SEANCE DU 6 DECEMBRE 2002
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs,
II. - Urbanisme et logement.
La parole est à M. Bernard Piras, rapporteur pour avis.
M. Bernard Piras,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'urbanisme.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, comme toutes les politiques de long terme, la politique de
l'urbanisme ne se prête ni à des annonces spectaculaires ni à des « effets de
manches ». Elle a cependant une incidence déterminante sur la vie quotidienne
de nos concitoyens.
Tout en adoptant les crédits qui y sont consacrés par le projet de loi de
finances - contrairement à l'avis défavorable que j'avais émis -, mes collègues
de la commission des affaires économiques et du Plan m'ont chargé, dans le
cadre de la nouvelle procédure budgétaire, de vous poser, monsieur le ministre,
diverses questions et de me faire l'interprète de plusieurs préoccupations.
En ce qui concerne l'évolution des crédits, nous constatons une diminution
aussi bien en dépenses ordinaires et autorisations de programme qu'en dépenses
ordinaires et crédits de paiement. Cette diminution touche notamment les lignes
destinées aux acquisitions foncières. Chacun s'accordant à souligner
l'importance d'une politique d'achat de terrains par anticipation, afin de
lutter contre la spéculation, je ne peux que m'étonner de cette diminution
notable des crédits. Elle porte atteinte à la continuité et à la crédibilité de
la politique foncière de notre pays. Comment le Gouvernement la justifie-t-il
?
La deuxième série de questions concerne l'élaboration des documents
d'urbanisme.
Commençons par les documents d'urbanisme décentralisés, puisque vous savez que
plus des quatre cinquièmes des autorisations de construire sont désormais
accordés par les collectivités locales. La loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains a relancé le mouvement de planification urbaine avec
l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux
d'urbanisme. Or, qu'observe-t-on s'agissant des financements ?
Bien que soit posé le principe d'une égalité entre les transferts de
ressources et les transferts de charges, les communes se trouvent dans
l'obligation d'élaborer des documents coûteux - un plan local d'urbanisme coûte
plus de 45 000 euros -, alors même que l'Etat n'accroît pas les aides destinées
à leur permettre de réaliser ces documents, notamment dans les petites
communes.
Je saisis d'ailleurs cette occasion pour vous demander au nom de tous mes
collègues, monsieur le ministre, d'adresser des instructions à vos services,
qui semblent parfois considérer que le plan d'aménagement et de développement
durable, qui fixe les orientations principales des PLU, doit être aussi
détaillé pour les petites communes que pour les grandes agglomérations. Telle
n'était pourtant par l'intention du législateur lorsqu'il a établi cette
procédure !
J'observe, au surplus, s'agissant du cas particulier des cartes communales,
que celles-ci ne permettent toujours pas d'utiliser des procédures telles que
le droit de préemption, alors même qu'il serait très utile dans de nombreuses
communes rurales. Que comptez-vous faire à ce sujet ?
J'en viens aux documents élaborés par l'Etat. Quel est, monsieur le ministre,
le contenu du décret portant application des dispositions de la loi « littoral
» aux estuaires ? Quand sera-t-il publié ? Les élus locaux ou leurs
représentants ont-ils été consultés dans les principales zones intéressées ?
A-t-on une idée de l'incidence, directe ou indirecte, de ce décret sur la
possibilité de réaliser des infrastructures ou d'urbaniser ? Sur ce point, il
est nécessaire de calmer les inquiétudes qui se font jour.
Les directives territoriales d'aménagement, dont le Sénat a imaginé, en 1995,
le régime sur la base d'une proposition du Conseil d'Etat, se font toujours
attendre, alors même qu'elles ont toutes été lancées entre 1996 et 1997. Vous
comprendrez, même si je ne la partage pas totalement, la surprise manifestée
par certains de nos collègues qui constatent que l'Etat, qui veut inciter les
communes et leurs établissements publics à élaborer des schémas de cohérence
territoriale, s'avère incapable de publier, dans un délai raisonnable, les
directives territoriales d'aménagement.
J'en viens enfin à la situation des deux agences des cinquante pas
géométriques dans les départements d'outre-mer et de l'établissement public de
l'aménagement de la Guyane. Si j'en crois les informations dont je dispose, les
premières ont pris beaucoup de retard et ne disposent guère de moyens. Quant au
second, il n'est manifestement pas doté des ressources financières qui lui
permettraient de mener à bien sa mission. Quand on sait l'importance des outils
d'aménagement foncier dans la gestion de l'espace, on ne peut que s'interroger
sur les mesures à prendre pour faciliter l'action de ces institutions.
Je vous remercie, par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous
voudrez bien me donner.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour le logement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le budget du logement et de l'urbanisme pour l'année 2003 est en
baisse de 3,5 % et s'établit en moyens d'engagement à 7,28 milliards d'euros,
même si les moyens de paiement sont stables.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Ah !
