SEANCE DU 9 DECEMBRE 2002
M. le président.
L'amendement n° II-127, présenté par MM. Domeizel, Besson, Guérini, Journet,
Picheral, Piras, Rouvière, Sutour, Teston, Vezinhet et Vidal, est ainsi libellé
:
« Après l'article 58
decies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« Après l'article 1395 B du code général des impôts, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art.
... - A compter du 1er janvier 2003, les conseils municipaux,
généraux et régionaux et les organes délibérants des établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent exonérer, chacun pour sa
part, de taxe foncière sur les propriétés non bâties les terrains, agricoles ou
non, plantés en oliviers.
« La délibération devra intervenir au plus tard le 1er juillet de l'année
précédente. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Permettez-moi d'apporter, mes chers collègues, une note méridionale au projet
de loi de finances pour 2003 en évoquant l'arbre qui caractérise le climat
méditerranéen : l'olivier.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Claude Domeizel.
On connaît l'intérêt économique et environnemental de cet arbre ainsi que la
satisfaction qu'il suscite auprès des touristes. Les champs d'oliviers
présentent également un intérêt souvent méconnu : ils servent de pare-feu,
comme ils en ont fait souvent et encore récemment la preuve.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'adopter cet amendement
symbolique, en signe d'encouragement pour les oléiculteurs. Il constituerait
une modeste reconnaissance de leur travail.
Cet amendement propose, afin d'inciter à la préservation et à la plantation
d'oliviers, que les collectivités locales puissent facultativement exonérer les
terrains plantés en oliviers de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
C'est d'ailleurs un dispositif qui a été mis en place pour les chênes
truffiers.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si je ne m'abuse, les départements et les régions ne
perçoivent plus la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
M. Michel Charasse.
Voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Dès lors, il faut supprimer la mention des conseils «
généraux et régionaux », dans le texte de l'amendement.
Cela étant dit, cet amendement est apparu sympathique à la commission des
finances ; il nous apporte à la fois du soleil et le sentiment de la
durée,...
M. Paul Loridant.
Longue vie !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... puisque l'olivier est le seul arbre qui soit
synonyme de sagesse millénaire. Il y a dans cette salle, comme un peu partout
dans le Sénat, des rameaux d'olivier, et c'est bien sous ce signe que nous
délibérons.
De ce fait, comment rester insensible à l'intention des auteurs de
l'amendement, surtout s'ils prévoient, par ce moyen, de mettre en place un
nouveau dispositif de prévention des incendies ?
Il s'agit d'une exonération facultative laissée à la libre décision des
assemblées locales. Sur ce plan, le principe d'autonomie est donc pleinement
respecté.
Monsieur le ministre, sous réserve de petites améliorations rédactionnelles
qui doivent pouvoir être apportées d'ici à la réunion de la commission mixte
paritaire, la commission s'est estimée fondée à émettre un avis de sagesse.
M. Paul Loridant.
Ah !
M. le président.
Monsieur Domeizel, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur
général ?
M. Claude Domeizel.
J'y suis favorable, monsieur le président, et je rectifie mon amendement en ce
sens.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° II-127 rectifié, présenté par MM.
Domeizel, Besson, Guérini, Journet, Picheral, Piras, Rouvière, Sutour, Teston,
Vezinhet et Vidal, ainsi libellé :
« Après l'article 58
decies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« Après l'article 1395 B du code général des impôts, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art.
... - A compter du 1er janvier 2003, les conseils municipaux et
les organes délibérants des établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre peuvent exonérer, chacun pour sa part, de
taxe foncière sur les propriétés non bâties les terrains, agricoles ou non,
plantés en oliviers.
« La délibération devra intervenir au plus tard le 1er juillet de l'année
précédente. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
En écoutant la plaidoirie de M. Domeizel, nous sommes
immédiatement sous le charme de la belle région qu'il représente dans cette
assemblée.
Toutefois, la difficulté provient de ce qu'une telle demande en appelle
d'autres pour d'autres types de cultures classées dans la même catégorie.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Tout à fait !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pourquoi, monsieur le rapporteur général, ne pas
envisager une telle mesure en faveur des abricotiers, des amandiers, des
cerisiers voire des châtaigniers ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce serait un investissement moins durable, monsieur
le ministre, mais, pour les châtaigniers, cela peut se discuter !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ceux qui pratiquent ces cultures auraient probablement
des raisons dignes d'intérêt de solliciter un même avantage, et la fiscalité
locale se transformerait en une juxtaposition de mesures ponctuelles sans aucun
lien entre elles, mais qui permettraient sans doute de faire découvrir la
nature.
Je ne veux pas cacher que, dans le code général des impôts, est en effet prévu
un dispositif d'exonération temporaire pour les terrains nouvellement plantés
en noyers...
M. Michel Charasse.
Absolument !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
... et les terrains plantés en arbres truffiers.
Toutefois, ces mesures datent de plus de dix ans !
M. Michel Charasse.
Merci, c'est moi qui les ai fait voter !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
C'était la belle époque de la taxe foncière sur les
propriétés non bâties, qui n'avait pas encore été allégée.
Le Gouvernement, après avoir fait ce parcours nature, est donc conduit...
M. Michel Charasse.
Allez, sagesse !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
... à émettre un avis défavorable, étant entendu que la
Haute Assemblée, depuis le début de notre discussion, a toujours accueilli les
avis du Gouvernement avec beaucoup d'attention, mais qu'elle n'en a gardé que
ce qui lui semblait bon !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je ne vais pas tenter de
convaincre le ministre...
