Art. 30
Dossier législatif : projet de loi de programme pour l'outre-mer
Art. 32

Article 31

M. le président. « Art. 31. - A l'article 1743 du code général des impôts, il est ajouté un 3° ainsi rédigé :

« 3° Quiconque a fourni sciemment des renseignements inexacts en vue de l'obtention des agréments prévus aux articles 199 undecies A, 199 undecies B, 217 undecies et 217 duodecies ou de l'autorisation préalable prévue à l'article 199 undecies A. » - (Adopté.)

Art. 31
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Art. additionnels après l'art. 32 (début)

Article 32

M. le président. « Art. 32. - L'article L. 45 E du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :

« Art. L. 45 E. - Les agents mandatés par le directeur général des impôts peuvent contrôler sur le lieu d'exploitation le respect des conditions liées à la réalisation, l'affectation et la conservation des investissements productifs ayant ouvert un droit au bénéfice des dispositions des articles 199 undecies A, 199 undecies B, 217 undecies et 217 duodecies et prévues aux mêmes articles. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 32

Art. 32
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Art. additionnels après l'art. 32 (interruption de la discussion)

M. le président. L'amendement n° 47, présenté par M. Virapoullé et Mme Payet, est ainsi libellé :

« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Pour les versements effectués en souscription de fonds d'investissement de proximité exerçant leur activité dans les départements d'outre-mer, la réduction d'impôt visée à l'article 199 terdecies OA du code général des impôts est portée à 50 %. »

« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Le présent amendement constitue la conséquence logique de la faculté ouverte aux fonds d'investissement de proximité, les FIP, de couvrir les quatre départements d'outre-mer, alors que leur champ d'intervention était circonscrit au départ à trois régions limitrophes métropolitaines.

Pour optimiser la collecte de l'épargne en faveur du renforcement des fonds propres des PME des DOM, caractérisées par une insuffisance structurelle de leurs capitaux propres, il est nécessaire d'adapter le dispositif fiscal des FIP dédiés aux départements d'outre-mer, les FIP-DOM.

En effet, trois éléments doivent être réunis pour qu'un FIP-DOM ait un réel effet de levier pour les économies locales : un avantage fiscal majoré, afin de rendre cet outil aussi attrayant, pour les épargnants, que les autres dispositifs de défiscalisation ; une zone d'investissement suffisamment importante ; un outil atteignant la taille critique pour son gestionnaire comme pour les entreprises bénéficiaires.

Le présent amendement vise donc à favoriser la relance de l'investissement privé, en complément de dispositifs existants, et à encourager la création d'emplois durables par le renforcement des fonds propres des entreprises locales, notamment des PME.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Roland du Luart, rapporteur. Cet amendement pose plusieurs problèmes à la commission.

En premier lieu, les fonds d'investissement de proximité sont prévus à l'article 13 du projet de loi pour l'initiative économique, le taux de la réduction d'impôt étant, quant à lui, mentionné à l'article 14 du même texte.

Or ce dernier n'est pour l'heure qu'un projet de loi, actuellement soumis à l'Assemblée nationale en seconde lecture, après avoir fait l'objet d'un examen par une commission spéciale au Sénat. En conséquence, il nous paraîtrait étrange de modifier un outil de placement qui n'existe pas encore. Il nous semble plus judicieux de renvoyer l'étude de cette question à la commission spéciale que j'ai évoquée.

En second lieu, la mesure présentée a un coût qui n'est pas précisé mais qui pourrait ne pas être négligeable.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Je rappelle que les sociétés de financement de l'outre-mer, les SOFIOM, dont la création est prévue aux articles 13 et 20 du présent projet de loi de programme, constituent déjà un dispositif nouveau et expérimental, qui complètera celui des fonds d'investissement de proximité.

Ce nouveau dispositif devrait permettre une mobilisation élargie de l'épargne des particuliers en toute sécurité juridique et financière, au profit de la relance des investissements productifs et du développement des emplois durables dans l'ensemble des régions d'outre-mer.

Il ne me paraît donc pas opportun de multiplier les instruments, notamment au regard des discussions engagées avec la Commission européenne à propos du nouveau régime d'aides fiscales à l'investissement.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement.

M. le président. Madame Payet, l'amendement n° 47 est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 47 est retiré.