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Dès votre premier exercice budgétaire, vous
affichez donc, monsieur le ministre, les orientations du Gouvernement en
matière de politique du logement pour les cinq prochaines années.
Ce budget n'est pas le budget de reconduction ou de consolidation que certains
nous présentent. Il est plutôt un budget de transition vers un début de
désengagement de l'Etat des politiques publiques en faveur du logement.
Vraisemblablement, ce désengagement a lieu au profit des collectivités locales.
Peut-on parler de profit, d'ailleurs ? Nous le saurons bientôt, mais à quels
coûts et pour quels objectifs ?
Il existe, certes, ici ou là, je vous l'accorde, des lignes budgétaires pour
lesquelles vous jugez malgré tout que l'Etat doit jouer pleinement son rôle.
Pour autant, je rappelle que le logement ne doit pas être oublié, comme le
sont l'éducation ou la recherche, alors que nous sommes dans une période
d'incertitude économique - il faut en prendre acte - et, surtout, dans une
période où vous faites le choix de donner tous les moyens budgétaires et
financiers aux forces répressives, alors que vous savez comme moi, monsieur le
ministre, que le logement constitue un des principaux éléments d'ancrage d'une
vie sociale réussie en même temps qu'il est un formidable outil de
développement et d'aménagement pour nos villes.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, les orientations de votre projet de
budget pour 2003 sont inquiétantes pour l'ensemble des acteurs du logement et
pour les Français les plus défavorisés.
J'évoquerai dans un premier temps la baisse de 50,1 millions d'euros des
crédits alloués à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et ses
conséquences.
Croyez-vous, monsieur le ministre, que l'ANAH peut assurer sa mission dans son
ensemble alors qu'un million de logements ne présentent pas des conditions de
salubrité décentes, 300 000 d'entre eux n'ayant même aucune installation
sanitaire ?
Par ailleurs, je tiens à redire ici que nous avons tous dans nos villes des
îlots d'insalubrité. Nous devons collectivement en prendre conscience, car
cette situation ne devrait plus exister au xxie siècle, et tout mettre en
oeuvre pour éradiquer ce fléau. C'est d'ailleurs à ce titre que nous avons
favorisé la création de la grande ANAH.
Il s'agit donc ici d'assurer à l'ANAH les moyens de son fonctionnement et de
son développement.
Monsieur le ministre, je vous demande officiellement d'abonder la ligne
budgétaire de l'ANAH afin de lutter efficacement contre l'insalubrité, qui
fragilise une population déjà touchée par d'autres handicaps sociaux.
J'ajoute que, de cette façon, vous redonneriez confiance aux acteurs engagés
dans la réhabilitation.
Le second volet de mon intervention concerne les crédits affectés aux aides à
la personne, en particulier aux mesures d'économie ciblées sur les jeunes et
les étudiants.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je m'étonne que vous n'ayez pas prévu dans
ce projet de budget la traditionnelle revalorisation du 1er juillet.
Allez-vous, comme cette année, geler l'augmentation, puis revenir sur votre
décision en fin d'exercice, par une mesure rétroactive financée sur le budget
de l'année suivante ? Est-ce déjà un signe d'incertitude budgétaire ? Ce serait
inquiétant...
Je le rappelais précédemment, nous sommes dans une situation économique
inconfortable. Le nombre de demandeurs d'emploi stagne, mais il me semble que
l'éventuel ralentissement de la conjoncture économique et ses effets sur
l'augmentation des besoins financiers n'ont pas été pris en compte dans le
projet de budget. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, monsieur le
ministre, si la situation se détériore ?
Dans le même registre, les mesures d'économie réalisées sur les aides
personnelles, soit près de 103 millions d'euros, portent essentiellement sur
les jeunes et les étudiants. Je m'interroge donc sur l'utilité d'une telle
économie quand on connaît les difficultés rencontrées par ces deux catégories
de bénéficiaires.
Est-ce trop demander à ce gouvernement que d'assurer aux étudiants des
conditions acceptables d'études, d'aider les jeunes ménages à s'installer et de
permettre à tous les jeunes d'être, enfin, autonomes ?
Enfin, monsieur le ministre, le fonds de solidarité pour le logement ne fait
pas partie, lui non plus, des instruments que vous jugez utiles dans une
politique du logement pour tous, même s'il est vrai qu'une nouvelle fois tous
les crédits n'ont pas été consommés, et je le regrette.
Baisser les crédits alloués à ce formidable outil d'accompagnement social,
c'est casser ce qui marche, alors que nous savons qu'il suffit de modifier son
fonctionnement afin que tous les crédits mobilisés soient consommés.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, j'exprime, à titre personnel,
les plus vives craintes quant aux évolutions des crédits alloués aux aides
personnelles pour l'année 2003.
