SEANCE DU 19 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 1er. - Après l'article L. 235-1 du code de la route, sont insérés trois
articles L. 235-2, L. 235-3 et L. 235-4 ainsi rédigés :
«
Art. L. 235-2
. - Toute personne qui conduit un véhicule ou accompagne
un élève conducteur dans les conditions prévues au présent code alors qu'il
résulte d'une analyse sanguine qu'elle a fait usage de substances ou plantes
classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500
euros d'amende.
« L'immobilisation du véhicule peut être prescrite dans les conditions prévues
aux articles L. 325-1 à L. 325-3.
« Le délit prévu au présent article donne lieu de plein droit à la réduction
de la moitié du nombre de points initial du permis de conduire.
« Les peines prévues aux articles 221-6 et 222-19 du code pénal sont portées
au double en cas de commission simultanée d'une des infractions prévues au
présent article et à l'article L. 235-1. Les peines prévues à l'article 222-19
du code pénal sont applicables si l'atteinte à l'intégrité physique ou
psychique de la personne n'a pas entraîné une incapacité totale de travail
pendant plus de trois mois en cas de commission simultanée d'une des
infractions prévues au présent article et à l'article L. 235-1.
«
Art. L. 235-3
. - I. - Toute personne coupable de l'une des
infractions prévues aux articles L. 235-1 et L. 235-2 encourt également les
peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de
conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de
l'activité professionnelle ;
« 2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la
délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus. A l'expiration de ce
délai, la demande de délivrance d'un nouveau permis de conduire est subordonnée
à un examen médical, biologique et psychotechnique reconnaissant l'intéressé
apte et effectué à ses frais ;
« 3° La peine de travail d'intérêt général selon des modalités prévues à
l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles
131-22 à 131-24 du même code et à l'article 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2
février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
« 4° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et
131-25 du code pénal.
« La suspension du permis de conduire prévue au 1° ne peut être assortie du
sursis, même partiellement.
« II. - Toute personne coupable, en état de récidive au sens de l'article
132-10 du code pénal, de l'une des infractions prévues aux articles L. 235-1 et
L. 235-2 encourt également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La confiscation du véhicule dont le prévenu s'est servi pour commettre
l'infraction, s'il en est propriétaire, les dispositions de l'article L. 325-9
étant alors applicables, le cas échéant, au créancier gagiste ;
« 2° L'immobilisation, pendant une durée d'un an au plus, du véhicule dont le
prévenu s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est propriétaire.
« Le fait de détruire, détourner ou tenter de détruire ou de détourner un
véhicule confisqué ou immobilisé en application des 1° et 2° est puni des
peines prévues à l'article 434-41 du code pénal.
« III. - Toute personne coupable de l'une des infractions prévues aux articles
L. 235-1 et L. 235-2 et commise simultanément avec l'une des infractions
prévues aux articles 221-6 et 222-19 du code pénal encourt les peines
complémentaires prévues au II du présent article.
« IV. - Toute condamnation pour l'une des infractions prévues aux articles L.
235-1 et L. 235-2, commise en état de récidive au sens de l'article 132-10 du
code pénal, donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec
interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans
au plus.
« Toute condamnation pour l'une des infractions prévues aux articles 221-6 et
222-19 du code pénal commise simultanément avec l'une des infractions prévues
aux articles L. 235-1 et L. 235-2 donne lieu de plein droit à l'annulation du
permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant
cinq ans au plus.
« L'intéressé doit effectuer à ses frais un examen médical, biologique et
psychotechnique le déclarant apte à la conduite avant la délivrance d'un
nouveau permis.
«
Art. L. 235-4
. - I. - Les officiers de police judiciaire, soit sur
instruction du procureur de la République, soit à leur initiative, et, sur
l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, les
agents de police judiciaire peuvent, même en l'absence d'infraction préalable
ou d'accident, soumettre toute personne à l'encontre de laquelle il existe une
ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis l'infraction
définie à l'article L. 235-2 à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles sont
positives, impossibles à pratiquer ou lorsque la personne refuse de les subir,
à des vérifications destinées à établir la réalité de l'infraction.
