M. le président. « Art. 2bis. - Le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est complété par les mots : "ou lorsque cette règle est justifiée pour préserver l'urbanisation traditionnelle ou l'intérêt paysager de la zone considérée". »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 145 est présenté par M. Coquelle, Mmes Beaufils et Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 192 est présenté par MM. Domeizel, Reiner, Dauge, Mano, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Alduy, Arnaud, Borotra, Cléach, C. Gaudin et Hyest, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
« 12° Fixer une superficie minimale des terrains constructibles dès lors que celle-ci est justifiée par des objectifs d'urbanisme ou des objectifs techniques. »
L'amendement n° 162, présenté par MM. Poirier, Alduy et Arnaud, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
« 12° Fixer une superficie minimale des terrains constructibles dès lors que celle-ci est justifiée par des objectifs d'urbanisme, l'intérêt paysager de la zone considérée ou des objectifs techniques. »
L'amendement n° 13, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par cet article pour compléter le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, après les mots : "pour préserver", insérer les mots : "les caractéristiques de". »
La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 145.
M. Robert Bret. Certains aspect de l'article 2 bis du présent projet de loi constituent une sorte de réplique d'un des articles de la proposition de loi dont nous avons débattu en séance le 12 novembre dernier et dont notre rapporteur, M. Braye, était le premier signataire.
On pourrait partager les préoccupations des rédacteurs de cet article, qui, dans les faits, tend à affirmer une sorte de principe de protection de l'intérêt paysager et des constructions traditionnelles dans la mesure où s'applique une règle minimale de surface au sol destinée à accueillir toute nouvelle construction. On pourrait effectivement souhaiter éviter toute juxtaposition de constructions qui seraient trop différentes les unes par rapport aux autres.
Pour autant, l'adoption de cet article n'irait pas sans poser un certain nombre de problèmes d'une autre nature.
Fixer en effet une règle de surface minimale au sol pour toute construction nouvelle reviendrait, dans de nombreux cas d'ores et déjà observés, à exclure du champ du possible toute réalisation d'habitat collectif, même sous forme de maison de ville, au seul motif d'appliquer le principe de précaution ainsi défini.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Robert Bret. Au regard de la proposition de loi dont nous avons débattu le 12 novembre dernier, on a l'impression que les dispositions les plus critiquables, celles qui tendaient à la révision de l'article 55 de la loi SRU sur les objectifs quantifiables de réalisation de logements sociaux, sont in fine quelque peu passées au second plan.
Il semblerait que l'on préfère aujourd'hui nous proposer d'adopter un article modifiant le code de l'urbanisme et permettant, par extension, de rejeter toute urbanisation sous forme de logements collectifs sociaux au motif que la surface utilisée serait insuffisante par rapport à la surface habitable des constructions.
Evidemment, cette disposition ne peut soulever a priori contre elle les critiques unanimes qui se sont fait jour au sujet de la proposition de loi dont nous parlons, comme en témoignent les articles de presse de l'époque ou encore l'opposition manifeste du haut comité au logement des personnes défavorisées.
Néanmoins, l'objectif est le même : il s'agit bel et bien, sous des dehors louables - l'intérêt des ménages modestes souhaitant accéder à la propriété - de préserver une urbanisation de caractère sélectif et ségrégatif où l'argent et la loi du marché viendront créer les conditions de la sélection entre les demandeurs de logement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 192.
M. Daniel Reiner. L'exigence d'une superficie minimum de terrain a souvent conduit, d'une part, à une surconsommation d'espace et, d'autre part, à exclure de l'acquisition d'un terrain destiné à la construction un certain nombre de familles dont les revenus sont moyens ou modestes et pour lesquelles, naturellement, acheter un terrain de 400 mètres carrés n'est pas du tout la même chose que d'acheter un terrain de 800 mètres carrés.
