SEANCE DU 11 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 3. - Le dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution est complété
par une phrase ainsi rédigée :
Sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant
pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales et les
projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors
de France sont soumis en premier lieu au Sénat. »
La parole est à Mme Mathon, sur l'article.
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent à l'extension
des compétences du Sénat à laquelle tend cet article 3.
Il n'y a pas de contestation possible : la primauté accordée au Sénat dans un
domaine aussi important que celui des projets de loi ayant pour objet principal
l'organisation des collectivités locales constitue une première dans notre
droit et consacre le poids du Sénat dans le processus législatif.
M. Robert Del Picchia.
C'est une bonne chose !
Mme Josiane Mathon.
Sans doute M. le rapporteur me répondra-t-il que l'Assemblée nationale
conserve le dernier mot. Je lui rétorquerai que c'est bien la moindre des
choses que la chambre élue au suffrage universel direct ne soit pas soumise aux
choix d'une chambre issue d'un suffrage indirect ! Mais je lui dirai surtout
qu'il faut cesser toute hypocrisie dans un domaine aussi important que celui de
l'équilibre des pouvoirs.
Il faut parler vrai et expliquer aux Français la pratique parlementaire. Le
choix du lieu où se déroule en premier le débat législatif a toujours été
important pour le Gouvernement, voire déterminant.
L'Assemblée, qui est saisie en premier, imprime une marque indélébile dans les
débats, et cela même en cas de désaccords politiques entre le Sénat et
l'Assemblée nationale.
En cas d'opposition radicale, c'est même un moyen de blocage du processus
législatif qui est conféré à la majorité sénatoriale.
Chacun sait ici que les sénateurs de la majorité peuvent retrouver leur
lenteur légendaire lorsqu'il s'agit de s'opposer à des projets porteurs de
justice sociale et de progrès !
M. Didier Mauss, professeur de droit à l'université Paris-I, indiquait que le
projet de révision visait à « mettre l'Assemblée nationale dans une position
moins forte ». Il précisait d'ailleurs que l'assemblée qui examine le texte en
second est en situation « plus difficile ». « C'est toujours l'assemblée qui a
le texte en premier qui a la plus grande latitude pour amender le texte. »
Sans revenir sur le contenu même de l'article 3 - nous le ferons par la suite,
je suppose - je souhaite attirer l'attention sur la compétence essentielle qui
sera accordée au Conseil constitutionnel pour déterminer à l'avenir quels
seront les textes destinés à être prioritairement examinés par le Sénat et ceux
qui ne devront pas l'être.
Ce champ jurisprudentiel sera nouveau, et qui peut nier que son caractère sera
essentiellement politique, au gré des majorités de cette juridiction qui, je le
rappelle, est dépourvue de légitimité juridique ?
Non seulement le projet de révision confère à l'assemblée qui n'est pas élue
au suffrage universel direct des pouvoirs nouveaux, mais, en plus, c'est une
institution, le Conseil constitutionnel - au caractère démocratique à prouver -
qui sera l'arbitre des dépôts des textes gouvernementaux sur le bureau des
assemblées.
Il y a là une situation inquiétante à laquelle la promesse de M. Perben de
solliciter l'avis du Conseil d'Etat en amont - soudainement revenu en grâce -
ne changera rien.
Comment, messieurs les ministres, peut-on parler de démocratisation de nos
institutions, de rapprochement entre les citoyens et celles-ci, alors qu'on
organise au contraire l'occultation du fonctionnement législatif et des
processus de décisions ?
Cet article 3 n'est pas acceptable et le Sénat, plutôt que de renforcer ses
pouvoirs, ferait mieux de songer à se réformer en profondeur.
C'est au regard de ces remarques, que nous jugeons importantes, que nous vous
proposons de supprimer cet article.
(Applaudissements sur les travées du
groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe
de l'UMP du Sénat votera - cela ne sera pas une surprise ! - l'article 3 dans
la rédaction nouvelle. Il est le fruit d'un compromis entre l'Assemblée
nationale et le Sénat. C'est cela la discussion parlementaire ! Nous avions
voté une disposition en première lecture. L'Assemblée nationale en a voté une
autre. Il est tout à fait normal qu'elle ait un point de vue différent du
nôtre.
Sur le fond des choses, le fait que le projet soit présenté prioritairement
dans une assemblée ne préjuge pas son adoption définitive, puisque la
Constitution dispose qu'en tout état de cause c'est l'Assemblée nationale qui a
le dernier mot. Il s'agissait d'une demande du Sénat qui a été jugée excessive
par l'Assemblée nationale. Nous pouvons ne pas être du même avis, mais nous
considérons que, sur le fond, les différences ne sont pas telles que nous ne
puissions pas arriver à un accord sur ce point et, pour ce qui nous concerne,
nous acceptons parfaitement un compromis.
Vous avez été plein de tact, monsieur le garde de sceaux, en ne vous immisçant
pas dans un débat entre les assemblées concernant la qualification des membres
d'une assemblée par ceux d'une autre.
Je serai plus précis, car je veux que le Sénat soit informé des jugements
portés sur notre Haute Assemblée par un certain nombre de députés appartenant à
l'opposition.
Je commencerai par les propos d'un député qui n'est pas un député quelconque,
puisqu'il a même occupé, au sein de l'Etat, des fonctions importantes. Mme
Ségolène Royal, évoquant le Sénat, le décrit comme « la survivance anachronique
de l'ultime concession que les républicains de 1875 ont dû faire aux
monarchistes pour sauver l'essentiel : la République ».
« En resterons-nous pour l'éternité à ce compromis d'un autre âge ? Pourquoi
sommes-nous la seule démocratie au monde où une chambre qui ne représente pas
le peuple, parce qu'elle en représente toujours la même fraction, fait la
moitié du temps de l'obstruction à la volonté du suffrage universel ? »
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais c'est vrai et c'est toujours d'actualité !