Par ailleurs, je salue l'objectif de 54 000 constructions de logements sociaux
cette année et l'augmentation de 15 millions d'euros de la ligne fongible, mais
je m'interroge sur la baisse de la dotation affectée à la destruction de
logements alors que votre collègue, M. Borloo, a annoncé un objectif de 200 000
destructions sur cinq ans. Je souhaiterais donc connaître le véritable projet
du Gouvernement en la matière.
J'ajoute qu'en ce qui concerne les financements de l'Etat pour la réalisation
des opérations en fin d'année, les crédits sont, semble-t-il, gelés ou
reportés.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Vous avez tort !
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre,
sur le soutien de l'Etat dans la réalisation de l'objectif 2002 ?
Enfin, comment ne pas évoquer les récentes annonces portant sur le retour dans
le droit commun des logements de la loi de 1948, qui suscite, à juste titre,
une vive inquiétude de la part des personnes âgées ?
Comment ne pas évoquer, aussi, la modification de la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains qui casse toute la dynamique de
construction de logements sociaux ?
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas l'avis de la commission. C'est le vôtre
!
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Après toutes ces attaques portées au logement
social et
de facto
aux populations en attente d'un logement, pouvez-vous
au moins, monsieur le ministre, nous rassurer quant au maintien de la taxe sur
les logements vacants instaurée par la loi de lutte contre les exclusions ?
Pour conclure, je ne vois donc pas de solution dans ce budget pour les
millions de Français qui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires ou, tout
simplement, qui sont à la recherche d'un logement décent pour vivre.
C'est pourquoi, en tant que rapporteur pour avis, j'ai proposé d'émettre un
avis défavorable. Pour autant, je dois le reconnaître, la commission des
affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits
consacrés au logement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003, et
je tenais à vous en rendre compte.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Je veux rappeler que les rapporteurs pour avis, comme
les rapporteurs au fond, doivent exprimer la position de leur commission : les
observations personnelles n'ont pas leur place dans la présentation d'un
rapport à la tribune et peuvent être exprimées en d'autres circonstances !
M. Marcel-Pierre Cleach.
Absolument !
M. le président.
Chacun assume ses responsabilités.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
En vingt-cinq ans, je n'avais jamais vu cela !
M. le président.
La parole est à Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Henneron,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement
social.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
depuis plusieurs années, la crise de la construction accentue la pénurie de
logements, laquelle affecte particulièrement les ménages disposant de
ressources modestes.
Ainsi, à partir des éléments du recensement de 1999, l'INSEE évalue la demande
potentielle à près de 350 000 logements par an.
Ce problème est aggravé par le nombre important de logements vacants dans le
parc locatif social, nombre estimé à près de 130 000 au 31 décembre 2000.
Cette année, la conjoncture économique défavorable impose au Gouvernement de
sélectionner ses priorités avec une grande rigueur. L'effort budgétaire, les
crédits de paiement restant stables à 7,3 milliards d'euros, traduit cette
contrainte.
Fort de l'idée qu'il est possible de « dépenser moins pour dépenser mieux »,
le Gouvernement concentre ses moyens sur deux priorités : le développement de
l'habitat et le renouvellement urbain.
Ainsi, les crédits en faveur de la construction et de la réhabilitation sont
portés à 435 milions d'euros, soit une augmentation de près de 9 %, afin de
permettre la réalisation effective de 54 000 logements en 2003, auxquels
devraient s'ajouter 100 000 réhabilitations au titre de la PALULOS, de façon à
satisfaire les besoins de rénovation du parc HLM, 70 % des logements datant de
plus de vingt ans.
L'efficacité de ce projet de budget peut également être jugée à l'aune des
acquis consolidés : les aides à la personne et la qualité des services dans les
quartiers.
Les aides personnelles en faveur des ménages modestes représentent 73 % du
budget du logement, soit 5,2 milliards d'euros, et bénéficient à plus de six
millions d'allocataires.
La consolidation des crédits affectés aux fonds de solidarité pour le logement
et le triplement des moyens alloués à la qualité des services dans les
quartiers sont en outre un gage du renforcement de la solidarité.
La commission des affaires sociales est particulièrement attentive à
l'application du principe de solidarité et se félicite à cet égard de ce que le
Gouvernement ait choisi de relever le défi de la lutte contre les exclusions
dans le domaine du logement.
Au titre de premier effort, l'accent est mis sur la résorption de l'habitat
insalubre, notamment par l'amélioration de l'efficacité de la lutte contre le
saturnisme.
En effet, la diminution des moyens affichés en 2003 en faveur de la lutte
contre le saturnisme ne fait que prendre acte d'un phénomène récurrent : la
très faible consommation des crédits du fait de la complexité des
procédures.