« Un échantillon des prélèvements effectués est conservé.
« II. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du
I.
« III. - Le fait de refuser de se soumettre aux vérifications prévues au I est
puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.
« Toute personne coupable de ce délit encourt également la peine
complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de
conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de
l'activité professionnelle.
« Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre de
points initial du permis de conduire. »
L'amendement n° 1, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article L. 235-1 du code de la route est ainsi rédigé :
«
Art. L. 235-1. - I. -
Toute personne qui conduit un véhicule ou qui
accompagne un élève conducteur alors qu'il résulte d'une analyse sanguine
qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est
punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.
« Si la personne se trouvait également sous l'empire d'un état alcoolique
caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang ou dans l'air expiré
égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou
réglementaires du présent code, les peines sont portées à trois ans
d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende.
«
II.
- Toute personne coupable des délits prévus par le présent
article encourt également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire ;
cette suspension peut être limitée à la conduite en dehors de l'activité
professionnelle ; elle ne peut être assortie du sursis, même partiellement ;
« 2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la
délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
« 3° La peine de travail d'intérêt général selon les modalités prévues à
l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles
131-22 à 131-24 du même code et à l'article 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2
février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
« 4° La peine de jours amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et
131-25 du code pénal.
«
III.
- L'immobilisation du véhicule peut être prescrite dans les
conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.
«
IV.
- Les délits prévus par le présent article donnent lieu de plein
droit à la réduction de la moitié du nombre de points initial du permis de
conduire. »
«
II.
- Après l'article L. 235-1 du même code, sont insérés quatre
articles L. 235-2, L. 235-3, L. 235-4 et L. 235-5 ainsi rédigés :
«
Art. L. 235-2.
- Les officiers ou agents de police judiciaire font
procéder sur le conducteur ou l'accompagnateur de l'élève conducteur impliqué
dans un accident mortel de la circulation, à des épreuves de dépistage en vue
d'établir si cette personne conduisait en ayant fait usage de substances ou
plantes classées comme stupéfiants. Il en est de même si la personne est
impliquée dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage
corporel, lorsqu'il existe à son encontre une ou plusieurs raisons plausibles
de soupçonner qu'elle a fait usage de stupéfiants.
« Les officiers ou agents de police judiciaire peuvent également faire
procéder à ces mêmes épreuves sur tout conducteur ou tout accompagnateur
d'élève conducteur, soit qui est impliqué dans un accident quelconque de la
circulation, soit qui est l'auteur présumé de l'une des infractions au présent
code punies de la peine de suspension du permis de conduire, ou relatives à la
vitesse des véhicules ou au port de la ceinture de sécurité ou du casque, soit
à l'encontre duquel il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner
qu'il a fait usage de stupéfiants.
« Si ces épreuves de dépistage se révèlent positives ou lorsque le conducteur
refuse ou est dans l'impossibilité de les subir, les officiers ou agents de
police judiciaire font procéder à des vérifications consistant en des analyses
ou examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir si la personne
conduisait sous l'influence de substances ou plantes classées comme
stupéfiants.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du
présent article.
«
Art. L. 235-3.
- I. - Le fait de refuser de se soumettre aux
vérifications prévues par l'article L. 235-2 est puni de deux ans
d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.
«
II. -
Toute personne coupable de ce délit encourt également les
peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire ;
cette suspension peut être limitée à la conduite en dehors de l'activité
professionnelle ; elle ne peut être assortie du sursis, même partiellement ;
« 2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la
délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
« 3° La peine de travail d'intérêt général selon les modalités prévues à
l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles
131-22 à 131-24 du même code et à l'article 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2
février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
« 4° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et
131-25 du code pénal.
«
III. -
Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié
du nombre de points initial du permis de conduire.