M. Josselin de Rohan.
Je citerai maintenant M. Arnaud Montebourg : « Le Sénat, qu'est-ce que c'est ?
Une assemblée sans électeurs ! Comment élit-on un sénateur ? Une fois tous les
neuf ans, on réunit quelques grands électeurs désignés quasiment par tirage au
sort car la plupart des conseils municipaux ne contrôlent que rarement, surtout
dans les zones rurales, les propositions que les sénateurs vont défendre,
prétendant "ne pas faire de politique". Pire, ces grands électeurs se
dissolvent dans le brouillard après leur vote et les sénateurs sont des
parlementaires n'ayant de comptes à rendre à personne, ni sur leur présence, ni
sur leurs votes, leur corps électoral étant passé de l'état solide à l'état
gazeux aussitôt après l'élection.
« Nous voulons un Sénat démocratique ! ».
Je continue avec M. Jean-Jack Queyranne, ancien ministre chargé des relations
avec le Parlement qui, il n'y a pas si longtemps, venait...
M. Jean-Jacques Hyest.
Devant le Sénat !
M. Josselin de Rohan.
... défendre les thèses du gouvernement de l'époque devant le Sénat.
« Depuis 1958, le Sénat cherche à grappiller des pouvoirs et à s'arroger un
véritable droit de veto dans de multiples domaines. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est vrai !
M. Josselin de Rohan.
« Il veut s'ériger en chambre des collectivités locales, ce qu'il n'est pas.
»
Enfin, je terminerai par M. Jean-Pierre Brard, un communiste cette fois-ci : «
Cette cohérence, l'article 3 la met à mal. Nous vous invitons donc à le rejeter
pour que notre Sénat ne se mette pas à ressembler à celui qui naquit du coup
d'Etat du 2 décembre. »
Ainsi, à l'Assemblée nationale, les communistes estiment que nous sommes une
assemblée de coup d'Etat, une assemblée qui n'est pas républicaine.
Quant à vous, mesdames et messieurs, j'aimerais bien savoir ce que vous pensez
des jugements que vos collègues ont portés sur votre action.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On va vous le dire !
M. Josselin de Rohan.
Quand on dit de nous que nous sommes « mal élus » et que nous n'avons de
comptes à rendre à personne, on ne nous traite pas comme on le doit, je dirais
même qu'on nous injurie ! Je pense que vous devriez faire quelques observations
à vos collègues !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP
et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt
Nous les leurs avons faites !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, sur l'article.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je parlerai d'abord de l'article 3, puis je donnerai la position des
socialistes dans les deux assemblées.
S'agissant de l'article 3, nous sommes partis, je le rappelle, d'une
proposition de loi qui introduisait un véritable droit de veto : tout texte
relatif aux collectivités locales devait être voté conforme par les deux
assemblées, ce qui induisait un droit de veto du Sénat sur presque tout, y
compris sur une part importante du budget. Ensuite, le Sénat, en première
lecture, a limité son intervention en priorité aux textes ayant pour principal
objet les compétences ou les ressources des collectivités territoriales.
Finalement, nous allons voter un texte qui limite l'examen en premier lieu par
le Sénat aux projets de loi « ayant pour principal objet l'organisation des
collectivités locales ». Tout à l'heure, je dirai ce que nous pensons de cette
expression et des incertitudes qu'elle comporte.
Pour notre part, nous n'avons pas changé d'avis : nous considérons toujours
que l'article 3 doit être supprimé. Certes, l'importance de l'examen en
priorité de tel texte par telle ou telle assemblée peut donner lieu à des
divergences d'interprétation et les conséquences peuvent en être appréciées
différemment par les uns ou les autres. En ce qui me concerne, j'estime que,
dans la plupart des cas, cela n'a pas grande importance. Ce qui importe, c'est
la différence d'utilisation du recours à l'article 40 de la Constitution entre
les deux assemblées : au Sénat, l'invocation de l'article 40 est beaucoup plus
souple qu'à l'Assemblée nationale. Il pourrait en résulter une dérive
dangereuse pour tel ou tel gouvernement. Mais, pour l'essentiel - j'ai parlé de
« sucette », lors de la première lecture -, nous considérons que cette
disposition est surtout une sorte de récompense donnée au Sénat et qu'elle a un
effet tout à fait secondaire, puisque, finalement, c'est l'Assemblée nationale
qui aura le dernier mot.
Nous sommes très attachés au bicaméralisme et nous pensons que pour assurer le
bon fonctionnement des institutions il ne faut pas pas introduire de confusion.
Il est essentiel que, dans tous les cas, la même assemblée ait le dernier mot
et qu'elle soit saisie, comme le Gouvernement peut le faire, soit en premier,
soit en second, selon le calendrier parlementaire. A cet égard, nous n'avons
pas changé d'avis. En revanche, nous sommes inquiets - mais nous y reviendrons
tout à l'heure - car des incertitudes demeurent quant à l'interprétation des
mots « principal objet » et « organisation ». Un certain nombre d'expressions
feront le bonheur des juges !
En ce qui concerne la position de nos amis politiques à l'Assemblée nationale,
quelle ait été excessive, nous sommes les premiers à le leur avoir fait
remarquer. A l'Assemblée nationale, la passion l'emporte souvent sur la raison.
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Au Sénat, les débats sont
habituellement plus sereins.
Malgré de nombreux excès, le principe de l'existence de deux chambres n'a
jamais été remis en question.
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Cela aurait pu se faire !
M. Jean Chérioux.
Et Mme Royal ?
M. Jean Bizet.
Ce n'est pas ce que l'on a pu lire !
