamment à travers la Convention européenne, le droit d'auteur est l'objet d'une agression caractérisée sur le plan international.

Je regrette d'être obligé de parler avec ce ton passionné, mais la démocratie, c'est aussi la courtoisie, qui n'est pas un luxe. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean Chérioux. Vous nous donnez des leçons de démocratie dans cet hémicycle ! Personne n'a le droit d'en donner !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.

(Ce texte est adopté.)

 
 
 

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 43-8

DE LA LOI N° 86-1067 DU 30 SEPTEMBRE 1986

M. le président. L'amendement n° 137, présenté par M. Trégouët, est ainsi libellé :

« Après le texte proposé par le III de cet article 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ... - Il est créée un comité national d'éthique sur Internet. Il devra être représentatif de l'ensemble de la communauté Internet en France. Sa composition sera précisée par un décret.

« Il aura pour mission de définir les règles éthiques à respecter sur Internet.

« Il pourra, s'il le juge utile, s'appuyer sur l'article 43-8 pour faire respecter ces règles. »

Cet amendement a été précédemment retiré par son auteur.

 
 
 

ARTICLE 43-9 DE LA LOI N° 86-1067

DU 30 SEPTEMBRE 1986

M. le président. L'amendement n° 178, présenté par Mme Pourtaud, MM. Weber, Trémel, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après les mots : "en connaissance de cause," rédiger comme suit la fin du texte proposé par le III de cet article pour l'article 43-9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : "ayant été saisies par une autorité judiciaire ou par un tiers suivant les modalités prévues à l'article 43-9-1, elles n'ont pas agi dans les meilleurs délais pour interrompre la diffusion d'une information ou d'une activité en retirant ces données ou en rendant l'accès à celles-ci impossible". »

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Compte tenu de la tournure que prend la discussion sur les différents amendements, je me demande si je dois continuer à en défendre !

Je m'interroge sur le travail que nous faisons dans cet hémicycle depuis hier soir ; pourtant notre travail n'est pas achevé.

J'ai bien conscience des avantages d'un pragmatisme dont on nous a vanté les mérites. Mais, après une lecture croisée, je me pose un certain nombre de questions, et les interventions de MM. Trégouët et de Ralite m'interpellent. Je ne suis dès lors pas sûr que nous soyons tout à fait prêts à adopter ce projet de loi.

Monsieur le président, je vais néanmoins défendre cet amendement n° 178.

Il s'agit d'un amendement de coordination qui reprend les critères défendus à l'article 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 limitant la responsabilité civile des hébergeurs et des prestataires intermédiaires afin de mieux encadrer le régime de la responsabilité pénale des hébergeurs.

Concernant la formulation de l'obligation d'action des hébergeurs, cet amendement s'attache à reproduire en termes identiques ceux qui ont été retenus pour la responsabilité civile. En effet, on peut s'interroger sur le fait que, contrairement aux termes de la directive, les termes utilisés soient différents.

Que signifie l'expression « faire cesser la diffusion des données suspectes » si ce n'est retirer ces données du serveur ou bien rendre leur accès impossible ?

Enfin, cet amendement tend à substituer l'expression « dans les meilleurs délais » à l'expression « avec promptitude ». Je ne voudrais pas entamer un débat sémantique, à l'instar de notre excellent collègue M. Türk tout à l'heure, mais j'aimerais savoir comment on mesure une promptitude. En revanche, on sait ce que signifie l'expression « dans les meilleurs délais » en fonction des moyens disponibles. Nous proposons donc de substituer les mots : « dans les meilleurs délais » à l'expression « avec promptitude », cette dernière étant peu courante, en droit français.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement n° 178 appelle les mêmes observations que celles qui ont été formulées sur l'amendement n° 177 puisqu'il vise les mêmes objectifs.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement pour les mêmes raisons que celles qui l'ont conduit à ne pas être favorable à l'amendement n° 177.

Cet amendement a en effet pour objet d'ajouter une disposition qui nous semble contraire à la directive sur le commerce électronique.

Cette directive, je le rappelle, vise une responsabilité plus large, conditionnée par une connaissance effective du contenu illicite et ce, par tout moyen. L'adjonction de cette procédure nous semble donc bouleverser l'équilibre du projet de loi.

S'agissant de l'expression « avec promptitude » que l'amendement tend à remplacer par l'expression « dans les meilleurs délais », le Gouvernement l'avait choisie en suivant l'avis du Conseil d'Etat. En effet, l'expression « avec promptitude » nous semble transposer au mieux la directive sur le commerce électronique, c'est-à-dire traduire le fait que l'hébergeur agit au mieux de ses possibilités, compte tenu de l'état de la technique notamment.

C'est la raison pour laquelle nous avons préféré cette expression à toute autre.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour explication de vote.

Mme Danièle Pourtaud. Je suis perplexe quand j'entends M. le rapporteur nous répondre qu'il est contre l'amendement n° 178 pour les mêmes raisons qui le rendaient défavorable à l'amendement n° 177, alors qu'il n'a pas expliqué sa position sur l'amendement n° 177 !

A l'instar de mon collègue M. Daniel Raoul, je trouve très bizarre la manière dont nous travaillons. Nos amendements méritent quand même que le rapporteur se donne la peine de démonter notre argumentation. Notre raisonnement n'est pas forcément moins valable que le sien.

Je remercie Mme la ministre de l'avoir fait. Je me permets simplement de lui dire, comme je l'avais souligné tout à l'heure en présentant l'amendement n° 177, que si la directive ne fait pas explicitement référence à l'intervention du juge ; en tout cas elle ne l'interdit pas.