De ce point de vue, cette mesure est une mise en cause de la mixité sociale dès lors qu'elle donne la possibilité à la commune de définir une surface minimale pour des raisons de convenances personnelles. En effet, il est très difficile de déterminer l'intérêt paysager d'une zone, de même que la tradition en matière d'urbanisme. De plus, l'urbanisme évolue au fil des temps ; ce qui était bien autrefois ne l'est pas nécessairement aujourd'hui et ne le sera pas non plus forcément à l'avenir.
Vous le savez, car nous en avons déjà largement débattu, nous ne sommes pas du tout favorables à cette précision, d'autant que des règles multiples permettent déjà de limiter la construction par le biais des plans d'occupation des sols ou des plans locaux d'urbanisme.
Des règles relatives à l'implantation, au respect des distances et de la hauteur, et naturellement du coefficient d'occupation des sols, existent déjà. Sans cette mesure très directive, il y a donc déjà un seuil au-dessous duquel il n'est pas possible de construire. Toutes les possibilités de respecter une tradition de construction, une urbanisation existent déjà.
Je le répète, nous sommes contre cette notion de surface minimale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 123 rectifié.
M. Jean-Paul Alduy. En vérité, deux questions découlent de cet article.
Tout d'abord, il s'agit de savoir si nous fixons ou non une superficie minimale des parcelles, et je suis de ceux qui pensent qu'il faut laisser cette souplesse au maire, car il a la responsabilité politique de l'urbanisme. En tout état de cause, ce n'est pas de cette manière que nous résoudrons la question de la mixité sociale. Choisir cette option revient à prendre le problème par le petit bout de la lorgnette, c'est mener un combat d'arrière-garde qui touche une fraction infime de l'ouverture des territoires à l'urbanisation.
Dès lors que l'on donne cette souplesse, je pense qu'il faut être clair et permettre au maire d'expliquer la situation. Le PADD et le PLU définissent d'ailleurs les orientations qui portent sur la politique d'urbanisme de la commune et fixent les objectifs. Il n'est donc pas nécessaire de justifier la règle retenue en prévoyant des critères d'architecture, à savoir l'urbanisation traditionnelle ou l'intérêt paysager.
A mon avis, ces critères seront demain source de contentieux, car on laisse finalement au juge administratif le soin de décider ce que sont l'intérêt paysager et l'architecture traditionnelle.
Dès lors que l'on accepte cette notion de surface minimale, je suis favorable à des critères simples, à savoir des objectifs d'urbanisme définis par un maire et explicités dans un PADD.
M. le président. Puis-je considérer, monsieur Alduy, que l'amendement n° 162 a été défendu ?
M. Jean-Paul Alduy. Oui, il a le même objet, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission des affaires économiques considère que les surfaces minimales tendent non pas à préserver l'existant, mais à assurer l'harmonie entre l'urbanisation existante et les nouvelles constructions. C'est pourquoi cet amendement fait référence non pas à la préservation de « l'urbanisation traditionnelle », mais à celle des « caractéristiques de l'urbanisation traditionnelle ».
En d'autres termes, il s'agit à la fois de préserver les constructions existantes et d'assurer que les constructions nouvelles s'intégreront de façon harmonieuse avec elles, parce qu'elles satisferont aux caractéristiques de l'urbanisation traditionnelle.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. S'il est tout à fait intéressant que les communes puissent choisir de fixer une taille minimale de parcelle, il semble tout de même important que cette possibilité soit encadrée.
La commission des affaires économiques a apporté une utile précision rédactionnelle, se référant aux « caractéristiques » de l'urbanisation traditionnelle. La fixation de superficies minimales de terrains constructibles sera ainsi possible lorsqu'elle sera « justifiée pour préserver les caractéristiques de l'urbanisation traditionnelle ou l'intérêt paysager de la zone considérée ». Il me semble important de conserver cette notion, de façon à bien encadrer cette possibilité de fixer des superficies minimales de parcelles constructibles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Les amendements identiques n°s 145 et 192 visent à supprimer la possibilité d'instituer une surface minimale.
Monsieur Reiner, j'ai trouvé votre argumentaire « très fort », je vous le dis très amicalement !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait fort ! Il est même imparable !