Il était donc urgent de clarifier les compétences, d'alléger les procédures
et, surtout, de définir un acteur unique de la politique de lutte contre
l'insalubrité, pour que celle-ci soit enfin efficace.
L'autre grand chantier qui s'ouvre, pour le Gouvernement, est celui du
développement d'une politique ambitieuse d'intervention en faveur du parc
privé, qui favoriserait l'accession sociale à la propriété et renforcerait les
opérations de réhabilitation.
On peut toutefois regretter que le projet de budget pour 2003 n'ait pu prévoir
un effort plus important dans ce domaine. En effet, malgré son efficacité, le
dispositif du prêt à taux zéro n'est pas suffisamment encouragé, comme nous
avons d'ailleurs pu le regretter ces dernières années.
Aussi ma première question portera-t-elle, monsieur le ministre, sur l'avenir
du prêt à taux zéro, dont les plafonds, vous le savez, n'ont pas évolué depuis
1997, et, plus largement, sur les mécanismes que vous comptez développer ou
mettre en place pour favoriser l'accession des ménages les plus modestes à la
propriété.
En revanche, la commission des affaires sociales ne peut que se féliciter de
l'initiative que vous avez prise, lors du débat à l'Assemblée nationale, de
majorer substantiellement les crédits de paiement et les autorisations de
programme de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.
En effet, à l'heure où les pouvoirs publics cherchent à favoriser le logement
locatif et où la fin programmée de l'application de la loi de 1948 pourrait
également entraîner des besoins accrus en termes de réhabilitation, le rôle de
l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat est plus que jamais amené à
se développer.
Enfin, ce projet de budget pour 2003 doit être apprécié dans la perspective de
l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du renouvellement
urbain, qui a fait l'objet, le 30 octobre dernier, d'une communication de M.
Jean-Louis Borloo en conseil des ministres.
En outre, le projet de loi portant diverses dispositions relatives à
l'urbanisme, à l'habitat et à la construction revient sur plusieurs
dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Dans ce cadre, une réflexion vaut également d'être engagée, plus précisément
sur l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000.
Ma seconde question portera sur la prise en compte des différents types de
logements sociaux laissés volontairement de côté par le précédent gouvernement
pour des raisons idéologiques et qui, de ce fait, n'entrent pas dans le fameux
quota de 20 %.
Je sais que vous avez estimé l'opération complexe lors de l'examen de la
proposition de loi de mon collègue Dominique Braye, discutée le 12 novembre
dernier au Sénat.
Mais le débat au sein de la commission des affaires sociales a fait apparaître
la préoccupation de nombre de mes collègues, qui s'inquiètent, avec raison,
d'une véritable injustice.
Certaines de nos communes supportent en effet la charge d'un habitat social
plus étendu que celui du parc HLM au sens strict, composé de logements sociaux
de type PLI - prêt locatif intermédiaire - ou relevant du régime de l'accession
sociale à la propriété, qui leur posent les mêmes difficultés économiques et
sociales que le parc classique. Mais l'absence de prise en compte de ces
logements dans le quota de 20 % pénalise ces communes.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, présente, à bien des égards, les
caractéristiques d'un budget de transition. Il ne peut répondre, par
conséquent, à toutes les attentes, mais la priorité qu'il donne à l'efficacité
est le gage d'une ambition nouvelle et salutaire pour la politique du
logement.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis favorable
sur les crédits relatifs au logement social.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je
tiens tout d'abord à remercier les rapporteurs d'avoir souligné l'importance de
l'urbanisme et de la politique du logement dans notre pays pour la vie
quotidienne des Français. Certes, s'agissant d'une compétence décentralisée
depuis maintenant près de vingt ans, les crédits d'Etat affectés à l'urbanisme
sont peut-être modestes, mais le rôle de l'Etat ne se situe pas là : dans ce
domaine, le montant des crédits ne reflète pas l'importance des objectifs.
J'indiquerai à M. Piras que la baisse des crédits consacrés à l'aménagement et
à l'action foncière s'explique essentiellement par le retour progressif au
droit commun des villes nouvelles, et surtout par l'existence de reports
importants, dus aux retards de mise en oeuvre des actions foncières inscrites
pour la première fois dans les contrats de plan Etat-région.
En ce qui concerne le soutien aux collectivités pour l'élaboration des
documents d'urbanisme, les crédits correspondants sont maintenant intégrés à la
dotation globale de décentralisation, au sein des crédits du ministère de
l'intérieur. Il est donc normal, monsieur Piras, que vous ne les retrouviez pas
dans mon projet de budget.