M. Jean-Claude Peyronnet.
J'ai bien lu ces débats, car je souhaitais savoir très précisément ce que mes
amis politiques avaient dit ! L'existence du Sénat n'a jamais été remise en
question ! Ce qui a été remis en cause, c'est le mode d'élection. De ce point
de vue, nous affichons une position constante, avec des différences
d'expression conformes à la position dans laquelle nous sommes dans telle ou
telle assemblée. Mais, sur le fond, nous considérons que le Sénat n'assure pas
une représentation suffisamment large des populations.
M. Jean Bizet.
Ce n'est pas sa vocation !
M. Jean-Claude Peyronnet.
C'est le fond du problème et c'est ce qu'a dit M. de Rohan tout à l'heure ! Il
conviendrait donc de modifier cet aspect des choses. Lorsque Lionel Jospin
parlait d'« anomalie » c'est précisément à cela qu'il faisait référence ! Le
Sénat s'était proposé de faire évoluer les choses. Il a même mis en place une
commission qui a travaillé sur le sujet ces derniers mois. Je regrette que les
conclusions de cette commission n'aient eu aucune conséquence sur l'évolution
législative, que le Sénat souhaitait et qui était annoncée par son
président.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais répéter - vous le savez très bien, mais vous faites semblant de ne
pas comprendre depuis des années - que nous avons été unanimes, nous
socialistes, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, pour nous prononcer
contre l'article 3.
M. Josselin de Rohan a fait des citations : elles ne sont pas toutes à mettre
dans le même sac ! A M. Montebourg nous avons dit ce que nous pensions de ses
déclarations. Nous avons les électeurs que la loi nous donne et nous avons
l'habitude de leur rendre compte à eux, mais également à beaucoup d'autres.
Nous le lui avons dit !
Le président de Rohan est parti, ce qui rend le dialogue difficile. Alors, je
dis à M. de Rohan, qui a quitté l'hémicycle avant d'attendre les réponses alors
qu'il nous avait interrogés.
M. Jean Chérioux.
Vous êtes discourtois !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne crois pas qu'il ait été courtois à notre égard !
Je dis donc à M. de Rohan que, chaque fois que l'on procède à une révision
constitutionnelle, le Sénat essaye, par ce biais, parce que son concours est
obligatoire lorsqu'il n'y a pas de référendum - et nous craignons fort qu'il
n'y en ait pas dans le cas présent - de demander une augmentation de ses
pouvoirs.
Vous vous souvenez que, s'agissant du traité de Maastrict - un référendum
devait d'ailleurs avoir lieu après les débats au Parlement - le Sénat avait
demandé que la loi sur le vote des Européens - seuls les Européens pouvaient
avoir le droit de vote aux municipales - soit adoptée dans les mêmes termes par
les deux assemblées. Et il l'avait obtenu, parce qu'il n'était pas possible de
faire autrement.
Aujourd'hui, vous recommencez ! Vous n'avez pas obtenu grand-chose, mais vous
avez fait ce que vous avez pu pour obtenir toute de même un petit quelque
chose.
Lorsque Ségolène Royal dit que le Sénat est né parce que Thiers - en tout cas,
c'est l'esprit du propos qu'elle a tenu - avait dit que la République serait
conservatrice ou qu'elle ne serait pas, c'est un fait historique. A l'époque,
le concours du Sénat était obligatoire pour le vote de toutes les lois ! Vous
regrettez sans doute ce Sénat-là !
Aujourd'hui, on n'en est plus là, c'est vrai, mais cette « anomalie » demeure
: nous sommes tous d'accord sur ce point et vous ne pouvez le nier. Quel que
soit l'état de l'opinion, quel que soit le résultat des élections à l'Assemblée
nationale, vous avez toujours ici une majorité des deux tiers. Et vous en
profitez pour faire de l'opposition lorsque l'Assemblée nationale est de
gauche, et pour éviter toute discussion et toute navette lorsque, au contraire,
la majorité est la même au sein des deux assemblées.
M. Jean Chérioux.
Le président Monnerville doit se retourner dans sa tombe en vous entendant
!
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le président Monnerville n'avait pas tout à fait la même position à l'égard du
Gouvernement et du Président de la République ! Cela, vous ne pouvez pas le
nier !
M. Jean Chérioux.
Il était dans l'opposition.
M. Hilaire Flandre.
Il ne faut pas transformer la vérité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Même si un député a tenu des propos que vous n'approuvez pas - nous non plus,
d'ailleurs ! - vous n'avez pas le droit de déformer la réalité : le Sénat, tel
qu'il est, constitue une anomalie et nous arriverons bien à venir à bout de
cette anomalie !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont indentiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° 38 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Bianès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle,
Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme
Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 39, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Bianès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle,
Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme
Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé
:
« Dans le premier alinéa de texte proposé par cet article pour compléter le
dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution, remplacer les mots :
"principal objet" par les mots : "objets exclusifs". »
L'amendement n° 40, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa
de l'article 39 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Les projets de loi ayant pour objet de déterminer les règles concernant le
régime électoral des assemblées locales sont soumis, en premier lieu, à
l'Assemblée nationale. »
L'amendement n° 41, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa
de l'article 39 de la Constitution, par une phrase ainsi rédigée :
« Les projets de loi ayant pour objet de fixer le statut ou de déterminer les
règles concernant les collectivités à statut particulier sont soumis, en
premier lieu, à l'Assemblée nationale. »
L'amendement n° 42, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa
de l'article 39 de la Constitution, par une phrase ainsi rédigée :
« Les projets de loi ayant pour objet de déterminer les règles concernant les
droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l'exercice des libertés publiques sont soumis, en premier lieu, à l'Assemblée
nationale. »
L'amendement n° 43, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa
de l'article 39 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Les projets de loi ayant pour objet de déterminer les règles concernant la
création de catégories d'établissements publics sont soumis, en premier lieu, à
l'Assemblée nationale. »
L'amendement n° 44, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa
de l'article 39 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Les projets de loi comportant une disposition ayant une incidence sur les
charges de l'Etat sont soumis, en premier lieu, à l'Assemblée nationale. »
L'amendement n° 45, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa
de l'article 39 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Les projets de loi ayant pour objet de déterminer les règles concernant les
garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l'Etat sont soumis, en
premier lieu, à l'Assemblée nationale. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pourprésenter l'amendement n° 2.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Mon ami Michel Dreyfus-Schmidt a déjà exposé l'essentiel des raisons de fond
qui nous conduisent à demander, comme en première lecture, la suppression de
cet article. Par conséquent, je serai bref.
