SEANCE DU 11 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 6. - Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article
72-2 ainsi rédigé :
«
Art. 72-2
. - Les collectivités territoriales bénéficient de
ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par
la loi.
« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes
natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les
limites qu'elle détermine.
« Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités
territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part
déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les
conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités
territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles
qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de
compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités
territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.
« La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité
entre les collectivités territoriales. »
La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer.
Le moins que l'on puisse dire c'est que l'article 6 du présent projet de loi
est un article essentiel, pour ne pas dire un article clé.
Les principes constitutionnels dont nous venons de débattre en examinant les
articles 3 et 4 appellent en effet quelques moyens financiers qui permettront
en quelque sorte de mettre en oeuvre des intentions affichées par le projet de
loi.
C'est peu de dire que ce débat sur le devenir des finances locales a quelque
importance, d'autant qu'il constitue, assez régulièrement, un des points nodaux
de nos débats parlementaires, et la discussion budgétaire qui vient de
s'achever l'a encore abondamment montré.
Cette intervention sur l'article 6, au risque de paraître quelque peu
redondante par rapport à ce qui a déjà pu être dit lors de la première lecture,
portera singulièrement sur l'acquis de la décentralisation en termes
financiers.
En effet, depuis la mise en oeuvre des lois de décentralisation de 1983 - dont
les groupes de la majorité sénatoriale d'alors avaient largement contesté les
principes -, nous pouvons tirer un bilan relativement précis des mouvements
financiers qui ont affecté les finances locales.
L'élément le plus directement perceptible, notamment par nos concitoyens, est
l'accroissement relatif de la fiscalité locale, la part des prélèvements
obligatoires dévolue aux collectivités territoriales n'ayant cessé de
progresser, malgré une pause relative ces dernières années.
Encore faut-il rappeler que cette pause est due, pour l'essentiel, à la
transformation de la part taxable des salaires dans la taxe professionnelle en
dotation budgétaire, dotation qui évoluera dans les années à venir de manière
fort différente de ce qui aurait été le cas dans l'hypothèse d'un maintien de
l'assiette originelle de la taxe.
Les impôts directs locaux constituent donc, dans les faits, un élément
déterminant des ressources des collectivités territoriales, situation unique en
Europe, où la plupart du temps - nous y reviendrons - ce sont soit des
dotations, soit des prélèvements additionnels aux impôts nationaux qui sont à
la source des recettes des administrations locales.
Le problème de la réforme globale des impôts locaux est directement posé,
notamment dans la perspective d'une redéfinition - qui figurera
a priori
dans la loi organique ou dans les textes ultérieurs relatifs aux transferts de
compétences - du rôle de chacun des échelons du pouvoir local.
Nous disons bien réforme globale parce que, pour le moment, nous n'avons eu
droit qu'à des mesures partielles - même s'il s'agit de mesures d'un coût
supérieur à 9 milliards d'euros comme c'est le cas avec la suppression de la
part taxable des salaires - qui pèsent aujourd'hui sur la lisibilité des
données relatives aux finances locales.
Nous pouvons souligner d'emblée qu'il n'existe quasiment plus de correctifs du
poids de la taxe foncière sur les propriétés bâties, dont la progression est
significative sur la dernière période, alors que la taxe professionnelle a été
successivement plafonnée, allégée de manière transitoire, puis finalement
réduite d'un tiers et encadrée.
Une part importante du concours que les entreprises devraient apporter au
financement de l'action des collectivités territoriales est aujourd'hui
directement prise en charge par le budget de l'Etat, bien plus en tout cas que
tout ce qui procède de la perception des autres impôts directs locaux.
Je ne peux également éviter de mentionner la question clé de la révision des
valeurs locatives et de la réalité de la matière imposable.
On sait d'ailleurs que l'un des prochains débats qui aura lieu dans cette
enceinte sera celui de la définition d'assiettes nouvelles des impôts locaux :
nombreux sont ceux qui, par avance, estiment que le système actuel est
largement dépassé et qu'il convient de le réformer.
Il faut relever que certains ne pensent purement et simplement qu'à la
suppression de la taxe professionnelle, qu'ils considèrent comme une charge
intolérable pesant sur les entreprises.
Nous croyons également que cette révision de la matière imposable ou des
conditions d'application de la législation en vigueur est nécessaire : le
récent débat budgétaire nous a permis de le rappeler.
La taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties et ses
annexes, comme la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, constituent vraiment
pour les ménages des charges lourdes à supporter au regard de leurs revenus
réels.
Tout débat sur le devenir des finances locales doit s'attacher prioritairement
à maîtriser la progression de cette fiscalité, dont le caractère profondément
injuste est avéré.
A l'occasion de la discussion de l'article 6, il nous paraissait utile de
rappeler encore une fois ces quelques points.
Nous aurions pu, à l'occasion de la discussion des amendements que nous
présenterons, nous livrer à de longs développements : nous réduirons
volontairement notre propos, monsieur le président. Mais j'ai tenu, au nom de
mon groupe, avant d'entamer la discussion de l'article poser des principes qui
nous concernent tous et dont l'application, de toute évidence - et ce n'est pas
au président de l'association des maires de France que je l'apprendrai, - pose
des problèmes qui ne sont pas résolus. Nous sommes au coeur du débat.
Nous savons qu'il y a peu à attendre de notre discussion d'aujourd'hui, nous
tenions néanmoins à donner notre sentiment.
M. le président.
Je suis saisi de vingt-huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune. Mais pour la clarté du débat, je les appellerai
successivement. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM.
Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade
et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Nous nous opposons au principe de l'autonomie fiscale, qui, pour nous, est
source d'inégalités.
M. le président.
L'amendement n° 25, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour insérer un article
72-2 dans la Constitution :
«
Art. 72-2.
- Pour assurer leur libre administration, les
collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent
disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
« La loi fixe les règles concernant des dispositifs de solidarité nationale en
vue de compenser les inégalités de ressources et de charges entre les
collectivités territoriales.
« Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités
territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au
moins équivalent.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités
territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources nécessaires à leur
exercice. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat.
Pour respecter le souci qui me semblait naître chez vous, monsieur le
président, de ne pas prolonger ce débat au-delà de vos capacités d'écoute et de
votre ouverture d'esprit, je vais concentrer mon propos.
L'amendement n° 25 tend à proposer une nouvelle rédaction de l'article 6.
Le projet de loi initial contenait déjà un article 6, qui était mauvais, comme
l'ont démontré nos travaux. D'éminents collègues l'ont donc transformé. Le
nouvel article 6 a ensuite été relativement peu modifié par l'Assemblée
nationale, qui n'est intervenue que sur deux alinéas.
Toutefois, la rédaction de cet article 6 nous semble toujours présenter le
même défaut ! Ses cinq alinéas renvoient tous à la loi. Nous pourrions donc
nous en passer complètement !
De vos fleurons, des bannières derrière lesquelles vous étiez prêts à défiler,
à savoir l'autonomie financière des collectivités territoriales, il ne reste
qu'un débat sur la « part déterminante » que les recettes fiscales et les
autres ressources propres des collectivités territoriales représentent dans
l'ensemble de leurs ressources.
Le mot « déterminant » n'apporte aucune précision. La loi nous dira ce qu'est
un caractère déterminant. Dès lors, pourquoi faire figurer dans la Constitution
ce terme flou, qui ne précise en rien la notion d'autonomie financière et qui
renvoie à des débats ultérieurs, dont, par simple honnêteté intellectuelle,
nous ne pouvons préjuger ?
J'en viens à un deuxième élément constitutif de cet article : la péréquation,
votre deuxième trophée !
Pour notre part, nous préférons l'affirmation d'un principe - la solidarité -
à la mise en oeuvre d'un simple mécanisme, puisque la péréquation n'est rien de
plus qu'un mécanisme.
Le budget pour 2003 a marqué un recul par rapport à la péréquation, montrant
que vous ne mettez pas en pratique ce que vous prôniez dans votre révision
constitutionnelle.
Un nouveau recul est intervenu à l'Assemblée nationale, puisque la péréquation
intervient non plus pour compenser des inégalités de charges et de ressources -
nous avions tenu à cette précision - mais pour favoriser l'égalité. En fait,
par ce souci de « favoriser l'égalité », vous admettez, d'ores et déjà, que ce
que vous considérez comme un objectif, comme une perspective, vous ne
l'atteindrez pas.
Dans la discussion générale, notamment au cours de l'intervention de notre
collègue Gérard Delfau, nous avons bien compris comment se posait le problème.
Pour certains, la péréquation est envisageable à la seule condition que les
collectivités riches le restent et ne perdent rien de leurs richesses en
direction d'autres collectivités.