«
Art. L. 235-4. - I. -
Toute personne coupable, en état de récidive au
sens de l'article 132-10 du code pénal, de l'une des infractions prévues aux
articles L. 235-1 et L. 235-3 encourt également les peines complémentaires
suivantes :
« 1° La confiscation du véhicule dont le prévenu s'est servi pour commettre
l'infraction, s'il en est propriétaire, les dispositions de l'article L. 325-9
étant alors applicables, le cas échéant, au créancier gagiste ;
« 2° L'immobilisation, pendant une durée d'un an au plus, du véhicule dont le
prévenu s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est propriétaire.
« Le fait de détruire, détourner ou tenter de détruire ou de détourner un
véhicule confisqué ou immobilisé en application des 1° et 2° est puni des
peines prévues à l'article 434-41 du code pénal.
«
II. -
Toute condamnation pour les délits prévus aux articles L. 235-1
et L. 235-3 commis en état de récidive au sens de l'article 132-10 du code
pénal donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec
interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans
au plus.
«
Art. L. 235-5. - I. -
Les peines prévues aux articles 221-6 et 222-19
du code pénal sont portées au double en cas de commission simultanée d'une des
infractions prévues aux articles L. 235-1 et L. 235-3. Les peines prévues à
l'article 222-19 du code pénal sont applicables si l'atteinte à l'intégrité
physique ou psychique de la personne n'a pas entraîné une incapacité totale de
travail pendant plus de trois mois en cas de commission simultanée d'une des
infractions prévues aux articles L. 235-1 et L. 235-3.
«
II. -
Toute personne coupable de l'une des infractions prévues aux
articles L. 235-1 et L. 235-3 et commise simultanément avec l'une des
infractions prévues aux articles 221-6 et 222-19 du code pénal encourt les
peines complémentaires prévues au I de l'article L. 235-4.
«
III. -
Toute condamnation pour l'une des infractions prévues aux
articles 221-6 et 222-19 du code pénal commise simultanément avec l'une des
infractions prévues aux articles L. 235-1 et L. 235-3 donne lieu de plein droit
à l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau
permis pendant cinq ans au plus. »
Le sous-amendement n° 3, présenté par MM. Jarlier et Hyest, est ainsi libellé
:
« Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le I de l'amendement n° 1
pour l'article L. 235-1 du code de la route, remplacer les mots : "qu'elle a
fait usage" par les mots : "qu'elle était sous l'influence". »
Le sous-amendement n° 4, présenté par MM. Jarlier et Hyest, est ainsi libellé
:
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de
l'amendement n° 1 pour l'article L. 235-2 du code de la route, remplacer les
mots : "en ayant fait usage" par les mots : "sous l'influence". »
Le sous-amendement n° 6, présenté par M. Béteille, est ainsi libellé :
« Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de
l'amendement n° 1 pour l'article L. 235-2 du code de la route. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les raisons qui
justifient cet amendement, les ayant déjà très largement développées dans mon
discours préliminaire, et dans mon rapport, où j'ai rendu compte très
exactement de l'avis de la commission des lois.
Très brièvement, je rappelle que cet amendement tend à réorganiser la
proposition de loi qui nous était parvenue, afin d'en renforcer la cohérence et
de faire en sorte que le chapitre du code de la route relatif à la conduite
sous l'influence de stupéfiants ait un déroulement logique.
Je vous ai ainsi énuméré le regroupement que j'ai effectué des articles L.
235-1, L. 235-2, L. 235-3 et L. 235-4.
Nous avons également défini, dans un souci de cohérence, les peines encourues
pour chaque infraction. Nous avons donc énuméré l'ensemble des cas de dépistage
des stupéfiants, prévu les conséquences des refus de se soumettre et les
dispositions spécifiques en cas de récidive. Enfin, l'article L. 235-5 prévoit
une aggravation des peines encourues en cas d'homicide involontaire ou de
blessures involontaires lorsque ces infractions sont accompagnées du délit de
conduite après usage de stupéfiants ou du délit de refus de se soumettre aux
épreuves de dépistage.