Comme je l'ai déjà indiqué, finalement, le Sénat n'a obtenu de l'Assemblée
nationale que des concessions dérisoires. Si l'Assemblée nationale a réduit les
risques que nous avions dénoncés, elle n'a pas supprimé les incertitudes
juridiques. En particulier, il demeure nécessaire d'expliquer clairement ce que
recouvre l'expression « principal objet ». Qui le décidera ?
Le deuxième terme incertain est celui d'« organisation ». On nous dit qu'il
faut se référer au code général des collectivités territoriales. Le juge ne
sera-t-il pas, là aussi, amené à trancher ?
Enfin, s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, comme ce territoire figure au
titre XII et au titre XIII de la Constitution,...
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Quel est le rapport avec
l'article 3 ?
M. Jean-Claude Peyronnet.
... on ne sait pas très bien si les lois qui le concernent seront examinées
en priorité par le Sénat. Il faudrait au moins que cette incertitude soit
levée.
Globalement, je crois avoir donné les raisons pour lesquelles nous demandons
la suppression de l'article 3.
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 38.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement a déjà été défendu, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 39.
Mme Hélène Luc.
Je me permettrai, d'emblée, de citer M. Pierre Méhaignerie, président de la
commission des finances de l'Assemblée nationale, qui défendait son amendement
; en effet, c'est lui qui est à l'origine de cette proposition que je reprends
aujourd'hui. Ce n'est pas habituel !
M. Méhaignerie affirmait, le 22 novembre dernier : « La commission des
finances a souhaité éviter tout risque constitutionnel lié à l'expression
"principal objet" à nos yeux trop floue et imprécise. Sans doute existe-il des
éléments dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel relatifs à l'objet de
certains projets de loi. Ainsi, dans une de ses décisions, le Conseil
constitutionnel a relevé un "triple objet", qui fait référence au contenu du
texte, aux intitulés et même à l'exposé des motifs, dans un sens très libéral,
afin d'élargir les possibilités d'amendement. Mais il n'a jamais fait référence
à la notion de "principal objet". C'est pourquoi la commission des finances a
souhaité retenir une formulation évitant toute incertitude : ne devraient être
déposés au Sénat que les textes portant exclusivement, et non pas à titre
principal, sur l'organisation de collectivités locales. »
Mes chers collègues, je suis désolée d'avoir eu recours à une citation aussi
longue, mais vous reconnaîtrez qu'elle ne manquait pas d'intérêt.
De plus, je suis sûre que les sénateurs centristes de l'UDF ou de l'UMP me
sauront gré d'avoir cité l'un des leurs, puisque eux-mêmes sont apparemment
privés de parole durant cette discussion des articles du projet de loi
constitutionnelle.
M. Méhaignerie avait raison de déposer cet amendement.
Il est évident que la référence à « l'objet principal » est pour le moins
sujette à caution. Comment déterminera-t-on, et sur quelle base, la nature de «
l'objet principal » d'un texte ? Cette question n'est-elle pas subjective sur
le plan politique ? Combien de fois a-t-on pu constater qu'une disposition,
jugée anodine pour les uns, était considérée comme essentielle pour les autres
?
Le Gouvernement a expliqué que le Conseil d'Etat déterminerait la nature de
l'objet des textes, mais c'est au Conseil constitutionnel que reviendra le
devoir de trancher si le droit de telle ou telle assemblée a été respecté.
De toute évidence, nous abandonnons, avec cet article, une méthode qui avait
le mérite de la simplicité pour le dépôt des projets de loi.
L'ambiguïté de la rédaction retenue n'est pas anodine. Elle est le résultat
d'un difficile compromis entre la majorité du Sénat et celle de l'Assemblée
nationale. Une première analyse démontre que le poids politique supplémentaire
souhaité pour le Sénat est préservé. La formulation relative à « l'objet
principal » en est l'une des preuves.
Nous vous proposons donc de reprendre la proposition de M. Méhaignerie pour
éviter toute confusion future dans le processus législatif.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Je souhaite corriger une
affirmation de Mme Luc : personne, dans la majorité sénatoriale, n'est privé de
parole !
Mme Hélène Luc.
Vous voulez aller vite et, dès lors, vous ne parlez pas !
(Exclamations sur
les travées de l'UMP.)
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Chacun a le droit de s'exprimer
et d'intervenir lorsqu'il le juge utile !
M. le président.
La présidence donnera la parole à ceux qui la demanderont !
La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter les amendements n°s 40 et
41.
Mme Hélène Luc.
Je souhaite, d'abord, répondre à M. Gélard : certes, les membres de la
majorité ne sont pas complètement privés de parole ; ils ont le droit de
parler, mais ils ne le font pas, car ils sont là pour voter.
M. Jean Chérioux.
Nous faisons ce que nous voulons !
M. Hilaire Flandre.
Nous ne parlons pas pour ne rien dire !
Mme Nicole Borvo.
Pourtant, cela vous arrive !
Mme Hélène Luc.