Pour toutes ces raisons, cet article, qui renvoie sans cesse à d'autres
discussions, me paraît inutile. Je sais bien que M. Garrec nous dirait que le
fait qu'il soit inutile constitue une raison de le garder - j'ai retenu cela du
débat d'aujourd'hui - et que, parce qu'il est inutile, il faut l'inscrire dans
la Constitution !
(Sourires.)
Nous proposons donc un article de remplacement qui, s'il était adopté,
monsieur le président, ferait tomber tous les autres en satisfaisant vos
impératifs horaires au-delà de vos espérances.
Nous avons donc souhaité poser quelques principes par rapport à un texte qui,
en dépit des longues tergiversations dont il a fait l'objet, ne nous semble pas
donner satisfaction. Il n'affirme, en effet, ni le principe d'autonomie ni le
principe de solidarité, ce qui aurait tout de même conféré au texte une autre
allure que ce qui nous est proposé.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 26, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par cet
article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Pour assurer leur libre administration, les collectivités territoriales...
»
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat.
Je considère que j'ai défendu cet amendement avec le précédent.
M. le président.
L'amendement n° 75, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Au début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-2 dans la Constitution, ajouter les mots : "Dans le respect du
principe de libre administration...". »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement vise à rappeler le principe de libre administration des
collectivités locales.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 27 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 76 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer
un article 72-2 dans la Constitution. »
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Bernard Frimat.
C'est un amendement que nous avons déjà présenté et sur lequel nous pouvons
anticiper la réponse argumentée de M. le rapporteur !
Je rappelle que l'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les
règles concernant : (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement
des impositions de toutes natures. » A partir du moment où c'est la fonction
originelle de tout Parlement que de voter l'impôt, il nous semble préférable de
supprimer cet alinéa.
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 76.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement vise à refuser que le produit des impositions de toute nature,
de la TVA à la CSG, puisse être reversé aux collectivités locales au détriment
de la dépense publique d'Etat. Par cet amendement, nous rejetons également le
fait que les collectivités territoriales fixent l'assiette de l'impôt.
M. le président.
L'amendement n° 77, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer
un article 72-2 dans la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités
territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au
moins équivalent. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 28 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° 78 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer
un article 72-2 dans la Constitution. »
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 28.
M. Bernard Frimat.
Nous avons déjà évoqué cet alinéa concernant la « part déterminante », et cela
nous prendrait trop de temps d'essayer de définir l'indéfinissable !
Toutefois, je voudrais revenir sur un débat récurrent, c'est-à-dire sur la
réduction de la part d'autonomie des collectivités territoriales qui est
intervenue ces dernières années. Il y a bien eu une décision qui a conduit
progressivement à la réduction de la part « salaires » de la taxe
professionnelle. Or tout le monde convient du fait que cette diminution de la
part « salaires » a considérablement réduit l'autonomie des collectivités
territoriales.
Et pourtant, je n'entends personne se plaindre de cette réduction, ni demander
qu'on rétablisse entièrement la part « salaires », ce qui serait un moyen de
rendre de l'autonomie aux collectivités locales.
Alors de deux choses l'une : soit il était bon de diminuer la part « salaires
», même si cela réduisait l'autonomie des collectivités locales et il fallait
le dire ; soit ce n'était pas bon, auquel cas il faut vite rendre l'autonomie
aux collectivités territoriales en rétablissant la part « salaires », ce qui
sera peut-être un moyen de rendre la part encore plus déterminante !
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 78.
Mme Nicole Borvo.
Nous proposons de supprimer le troisième alinéa du texte proposé par l'article
6 considérant que les précisions qu'il semble contenir introduisent en réalité
un flou total et ne semblent pas utiles dans un texte constitutionnel.
M. le président.
L'amendement n° 29, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour
insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités
territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au
moins équivalent. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat.
Cet amendement a le mérite de geler la situation actuelle, de sortir des
débats pour savoir si la situation dans laquelle nous nous trouvons est une
situation acceptable, une situation dommageable ou une situation qu'il faut
améliorer.
Mon ami François Marc a démontré que la situation française n'était pas
particulièrement dramatique par rapport aux pays étrangers. Donc, si nous
posons comme principe que toute suppression de recettes fiscales donne lieu à
l'attribution de recettes fiscales d'un produit équivalent, nous gelons, je le
répète, la situation, ce qui, faute de l'améliorer, est au moins un moyen
certain de ne pas la dégrader.