En outre, l'amendement tend à revenir sur le dépistage systématique de tous
les conducteurs impliqués dans un accident corporel. J'ai expliqué très
longuement - les autres orateurs l'ont également reconnu - qu'un dépistage
systématique ne peut pas être mis en oeuvre dans l'état actuel des techniques
et des possibilités dont disposent les forces de l'ordre.
M. Jacques Mahéas.
Voilà qui est raisonnable !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Or une loi est faite pour être appliquée.
M. Jacques Mahéas.
Bien sûr !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
C'est la raison logique pour laquelle la commission des lois
vous propose, dans l'amendement n° 1, un certain nombre de modifications
concernant le dépistage systématique. Je ne reviens pas sur les chiffres que
j'ai donnés, mais il est évident qu'il est impossible de réaliser plus de 230
000 dépistages chaque année.
Enfin, l'amendement n° 1 prévoit une aggravation des peines qui, à mon avis,
s'impose, lorsqu'une personne conduit à la fois sous l'influence de l'alcool et
d'un stupéfiant.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter les sous-amendements n°s
3 et 4.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce sous-amendement tend à préciser un certain nombre de points. En effet,
l'actuel article L. 235-1 du code de la route contient dans sa rédaction
l'expression « sous l'influence de substances » ; c'est d'ailleurs le titre du
chapitre et cela correspond à la proposition initiale de M. Dell'Agnola.
Je ne comprends pas pourquoi les termes ont été changés, parce que,
contrairement à ce que certains pensent, il faut établir un lien de causalité
réel entre le fait d'être « sous l'influence » et celui d'avoir un comportement
routier délictuel, autrement cela n'a pas de sens. Il faut ou bien que la
consommation de substances considérées comme drogues soit interdite, ou bien
que tous ceux qui ont consommé des substances soient interdits de conduire ;
cela pourrait être aussi pour d'autres raisons.
Par conséquent, un minimum de précisions juridiques est nécessaire car, et
vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le cas contraire, des
contestations seront portées devant les juridictions. Il convient donc d'être
complètement sûrs que le résultat sera à la hauteur de nos ambitions.
C'est l'objet du sous-amendement n° 3.
Un problème de dépistage de l'usage se pose effectivement, notamment en ce qui
concerne les tests urinaires : les traces restent-elles longtemps ? La présence
de traces signifie-t-elle que le consommateur est encore « sous l'influence »
des substances illicites et qu'il reste un conducteur dangereux ?
C'est la question qui se pose.
Je ne suis pas favorable à de continuels changements des termes du code pénal.
On l'a récemment fait pour les notions d'indice et de présomption qu'on
réutilise maintenant puisque c'est la formule habituelle. Il ne faut pas
changer tout le temps, sinon on crée une insécurité juridique.
Le Gouvernement a été amené à déposer à l'Assemblée nationale un amendement
pour modifier la proposition de loi. J'aimerais, pour être parfaitement
convaincu, en connaître toutes les raisons.
Le sous-amendement n° 4 est un sous-amendement de conséquence.
M. le président.
La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter le sous-amendement n°
6.
M. Laurent Béteille.
Je voudrais commencer par préciser que l'amendement n° 1 de notre excellent
rapporteur me paraît tout à fait judicieux sur le fond comme sur la forme, dans
la mesure où il rend intelligible l'article L. 235-1 du code de la route qui
était d'une lecture difficile.
Le sous-amendement n° 6 a trait au dépistage.
En fait, l'amendement n° 1 vise trois hypothèses : soit l'accident mortel,
auquel cas le dépistage est systématique, soit l'accident corporel, auquel cas
le dépistage n'aura lieu que s'il existe une raison plausible de soupçonner
l'usage de stupéfiants, soit l'accident matériel - « quelconque », selon le
texte -, auquel cas le dépistage peut avoir lieu si l'officier de police
judiciaire l'estime utile, sans qu'il soit cette fois-ci nécessaire d'avoir une
raison plausible de soupçonner l'usage de stupéfiants.
Il semble donc qu'en cas d'accident matériel on serait moins sourcilleux qu'en
cas d'accident corporel, ce qui ne me paraît pas du tout logique.