M. Dominique Braye, rapporteur. Vous nous expliquez que vous êtes opposé aux surfaces minimales, mais que l'on peut toutefois en fixer, car l'on dispose de toutes les règles nécessaires pour cela : les prospects, les COS, etc. En un mot, avec une véritable usine à gaz, on peut le faire !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce qu'il a dit !
M. Dominique Braye, rapporteur. Les plus malins se débrouilleront pour arrêter des surfaces minimales ; ceux qui le sont un peu moins ne le pourront pas. Chapeau ! C'est une définition que je ne connaissais pas. Si j'ai bien compris, vous voulez instaurer des surfaces minimales dans votre commune, mais vous ne voulez pas que d'autres les instituent dans la leur. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Apparemment, vous, vous avez compris tous les trucs pour y parvenir !
Je vais encore choquer les oreilles sensibles de M. Sueur mais, en accord avec M. Alduy, je dois reconnaître que c'est un piètre débat, avec de piètres arguments.
M. Jean-Pierre Sueur. On fait ce qu'on peut !
M. Dominique Braye, rapporteur. Il révèle en tout cas une méconnaissance de la réalité locale. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Je suis prêt à vous inviter quand vous voulez !
Vous invoquez la mixité sociale mais, sur l'ensemble du territoire français - et je dispose d'études d'urbanisme sur ce point -, ce qui s'achète, c'est un droit à construire et non une surface !
M. Robert Bret. Pas dans la France d'en bas !
M. Jean-Pierre Sueur. Pas en province !
M. Dominique Braye, rapporteur. Mais si ! D'ailleurs, dans une agglomération, pour une surface de 500 mètres carrés ou de 800 mètres carrés, le prix est quasiment équivalent !
M. Robert Bret. Vous avez une vision parisienne, mon cher collègue !
M. Dominique Braye, rapporteur. Vous êtes en train de favoriser les vendeurs de terrains, ceux qui font de la spéculation foncière et qui se « font de l'argent » sur le dos des pauvres gens en obligeant les personnes modestes à vivre sur de petites surfaces et celles qui en ont les moyens sur de grandes surfaces. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nous, à droite, nous voulons que tout le monde ait le droit à une surface minimale, y compris nos concitoyens les plus modestes. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Quand M. Mano me dit que je suis un urbain, venant d'un adjoint chargé du logement à la ville de Paris, je ne l'accepte pas ! Soyons raisonnables ! Je suis l'élu d'un secteur qui est situé le plus à l'ouest du département des Yvelines et que l'on appelle « les portes de la Normandie ». Beaucoup le qualifient de « Normandie profonde ». Je parle donc de ce que je connais !
Nous souhaitons - je le dis très calmement - que les populations les plus modestes aient le droit à des surfaces minimales afin qu'elles puissent obtenir ce à quoi d'autres ont droit par le biais de règles telles que les prospects, les COS, etc.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout le monde y a droit, c'est la loi !
M. Dominique Braye, rapporteur. Il faut donc que les maires qui ne connaissent pas les règles dans les moindres détails puissent fixer ces surfaces grâce à une disposition simple. Si j'en juge par une enquête menée sur la loi SRU - c'est une révélation des agences d'urbanisme -, les maires ruraux ont d'ailleurs demandé aux directeurs de ces agences les critères auxquels il fallait effectivement satisfaire pour obtenir la même chose que la surface minimale.
Plutôt que de faire compliqué, je vous propose de faire simple : permettre aux maires d'instituer une surface minimale et ainsi à tous nos concitoyens, surtout les plus modestes, de profiter d'un minimum de qualité de vie !
C'est pour cela que nous voulons instituer cette surface minimale, et nous y tenons !
S'agissant de l'amendement n° 123 rectifié de mon collègue et ami Jean-Paul Alduy, je connais d'autant mieux son libellé qu'il est repris de la proposition de loi que j'avais présentée le 12 novembre dernier.
M. Eric Doligé. Donc il est bon !
M. Dominique Braye, rapporteur. Je l'ai dit ce matin, il est effectivement bon. J'ai d'ailleurs été contrit, voire presque fâché, que les députés aient trouvé un meilleur libellé que le mien ! Mais, en homme de bonne foi, je m'incline.