M. le président.
L'amendement n° 22, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Bel et Courteau,
MmeDurrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa du texte proposé
par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Les recettes fiscales dont les collectivités territoriales fixent librement
le produit et celles de leurs ressources qui ne procèdent pas de versements de
l'Etat représentent, pour chaque catégorie d'entre elles, une part déterminante
dans l'ensemble de leurs ressources qui ne peut être inférieure à celle
constatée au 1er janvier 2003. »
L'amendement n° 30, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Bel et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé
:
« Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-2 dans la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seule une recette fiscale dont le produit relève de la libre décision des
collectivités territoriales peut remplacer une recette fiscale dont elles
fixaient librement le taux ou le produit. »
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre ces deux amendements.
M. Bernard Frimat.
Je considère que ces amendements ont été défendus lors de ma présentation
initiale.
M. le président.
L'amendement n° 81, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Après les mots : "et les collectivités territoriales", rédiger comme suit la
fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet
article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution : "est compensé de
manière intégrale et permanente". »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Cet amendement, comme l'amendement n° 82 que nous examinerons ultérieurement,
tend à permettre la clarification des relations financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales et à prendre en considération les conséquences des
transferts de charges.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 31 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° 82 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« A la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé
par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer
les mots : "équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice" par
les mots : "nécessaires à leur exercice". » La parole est à M. Bernard Frimat,
pour présenter l'amendement n° 31.
M. Bernard Frimat.
Cette présentation vaudra également pour l'amendement n° 32.
Comme vous avez pu le constater, il s'agit d'amendements de repli pour le cas
- hautement improbable évidemment !
(Sourires)
où notre amendement
principal ne serait pas adopté.
Nous avons repris les termes : « nécessaires à leur exercice ». Pour nous, le
problème est très simple. Nous avons eu de longs débats, nous en aurons encore,
sur le fait de savoir si la décentralisation s'est traduite, se traduit, se
traduira par un transfert de charges. En fait, nous avons une expérience. Les
premières compétences dévolues aux collectivités locales l'ont été à partir de
1986 ; nous avons une petite vingtaine d'années d'expérience. Et nous savons
tous - cette opinion dépasse les clivages politiques - que nous avons fait
beaucoup plus que ce que les moyens donnés par l'Etat nous permettaient de
faire. Pourquoi ? Parce que nous répondions à un besoin et que nous avons situé
l'exercice de ces compétences à leur juste niveau, que ce soit les départements
pour les collèges, que ce soit les régions pour les lycées.
Si nous voulons que la décentralisation fonctionne et qu'elle ne soit pas ce
que j'ai cru que tout le monde souhaitait éviter, soit en raison d'expériences
douloureuses, soit en raison d'autres éléments, il ne faut pas qu'elle soit un
immense transfert de charges. Et la seule garantie que nous pouvons avoir que
les collectivités territoriales disposeront des ressources nécessaires à
l'exercice de leurs compétences, qu'il s'agisse d'une compétence ancienne,
d'une compétence créée ou d'une compétence étendue, c'est que ce principe soit
inscrit dans la Constitution.
Bien sûr, une interprétation de cette nécessité sera donnée par le Conseil
constitutionnel en cas de contentieux, en cas de conflit. Mais la discussion ne
porte pas sur les principes. Si la discussion est verrouillée, c'est parce que
l'approche est strictement financière, et il ne faut surtout pas que cela
puisse, d'une quelconque façon, remettre en cause les arbitrages qui pourront
être rendus par le ministère des finances. Or le problème que nous posons n'est
pas celui-là. C'est un problème général d'exercice des compétences dévolues aux
collectivités à travers la décentralisation.
Quel sera le message que le Parlement délivrera à l'ensemble des collectivités
locales ? On aura le choix entre deux formulations. Soit : le Parlement vous
donnera - et les lois qui suivront le confirmeront - les moyens nécessaires à
l'exercice des compétences. Soit, au contraire : le Parlement ne vous les
donnera pas.
Si vous ne souhaitez pas, monsieur le garde des sceaux, donner aux
collectivités territoriales les moyens dont elles ont besoin pour faire
correctement leur travail eu égard aux compétences qui leur seront tranférées,
dites-le simplement dans un souci de transparence et d'honnêteté ! Donnez aux
collectivités territoriales ce minimum d'assurance. Assumez-le ! Pour notre
part, nous ne voulons pas d'une décentralisation au rabais, qui ne sera qu'un
immense marché de dupes ! Mais il y va de votre responsabilité qu'il n'en soit
pas ainsi !