Nous avons souhaité circonscrire la responsabilité des hébergeurs en la limitant aux cas où le juge leur intime l'ordre de faire cesser une diffusion ou donne cette possibilité à un tiers dans le cadre d'une procédure bien précise. En effet, il ne nous semble pas souhaitable qu'une justice privée se substitue à la justice de ce pays, et c'est sur ce point précis que j'aurais aimé entendre de la part du rapporteur une amorce de réponse.

La liberté d'expression est tout de même l'un des fondements de notre droit, y compris quand il s'agit d'Internet. Or elle risque d'être totalement bafouée par la censure privée d'hébergeurs qui, face à un champ de responsabilités qu'ils auront du mal à cerner, chercheront à se prémunir contre toutes les procédures qui pourraient être engagées à leur encontre. Même si, comme M. le rapporteur, je fais confiance à leur sens de la responsabilité, il est tout à fait compréhensible qu'ils aillent au-devant de la censure du juge en se censurant eux-mêmes. Ce n'est pas ainsi que l'on favorisera le développement, en France, de contenus pour une société de l'information.

M. le président. La parole est à M. Alex Türk, rapporteur pour avis.

M. Alex Türk, rapporteur pour avis. Je souhaite apporter une précision et répondre à Mme Pourtaud.

Nous examinerons tout à l'heure un amendement visant à supprimer la procédure de notification qu'a introduite l'Assemblée nationale. Nous nous opposons donc à cet amendement pour la simple raison qu'il porte sur la procédure de notification que nous supprimons par ailleurs. Il s'agit par conséquent d'un pur problème de tactique parlementaire.

Sur le fond, madame Pourtaud, et nous aurons l'occasion de le redire tout à l'heure, votre propos - je vous le dis sincèrement - est quelque peu excessif. Comment pouvez-vous craindre qu'une justice privée ne se substitue à une justice publique ? Un tel risque n'a aucun fondement !

Nous tentons de trouver la meilleure manière de permettre à un internaute de saisir rapidement et clairement un juge lorsqu'il croit nécessaire de faire cesser immédiatement la diffusion d'une information portant atteinte à nos lois, aux bonnes moeurs ou à l'ordre public. C'est de cela qu'il est question ! Et là, le problème est d'ordre technique : quelle est la meilleure procédure ? Quelle est celle qui sera la plus efficace, la moins coûteuse, la plus pratique, la plus claire, la plus accessible ? Il ne s'agit pas du tout, comme vous le dites, de substituer une justice privée à une justice publique. Sincèrement, cela n'a pas de fondement !

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Je voudrais répondre à Mme Pourtaud, qui a mis en cause le rapporteur en disant que sa réponse, identique à celle qu'il avait émise sur un amendement précédent, n'en était pas une, puisqu'il n'avait alors pas vraiment répondu !

A seule fin de rafraîchir la mémoire de ma collègue, et avec tous les égards qui lui sont dus, je répète que la commission ne peut souscrire à sa démarche, qui est tout simplement contraire à la directive 2000/31/CE.

J'ai d'ailleurs ajouté que le système de retrait en usage aux Etats-Unis n'est pas la méthode retenue par les pays européens. Voilà ce que j'avais dit, et je crois que c'était une réponse. Par conséquent, je le redis, car cela se rapporte également à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 43-9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.

(Ce texte est adopté.)

 
 
 

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 43-9

DE LA LOI N° 86-1067 DU 30 SEPTEMBRE 1986

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 53 est présenté par M. Türk, au nom de la commission des lois.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« I. - Après le texte proposé par le III de cet article pour l'article 43-9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. 43-9-1 A. - Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées à l'article 43-8, un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion, alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

« II. - En conséquence, supprimer le second alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 43-8 de la même loi. »

La parole est à M. Alex Türk, rapporteur pour avis, pour défendre ces deux amendements identiques.

M. Alex Türk, rapporteur pour avis. Il s'agit toujours de problèmes relatifs à la responsabilité des hébergeurs.

Tout à l'heure, nous avons évoqué un premier danger, celui des informations illicites pouvant passer sur le réseau sans intervention de l'hébergeur. Cette fois-ci, nous abordons l'autre versant, si j'ose dire, c'est-à-dire l'hypothèse selon laquelle un internaute de mauvaise foi dénoncerait à l'hébergeur le caractère illicite d'un contenu pour en obtenir le retrait. Ce qui, ici, est sous-jacent, c'est la possibilité d'une censure larvée.

Nous sommes face à un problème de balance. En effet, il s'agit, une fois de plus, de trouver un équilibre entre les libertés publiques et l'ordre public. Où allons-nous positionner le curseur pour préserver au mieux les intérêts de chacun ?

Dans ces cas-là, en droit, la sanction pénale appropriée est émise. Mais nous nous heurtons à un problème technique dans la mesure où la sanction pénale choisie dans le texte à l'origine était fondée sur la notion d'entrave, qui, il faut bien le dire, est assez étrangère à notre affaire. C'est pourquoi nous proposons de substituer à cette notion celle d'intention de nuire, afin de requalifier correctement cette incrimination pénale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à ces amendements identiques, puisque cette nouvelle rédaction permet d'éviter les demandes abusives de retrait de contenu.

M. le président. Je mets au voix les amendements identiques n°s 21 et 53.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après le texte proposé pour l'article 43-9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.