Toutefois, je me suis aperçu qu'il pouvait être amélioré encore. C'est pourquoi j'ajoute, avec l'amendement n° 13, les termes : « les caractéristiques de ». Je demande par conséquent à mon collègue Jean-Paul Alduy de bien vouloir retirer son amendement n° 123 rectifié. Je crois qu'il faut en rester à la rédaction de l'Assemblée nationale, qui est manifestement une bonne rédaction, ainsi modifiée par la commission des affaires économiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je répondrai tout d'abord à MM. Bret et Reiner que le Gouvernement ne souhaite pas en revenir à l'application pure et dure de la loi SRU d'origine. Je ne reviens pas sur la nostalgie, mais je répète que le Gouvernement souhaite vraiment donner plus de latitude aux maires et aux communes pour fixer la taille des parcelles. Cela me semble une bonne mesure, car les maires sont des élus responsables, qui sont, comme le dit le Premier ministre, « à portée de balle des électeurs ». Ils ont des comptes à rendre, et cela me semble bien ainsi.
En revanche, contrairement à ce que vous prétendez, cet article ne donne pas tous les droits aux maires et aux conseillers municipaux pour fixer, partout et sans limite, une taille minimale. Ce n'est pas une question de convenance personnelle, monsieur Reiner !
M. Daniel Reiner. Si !
M. Gilles de Robien, ministre. Et il me semble que la rédaction proposée par l'Assemblée nationale et complétée par M. le rapporteur est une rédaction équilibrée, car l'exercice de la liberté communale, monsieur Alduy, est assorti de suffisamment de conditions pour faire de cette liberté-là non pas le droit commun, mais plutôt l'exception.
Si je suis, bien sûr, défavorable aux amendements de suppression n°s 145 et 192, je souhaite également que M. Alduy retire les amendements n°s 123 rectifié et 162. En effet, l'adoption de ces derniers ferait de la surface minimale le droit commun, ce qui me semble quelque peu excessif.
Quant à l'amendement n° 13, présenté par M. Braye, le Gouvernement y est tout à fait favorable puisqu'il apporte une précision utile.
M. le président. Monsieur Alduy, les amendements n°s 123 rectifié et 162 sont-ils maintenus ?
M. Jean-Paul Alduy. Non, monsieur le président, je les retire. Je regrette néanmoins qu'on laisse finalement aux tribunaux administratifs le soin de définir ce qu'est l'architecture traditionnelle et ce qu'est l'intérêt paysager.
M. Robert Bret. Bien sûr ! C'est évident !
M. le président. Les amendements n°s 123 rectifié et 162 sont retirés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 145 et 192.
M. Jean-Pierre Sueur. S'agissant de l'objectif de préservation de l'urbanisation traditionnelle, M. Alduy a bien perçu ce qui était critiquable dans la formulation retenue par l'Assemblée nationale. De plus, contrairement à ce qu'a dit M. Braye, M. Reiner a bien expliqué que l'on pouvait atteindre cet objectif sans qu'il soit besoin de fixer des surfaces minimales. En effet, les règles qui existent - et que chacun connaît - sur les prospects et sur les coefficients d'occupation des sols permettent d'ores et déjà de veiller à l'harmonie d'ensemble du paysage urbain sans qu'il soit aucunement nécessaire de fixer des surfaces minimales pour les parcelles. Il s'agit de deux problèmes distincts.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite revenir sur les propos quelque peu ironiques que vous avez tenus hier. Si j'ai bien compris - je ne voudrais pas trahir votre pensée ! -, vous avez qualifié notre conception des logements sociaux de ringarde, en quelque sorte, ajoutant : pourquoi ne pas construire les logements sociaux en pleine verdure, au milieu de grands parcs, par exemple ?