M. le président
L'amendement n° 82 a déjà été défendu. L'amendement n° 79, présenté par Mmes
Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M.
Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM.
Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme
Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer
une phrase ainsi rédigée : "Chaque année, un rapport établi par le
Gouvernement, retraçant le coût des compétences transférées et l'évolution des
ressources attribuées pour leur exercice, est déposé, avant le 30 juin, sur le
bureau des deux assemblées ; il peut donner lieu à un débat". »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Cet amendement pose le principe d'une évaluation concernant le coût des
compétences transférées et l'évolution des ressources attribuées pour leur
exercice au travers d'un rapport qui sera déposé sur le bureau des deux
assemblées.
M. le président.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Bel et Courteau,
MmeDurrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte
proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
"Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter
les dépenses obligatoires des collectivités territoriales est accompagnée, dans
les conditions prévues par la loi, des compensations financières
correspondantes". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat.
J'ai déjà défendu cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 32, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« A la fin de la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par
cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "de
ressources déterminées par la loi." par les mots : "dans les conditions prévues
par la loi, des ressources nécessaires à leur exercice." »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 83, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« A la fin de la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par
cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, après les mots :
"par la loi", ajouter les mots : "qui en assurent la compensation intégrale et
permanente". »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil des amendements n°s 81 et 82 que
j'ai déjà présentés.
M. le président.
L'amendement n° 33, présenté par Mme Blandin, MM. Peyronnet, Bel, Charasse et
Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi
libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« La loi prévoit les dispositifs de solidarité nationale en vue de compenser
les inégalités de ressources et de charges entre les collectivités
territoriales. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat.
Cet amendement reprend le principe de solidarité nationale plutôt que le
simple mécanisme de péréquation. J'ai déjà eu l'occasion d'exposer la
philosophie qui sous-tend cet amendement précédemment.
M. le président.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« La réduction des écarts de ressources entre les collectivités territoriales,
en fonction de leurs disparités de richesse et de charges, constitue un
objectif fondamental de la politique d'aménagement du territoire. Une
péréquation nationale financière est opérée afin de corriger les inégalités
entre les territoires. »
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau.
J'ai déjà expliqué, au cours de la discussion générale, mon inquiétude quant à
la frilosité de la majorité du Sénat puis de l'Assemblée nationale, face à ce
que nous considérons comme le préalable indispensable à toute nouvelle étape de
la décentralisation, c'est-à-dire un effort important et continu de réduction
des inégalités de ressources entre les territoires.
Je tiens à votre disposition un dossier dont les chiffres montrent le
décrochage rapide et massif de la région du Languedoc-Roussillon en matière de
production de richesses par rapport au reste de la métropole et par comparaison
avec la très grande majorité des régions de l'Union européenne. Je pourrais
bien sûr faire la même démonstration à partir des disparités de ressources
entre communes au sein de régions riches comme l'Ile-de-France ou
Rhône-Alpes.
Je veux pourtant donner à la majorité sénatoriale le moyen de se ressaisir, en
présentant un amendement qui reprend le paragraphe clef de l'article 68 de la
loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Ce
texte est à ce jour inappliqué, alors que trois Premiers ministres se sont
succédé depuis. C'est une preuve, parmi d'autres, de l'abaissement du rôle du
Parlement.
Mais il n'est pas trop tard, et nous pouvons renouer ce soir avec l'effort
entrepris par la commission spéciale du Sénat, présidée par M. Jean
François-Poncet, qui avait fait adopter par notre assemblée puis par
l'Assemblée nationale un texte de loi si courageux qu'il effraya Bercy.
Votre silence, monsieur le garde des sceaux, s'il se poursuivait, vaudrait
réponse. Il nous faudrait en conclure que la loi de décentralisation n'est là
que pour fournir aux territoires riches le moyen légal d'échapper à toute forme
de solidarité, et je ne peux croire que telle soit votre intention.
Aussi, sans nous renvoyer aux lois organiques, nous souhaitons vivement que
vous vous exprimiez sur ce sujet, car le Conseil constitutionnel et
éventuellement d'autres juridictions prendront forcément en compte les prises
de position du Gouvernement au cours de ce débat afin d'éclairer leurs
décisions en cas de litige. Sur ce sujet de la péréquation des ressources,
votre mutisme viendrait confirmer mes craintes, qui sont vives, vous le
savez.