Dans la mesure où le texte permet de réaliser un dépistage pour tout accident,
puisque le terme « quelconque » peut couvrir aussi bien l'accident corporel que
l'accident matériel, il me semble que les dispositions prévues pour l'accident
corporel ne sont pas utiles et que l'on pourrait faire l'économie de cette
partie du texte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Le sous-amendement n° 3 de MM. Hyest et Jarlier vise à
modifier la définition de l'infraction. Or la proposition de loi a pour objet
de créer une infraction spécifique au sein du code de la route et de combler
ainsi un vide juridique.
Je comprends très bien le point de vue de M. Hyest, qui a donné aux membres de
la commission des lois - M. le président de la commission peut en attester -
l'occasion de réfléchir sur l'expression à retenir : la conduite « sous
l'influence » de stupéfiants plutôt que la conduite « après usage » de
stupéfiants.
La commission des lois a décidé de maintenir l'expression : « après usage
».
La proposition de loi initiale de M. Dell' Agnola visait la conduite sous
influence de stupéfiants. Mais sa rédaction a été modifiée par le vote d'un
amendement déposé par le Gouvernement.
M. le garde des sceaux avait déclaré devant l'Assemblée nationale que son
amendement permettrait d'éviter des discussions sans fin devant les
juridictions pour déterminer si la consommation illicite de stupéfiants par le
conducteur a ou non influencé son comportement.
Je comprends très bien le point de vue de MM. Jarlier et Hyest, qui
s'inquiètent du fait que les stupéfiants peuvent être détectés dans les urines
alors qu'ils n'ont plus aucune influence sur la conduite automobile.
Mais je dois dire que leur préoccupation est prise en compte par l'amendement
n° 1, puisque le délit n'est constitué que s'il résulte d'une analyse sanguine
et que les stupéfiants ne peuvent être détectés dans le sang que pendant
quelques heures seulement. Il n'y a donc pas de risque que l'on sanctionne une
personne qui aurait fait usage de stupéfiants plusieurs jours avant
l'accident.
Dans ces conditions, je vous demande, monsieur Hyest, de bien vouloir retirer
vos sous-amendements.
En outre, l'expression « après usage de stupéfiants » montre qu'il y a
obligation d'appliquer les sanctions qui sont prévues.
Le seul fait qu'une personne ait fait usage de stupéfiants, avec ou non une
influence sur sa conduite, révèle que l'intéressé s'est habitué aux stupéfiants
et qu'il peut, un jour, faire courir un risque.
Le sous-amendement n° 6 de M. Béteille a également soulevé de nombreuses
réflexions en commission. Il n'est d'ailleurs pas évident d'être sûr de soi
dans un tel débat, car, si le taux d'alcoolémie peut être défini de manière
précise, il n'en est pas de même pour les stupéfiants.
J'ai bien compris, madame Borvo, que vous souhaitiez attendre que la recherche
de traces de stupéfiants soit plus précise et que l'étude de la salive puisse
se faire au bord de la route. Néanmoins, je vous le dis : on ne peut plus
attendre !
J'ai vu des familles brisées par des accidents de la route et je ne voudrais
surtout pas que d'autres familles soient touchées.
Il faut absolument que nous prenions d'urgence les mesures qui s'imposent,
tout le monde l'admet. Il faut que nous fassions en sorte qu'une nouvelle
législation, conformément aux voeux que j'ai exprimés au nom de la commission
des lois, soit mise en place.
C'est pourquoi je dirai à M. Béteille, qui demande que l'on supprime le
dépistage systématique effectué sur les conducteurs impliqués dans un accident
corporel et à l'encontre desquels il existe une ou plusieurs raisons plausibles
de soupçonner qu'ils ont fait usage de stupéfiants, que la suppression d'une
telle disposition reviendrait à en rester exactement au droit actuellement en
vigueur puisque le dépistage n'est obligatoire qu'en cas d'accident mortel.