On pourrait effectivement construire des logements sociaux largement environnés de verdure. C'est une bonne idée. Mais il faudrait pour cela augmenter les crédits attribués au logement social parce que, avec le budget actuel, les moyens sont limités et l'ensemble des organismes qui gèrent le logement social sont très contraints en ce domaine.
La vérité, chacun la connaît : avec cette mesure, on revient sur la logique de mixité sociale, même si d'aucuns affirment le contraire. On sait bien en effet que, dans un certain nombre de quartiers résidentiels, il existe des habitations d'un certain type, d'un certain style, agrémentées de grands parcs, de grands jardins. On dira que, dans de tels secteurs, il ne peut exister que des logements de ce type, correspondant au style de la population qui y vit. Tout le monde sait que c'est l'objectif recherché. Il serait donc plus franc de le dire, plutôt que de se cacher derrière des considérations pseudotechniques. L'idée, c'est bien de mettre un frein à une mixité sociale plus grande.
Nous sommes, nous aussi, tout à fait favorables aux espaces verts mais, dans ce cas-là, il faut envisager l'urbanisme dans son ensemble de manière à inclure les parcs qui sont nécessaires dans l'espace urbain.
Mais, là encore, c'est un autre problème. Le périmètre des parcelles sur lesquelles sont construites les habitations ne permet absolument pas de traiter la question des parcs, des coupures vertes que M. le ministre connaît parfaitement, puisqu'il a eu l'occasion de réaliser des opérations tout à fait remarquables à cet égard.
En vérité, on nous propose ici un article qui remet en cause le coeur de la loi SRU, tout le monde le sait !
Il en va de même de l'intérêt paysager. Si on veut le préserver, il suffit, dans le PLU, de déclarer que certains endroits sont inconstructibles, qu'il n'est pas permis de mettre en oeuvre le mitage, qui porte tort au paysage. Encore une fois, il existe des méthodes que chacun connaît, qui ne justifient aucunement cette mesure, dont la seule justification est de rendre plus difficile la mixité sociale de l'habitat.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je ne peux pas laisser passer ce que vient de dire M. Sueur, d'autant qu'il l'a dit dans un esprit quelque peu polémique.
D'abord, je n'ai pas parlé de « ringardise ». Monsieur Sueur, ne vous inquiétez pas : je n'ai pas coutume d'être injurieux vis-à-vis de la représentation nationale, notamment de la Haute Assemblée, qui m'inspire au contraire un très grand respect.
M. Jean-Pierre Sueur. Je le sais.
M. Gilles de Robien, ministre. Je m'étais élevé, hier, contre cette sorte de confusion selon laquelle le fait qu'un maire souhaite accroître la surface de la parcelle signifierait qu'il ne veut pas de logements sociaux. J'ai envie de vous répondre que c'est même le contraire ! Il veut que les logements sociaux soient construits sur des parcelles plus grandes pour améliorer la qualité de vie des habitants.
Vous me rétorquerez que ce n'est pas possible parce qu'il faudrait alors que l'Etat augmente ses crédits. Monsieur Sueur, vous avez exercé des responsabilités municipales et vous savez bien que, très souvent, les maires mettent des terrains à la disposition des bailleurs sociaux dans des espaces souvent résidentiels avec générosité, sans compter, précisément, parce qu'ils veulent promouvoir la mixité sociale.
M. Dominique Braye, rapporteur. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Les bailleurs sociaux ont alors la possibilité de construire dans ces zones des logements sociaux en immeubles de ville, en maisons de ville ou en petits immeubles collectifs, et ainsi d'assurer la mixité sociale sans trahir l'esprit paysager des parcelles plus grandes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Mano. Comme je l'ai indiqué hier, lors de la discussion générale, ce dispositif constitue une attaque sournoise du concept de mixité sociale. En fait, au-delà du logement social proprement dit, nos concitoyens aspirent à devenir propriétaires. Nous devons donc leur offrir ce que l'on appelle le « parcours résidentiel », qui est une façon de remédier au manque de terrains disponibles et de donner à des personnes vivant en logement social la possibilité d'accéder à la propriété.