L'amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Arthuis et Marini, est ainsi libellé :

« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présentera un décret modifiant le décret n° 52-1050 portant attribution d'une indemnité temporaire aux personnels retraités tributaires du code des pensions civiles et militaires et de la caisse de retraites de la France d'outre-mer en résidence dans les territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer ou dans le département de la Réunion et visant à supprimer l'indemnité temporaire prévue à l'article 1er dudit décret.

« Ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux personnes accédant à leur pension à compter de la date de promulgation de la présente loi. »

La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Ce projet de loi de programme pour l'outre-mer apporte un souffle nouveau, une nouvelle dynamique, et le Gouvernement utilise judicieusement la défiscalisation et l'allégement des charges sociales pour donner à ces collectivités une meilleure compétitivité et leur permettre de parvenir ainsi progressivement au plein emploi et à la création de richesses. C'est donc un texte de qualité qui nous est soumis, qu'il faut saluer comme tel.

Par cet amendement, je ne voudrais pas être suspect de soulever la question des surrémunérations des agents de la fonction publique servant outre-mer ; il ne s'agit pas de cela ici.

Il s'agit d'une pratique qui vient d'être dénoncée de façon grave et solennelle par la Cour des comptes : celle du versement à certains retraités d'une indemnité transitoire dont les fondements juridiques méritent d'être rappelés.

En effet, c'est un décret publié au Journal officiel du 10 septembre 1952, sous les prestigieuses signatures, notamment, du président Antoine Pinay et de M. Pierre Pflimlin, qui posait le principe du versement d'une indemnité temporaire à des personnels retraités résidant dans les territoires de Madagascar, de la Réunion, de l'Afrique occidentale française, de l'Afrique équatoriale française, du Togo, du Cameroun et de Djibouti.

La Cour des comptes s'est interrogée sur le bien-fondé du versement de cette indemnité et a constaté qu'il s'agit là d'un dispositif avantageux dont le contrôle est quasiment impossible. Il concerne désormais les pensionnés résidant à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis et Futuna, la surpension représentant de 35 % à 75 % du montant des pensions de base. Naturellement, elle est assortie des dispositions fiscales relatives à l'impôt sur le revenu propres à ces différents territoires ou départements.

Quoi qu'il en soit, la Cour des comptes dénonce ces pratiques. Elle en rappelle le coût pour le budget de l'Etat : 158,8 millions d'euros ont été versés à 22 529 bénéficiaires. En outre, la Cour des comptes constate que, entre 1999 et 2001, le nombre des bénéficiaires a progressé de près de 7,2 %, et la dépense de 12,4 % en euros courants. Cette croissance s'expliquerait par la meilleure information diffusée sur le sujet par les services de retraite des administrations, par la publicité donnée à la mesure au travers de certaines émissions télévisées et par la baisse générale des tarifs aériens.

Tout cela entraîne une dérive. C'est ainsi que certains fonctionnaires métropolitains se feraient nommer dans les territoires ou département d'outre-mer concernés six mois avant leur mise à la retraite afin de bénéficier de l'indemnité temporaire. C'est là, mes chers collègue, une pratique que nous pouvons difficilement cautionner.

Les chiffres font apparaître des montants très substantiels. Ainsi, le montant moyen de l'indemnité temporaire servie s'élevait en 2000, pour les pensions civiles, à 13 980 euros en Nouvelle-Calédonie, à un peu plus 12 000 euros en Polynésie, à 5 770 euros à Mayotte, à 5 750 euros à Saint-Pierre-et-Miquelon et à 620 euros à la Réunion. Pour les pensions militaires, les chiffres sont légèrement inférieurs.