M. le président.
L'amendement n° 24, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Bel et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« La loi organise les péréquations assurant l'égalité des citoyens quelles que
soient les collectivités territoriales dont ils relèvent. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat.
Il s'agit d'un amendement de repli, qui a simplement pour objet de préciser la
finalité du mécanisme de péréquation assurant l'égalité des citoyens, quelles
que soient les collectivités territoriales dont ils relèvent, et d'éviter les
égalités catégorielles par strates de richesse, implicites, nous semble-t-il,
dans le texte qui nous est présenté.
M. le président.
Les cinq amendements suivants sont présentés par Mmes Borvo et Mathon, MM.
Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade
et M. Vergès.
L'amendement n° 86 est ainsi libellé :
« Au début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-2 dans la Constitution, ajouter les mots : "Dans un objectif de
solidarité nationale". »
L'amendement n° 84 est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-2 dans la Constitution, remplacer le mot : "prévoit" par le mot :
"organise". »
L'amendement n° 80 est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "à favoriser l'égalité"
par les mots : "à compenser les inégalités". »
L'amendement n° 85 est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-2 dans la Constitution, remplacer le mot : "favoriser" par le mot :
"assurer". »
L'amendement n° 87 est ainsi libellé :
« Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-2 dans la Constitution par les mots : "tenant compte de la réalité
des charges et de la diversité des situations sociales et économiques". »
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter ces amendements.
Mme Josiane Mathon.
La péréquation des ressources entre les collectivités locales doit être
motivée par des objectifs essentiels.
Il s'agit, d'abord, de garantir la solidarité nationale. Il faut, ensuite,
donner un sens concret et précis à cette péréquation. Enfin, la péréquation
doit surtout être perçue comme l'un des moyens d'appliquer le principe
d'égalité.
M. le président.
L'amendement n° 34, présenté par Mme Blandin, MM. Peyronnet, Bel, Charasse et
Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi
libellé :
« Compléter
in fine
le texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-2 dans la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat est le garant de la solidarité. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat.
L'amendement n° 34 que Marie-Christine Blandin avait déjà présenté en première
lecture ne devrait,
a priori
, pas poser de problème de fond. Il vise à
ponctuer l'article 6, dont nous avons souligné le caractère inutile et flou,
par un principe fort : « L'Etat est le garant de la solidarité. »
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Bernard Frimat.
M. le rapporteur va bien sûr me répondre que ce principe est déjà inscrit dans
le texte et que mon amendement est donc inutile.
(M. le rapporteur
acquiesce.)
Mais, au-delà de ce clin d'oeil, si j'applique
a
contrario
votre raisonnement, monsieur Garrec, cela donne une raison
excellente pour l'adopter.
Il existe aujourd'hui une crainte dans l'ensemble des collectivités
territoriales qui est palpable lorsque l'on discute avec n'importe quel élu
local.
La décentralisation est apparue dès l'origine à l'ensemble des élus locaux -
historiquement, à certains plus vite qu'à d'autres, mais les autres ont été
convaincus par la suite - comme un immense espace de liberté.
Aujourd'hui, quand on parle aux gens de décentralisation, ils ont tout de
suite un réflexe financier et se demandent ce que la décentralisation va leur
coûter. Ils s'interrogent sur le montant des charges supplémentaires que cela
implique et sur les moyens d'y faire face.
Par conséquent, énoncer
in fine
dans cet article consacré aux finances
que l'Etat est le garant de la solidarité, c'est avoir la certitude que l'on
élève au rang des principes constitutionnels le fait que l'Etat assume son rôle
de gardien du caractère protecteur et fondateur de la République.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les vingt-huit amendements ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Pour être aussi bref que mes collègues
(Sourires)
, je
vais m'efforcer de synthétiser ma pensée.
Le dernier alinéa de l'article 6 est d'une remarquable beauté formelle, même
s'il est imprécis, mais il va de soi que c'est à l'Etat d'être le garant de la
solidarité nationale. Il est inutile de reprendre les débats que nous avons eus
en première lecture.
Le Sénat a réécrit cet article 6 du projet de loi afin de poser le principe de
l'autonomie financière, en particulier fiscale, des collectivités
territoriales.
L'Assemblée nationale a approuvé l'économie de ce texte, en y apportant deux
précisions utiles, qui ont été approuvées par la commission des lois. En
conséquence, et compte tenu de l'amélioration de cet article, obtenue grâce à
la navette, la commission des lois a donné un avis défavorable à l'ensemble des
amendements qui viennent d'être présentés, et je ne dirai rien, mon cher
collègue, de la loi organique.