Nous ne contestons pas les bonnes intentions des acteurs sociaux, qui sont soucieux de permettre à des habitants de vivre dans un espace décent. Mais ne nous cachons pas derrière la réalité ! Nous savons que certains maires imposeront des surfaces minimales telles qu'elles constitueront un frein au parcours résidentiel et rendront impossibles de nouvelles conditions de vie à des populations qui pourraient libérer des logements sociaux pour accéder à la propriété ! Puisque le Gouvernement a la volonté de démolir 200 000 logements, il faudra bien les reconstruire quelque part !
Ce sera en outre un frein à la mixité sociale dans des communes qui pourraient accueillir tout à fait décemment des personnes qui y vivent aujourd'hui dans des conditions difficiles et qui, me semble-t-il, sont dignes de l'intérêt de la nation !
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé, pour explication de vote.
M. Eric Doligé. Je me permets de réagir, mes chers collègues, parce que vous donnez le sentiment que les élus ne sont pas des gens responsables. Je suis désolé, mais, ayant été maire d'une commune rurale suffisamment longtemps, je peux vous dire que, dans ma commune, la mixité sociale n'est pas fonction de la surface du terrain ! Si la mixité est bloquée, c'est parce que ce sont les grandes agglomérations-centres qui attirent les logements sociaux, lesquels ne sont donc pas construits dans ma commune sur des terrains qui pourraient pourtant servir à cela !
Mes chers collègues, quand on possède un appartement de 150 mètres carrés à Paris, on peut acheter un château en Sologne ! La mixité sociale, on peut la faire sans aucune difficulté dans ma commune, où l'on peut acheter des terrains de 400, 800 mètres carrés ou 1 000 mètres carrés, quels que soient les revenus des personnes et dans de bonnes conditions. Nous avons établi depuis des années des surfaces minimales, et ce système fonctionne particulièrement bien.
Il ne faut pas raisonner uniquement sur une portion du territoire, il faut avoir une vision d'ensemble. Si vous avez des personnes à nous envoyer, n'hésitez pas à le faire, je vous donnerai notre adresse, car cela marche très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à l'heure, M. le rapporteur a pris l'exemple, qui est probablement parisien, du terrain que l'on achète en fonction de sa capacité de constructibilité. Je suis l'élue d'une agglomération que vous connaissez bien, monsieur Doligé. Dans cette agglomération, la densité est relativement importante. Un certain nombre de communes sont à peu près de la même taille. Mais on constate une différence très nette entre la commune qui autorise les constructions sur des petites parcelles et celle qui impose une surface minimale à cet effet. Et je fais référence non pas aux logements sociaux, mais aux maisons individuelles, puisque cela répond à une aspiration forte.
Tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il serait préférable d'aider les gens à accéder à la propriété plutôt que de continuer à construire des logements sociaux.
Nous nous trouvons donc devant la situation suivante : dans les communes qui imposent une surface minimale de 1 000 mètres carrés pour pouvoir construire, le revenu moyen par habitant s'élève à 66 000 francs, et dans celle qui ne prévoient pas une telle obligation, le revenu moyen par habitant est de 35 000 francs. Telle est la réalité, et on ne peut la nier !
Les exemples que vous citez peuvent effectivement exister, mais il faut considérer la situation globalement. Les élus en question n'ont pas été irresponsables ! Ils ont fait le choix qu'a évoqué M. Alduy tout à l'heure en présentant son amendement, car ils ont une certaine conception de l'urbanisation de leur commune, et ils l'assument !
Ne disons pas qu'il faut essayer ensemble de mettre en oeuvre un programme local de l'habitat qui permettrait de répondre à la diversité des populations. Ne disons pas que nous sommes prêts à accueillir dans toutes les communes des populations différentes. A partir du moment où l'on impose une superficie minimale très importante aux terrains constructibles, on élimine une partie de la population, qui ne pourra jamais venir s'installer dans ces communes. Et je ne parle pas que du logement social ! Vous ne considérez la mixité sociale qu'au travers du prisme du logement social. Or il n'y a pas que cela ! Le débat me paraît faussé, car - je l'ai dit hier dans mon intervention liminaire - nous avons une vision plus large.