J'évoquerai brièvement le projet d'aménagement et de développement durable, le
PADD. Ce document n'a pas vocation à être lourd et coûteux, comme tant d'autres
; il doit être un simple document de présentation et permettre un « débat
d'orientation d'urbanisme », un peu comme se tient un débat d'orientation
budgétaire avant le vote du budget dans une collectivité locale. En tout cas,
le Gouvernement traite de ce sujet dans le projet de loi portant diverses
dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, que le
Sénat étudiera prochainement.
Le droit de préemption urbain s'applique, en effet, uniquement dans les zones
urbaines ou d'urbanisation future des POS et des PLU. Le droit de préemption
constitue une atteinte très forte au droit de propriété, et il ne me semble
donc pas excessif de limiter les possibilités de le faire jouer.
Je suis bien sûr conscient des difficultés liées au décret « estuaires ». Le
Gouvernement travaille à celui-ci en vue d'une publication qui interviendra
dans les prochaines semaines, sinon dans les prochains jours.
S'agissant des établissements fonciers d'outre-mer, je suis ce dossier avec ma
collègue Brigitte Girardin, la ministre de l'outre-mer. En particulier, les
crédits de l'Etat qui permettent à l'Etablissement public d'aménagement de la
Guyane de mener son action sont inscrits à son budget et leur utilisation est
placée sous sa responsabilité.
Quant à la durée d'existence des deux agences qui ont été évoquées, je suis
ouvert à l'idée de la prolonger jusqu'en 2011. S'agissant de leurs ressources,
c'est-à-dire d'un éventuel relèvement du plafond de la taxe spéciale
d'équipement, la TSE, il semble opportun d'attendre que des programmes
finalisés d'équipement de la zone des cinquante pas géométriques soient
définis, afin de pouvoir alors apprécier s'il convient ou non d'accroître cette
ressource fiscale.
J'en viens maintenant aux crédits du logement.
Comme vous le savez, monsieur Mano, les marges de manoeuvre qui étaient
disponibles cette année, au moment de l'élaboration du projet de loi de
finances, n'ont pas permis, comme je l'aurais souhaité, de relancer le
dispositif du prêt à taux zéro, qui continue à bien fonctionner. Mme Henneron,
dans son rapport établi au nom de la commission des affaires sociales, regrette
également qu'un effort supplémentaire n'ait pas été consenti en faveur du prêt
à taux zéro.
M. Mano, pour sa part, a insisté sur l'efficacité économique et sociale du
prêt à taux zéro. Je suis entièrement d'accord avec lui, et je puis assurer au
Sénat que la suppression de ce dispositif n'est absolument pas d'actualité. Les
conclusions de l'évaluation conjointe menée en 2001 par l'Inspection générale
des finances, le Conseil général des ponts et chaussées et le directeur de
l'Agence nationale d'information sur le logement sont d'ailleurs très
favorables au maintien de ce produit. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé,
dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, de maintenir les moyens
d'assurer la distribution d'environ 102 000 prêts en 2003, ce qui n'est pas
négligeable. Cela représentera une légère progression par rapport aux années
2001 et 2002.
Si les crédits figurant dans le projet de loi de finances, avec 778 millions
d'euros pour le seul prêt à taux zéro, sont en recul, c'est parce que le coût
unitaire de chaque prêt a diminué, en raison de la baisse des taux d'intérêt,
qui entraîne une moindre compensation de la part de l'Etat. Il s'agit là d'un
effet mécanique, cela ne signifie pas que l'on distribuera moins de prêts à
taux zéro.
Par ailleurs, il ne suffit pas, monsieur Mano, de prévoir des crédits pour
qu'ils soient consommés ; il y faut aussi une volonté politique de tous les
instants. Alors que le précédent gouvernement avait affiché un objectif de 30
000 logements démolis par an, leur nombre n'a jamais atteint 10 000, et il ne
dépassera pas, selon les prévisions que l'on peut établir en ce mois de
décembre, 8 000 en 2002. La politique volontariste élaborée par mon collègue
Jean-Louis Borloo commencera à porter ses fruits en 2003, c'est pourquoi le
projet de budget prévoit des crédits pour quelque 12 000 démolitions, niveau
jamais atteint jusqu'à présent. Bien sûr, ce n'est que les années suivantes que
le plan prendra toute son ampleur.
La loi de 1948, qui était indispensable lors de sa promulgation à la
Libération, entraîne aujourd'hui, il ne faut pas le cacher, des effets pervers.
On a manqué de courage, dans le passé, devant ce qui constitue l'une des
dernières survivances de l'économie administrée, puisque l'Etat fixe tous les
ans les loyers de façon quasi uniforme sur l'ensemble du territoire.
L'insuffisance de rémunération a inévitablement amené une absence d'entretien
et, parfois, le développement d'un habitat insalubre. Le Gouvernement souhaite,
par conséquent, un retour au droit commun de ces logements, afin qu'ils
puissent être correctement entretenus, pour le plus grand profit des
locataires.