M. Jean-Pierre Sueur.
Et pour cause !
M. René Garrec,
rapporteur.
J'espère que nous aurons le plaisir, ensemble, dans les mois
à venir, de constater que la loi organique répondra au mieux à toutes les
questions que l'on s'est posées.
(C'est à voir ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
J'émets, bien entendu, un avis défavorable sur
l'amendement n° 74, dans la mesure où il tend à supprimer toute référence au
principe d'autonomie financière que le projet de loi vise précisément à
affirmer.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 25. J'ai déjà eu l'occasion de
m'exprimer sur ce sujet en première lecture puisqu'un amendement rigoureusement
identique, l'amendement n° 149, avait été alors déposé.
J'émets également un avis défavorable sur les amendements n°s 26 et 75.
Je suis bien sûr défavorable aux amendements n°s 27 et 76, qui ont pour objet
de supprimer le deuxième alinéa de l'article 6.
S'agissant de l'amendement n° 77, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises en
première lecture de faire part de l'opposition du Gouvernement à une solution
qui aurait pour conséquence de « geler » la situation actuelle et donc, en
réalité, d'empêcher l'évolution vers une plus grande décentralisation. Je suis
donc défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 28 a pour objet de supprimer purement et simplement la
disposition relative à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Le
Gouvernement y est, bien entendu, défavorable, comme il l'est aux amendements
n°s 78, 29, 22 et 30.
Je suis défavorable à l'amendement n° 81. Il convient, pour assurer
l'effectivité du principe énoncé dans l'alinéa visé, de ne pas le transformer
en un droit de tirage illimité sur l'Etat en supprimant toute responsabilité
des collectivités territoriales dans l'exercice de leurs nouvelles compétences.
En disant cela, j'apporte un élément de réponse à une observation faite par M.
Peyronnet.
Pour les mêmes raisons, je suis défavorable aux amendements n°s 31 et 82,
ainsi qu'aux amendements n°s 79, 23, 32, 83 et 33, qui reviennent tous sur des
débats qui ont déjà été tranchés en première lecture.
Dans l'amendement n° 1 rectifié, M. Delfau, comme il l'avait fait lors de la
première lecture, replace la notion de péréquation dans une perspective
d'aménagement du territoire.
C'est une préoccupation que je comprends tout à fait, mais je crois que le
recours à la notion de péréquation nationale financière n'apporte pas de
précision normative par rapport aux textes qui ont été adoptés jusqu'ici. Par
ailleurs, je pense que lier totalement la compensation des inégalités à l'idée
d'aménagement du territoire est une manière restrictive d'envisager la
problématique des inégalités. Aussi ne suis-je pas favorable à cet amendement
qui, par ailleurs, s'inspire d'une idée que nous sommes, je crois, nombreux à
partager.
Enfin, le Gouvernement est défavorable aux amendements suivants, qui
n'appellent pas de précisions complémentaires. Je dirai seulement, s'agissant
de l'amendement n° 34, que l'article 1er de la Constitution prévoit, entre
autres, que notre République est sociale.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 74.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 26.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 75.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 27 et 76.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 77.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 28 et 78.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 29.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 22.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 30.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 81.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 31 et 82.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 79.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 32.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 83.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 33.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Gérard Delfau.
C'est dommage !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 24.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 86.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 84.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 80.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 85.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 87.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur
l'amendement n° 34.
M. Jean-Pierre Sueur.
Nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que l'article 1er de la Constitution
stipule que notre République est « sociale », ce qui est parfaitement exact. M.
Patrice Gélard, pour sa part, a introduit quelques nouveautés dans le débat, en
nous délivrant, tout à l'heure, une définition nouvelle, originale, sa
définition de l'Etat.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Mais non ! C'est un
classique.
M. René Garrec,
rapporteur.
Elle n'est pas personnelle !
M. Jean-Pierre Sueur.
Si j'ai bien compris, pour vous, monsieur Gélard, l'Etat, c'est la totalité
des pouvoirs publics en incluant les collectivités locales ; les collectivités
locales font partie de l'Etat.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur.
J'ai donc bien compris, mais permettez-nous de distinguer entre l'Etat, d'une
part, et les collectivités territoriales, d'autre part.