Le problème doit pouvoir être résolu d'une autre façon : soyons attentifs à l'urbanisation des communes et prenons en considération les questions importantes, notamment l'environnement. Nous disposons des outils pour ce faire, et il est inutile d'aller au-delà !
La superficie minimale des terrains constructibles fixée par la loi SRU était liée à une question d'ordre technique : la capacité d'assainissement. Cela me semble logique, mais il me paraît inutile, je le répète, d'aller au-delà - je suis d'accord avec M. Alduy - car nous irions alors au devant de nombreux contentieux.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Je souhaite répondre à notre collègue Dominique Braye. L'argument qu'il invoque consiste à dire que le prix du terrain est celui du droit à construire. Je citerai un exemple simple. J'ai été maire d'une commune de cinq mille habitants, qui se trouve au coeur de la Lorraine. Comment procède-t-on pour y développer l'habitat ? On viabilise des terrains nus en faisant appel soit à la commune, soit à un promoteur privé. A l'époque, le coût de la viabilisation des terrains nus s'élevait à environ 300 francs le mètre carré, auquel s'ajoute le coût d'acquisition, qui est relativement faible. Le prix de revient du terrain s'élevait donc à 400 francs le mètre carré. Par conséquent, il fallait débourser 160 000 francs pour acheter une parcelle de quatre cents mètres carrés et 320 000 francs pour une parcelle de huit cents mètres carrés. Dans le premier cas, la famille à revenus modestes qui se présente à la banque pour contracter un emprunt peut réaliser son acquisition, alors que, dans le second cas, elle n'en a pas la possibilité.
Dès lors, il est clair qu'une sélection s'opère et que l'on est à peu près sûr de ne pas rencontrer beaucoup de difficultés dans ces quartiers-là. C'est en cela que l'on porte atteinte à la mixité sociale et que l'on s'engage dans la voie de la ségrégation.
Il s'agit non pas d'idéologie, mais d'un simple constat. Si le nombre de personnes à revenus élevés est plus important dans certaines communes, cela est lié, pour une grande part, au choix du mode d'urbanisme ou à la tradition. C'est pourquoi se concentrent dans d'autres communes des personnes à revenus modestes. Cette situation n'est satisfaisante ni pour les uns, ni pour les autres. Tel était, au fond, l'esprit de la loi SRU : la superficie minimale avait précisément été supprimée pour résoudre ce problème.
C'est la raison pour laquelle nous continuerons à nous opposer à cette idée de superficie minimale.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. J'aurais préféré que M. Alduy maintienne son amendement mais, puisqu'il l'a retiré, nous nous prononcerons sur le texte de l'Assemblée nationale.
L'urbanisme est un choix politique qu'il faut assumer. Je ne céderai pas à une sorte de terrorisme intellectuel qui consisterait à se sentir coupable de ne pas faire de mixité sociale losqu'on dispose de grands terrains. Je regrette ce débat, qui concerne plutôt les grandes agglomérations. Le Sénat est également le défenseur des petites collectivités territoriales et je peux vous dire que l'ensemble des maires ruraux sont tout à fait favorables à la fixation d'une superficie minimale des terrains constructibles. Cela me paraît normal, d'autant que plus le terrain est grand, moins il revient cher.
Les petites communes doivent pouvoir bénéficier de terrains plus vastes. C'est aussi cela l'harmonisation des territoires ! L'un de nos collègues affirmait que l'on pouvait y parvenir grâce aux COS, etc. De grâce ! Dans une commune de quatre cents ou cinq cents habitants, le maire ne dispose pas de services techniques ! Il est beaucoup plus simple pour lui, qui doit réaliser son plan d'occupation des sols avec l'aide de la DDE, de fixer une surface minimale, afin de gérer son territoire harmonieusement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 145 et 192.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis, modifié.
(L'article 2 bis est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
Je vous rappelle qu'à partir de vingt-deux heures quinze nous examinerons par priorité les articles 20 à 22, relatifs aux pays.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)