Ce mécanisme de retour au droit commun devra être progressif, et sa mise en
oeuvre devra donc s'étaler sur plusieurs années. Une remise aux normes du
confort des logements concernés devra être assurée par les propriétaires, comme
je l'ai bien spécifié. Cela étant, je n'envisage pas que le mécanisme de sortie
du dispositif de la loi de 1948 s'applique aux personnes à revenus modestes ou
aux personnes âgées qui vivent souvent depuis de nombreuses années dans ces
logements.
J'examine avec l'ANAH quelles dispositions pourraient permettre d'attribuer
des aides pour les travaux de remise aux normes des logements que je viens
d'évoquer. J'organiserai une concertation avec les représentants des locataires
et des propriétaires privés pour négocier les modalités techniques et
juridiques d'un tel processus.
Mme Françoise Henneron estime que, au-delà des crédits affichés par la loi de
finances, il est nécessaire de clarifier les compétences, d'alléger les
procédures et surtout de désigner un acteur unique de la politique de lutte
contre l'insalubrité, pour que celle-ci soit efficace.
J'ai également relevé l'intérêt porté par M. Jean-Yves Mano à la procédure de
résorption de l'habitat insalubre, laquelle, il faut bien le reconnaître, avait
été quelque peu négligée ces dernières années.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, a
refondu la loi Vivien de 1970, simplifié les procédures et clarifié les
responsabilités. Peut-être faut-il aller plus loin, et je souhaiterais vivement
que vous me fassiez part de vos suggestions et de vos avis sur ce sujet.
D'un point de vue opérationnel, j'ai voulu, dès mon arrivée au ministère,
l'ouvrir le chantier de la simplification et de l'amélioration des financements
prévus pour les opérations de résorption de l'habitat insalubre. Les mesures
correspondantes entreront en vigueur très prochainement, puisque la circulaire
devrait être signée au début de l'année 2003.
Par ailleurs, j'ai fait de la lutte contre l'insalubrité l'un des principaux
axes du volet relatif au logement du plan de renforcement de la lutte contre
les exclusions que j'ai présenté aux associations et à la presse le 5 novembre
dernier.
Je voudrais maintenant assurer M. Mano, qui s'est inquiété de l'« évolution
négative des aides à la personne ». Le Gouvernement a décidé de revaloriser au
1er juillet 2002, donc avec un effet rétroactif portant sur deux ou trois mois,
les barèmes des aides personnelles, pour un coût budgétaire de 145 millions
d'euros en 2003, contre 128 millions d'euros en 2002 et 86 millions d'euros en
2001 : vous avez donc eu tort, monsieur Mano, de parler d'une réduction des
aides à la personne ; il s'agit, au contraire, d'une très forte augmentation en
valeur absolue.
Enfin, la taxe sur les logements vacants, la TLV, créée en 1998, s'applique
aux logements laissés volontairement inoccupés depuis au moins deux ans et
situés dans des agglomérations où la demande de logements est forte. Il n'est
pas, pour l'heure, dans les intentions du Gouvernement de modifier ce
dispositif. Le fait que le rendement de cette taxe soit limité montre qu'elle
joue un rôle dissuasif - ou incitatif, j'ignore quel est l'adjectif le plus
adéquat !
En tout cas, j'ai la volonté de mobiliser toutes les énergies pour remettre
sur le marché des logements du parc privé, grâce à cette taxe et aux
majorations de subventions accordées par l'ANAH en cas de remise sur le marché
de logements vacants.
Mme Henneron et M. Mano ont également évoqué l'article 55 et la mixité
sociale. Le Sénat a examiné une proposition de loi de la commission des
affaires économiques tendant à modifier la loi SRU, notamment l'article 55 de
celle-ci, qui a été transmise à l'Assemblée nationale le 13 novembre dernier.
Pour ma part, j'ai toujours indiqué que j'étais favorable à la mixité sociale
et à la diversité de l'habitat, qui font, me semble-t-il, l'objet d'un
consensus sur les travées de la Haute Assemblée. Je persiste à penser qu'un
dispositif fondé sur la confiance que l'on accorderait aux élus locaux serait
plus efficace, plus performant et devrait permettre de réaliser au moins
autant, sinon davantage, de logements sociaux qu'actuellement dans des
quartiers ou des communes qui ont grand besoin d'un certain rééquilibrage.
C'est en ce sens que le Gouvernement entend travailler avec les élus et avec
les milieux associatifs, pour que la mixité sociale et la diversité du logement
ne soient pas de simples slogans.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser
sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que
l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du
logement est toujours dominé, en termes de masse financière, par les crédits
destinés aux aides à la personne. C'est naturellement une bonne chose, car le
logement compte parmi les premières priorités de nos concitoyens. A ce titre,
il est fondé de favoriser les dispositifs visant à faciliter l'accès au
logement.