L'amendement n° 40 et les cinq qui suivent ont un objet clair : il s'agit de
préciser le champ de la priorité accordée au Sénat pour les textes ayant pour
principal objet l'organisation des collectivités territoriales.
Cet amendement n° 40 tend à conférer à l'Assemblée nationale la primauté de
l'examen des projets de loi ayant pour objet de fixer le statut ou de
déterminer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales.
Vous savez combien nous y sommes attachés !
M. Garrec, président de la commission des lois et rapporteur, a rappelé que M.
Pascal Clément, son homologue de l'Assemblée nationale, a déclaré en séance
publique que « selon la structure du code général des collectivités
territoriales, le terme d'organisation recouvrait le choix du nom des
collectivités territoriales, la détermination des règles relatives à leurs
organes et à leurs actes, ainsi que la fixation de leurs limites territoriales
».
M. Garrec a également rappelé que M. Perben avait exclu du champ du concept
d'organisation les modes de scrutin.
Bien entendu, nous avions noté ces précisions, mais quelle est leur valeur ?
Ces précisions seront-elles inscrites dans l'une des lois organiques à venir ?
Dans l'affirmative, est-il possible de le confirmer au Sénat aujourd'hui,
monsieur le ministre ?
Par ailleurs, de quel poids pèseront ces déclarations face au pouvoir
d'interprétation du Conseil constitutionnel, qui, je le rappelle, est autonome
et favorise l'arbitraire ?
M. Christian Cointat.
C'est scandaleux !
Mme Hélène Luc.
M. Garrec, dans son rapport écrit, abonde en ce sens : « Il appartiendra,
écrit-il,
in fine,
au Conseil constitutionnel de déterminer ce que
recouvre cette notion et de censurer, le cas échéant, les textes n'ayant pas
été déposés en premier lieu au Sénat. » Ou l'inverse, monsieur le rapporteur
!
Les sénateurs du groupe CRC estiment donc qu'il vaut mieux préciser dans la
Constitution elle-même un certain nombre de domaines qui concernent, de fait,
l'organisation des collectivités territoriales et pourront donner lieu à des
textes qui devront être soumis, en premier, à l'Assemblée nationale, élue au
suffrage universel direct. Vous savez combien nous sommes attachés à ce
principe.
C'est dans cet esprit que nous proposons d'exclure, par cet amendement, les
scrutins locaux de la primauté sénatoriale.
L'amendement n° 41 est de même nature que le précédent. Il vise à restaurer la
priorité du débat à l'Assemblée nationale pour les projets de loi ayant pour
objet de fixer le statut ou de déterminer les règles concernant les
collectivités à statut particulier.
Avec le concept de « collectivité territoriale à statut particulier », nous
touchons un domaine extrêmement sensible. En effet, les tenants d'une dérive
fédéraliste de nos institutions poussent à l'éclosion de multiples
collectivités à statut particulier, éclosion mettant en cause, à terme, sinon
l'unité du pays, du moins l'égalité de traitement sur le territoire.
L'introduction, dans l'article 4, de la notion de « statut particulier » ouvre
donc la voie à une conception fédéraliste des institutions de notre pays.
Comment s'en étonner, alors que M. Raffarin appartient à une famille politique
qui a toujours été partisane de cette évolution ?
M. François Léotard n'écrivait-il pas - vous voyez, nous vous lisons beaucoup
- , le 14 janvier 1999, dans un journal du soir : « La France, Etat de droit,
est bien le pays d'Europe où il y a le plus d'Etat et le moins de droit. C'est
aussi le pays où la pratique de la confiscation publique des ressources privées
a été élevée au niveau de l'un des beaux arts. C'est malheureusement le pays
où, faute de décentralisation et de responsabilité locale, la délinquance
flamboie. Nous ne répondrons à ces questions et à bien d'autres que par une
forme de fédéralisme à la française qui s'attacherait à restaurer
systématiquement la responsabilité locale, le droit à l'expérimentation (...).
Cela signifierait tout autant (...) la décentralisation de l'éducation ou de la
police que la réforme des modes de scrutin ou la modification profonde des
institutions locales dont l'opacité, l'empilement, la redondance, sont, à bien
des égards, consternants. »
Comment ne pas reconnaître, monsieur le ministre, dans les propos de l'ancien
président du parti républicain, la trame du projet de loi que nous présente
aujourd'hui le Premier ministre, issu du même courant de pensée ?
Cet amendement vise à préciser que les textes concernant les collectivités à
statut particulier, notamment la Nouvelle-Calédonie, seront soumis en priorité
à l'Assemblée nationale. Permettez-moi, à cet égard, de m'arrêter sur la
question de la Nouvelle-Calédonie, instituée collectivité territoriale de la
République par l'article 72-3.
Nous estimons important de préciser que le lieu de premier dépôt des textes
concernant la Nouvelle-Calédonie, collectivité à statut particulier, ne peut
être soumis au bon vouloir du Conseil constitutionnel.
Nous savons tous que la jurisprudence de cette institution à l'égard de la
Nouvelle-Calédonie a été un sujet de polémique. Faut-il laisser au Conseil
constitutionnel la capacité de conférer au Sénat la priorité pour l'examen d'un
texte concernant la Nouvelle-Calédonie ? Nous ne le pensons pas, car le statut
de cette collectivité demeure flou et, comme l'indique François Luchaire,
professeur et ancien membre du Conseil constitutionnel, il s'agit d'un
territoire « susceptible de devenir un Etat souverain ».
Notre amendement vise donc à maintenir la possibilité, pour l'Assemblée
nationale, de débattre en premier lieu des textes relatifs aux collectivités à
statut particulier.
M. le président.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter les amendements n°s 42, 43,
44 et 45.
Mme Odette Terrade.