La Cour des comptes souligne que l'administration n'est pas en mesure, dans la plupart des cas, de vérifier si les bénéficiaires résident effectivement dans les territoires en question. Elle conclut en ces termes particulièrement graves : « Dans ces conditions, l'heure n'est plus à de nouvelles et très vraisemblablement vaines tentatives de rationalisation. Il importe de mettre fin à l'attribution de cette indemnité injustifiée d'un montant exorbitant et sans le moindre équivalent dans les autres régimes de retraite. »

Cet amendement a donc pour objet d'inviter le Gouvernement à prendre les dispositions nécessaires pour mettre un terme à une dérive coûteuse et, me semble-t-il, injustifiable. Nous suggérons que, pour le moins, à compter de la promulgation de la loi de programme, les personnels concernés ne puissent plus bénéficier de cette indemnité temporaire lorsqu'ils font valoir leurs droits à la retraite. Il y a là un effet d'aubaine qui n'a pas de justification. Ce sont les principes fondamentaux de la République qui sont ici en jeu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Roland du Luart, rapporteur. La commission des finances a eu l'autre jour à débattre de cet amendement présenté par MM. Arthuis et Marini. Nous avons alors pris connaissance des problèmes soulevés par la Cour des comptes, et il est vrai que j'avais rarement vu celle-ci formuler ses observations dans un style aussi véhément. Habituellement, leur rédaction est, si j'ose dire, beaucoup plus « enrobée » !

Cela étant, je voudrais bien préciser, afin de dissiper un éventuel malentendu, que la mesure présentée par les auteurs de l'amendement ne s'appliquerait, si elle devait être adoptée, qu'aux personnes prenant leur retraite à compter de la date de promulgation de la loi. Il n'y aurait pas de remise en cause des acquis. On recherche ici une solution pour l'avenir, qui permette de normaliser une situation et de rétablir une certaine égalité entre les citoyens, qu'ils résident en métropole ou outre-mer.

Ce qui a surtout choqué les auteurs de l'amendement, ce sont les surrémunérations, qui peuvent quelquefois être extrêmement élevées. Certes, elles ne concernent peut-être pas un nombre considérable de personnes, mais il est vrai qu'elles paraissent excessives au regard du droit commun.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Je voudrais d'abord rappeler que, sur le fond, le choix du Gouvernement est très clair en matière de réforme des retraites. La semaine dernière, Jean-Paul Delevoye, interrogé à l'Assemblée nationale par un député martiniquais, a nettement indiqué que la question des retraites outre-mer n'entrait pas dans le champ de la réforme actuellement présentée par le Gouvernement, qui est une réforme progressive visant à permettre aux agents de modifier leur stratégie en matière de départ à la retraite, et non pas une réforme ponctuelle portant sur des éléments particuliers du droit à pension des fonctionnaires.

Je précise en outre que la question des retraites n'est pas seulement un sujet budgétaire ; c'est aussi un sujet de société.

Enfin, je voudrais souligner que cet amendement me semble poser un problème de forme. A sa lecture, je constate en effet qu'il constitue une injonction au Gouvernement, ce qui ne me paraît pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Je ne peux donc que donner un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, contre l'amendement.

Mme Anne-Marie Payet. Au risque de surpendre, je commencerai mon propos en indiquant que je suis tout à fait favorable à la suppression des indemnités qui sont versées à certains pensionnés n'ayant jamais travaillé outre-mer.

Cela dit, l'amendement de mon collègue et ami Jean Arthuis me laisse quelque peu perplexe.

Ils sont chaque année près de cinq cents à se rendre à la Réunion pour y louer ou acheter un appartement, à la seule fin de disposer d'une adresse, unique formalité indispensable à remplir pour bénéficier de l'avantage en question. Cette adresse est en général fictive, car souvent ils ne font que passer et résident en réalité en métropole. Aucun contrôle sérieux n'est effectué.

Toutefois, la mesure présentée me semble être la première d'une série dont nous ignorons la teneur. Cela m'inquiète, et je ne veux pas m'engager dans cette voie.

Avant même d'évoquer une éventuelle réforme, il conviendrait de réaliser des études sur le coût de la vie outre-mer, sur le pouvoir d'achat des ménages, afin de mesurer l'incidence sur l'économie locale des différentes solutions proposées.

C'est pourquoi je voterai contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Georges Othily, pour explication de vote.

M. Georges Othily. Hier, lors de la discussion générale, je n'ai pas manqué d'appeler l'attention du Sénat sur les distorsions qui affectent le développement économique de l'outre-mer. J'ai alors dénoncé l'existence d'une discrimination entre Français d'outre-mer et Français de métropole, ainsi qu'au sein même de la population française ultramarine.