J'insiste sur le fait que le dispositif que tend à mettre en place
l'amendement n° 1 de la commission des lois est cohérent et prévoit une
gradation : un dépistage obligatoire en cas d'accident mortel, un dépistage
obligatoire en cas d'accident corporel, s'il existe une ou plusieurs raisons de
soupçonner que le conducteur a fait usage de stupéfiants, et, enfin, un
dépistage facultatif en cas d'accident quelconque lorsqu'il y a une infraction
au code de la route ou lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner qu'il a fait usage de stupéfiants.
Il est très difficile de définir la notion de « raison plausible », qui est
quelque peu subjective. Mais, dans la plupart des cas, permettez-moi de le
dire, le risque d'erreur est minimal.
Cette mesure permettrait surtout d'arrêter un conducteur dont le comportement
est anormal, afin qu'il ne provoque pas de nouveaux accidents.
Je demanderai donc à M. Béteille de bien vouloir, lui aussi, retirer le
sous-amendement n° 6.
En définitive, je pense qu'il ne faut plus attendre pour agir, et il ne faut
pas ergoter sur les termes.
Nous avons entendu l'appel des familles qui attendent, non pas du tout pour se
venger, mais pour éviter que des accidents, dont nous avons eu à déplorer ces
derniers temps la multiplication, ne continuent de se produire.
M. le président.
Les sous-amendements n°s 3 et 4 sont-ils maintenus, monsieur Hyest ?
M. Jean-Jacques Hyest.
En matière d'usage de stupéfiants, je le rappelle, certaines dispositions
permettent de ne pas sanctionner le contrevenant en cas d'injonction. Il ne
s'agit pas de condamner plus sévèrement dans un sens que dans l'autre, nous
devons veiller à respecter un équilibre dans notre droit. Les meilleures
sanctions, vous le savez, sont, d'une manière générale, celles qui sont
appliquées et non celles qui sont annoncées.
Nous pourrions d'ailleurs engager une réflexion plus générale en matière de
droit pénal. On ajoute toujours des infractions mais, en réalité, comme très
peu de contrevenants sont poursuivis, il règne un certain sentiment d'impunité.
Je ne rappellerai pas Montesquieu, l'ayant déjà fait à de trop nombreuses
reprises.
A partir du moment où, monsieur le rapporteur, vous me confirmez que, après un
certain nombre d'heures, les analyses sanguines ne révèlent plus de traces de
stupéfiants et que, donc, la consommation de ces derniers quelques jours avant
les analyses ne transparaîtra pas, il est évident que je pourrai retirer ces
sous-amendements.
M. le président.
Monsieur Béteille, le sous-amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Laurent Béteille.
Que l'on me comprenne bien : par ce sous-amendement, je n'avais pas pour
objectif de faire preuve de laxisme vis-à-vis des responsables d'un accident
corporel. Simplement, il me semblait possible de simplifier le texte et de
faire confiance à la sagacité de l'officier de police judiciaire appelé à
constater l'accident.
Si la commission et le Gouvernement estiment que la rédaction de l'amendement
n° 1 est préférable, je ne maintiendrai pas ce sous-amendement à un texte que
je considère comme très utile et bienvenu, et que je ne voudrais pas
affaiblir.
M. le président.
Le sous-amendement n° 6 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Je remercie M. Béteille d'avoir retiré son
sous-amendement pour les raisons que M. le rapporteur a indiquées. Nous
n'aurons pas à rouvrir un débat avec vos collègues de l'Assemblée nationale,
même si ce n'est pas une raison suffisante.
M. Jean-Jacques Hyest.
Jamais !
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Vous avez raison, mais, comme le disait M. le
rapporteur, il y a urgence.
De plus, pour l'exécutif, que je représente, il est vrai que cette distinction
entre l'obligation et le caractère facultatif lui permettra d'être plus
opérationnel.
La question que pose M. Hyest mérite une réponse élaborée.
M. Hyest est, comme moi, attaché a la cohérence des textes. Or, le code de la
santé publique vise l'usage de stupéfiants. Au nom de la cohérence, il convient
donc de continuer à parler d'usage.