M. Michel Charasse.
Lui, c'est les pommiers !
(Sourires.)
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Mais ne faudrait-il pas préciser
que l'avis favorable préalable du service départemental d'incendie et de
secours sera nécessaire pour le choix des arbres susceptibles de constituer un
barrage à la propagation des incendies ?
(Murmures sur plusieurs travées.)
M. Michel Charasse.
Non seulement on supprime une recette fiscale, mais on ne pourra plus payer
les pompiers !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
M. le rapporteur général a
indiqué que la décision appartenait aux communes qui en subiront directement
les conséquences. Toutefois, cet amendement ne contribue sans doute pas à la
simplification de notre législation fiscale.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Ce n'est pas raisonnable !
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant.
Je ne saurais laisser passer un amendement sur l'olivier sans rappeler - nous
sommes tout de même au Sénat - que l'olivier est le symbole du corps
préfectoral, lequel n'est pas synonyme de décentralisation. Ce faisant, nous
renforçons le corps préfectoral dans ses compétences puisque, je vous le
rappelle, des rameaux d'olivier figurent sur l'uniforme de tout préfet et
sous-préfet.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce n'est pas un amendement sur l'uniforme des
préfets, tout de même !
M. Paul Loridant.
En outre, si cet amendement était adopté, je souhaite que les communes qui
prendraient de leur propre chef la décision d'exonérer les plantations
d'oliviers ne viennent pas ensuite revendiquer, au titre de difficultés
diverses, les aides de l'Etat.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je voudrais essayer de convaincre notre collègue M. Domeizel de retirer son
amendement ; ce dernier ouvre en effet la voie à toutes sortes d'initiatives
qui aboutissent à un droit fiscal différencié suivant les territoires. Ainsi,
les oliviers ne poussent pas très bien dans les Landes et ne pourront donc pas
être utilisés comme pare-feu. La mesure proposée pourra bien évidemment
s'appliquer en Corse, mais il faudra tout de même préciser que les plantations
devront être entretenues pour éviter que le feu ne se propage du fait des
broussailles.
L'adoption de l'amendement aboutirait à un système fiscal différencié suivant
les territoires, sur l'initiative des communes, et provoquerait certainement
l'extension du dispositif à d'autres types de plantation.
Nous sommes ici pour légiférer en matière de droit fiscal. Il ne me paraît
donc pas raisonnable que le Parlement adopte de telles dispositions.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Comme le rappelait le ministre Alain Lambert, voilà un peu plus d'une dizaine
d'années - j'occupais à l'époque le banc du Gouvernement -, les plantations de
noyers, puis de truffiers, ont été exonérées exactement dans les mêmes
conditions, au terme d'un débat analogue.
M. Yves Fréville.
Les mûriers également !
M. Michel Charasse.
Je n'étais plus là pour les mûriers, mais il y a eu effectivement toute la
série.
Je me souviens très bien avoir eu, à l'époque, exactement la même réaction
qu'Alain Lambert.
Sauf que, mes chers collègues, il faut aussi être réaliste. La mesure qui est
proposée par M. Domeizel - on peut en penser évidemment ce qu'on veut, et M.
Lachenaud n'a pas forcément eu tort d'intervenir dans le sens où il est
intervenu - est laissée, comme le disait le rapporteur général, à l'entière
discrétion du conseil municipal ou du conseil de l'intercommunalité. Par
conséquent, s'ils perdent une recette, c'est leur affaire.
En outre, pourquoi avais-je eu la faiblesse d'accepter cette mesure pour les
noyers et les truffiers ? Parce que la perte de recettes était tout simplement
minable ! Lorsqu'on connaît le montant des évaluations foncières en ce qui
concerne le non-bâti, si l'on considère, comme le rappelait fort justement le
rapporteur général tout à l'heure, qu'il n'y a plus ni part départementale ni
part régionale, c'est un cadeau qui est
peanuts
et compagnie,
c'est-à-dire qui ne représente rien ou pas grand-chose !
M. François Trucy.
Alors, il ne rime à rien !
M. Michel Charasse.
Par conséquent, pour une fois qu'on a la possibilité de faire plaisir à une
catégorie sans que cela coûte vraiment cher, et avec le consentement de ceux
qui perdent la recette, je ne vois pas pourquoi on s'en priverait.
Quant au corps préfectoral, monsieur Loridant, je considère qu'il est
nécessaire à l'Etat.
M. Paul Loridant.
Moi aussi !
M. Michel Charasse.
Aussi, je me garderai bien de le critiquer, surtout à un moment où on a besoin
d'un Etat, et d'un Etat fort.
Je rappellerai que notre ancien collègue Alexandre Sanguinetti écrivait dans
ses mémoires que les étrangers débarquant en France étaient étonnés par les
préfets, et surtout par leur tenue. L'amiral de Gaulle ne m'en voudra pas, mais
M. Sanguinetti disait qu'à l'étranger on les prenait pour des sortes d'amiraux,
et, pire, pour des amiraux sud-américains, genre amiraux de républiques
bananières ! Il faut dire que c'était à l'époque des opérettes de Luis
Mariano.
En tout cas, le rameau d'olivier est une belle chose sur la tenue du corps
préfectoral. Il n'est pas imposable sur la tenue du corps préfectoral ;
pourquoi voulez-vous qu'il le soit dans les petites communes qui souhaitent
l'exonérer ?
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville.
Je voterai cet amendement. Il est clair que le potentiel fiscal de ces
communes ne sera pas diminué du fait de ces exonérations.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-127 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. Paul Loridant.
Bravo !
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 58
decies.
Article 58 undecies