Toujours dans le même registre, nous proposons que les projets de loi ayant
pour objet de déterminer les règles concernant les droits des citoyens et les
garanties fondamentales qui leur sont accordées pour l'exercice des libertés
publiques soient soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale.
Lorsque l'on relit la définition de « l'organisation » d'une collectivité
locale qu'a tenté de fixer M. Pascal Clément et que M. Garrec reprend dans son
rapport, il apparaît évident que le champ couvert par ce concept est très
large. En effet, il s'agit du choix du nom des collectivités territoriales, de
la détermination des règles relatives à leurs organes et à leurs actes, ainsi
que de la fixation de leurs limites territoriales.
Il apparaît évident que chacune de ces questions peut être l'occasion d'une
mise en cause d'un droit civique ou d'une garantie fondamentale accordée aux
citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il est donc indispensable, au
nom de la démocratie, que l'Assemblée nationale, qui est, elle, élue au
suffrage universel direct, soit saisie en premier lieu de ces projets.
L'amendement n° 42 a pour objet de démontrer que la disposition adoptée par
l'Assemblée nationale tendant à limiter le nombre de textes devant être soumis
en premier lieu au Sénat est, pour beaucoup, fonction de l'interprétation qui
en sera donnée, tant elle pourra être contournée.
Toujours dans le même esprit, l'amendement n° 43 tend à prévoir que les
projets de loi ayant pour objet de déterminer les règles applicables à la
création de catégories d'établissements publics doivent être soumis en premier
lieu à l'Assemblée nationale.
Il est important de replacer le débat sur l'article 3 dans le cadre général de
la discussion du projet de loi constitutionnelle.
Les futures compétences des collectivités territoriales sont entourées d'un
grand flou. L'expérimentation législative et réglementaire soulève, à ce titre,
bien des inquiétudes et rend impossible toute description précise du champ
d'action à venir des collectivités territoriales.
De quelles compétences dépendra, demain, la création de nouvelles catégories
d'établissements publics dans ce nouveau cadre constitutionnel ? Les
conséquences pour les usagers et pour les personnels de l'évolution du droit
dans ce domaine seront particulièrement importantes.
Nous souhaitons donc que l'Assemblée nationale soit saisie prioritairement de
ces projets de loi.
L'amendement n° 44 tend à soumettre en premier lieu à l'Assemblée nationale
les projets de loi comportant une disposition ayant une incidence sur les
charges de l'Etat. Il participe de l'évolution qu'a connue le projet de loi au
fil des deux premières lectures. En effet, nous sommes passés d'un texte dans
lequel était affirmée la primauté du Sénat pour l'examen des textes concernant
la libre administration des collectivités locales à un texte dans lequel cette
primauté se trouve réduite aux projets de loi ayant pour objet l'« organisation
» des collectivités territoriales.
Au reste, cette évolution est parfaitement heureuse. En effet, pris à la
lettre, l'article 3 initial pouvait créer une situation pour le moins
déroutante. Je prends des exemples. Nous aurions fort bien pu être saisis d'un
projet de loi de finances en première lecture au titre des prélèvements sur
recettes de l'Etat attribués aux collectivités locales ! De la même manière, on
pourrait sans doute trouver un grand nombre de projets de loi importants pour
les collectivités locales à inscrire, en priorité, à l'ordre du jour du
Sénat.
Si les termes de l'article 3 n'avaient pas été modifiés, aucun texte ou
presque n'aurait échappé à la règle, et le Sénat aurait bénéficié d'une forme
de priorité dans l'examen de tous les projets de loi. En d'autres termes,
l'assemblée qui n'est pas élue au suffrage universel direct aurait pesé plus
que celle qui, elle, présente cette caractéristique.
Dans les faits, cela aurait signifié que le recul démocratique qui figure en
filigrane dans l'exposé des motifs du présent projet de loi se serait trouvé
encore renforcé et aggravé.
Fort heureusement, la discussion tant ici qu'à l'Assemblée nationale - et elle
a été particulièrement longue au Palais-Bourbon - a permis de replacer
l'article 3 dans un cadre moins extensif.
Cela ne retire cependant rien à la légitimité de notre assemblée, même s'il
est évident que ce n'est qu'au travers d'une réforme plus ambitieuse que nous
pourrons justifier d'un accroissement - si tant est que le terme soit juste -
de ses prérogatives.
Par l'adoption de l'amendement n° 44, nous devons donc confirmer l'évolution
de l'article 3, tel qu'il résulte des précédentes lectures. Il nous semble en
effet évident que le rôle déterminant de l'assemblée élue au suffrage universel
direct doit être pleinement établi.
Cet amendement, je le rappelle, prévoit que l'ensemble des projets de loi
ayant une incidence sur les charges de l'Etat sont soumis en première lecture à
l'Assemblée nationale, ce qui rapproche au demeurant le texte de la
Constitution de l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen, qui assure le contrôle de l'utilisation de la ressource publique par
le peuple ou ses représentants.
Sous le bénéfice de ces observations et au nom de la nécessité d'assurer un
fonctionnement pertinent du pouvoir législatif et de nos assemblées
parlementaires, nous ne pouvons que vous encourager, mes chers collègues, à
adopter cet amendement n° 44.
L'amendement n° 45 concerne, dans le droit-fil des précédents, les projets de
loi ayant pour objet de déterminer les règles relatives aux garanties
fondamentales accordées aux fonctionnaires de l'Etat.
L'article 3 tel qu'il est rédigé donnera-t-il compétence au Sénat pour
examiner en premier lieu les textes concernant des fonctionnaires de l'Etat qui
eux-mêmes seraient, du fait du nouveau transfert de compétence, placés sous la
responsabilité des collectivités territoriales ?
Il paraît utile, en tout état de cause, de spécifier clairement que les
projets de loi ayant pour objet de « déterminer les règles concernant les
garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l'Etat » sont soumis en
premier lieu à l'Assemblée nationale.