A cet égard, je remercie M. Arthuis d'évoquer aujourd'hui le décret de 1952. Les fameuses indemnités de vie chère, qui atteignent les taux de 75 % à la Réunion et de 40 % dans les départements français d'Amérique, ont été obtenues, en tout cas chez moi en Guyane, au terme d'une longue lutte. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage, à cet instant, à mes parents, qui avaient participé avec ferveur à une grève de six mois, sans que l'on puisse, à l'époque, demander le versement des salaires à l'issue de celle-ci !

On a par la suite constaté que les fonctionnaires de la Réunion qui partent à la retraite continuent à bénéficier de l'indemnité de vie chère au taux de 75 % - encore que, si mes souvenirs sont exacts, le petit différentiel lié à la péréquation est supprimé - tandis que, à la Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, lorsqu'un fonctionnaire d'Etat ou territorial prend sa retraite, il perd l'indemnité de vie chère de 40 %, ainsi que, en plus, 25 % de son salaire brut ! Un fonctionnaire ayant rendu des services à son pays pendant plus de quarante ans voit donc ses revenus lourdement amputés lors de son départ à la retraite, alors que les taxes foncières et les impôts qu'ils acquittent ne connaissent certainement pas la même évolution !

Je considère que cette discrimination doit cesser, d'autant qu'un fonctionnaire qui vient passer six mois à la Réunion avant de prendre sa retraite peut bénéficier de cet avantage durant toutes ses années de pension. Il lui appartient simplement de faire un voyage par an pour continuer à percevoir sa retraite. Il faut effectivement trouver une solution pour régler aujourd'hui ce problème. Il faut profiter du projet de loi de programme pour adopter une disposition qui, sans être une injonction au Gouvernement, fasse en sorte que les fonctionnaires civils et militaires qui vont à la Réunion et qui prennent leur retraite à partir d'une certaine date ne puissent bénéficier de cet avantage. Les fonctionnaires de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane seront alors à égalité avec les fonctionnaires réunionnais ou ceux qui auront servi à la Réunion. Ainsi, il n'y aura plus des Français à plusieurs vitesses ou à géométrie variable, si je puis dire, et ce serait une très bonne économie.

M. le président. La parole est à M. Jean-PaulVirapoullé, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Virapoullé. C'est un vrai problème et Mme la ministre a fait une bonne intervention, mais l'actualité montre qu'il faut engager une concertation avec les intéressés lorsque l'on agit sur un domaine aussi délicat que la décentralisation ou les retraites.

Vouloir régler le problème par le biais d'un amendement à un bon projet de loi risque, à mon avis, d'obscurcir le débat et d'accroître la tension qui règne depuis deux mois à la Réunion. Les examens des BTS ont été contrariés, les lycées ne fonctionnent qu'à moitié et nous sommes à trente jours du baccalauréat ; j'espère que les épreuves pourront se dérouler normalement.

Ce problème devra être analysé dans les mois à venir. Il faut engager une concertation avec les partenaires pour parvenir à une solution. Je ne suis pas d'accord pour voter une telle disposition au détour d'un amendement à une bonne loi.

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Outre-mer, nous nous sommes beaucoup battus contre ceux que nous avons souvent appelés « les chasseurs de primes », c'est-à-dire ces fonctionnaires qui travaillaient en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, pour percevoir, non seulement les 40 %, mais également, et surtout, les indemnités de séjour qui leur étaient dues.

Je suis entièrement d'accord avec M. Arthuis et son amendement n° 85 rectifié. Il n'est pas acceptable que des retraites calculées sur des bases excessives soient versées à des gens qui ne vivent pas à la Réunion.

Si l'outre-mer doit être traité à part, il n'en reste pas moins vrai qu'une telle disposition doit être examinée dans le cadre d'une loi globale sur les retraites. Il serait dommage d'affaiblir une bonne loi, car, si cette disposition est adoptée, ce qui serait repris par les médias, c'est : « Le Gouvernement touche à l'indemnité de vie chère. » Cela serait préjudiciable au ministre de l'outre-mer.

Mes chers collègues, l'outre-mer n'est pas facile. Chaque collectivité outre-mer est une entité très difficile à gérer. Je n'insiste pas sur les conditions dans lesquelles le ministre a « sorti » ce texte. Nous avons dû retirer des amendements pour jouer la solidarité et faire preuve de compréhension. Aussi, faire voter un tel amendement ce soir, c'est tuer la loi de programme ! Je ne pense pas que ce soit ce que souhaite M. Arthuis.