J'ai bien reconnu aussi son souci de défendre les libertés publiques. Il va de
soi que la simple détection de la présence de produits illicites dans
l'organisme par un examen d'urines ne constitue pas une preuve ; seule une
analyse de sang sera déterminante. Cette protection me paraît d'importance même
si l'usage de cannabis, contrairement à ce que l'on a tendance à croire trop
facilement et trop légèrement, a des effets équivalents à celui de l'alcool.
Les éléments scientifiques dont nous disposons montrent que, si l'alcool crée
des lésions cérébrales qui ne sont pas irréversibles, ce n'est pas le cas du
cannabis.
Ma dernière remarque n'échappera pas au fin juriste qu'est M. Hyest : si nous
retenons la notion « sous l'influence » plutôt que celle « d'usage », les
tribunaux devront trancher la question du seuil.
Selon M. Demuynck, par définition, ce qui est interdit est interdit. En
l'espèce, il ne saurait être question d'avoir quelque tolérance que ce soit
puisque nous exigeons en principe la tolérance zéro pour l'usage de ces
substances.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement est favorable à vos amendements n°s 1
et 2. Le droit, en particulier le droit pénal, a besoin d'être clair, nous en
parlions avec M. Hyest avant la séance. Je ne peux donc que me réjouir de ces
dispositions qui améliorent sensiblement la rédaction du texte.
Ce type d'amendement démontre la qualité du bicaméralisme. Soyez-en, mesdames,
messieurs les sénateurs, remerciés.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de vos propos sur le
bicaméralisme. Le Sénat ne peut qu'y être sensible !
Monsieur Hyest, acceptez-vous de retirer les sous-amendements n°s 3 et 4 ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Les sous-amendements n°s 3 et 4 sont retirés.
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement
n° 1.
M. Jacques Mahéas.
Je voudrais rectifier un certain nombre d'assertions formulées par la droite.
Le groupe socialiste a toujours été favorable - lors de l'examen de la loi
Gayssot, par exemple - au renforcement de la répression, notamment en cas de
conduite sous l'empire d'un état alcoolique. Nous n'avons jamais été laxistes
en la matière ; affirmer le contraire est un non-sens et un mensonge !
Je tiens donc à signaler à l'opposition de droite...
Mme Nicole Borvo.
A la majorité !
M. Jacques Mahéas.
Bien sûr ! J'entendais par opposition ceux qui sont opposés à ce que je viens
de dire !
La majorité de droite dans cette assemblée...
M. Jean-Jacques Hyest.
Nous avons toujours été majoritaires !
M. Jacques Mahéas.
Il n'y a rien de nouveau sous le soleil, monsieur Hyest !
Je disais donc à la majorité de droite que nous n'avons jamais été laxistes en
la matière. C'est si vrai que nous avons notablement abaissé le taux
d'alcoolémie toléré au volant. Il fallait que ce soit dit !
Personnellement, je suis d'accord avec le ministre pour considérer que
l'expression « usage » est préférable à l'expression « sous influence », qui
aggrave la sanction de l'usage de drogue. L'analyse sanguine permet de
déterminer précisément, c'est vrai, si la personne était sous influence ou non
au moment des faits, alors que le test urinaire ne permet pas, semble-t-il, en
cas d'usage de stupéfiants, de détecter s'il y a eu influence. Nous mesurons
donc bien toute la difficulté qu'il y a à mettre en oeuvre ce dispositif. Seul
un prélèvement sanguin peut donner un résultat concluant.
A l'Assemblée nationale, le ministre a d'ailleurs indiqué : « Les traces de
produits stupéfiants dans le sang ne sont décelables que pendant quelques
heures, de six à quatre heures pour le cannabis, six heures pour l'héroïne,
douze heures pour la cocaïne et quarante-huit heures pour les cocktails à base
d'ecstasy. Lorsque l'on a consommé ce dernier type de produit, une période de
quarante-huit heures de calme est sans doute nécessaire. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous dire ce qui se passera en
cas de dépistage positif, lorsque le médecin aura constaté que l'absorption des
substances en cause avait été prescrite sur ordonnance médicale ? Y aura-t-il
ou non une sanction ?