C'est une autre conception à laquelle nous sommes habitués, et nous n'avons
pas votre sens de l'innovation ni votre haute culture juridique, à laquelle
nous nous plaisons à rendre hommage.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous refusez d'inscrire dans la Constitution,
comme le propose Mme Marie-Christine Blandin, cette phrase toute simple : «
L'Etat est le garant de la solidarité. »
Cette phrase est très importante, justement après ce qui a été dit
précédemment à propos de l'Etat.
Pour nous, la décentralisation, ce n'est pas l'addition de 36 700 égoïsmes
communaux, de 100 égoïsmes départementaux et d'une trentaine d'égoïsmes
régionaux.
Certains disent : en vertu de la décentralisation, de l'autonomie fiscale et
financière, de la libre administration des collectivités locales, que chacun
fasse ce qu'il a à faire. Mais s'il est vrai que chacun a le droit et le devoir
d'exercer les prérogatives qui sont les siennes, l'Etat doit être le garant de
la solidarité nationale. Il nous paraît d'autant plus important d'inscrire ce
principe dans la Constitution qu'une fois encore vous avez utilisé des
formulations particulièrement floues et imprécises.
Je ne reviens pas sur le fameux « déterminant » dont il a été beaucoup
question et dont ne savons toujours pas, après la première et la deuxième
lecture, ce qu'il signifie. Nous aimerions bien savoir à partir de quel
pourcentage les ressources propres des collectivités locales sont
déterminantes. On ne le sait pas et on ne le saura jamais. Ce pourcentage
pourrait être de 5 %, de 30 % ou de 60 %.
Ce que vous dites sur la péréquation n'apporte rien non plus ! La péréquation
sera certes inscrite dans la Constitution. Pourtant, dans le même temps, le
budget pour l'année 2003 diminue la part de la péréquation par rapport à
l'année précédente. Cela pose un problème qu'il ne faut pas négliger.
La péréquation figure dans la Constitution et elle vise à favoriser l'égalité,
dites-vous. Mais l'égalité c'est un droit, c'est un grand principe
constitutionnel, et l'on peut tout à fait prétendre qu'actuellement la
péréquation favorise l'égalité, puisqu'on ne peut pas dire qu'elle va dans le
sens de l'inégalité.
La phrase que vous nous proposez d'introduire dans la Constitution est
compatible avec tout niveau de péréquation, même le plus modeste. Il serait
donc beaucoup plus fort, plus pertinent et nécessaire, dans la mesure où les
précédentes formulations ne sont pas claires, de dire : « L'Etat est le garant
de la solidarité », il veille à la solidarité nationale qui doit s'imposer
au-delà des intérêts propres aux différentes collectivités qui ont des
ressources extrêmement différentes eu égard à leurs charges.
(M. Peyronnet
applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat.
Mon explication de vote prendra la forme d'une question à M. Patrick Gélard,
s'il le permet.
L'amendement, fort court, de Mme Blandin implique une certaine conception de
l'Etat. Pour votre part, monsieur le vice-président, vous avez évoqué l'article
5, qui traite du représentant de l'Etat dans les collectivités locales. Pour
vous, l'Etat, ce sont les pouvoirs publics et les collectivités locales.
Comment expliquez-vous alors que, dans les collectivités locales, l'Etat, qui
comprend les collectivités locales, ait un représentant ?
M. Jean-Claude Peyronnet.
C'est une bonne question ! Quelle est la réponse, monsieur Gélard ?
M. le président.
La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Je ferai deux remarques.
D'abord, j'ai toujours regretté qu'on utilise ce terme de « représentant de
l'Etat » auquel j'ai toujours préféré celui de « préfet », qui est beaucoup
plus clair et beaucoup plus net.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il fallait amender !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
J'avais effectivement déposé à
l'époque un amendement, mais il avait été refusé. Il m'avait alors été rétorqué
qu'il était impossible de revenir sur ce qui avait été fait dans le code des
collectivités territoriales.
Ensuite, on joue sur le mot Etat qui a deux sens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Voilà !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
D'une part, il a le sens qu'on
a voulu donner dans l'expression « représentant de l'Etat », l'Etat étant alors
entendu comme une entité abstraite. D'autre part, il s'entend, selon la
définition que j'ai rappelée tout à l'heure et qui est la définition juridique,
incontournable, comme un territoire, une population et des pouvoirs publics.
(Exclamations sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur celles du groupe
socialiste.)
M. le président.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 110 |
Contre | 206 |
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7