M. le président. La parole est à M. Victor Reux, pour explication de vote.

M. Victor Reux. L'outre-mer est divers. A Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est une petite collectivité, nous connaissons le nombre de pensionnés et nous savons s'ils ont l'intention de rester, ou s'ils veulent partir. Nous ne connaissons pas de situation comme celle qu'a décrite Mme Payet. Nous savons exactement où sont les gens, s'ils sont des résidents ou pas. Aucun résident extérieur ne touche une retraite à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Certes, il s'agit d'un texte qui remonte aux années cinquante, mais à Saint-Pierre-et-Miquelon les conditions climatiques n'ont pas varié. En effet, les dépenses de chauffage et les dépenses vestimentaires pendant six mois de l'année sont toujours aussi importantes dans les budgets des ménages, même si lesdits budgets sont meilleurs que dans les années cinquante.

Je pense aussi à l'effet d'une baisse du pouvoir d'achat du « bloc » des retraités de la fonction publique. Tout est important. Sur la vie économique, cela aura une influence. Je songe notamment au petit commerce, dont l'équilibre est précaire, et aux artisans. Cela me paraît trop important pour ne pas être souligné.

Par ailleurs, cette mesure incitera les gens à partir, et ce dans un petit pays où la population a très peu augmenté au cours des douze dernières années.

Je suis donc absolument opposé à la prise d'une telle mesure sans concertation et, surtout, dans le cadre de ce projet de loi de programme, qui est un excellent texte pour l'outre-mer.

M. le président. La parole est à M. Paul Vergès, pour explication de vote.

M. Paul Vergès. Avec cet amendement présenté par M. Arthuis et qui a été adopté par la commission des finances, on croyait avoir levé un lièvre, mais, comme chacun le constate, c'est un éléphant qui surgit !

Aborder la question sous le seul angle de personnes qui, par des systèmes de réseaux et autres, viennent en fin de carrière prendre leur retraite à la Réunion pour bénéficier des 35 %, c'est très réducteur. Nous entrons dans la plus grande contradiction qui existe dans le système des revenus à la Réunion.

Ces 35 %, que l'on qualifie « de vie chère », c'est le constat par le Gouvernement que les fonctionnaires doivent percevoir une indemnité de 35 % du fait du coût de la vie.

En portant atteinte aux 35 % concernant les retraités, nous poserions le problème de l'ensemble de la fonction publique d'Etat, à la Réunion. Or la question a déjà été posée à de nombreuses reprises dans cette assemblée, au sein des commissions. C'est le seul secteur d'emploi, à la Réunion, qui est certain de croître en raison de la nécessité de créer des postes en fonction de la croissance démographique.

Seule la Réunion a une logique ! Ces 35 % de vie chère quand on travaille sont aussi indispensables quand on est à la retraite dans l'île !

M. Georges Othily. C'est la même chose en Martinique et en Guyane !

M. Paul Vergès. Supprimer les 35 % pour les retraités, c'est poser le problème pour tous ceux qui sont en activité.

Cela pose également le problème dans la fonction publique territoriale. C'est l'une des raisons qui expliquent l'accueil négatif à la Réunion des propositions de décentralisation relatives à l'éducation nationale. En effet, les fonctionnaires territoriaux et les retraités de la fonction publique territoriale n'ont pas droit aux 35 %. Alors comment organiser les passerelles ? Comment valoriser la fonction publique territoriale lorsqu'on lui refuse un tel avantage ?

On nous dit qu'on va confier la gestion du personnel des collèges au conseil général et la gestion du personnel des lycées au conseil régional. Mais s'agissant du seul conseil régional, le personnel doublerait et serait divisé en deux statuts différents : un statut de fonction publique territoriale et un statut de fonction publique d'Etat.

La commission Justice et Paix, animée par monseigneur Gilbert Aubry, évêque de la Réunion, a établi un document qui a été rendu public. Celui-ci démontre que jamais la Réunion n'a bénéficié de l'objectif 1 de Bruxelles. Cependant, pour la période 2000-2006, nous n'avons jamais bénéficié d'autant de crédits d'investissements : crédits Etat-région, document unique de programmation de Bruxelles, contribution des collectivités locales, soit près de 18 milliards d'euros. Et si l'indice de performance est atteint, nous pouvons espérer obtenir 20 milliards pour ces six années.