Tel est le sens de cet amendement n° 45, que nous vous proposons d'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Monsieur Peyronnet, le terme d'« organisation » des
collectivités territoriales a été défini comme recouvrant, selon la structure
du code général des collectivités territoriales, le choix du nom des
collectivités territoriales, la détermination des règles relatives à leurs
organes et à leurs actes, ainsi que la fixation de leurs limites territoriales.
Il limite donc fortement les difficultés d'interprétation et de mise en
oeuvre.
Il ne sera pas plus complexe de définir les projets de loi relatifs aux
instances représentatives des Français établis hors de France. Je relève, à cet
égard, que l'article 3 nous fait faire un grand progrès, en ce qu'il introduit
explicitement ces Français de l'étranger dans la Constitution.
(M. Robert
Del Picchia applaudit.)
Si l'article 3 ne contenait que cette
disposition-là, je serais déjà satisfait.
Voilà pourquoi la commission est défavorable aux amendements identiques n°s 2
et 38, qui réduisent à l'excès le champ des projets de loi devant être soumis
en premier lieu au Sénat.
Comme le disait M. le garde des sceaux devant l'Assemblée nationale, il
suffirait d'introduire volontairement dans un texte une seule disposition
étrangère à l'organisation des collectivités pour neutraliser le droit de
priorité donné au Sénat.
Les amendements n°s 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45 présentés par le groupe
communiste républicain et citoyen, qui ont pour objet de conférer un nouveau
droit de priorité à l'Assemblée nationale, rigidifient à l'excès le
fonctionnement de nos institutions. La commission y est donc également
défavorable.
Ils portent atteinte à la liberté reconnue au Gouvernement par l'article 39 de
la Constitution de déposer les projets de loi sur le bureau de l'une ou l'autre
assemblée.
Cette souplesse contribue au bon déroulement des travaux législatifs, en
permettant d'éviter un encombrement de l'ordre du jour des assemblées : il
convient de la préserver.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, mais
il importe que figurent au compte rendu des débats les trois considérations
suivantes.
S'agissant, tout d'abord, de la différenciation entre « principal objet » et «
objet exclusif », je ferai la même réponse qu'à M. Méhaignerie, à l'Assemblée
nationale. L'expression « objet exclusif » présentait un inconvénient majeur.
Il suffisait, en effet, d'introduire une seule disposition, si limitée
soit-elle, portant sur un autre sujet pour faire tomber la priorité du Sénat.
Quant aux mots : « principal objet », le Conseil d'Etat donnera son avis sur ce
point, mais je pense que c'est une formule qui devrait donner satisfaction.
En ce qui concerne maintenant le régime éléctoral, il est clair, aux termes de
l'article 77 de la Constitution et du futur article 74, qu'il n'est pas compris
dans la notion d'« organisation ». Je l'ai dit à l'Assemblée nationale, et je
le répète ici, il me paraît tout à fait clair que ces deux articles de la
Constitution distinguent, de façon très nette, les deux notions.
Enfin, s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, collectivité de la République, son
statut est fixé par le titre XIII et ne se réduit pas à celui de collectivité
territoriale. Elle sera incluse dans le champ de la priorité d'examen du Sénat
dans la mesure où les projets de loi la concernant intéresseront l'organisation
des collectivités locales qui appartiennent à son territoire, à savoir les
provinces et les communes.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les
amendements identiques n°s 2 et 38.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je voudrais redire ici notre opposition totale à cet article 3, tant dans son
ancienne rédaction que dans sa rédaction nouvelle et je profite de cette
intervention pour demander à M. le rapporteur de nous expliquer pourquoi il est
favorable au texte tel qu'il nous est aujourd'hui proposé.
Vous êtes satisfait, monsieur le rapporteur, de l'introduction des Français de
l'étranger dans le texte même de la Constitution. Soit ! Mais il suffirait
d'adopter la partie de la phrase qui les concerne.
Revenons-en plutôt à cette affaire d'organisation. Pourquoi la majorité du
Sénat, après qu'on lui a fait miroiter une priorité d'examen de l'ensemble des
textes concernant les collectivités locales, leurs compétences, leurs finances,
accepte-t-elle une restriction aussi radicale ? Ces textes devraient donc avoir
l'organisation comme « principal objet ». Or on ne sait pas ce qu'est
l'organisation. Le seul argument que l'on nous oppose est pris du code général
des collectivités territoriales, qui inciterait à penser que l'organisation des
collectivités locales, c'est ceci et pas cela. L'argument juridique est bien
faible pour qui veut interpréter la Constitution !
Qu'est-ce que l'« organisation » ? Il paraît que le nom de la collectivité
fait partie de l'organisation. En quoi donc ? On nous a dit que le périmètre
serait également compris dans l'« organisation », ainsi que les règles
relatives aux organes et aux actes des collectivités. On peut se demander sur
quel fondement.
C'est introduire une zone considérable de flou, de vague, d'imprécis et
d'indéterminé dans la Constitution. Immanquablement, cela donnera lieu à des
débats infinis au sein du Conseil constitutionnel...
Mme Hélène Luc.
C'est sûr !
M. Jean-Pierre Sueur.
... pour savoir si l'objet du texte considéré est bien compris ou non dans l'«
organisation ». Et on aura beau jeu de conclure que ce qui est principal dans
le texte ne relève pas de l'organisation.
Ma question est très simple : pourquoi, finalement, adopter une rédaction
aussi floue et imprécise ?
M. Hilaire Flandre.
Pourquoi ne pas la voter ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Je pose cette question à M. le rapporteur, car il ne nous a pas répondu tout à
l'heure.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Si !