Sans méconnaître les enjeux relatifs aux aides personnelles, je souhaite en
fait vous interroger, monsieur le ministre, sur le rôle des communes dans la
production de logements sociaux.
En introduction à ce débat, les rapporteurs ont rappelé que la part des
logements sociaux dans la construction neuve s'était réduite au cours de la
dernière décennie, en dépit des efforts du gouvernement précédent. En effet,
plus qu'une absence de volonté politique, c'est l'augmentation des coûts, la
rareté du foncier, l'accroissement de la demande et l'effort porté sur les
opérations de réhabilitation qui sont responsables de la pénurie de
logements.
Pour faire face aux problèmes que pose ce parc insuffisant et vieillissant,
les collectivités locales accompagnent la politique nationale du logement, même
si les premières lois de décentralisation ne leur confèrent pas directement
cette compétence. Intervenant en matière d'urbanisme réglementaire, d'action
foncière et d'urbanisme opérationnel, les communes sont devenues des acteurs
incontournables de la politique du logement.
Pour ma part, soucieux, comme de nombreux maires, de satisfaire la demande de
logement de mes administrés, c'est avec volontarisme que je remplis cette
mission. Cependant, un certain nombre d'obstacles limite l'action des élus.
De plus en plus soumis à des contraintes financières, les organismes d'HLM
réalisent leurs programmes en faisant appel aux communes. C'est une nécessité
pour aboutir à un loyer d'équilibre conforme à l'objectif fixé en matière de
logement social.
La multiplication des normes en termes de sécurité, d'environnement et de
cadre de vie engendre d'importants surcoûts, qui sont à la charge des
communes.
En outre, ces dernières fournissent le foncier gratuitement, un foncier
qu'elles maîtrisent rarement. Faute d'un portefeuille ancien mais renouvelé
régulièrement au fil des années, les maires sont dès lors obligés d'acquérir
des biens au prix fort, celui du marché. Dans le Sud-Ouest, par exemple, le
prix du foncier augmente au minimum de 10 % chaque année, d'où l'intérêt de
constituer une réserve foncière.
Monsieur le ministre, parce que la faisabilité d'un grand nombre d'opérations
HLM dépend des moyens engagés par les collectivités, je souhaiterais connaître
vos intentions à leur égard.
Plus globalement, quels sont, dans le cadre de l'approfondissement de la
décentralisation, les moyens qui seront octroyés aux communes ? Leurs
compétences et les charges correspondantes seront-elles clairement définies
?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le sénateur, en tant qu'élu local, je suis très
sensible à votre question relative au rôle des communes en matière de logement
social.
Je commencerai par affirmer qu'il est de la compétence de l'Etat de financer
le logement social. Dans la pratique, l'Etat finance le logement social à
travers la subvention qu'il verse, l'octroi du taux réduit de TVA et
l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, pour ce
qui concerne la construction neuve. L'Etat participe aussi au financement du
logement social par le biais des prêts à taux privilégié de la Caisse des
dépôts et consignations.
Par ailleurs, l'Etat attribue des aides à la personne pour un montant
considérable puisqu'il atteint 5,4 milliards d'euros. Elles permettent de
couvrir une partie des loyers, grâce auxquels les offices d'HLM peuvent
rembourser les annuités des emprunts qu'ils contractent pour construire des
logements sociaux.
Cependant, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, cet effort ne
suffit pas, et il arrive très fréquemment que des collectivités locales soient
contraintes de participer d'une façon ou d'une autre au financement, afin
d'équilibrer les opérations.
D'ores et déjà, il sera mis fin à l'obligation d'assurer l'équilibre opération
par opération, puisque nous nous orientons vers un conventionnement avec les
bailleurs sociaux pour que soit désormais prise en considération la situation
financière globale de l'organisme souhaitant réaliser des logements sociaux. Un
léger déficit, sur une opération particulière, pourra, le cas échéant, être
toléré.
J'observe tout de même que les contributions des collectivités locales, quelle
que soit leur utilité, restent globalement limitées.
Un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des
ponts et chaussées évalue ainsi ces contributions à 4,7 % du total des
financements. Certes, cela n'est pas négligeable et permet de débloquer
quelques dossiers, mais l'ampleur de l'effort des collectivités locales demeure
relativement modeste.
Si les communes peuvent, dans certains cas, contribuer au plan de financement
en fournissant, par exemple, du foncier à un prix privilégié, voire
gratuitement, elles n'ont pas, bien entendu, à se substituer à l'Etat.
Quoi qu'il en soit, il faut veiller à ce que l'évolution des coûts des
constructions ou des travaux ne remette pas en cause un équilibre qui me paraît
relativement satisfaisant aujourd'hui. Si l'on promouvait davantage l'accession
sociale à la propriété, cela permettrait aux bailleurs sociaux, qui, à l'heure
actuelle, construisent des logements sociaux pour les donner en location, de
dégager des fonds propres grâce auxquels ils pourraient peut-être renforcer
l'apport des collectivités locales, voire se substituer, dans certains cas, à
ces dernières.