Or pour la même période, selon le calcul effectué par la commission Justice et Paix et qu'elle a transmis au Gouvernement, la seule surrémunération des fonctionnaires de l'Etat représenterait 23 milliards d'euros.

Je récapitule : 18 milliards d'euros de crédits exceptionnels pour le développement de la Réunion, pour les investissements ; 23 milliards d'euros de surrémunération pour les personnels de l'Etat.

Tous ces problèmes - égalité de traitement de la fonction publique d'Etat, de la fonction publique territoriale, des retraités d'Etat, des retraités de la fonction publique territoriale -, ainsi que le caractère même donné par le Gouvernement à ces 35 % d'indemnité de vie chère, posent la question des revenus à la Réunion et de leur nécessaire harmonisation.

Pour sa part, la fonction publique de la Réunion n'a jamais refusé de discuter de cette question. Mais elle pose deux principes.

Le premier, c'est la concertation d'abord. Elle veut discuter. Nous souhaitons connaître la formation des prix à la Réunion. En effet, les trois millions de tonnes annuels qui permettent à l'économie réunionnaise de « tourner » entrent par un port et un aérodrome. Aussi, elle voudrait savoir comment se forment les prix à ces deux endroits.

Le second réside dans le fait que toute économie éventuelle doit rester à la Réunion pour son développement. Comme nous l'avons dit lors de la discussion générale, on ne peut pas aborder un problème sectoriel dans l'île sans l'intégrer au problème général d'une société en crise divisée en deux mondes, que la fracture sociale sépare de plus en plus.

C'est pourquoi il nous faut refuser de faire des fonctionnaires des boucs émissaires en les rendant responsables de tous nos problèmes, car il est évident que cette distorsion s'accentuera durant les quinze ans d'application de loi de programme. On ne peut pas ne pas en discuter, d'abord à la Réunion même, entre les intéressés, les socioprofessionnels, les organisations syndicales, le Gouvernement, les collectivités locales. Nous devons régler ce problème, mais dans le consensus. En effet, seul un accord consensuel donnerait aux dispositifs de loi de programme leur pleine efficacité. Sinon, ce sera un échec programmé.

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Désiré, pour explication de vote.

M. Rodolphe Désiré. Il faut reconnaître que M. Arthuis a soulevé un problème tabou, ...

Mme Lucette Michaux-Chevry et M. SimonLoueckhote. Mais réel !

M. Rodolphe Désiré. ... celui des fonctionnaires d'outre-mer. Aussi, nous allons entendre beaucoup de langue de bois.

A la Martinique, à la Guadeloupe et en Guyane, nos fonctionnaires nous agressent depuis quelques années car ils nous reprochent de ne rien faire pour qu'ils obtiennent les avantages alloués à la Réunion. Par conséquent, je suis sûr que, demain, en rentrant à la Martinique, j'aurai fort à faire avec les organisations représentant les fonctionnaires. En effet, elles vont nous demander l'alignement sur les avantages - c'est l'égalité des droits - qui sont alloués à leurs collègues de la Réunion.

Cela me rappelle que, voilà quelques mois, le Parlement a voté la suppression de la prime d'éloignement, mais on ne sait pas ce qu'il en est exactement.

M. Arthuis a le courage de poser un vrai problème. Ce n'est peut-être pas le lieu de le poser. Il faut avoir le courage de dire qu'il s'agit d'un véritable problème. Tôt ou tard, nous devrons le traiter, mais il faudra le faire avec prudence. En effet, il n'est pas envisageable que dans vingt ou trente ans l'économie des départements d'outre-mer repose sur des sociétés à deux ou trois vitesses.

M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.

M. Gaston Flosse. Nous nous élevons vivement contre une telle disposition et nous voterons contre cet amendement, pour plusieurs raisons. Je n'en citerai que deux.