D'une façon générale, le texte qui nous est soumis est extrêmement partiel.
C'est pourquoi je me félicite de ce que le Gouvernement ait annoncé un texte
plus élaboré pour 2003, dont les grandes orientations ont été présentées au
comité interministériel qui s'est tenu hier.
De plus, comme le rapporteur l'a admis, cette proposition de loi sera très
difficile à appliquer. Une réflexion est donc nécessaire.
Je suis favorable aux améliorations apportées par l'amendement n° 1 au fait
que la sanction soit plus importante lorsqu'il y a concentration d'alcool et de
stupéfiants.
Mais nous allons nous heurter à des contradictions de taille !
Il n'y aura plus, semble-t-il, de permis blanc. Or, aux termes du 1° du II de
l'amendement n° 1, il est précisé que la suspension pour une durée de trois ans
au plus du permis de conduire peut être limitée à la conduite en dehors de
l'activité professionnelle.
Que dire des coupes sévères qui ont été effectuées dans le budget de la
sécurité routière ou encore des dispositions favorables qui ont été adoptées en
faveur des bouilleurs de cru ? Comme le soulignaient ce matin certains grands
journaux, cela tombe vraiment mal ! Que penser aussi de la suppression des
emplois-jeunes qui s'occupent beaucoup de sécurité routière, comme c'est le cas
dans la commune dont je suis maire ?
En raison de ce grand nombre d'incohérences, nous ne pourrons que nous
abstenir sur cette proposition de loi, bien que nous soyons d'accord sur un
certain nombre de points. Nous attendrons qu'une réflexion plus approfondie ait
eu lieu sur la sécurité routière. C'est d'autant plus important que la route
est le principal facteur d'insécurité.
Il est bon que l'opinion publique se mobilise, mobilisation qui est d'autant
plus grande que de nombreux accidents mortels sont survenus récemment. Nous,
élus, devons aller dans le même sens, pour que ce chiffre de 8 000 morts sur
les routes - une véritable hécatombe ! - chute notablement afin que nous nous
situions d'ici peu dans la moyenne européenne.
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo.
Je regrette que M. Hyest ait retiré ses amendements. En termes d'affichage,
auquel vous semblez attachés, je pense que l'expression « sous influence »
était bien meilleure.
On m'a dit qu'il fallait non pas ergoter, mais être efficace et agir. Je suis
absolument d'accord, mais nous sommes des législateurs.
M. Christian Demuynck.
Oui !
Mme Nicole Borvo.
Par conséquent, n'ergotons pas ! Essayons plutôt d'être conséquents dans notre
action de législateurs !
Je persiste à dire qu'en l'état actuel des choses cette proposition de loi
n'apportera rien, en termes d'efficacité, à la législation existante. Je ne dis
pas, bien évidemment, qu'il faut attendre cent ans avant d'agir. Mais, pour
améliorer la sécurité routière, commençons par faire en sorte que les contrôles
nécessaires puissent être effectués, des contrôles aléatoires, et déterminer
avec précision le moment où l'absorption de drogues, quelles qu'elles soient,
altère la conduite. L'usage de drogues étant puni par la loi, toute personne en
ayant consommé est passible d'emprisonnement. Alors appliquons la loi !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis désolée de vous le dire, l'affichage ne
suffit pas !
Je terminerai en insistant sur le fait que jamais vous n'avez pu entendre un
parlementaire communiste, ni au Sénat ni à l'Assemblée nationale, faire preuve
de laxisme en ce qui concerne la consommation de drogues, quelles qu'elles
soient. Vous auriez du mal à me prouver le contraire !
Je regrette d'autant plus que vous ayez utilisé cet argument qu'en matière de
sécurité routière il est malsain de profiter de l'occasion pour évoquer le
laxisme de certains sur la consommation de drogue !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.
Article 2