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le ministre, vous avez bien confirmé que la Nouvelle-Calédonie
donnait lieu à la priorité, en un sens, mais pas en un autre sens. Or nous
avions compris des propos de Mme Girardin que, dans tous les cas, la
Nouvelle-Calédonie étant une collectivité territoriale, elle était concernée
par ladite priorité.
Sur ce point-là, s'agissant de l'organisation tant interne qu'externe de la
Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement est dans l'incapacité d'adopter une
position claire. Encore une fois, pourquoi introduire autant de flou, de vague
et d'imprécis dans la Constitution ?
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le sujet est évidemment extrêmement vaste. Je voudrais tout de même rappeler
que l'Assemblée nationale a introduit dans cet article les mots : « Sans
préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets... » sur l'initiative
de M. Méhaignerie. La gauche ne lui a jamais rendu autant hommage
qu'aujourd'hui et nous le faisons encore sur ce point précis.
(Sourires.)
Or, en commission des lois, les membres de la majorité nous ont dit que la
référence était inutile. Mais, alors, pourquoi ne pas la supprimer ? Cela
étant, je dois à la vérité de dire que, à défaut pour vous de supprimer, comme
nous vous le demandions, l'article tout entier, nous nous serions opposés à
cette suppression. C'est que la jurisprudence du Conseil - 1976, 1993, 1995 -
est tout à fait constante. Saisi en décembre 1976, voici ce qu'il décide :
« Considérant que l'article 39 de la Constitution dispose,
in fine
, que
"les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l'Assemblée
nationale" ; qu'il est constant que l'article 16 prévoyant l'institution d'une
taxe sanitaire et d'organisation du marché des viandes a été soumis par le
Gouvernement pour la première fois devant le Sénat, sous forme d'amendement, et
que s'agissant d'une mesure financière entièrement nouvelle, il l'a été en
méconnaissance de l'article 39 susvisé de la Constitution ; ».
Vous pourrez m'opposer qu'il ne s'agit pas tout à fait de la même chose
puisqu'en matière de lois de finances et de lois de financement de la sécurité
sociale il n'y a pas de navette. Ici, il y en a, donc la question pouvait se
poser. Mieux vaut tout de même prendre des précautions et préciser que
l'application de cet article, s'il devient constitutionnel, n'empêchera pas le
Gouvernement d'exercer pleinement le droit d'amendement devant l'Assemblée
nationale. M. Méhaignerie a eu raison sur ce point.
Il subsiste un problème sur l'article lui-même. Que se passera-t-il lorsque le
Conseil constitutionnel sera saisi d'un projet qui initialement avait pour
principal objet l'organisation des collectivités territoriales mais qui, a
l'issue du vote des amendements, n'aura plus le même objet ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Exactement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le Conseil constitutionnel sera saisi et il sera obligé de constater que ce
n'est plus le principal objet.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Ce n'est pas le contenu.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Que fera-t-il ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela ouvre la porte à
un contentieux devant le Conseil constitutionnel. C'est une raison
supplémentaire de voter l'amendement de suppression de l'article 3.
Je voudrais ajouter qu'il sera de moins en moins possible à un gouvernement,
quel qu'il soit, d'organiser les travaux parlementaires en fonction de l'ordre
du jour de chacune des assemblées. C'est la raison pour laquelle il nous est
difficile de voter pour les amendements de nos amis communistes.
Il faut transformer le Sénat, nous en sommes d'accord. Toutefois, dès lors
qu'il y a deux chambres, nous ne pouvons pas empêcher le Gouvernement, en règle
générale, de déposer les projets de loi devant telle ou telle assemblée.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Sans reprendre les excellentes interventions des deux collègues qui m'ont
précédé, je voudrais dire que cette disposition est le type même de la
disposition sans intérêt ou véritablement sujette à nid à embrouilles !
Mes chers collègues, ou le Gouvernement expliquera qu'il use de la nouvelle
priorité, en ayant argumenté que le principal objet du texte est l'organisation
des collectivités territoriales, et il courra le risque de se faire contredire
par le Conseil constitutionnel...
MM. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois,
et René Garrec,
rapporteur.
Non !
M. Michel Charasse.
Monsieur Gélard, je suis ravi de vous entendre dire « non », parce que cela
signifie que le Conseil dira que cela n'a aucune importance !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois.
Voilà !
M. Michel Charasse.
Cela veut donc dire que l'on travaille pour rien !
Ou bien il n'expliquera rien et, dans ce cas-là, il choisira librement celle
des deux assemblées dans laquelle il veut commencer.
Simplement, s'il explique, il court le risque que je viens d'indiquer - M.
Gélard dit que non mais je ne suis pas convaincu, jusqu'à la première décision
du Conseil en tout cas - et il se privera, comme M. Dreyfus-Schmidt vient de le
rappeler très justement, d'user librement de son droit d'amendement à
l'Assemblée nationale en première lecture par l'application de la jurisprudence
sur les lois de finances, sur les dispositions entièrement nouvelles résultant
d'un amendement du Gouvernement déposé devant le Sénat. Par conséquent, je
trouve que c'est vraiment beaucoup de bruit pour rien.
J'ajoute que, s'il y a un doute, des chicaneries ou des problèmes, comme on
est dans un domaine concernant l'organisation administrative qui n'est pas
vraisembablement justiciable de l'article 40 de la Constitution, il pourra
toujours régler le problème en laissant sa majorité à l'Assemblée nationale
déposer une proposition de loi, accepter son inscription à l'ordre du jour et
l'affaire sera réglée.
Par conséquent, monsieur le président, si l'on pouvait accélérer le débat et
ne pas perdre notre temps sur des sujets qui ne servent à rien, ce serait
formidable !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP.
Nous sommes d'accord !
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 38.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 309 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Majorité absolue des suffrages | 154 |
Pour l'adoption | 111 |
Contre | 195 |
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3