Première raison : la Polynésie française est une terre d'accueil et les retraités métropolitains qui veulent venir s'installer chez nous pour y terminer leurs jours sont les bienvenus. De plus, ils sont créateurs d'emplois. Ils embauchent notamment des ménagères et des jardiniers. Il s'agit certes de petits emplois, mais, si l'on faisait le total, on aboutirait à plusieurs centaines d'emplois. Dans les restaurants, dans les commerces, ils sont parmi les meilleurs clients. Les retraités de l'Etat installés en Polynésie constituent la troisième source de revenu de la Polynésie après le tourisme et la perle. Avec ce projet de loi de programme, nous souhaitons favoriser le développement de l'économie dans les territoires d'outre-mer. Or adopter un tel amendement serait contraire à l'idée même de cette loi de programme.

Seconde raison : des milliers de fonctionnaires originaires de Polynésie française ont accepté de servir l'Etat dans tous les corps de l'administration - dans la santé, dans la police, dans la gendarmerie, etc. - avec l'idée de pouvoir bénéficier, plus tard, de cette retraite intéressante.

Qu'adviendra-t-il si cet amendement est adopté ? L'Etat est à l'origine de nombreux emplois que nous ne pourrions créer par nos propres moyens.

Comme certains de mes collègues l'ont dit, il faudra réexaminer cette question dans un autre cadre.

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis. Mes chers collègues, en déposant cet amendement, j'ai simplement voulu attirer votre attention sur un problème.

Nous ne pouvons pas passer notre temps à souhaiter que les pratiques de la République soient conformes à l'esprit de la loi, à réclamer que le contrôle des hautes juridictions s'exerce pour garantir la démocratie et, en même temps, faire en sorte que les rapports de la Cour des comptes soient systématiquement remisés dans des placards pour que personne n'en parle.

Si nous voulons réformer l'Etat, si nous voulons moderniser la France, en métropole et dans les territoires ultramarins, nous devons entendre les hauts magistrats de la Cour des comptes lorsqu'ils font des observations aussi graves, qui mettent en cause l'égalité des citoyens devant la loi.

Madame la ministre, j'ai bien entendu votre observation. Vous avez eu l'élégance de ne pas invoquer l'article 41 de la Constitution. Je vous ferai simplement observer que les lois relatives à l'outre-mer bénéficient d'une sorte de bienveillance de la part du juge constitutionnel. La loi de 2000 a été soumise au Conseil constitutionnel alors qu'une de ses dispositions enjoignait au Gouvernement de publier un décret sous trois mois. C'était sans doute une petite faiblesse.

Au demeurant, si vous n'avez pas invoqué l'article 41 de la Constitution, je vais moi-même me l'opposer en retirant mon amendement, dont les dispositions relèvent du pouvoir réglementaire.

Ce faisant, je me permettrai d'insister auprès du Gouvernement pour qu'il fasse usage de ses prérogatives en diligentant les contrôles nécessaires pour mettre un terme à tous ces abus, qui sont une honte pour la République, et qu'ainsi les fonds publics, l'argent des Français, qu'ils soient métropolitains ou ultramarins, soient utilisés conformément à leur objet, dans l'intérêt de tous. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. L'amendement n° 85 rectifié est retiré.

La parole est à M. Gaston Flosse.

M. Gaston Flosse. Je voudrais simplement présenter mes excuses à M. le rapporteur pour les propos que j'ai tenus tout à l'heure.

M. Roland du Luart, rapporteur. Je suis sensible à votre courtoisie, mon cher collègue, mais j'avais déjà tout oublié.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. additionnels après l'art. 32 (début)
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Art. 33

6

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION

DE LOI ORGANIQUE

M. le président. J'ai reçu de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et plusieurs de leurs collègues, une proposition de loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat.

Acte est donné du dépôt de cette proposition de loi organique.

7

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et plusieurs de leurs collègues, une proposition de loi organique portant réforme de l'élection des sénateurs.

Acte est donné du dépôt de cette proposition de loi.

8

Modification de l'ordre de jour

M. le président. J'informe le Sénat que la question n° 248 de M. Jean-Paul Amoudry est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 3 juin 2003, à la demande de son auteur.

Par ailleurs, j'informe le Sénat que les questions n° 240 de M. Claude Biwer, n° 271 de Mme Sylvie Desmarescaux et n° 273 de Mme Hélène Luc sont inscrites à l'ordre du jour de la séance du mardi 3 juin 2003.