M. le président.
La parole est à Yvon Collin.
M. Yvon Collin.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J'ai bien noté que le
Gouvernement affiche le logement social comme priorité des priorités ; il est
vrai qu'il représente un facteur essentiel de cohésion sociale.
Je formulerai une remarque concernant les mesures relatives à la mise en
place, le 7 janvier dernier, d'une action dite « foncière du logement » dans le
cadre du 1 %. Les objectifs sont très ambitieux. Ne pensez-vous pas, monsieur
le ministre, qu'il serait souhaitable que le Parlement soit représenté au sein
de cette structure pour y faire entendre la voix de la représentation nationale
?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je retiens votre suggestion, monsieur Collin. Je vais la mettre
à l'étude car elle me paraît fort intéressante.
M. Yvon Collin.
Merci, monsieur le ministre !
M. le président.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du
logement s'élève à 7,3 milliards d'euros. Globalement stable, c'est un budget
de transition établi dans un contexte de faible croissance et de maîtrise des
dépenses publiques.
Je le comprends bien, monsieur le ministre : il vous était difficile, cette
année, de faire autrement que d'en reprendre les mesures traditionnelles. Il
m'apparaissait impossible, en tout cas, de préparer rapidement le budget de
rupture que je souhaite vous voir défendre, ici même, l'an prochain.
Nos rapporteurs ont largement et excellemment détaillé et expliqué les
diverses composantes et mesures de ce budget, apprécié ses « plus » et regretté
ses insuffisances.
Pour ma part, je me contenterai d'attirer votre attention sur la situation
tendue, gravement tendue, du marché locatif du logement, tant dans le secteur
privé que dans le secteur aidé.
Aujourd'hui, en effet, l'équilibre entre l'offre et la demande est rompu, et
ce quel que soit le marché, qu'il s'agisse du logement locatif privé ou
logement dit social.
Il est donc du devoir des pouvoirs publics de s'en inquiéter afin, d'une part,
de soutenir l'activité économique et, d'autre part, bien sûr, de permettre à
nos concitoyens de se loger convenablement, notamment dans les grandes villes,
et à une distance raisonnable de leur lieu de travail.
L'Etat ne peut, seul, répondre à la demande.
Diffus, bien réparti géographiquement, le parc locatif privé remplit, lui
aussi, vous le savez bien, monsieur le ministre, une fonction économique et une
fonction sociale indispensables.
Les jeunes, notamment, ne peuvent plus se loger à Paris. Je sais bien qu'il y
a Paris, où la situation est carrément critique, et le reste de la France, mais
le constat vaut pour toutes les grandes villes.
Il convient donc de se demander à quoi sont dues ces tensions locatives.
La première raison me semble résider dans la pénalisation fiscale de l'épargne
immobilière. Son assiette fiscale est large, puisqu'elle concerne toutes les
étapes de la vie du bien : acquisition, production, détention et transmission.
Sa rentabilité est faible au regard des autres placements possibles, de même
que sa liquidité.
A cette charge fiscale excessive s'ajoutent les risques inhérents à la
location. Actuellement, le propriétaire est systématiquement placé en état
d'infériorité par rapport à son locataire. Cette pente, sans cesse aggravée ces
dernières années par les textes et la jurisprudence, dessert tout autant les
prétendants à la location que les propriétaires bailleurs. Le développement de
l'offre locative dans le parc privé suppose une meilleure sécurisation des
bailleurs. De surcroît, l'incessant va-et-vient entre la taxation excessive et
la mise en place d'avantages fiscaux très ciblés pour soutenir momentanément
certains pans du marché m'apparaît très préjudiciable.
En réalité, la fiscalité appliquée au secteur immobilier a une connotation
moralisatrice. Elle interdit de posséder. Elle a, en tout cas, atteint son but
en contribuant à éloigner de ce secteur d'activité un très grand nombre de nos
concitoyens qui ont juré qu'on ne les y prendrait plus.
On ne peut attendre du parc privé qu'il participe à la lutte contre la pénurie
de logements et décourager les propriétaires par une fiscalité excessive et un
risque locatif grandissant. On ne peut espérer remédier à cette situation sans
doter ce secteur d'un cadre stable et de dispositions juridiques et fiscales
aussi attractives que les autres produits d'épargne.
Stimuler l'épargne vers l'investissement locatif, c'est aussi donner à nos
concitoyens la possibilité de se construire une épargne retraite diversifiée.
Cette approche, qui permettrait une rencontre entre l'intérêt individuel et
l'intérêt collectif, ne peut être ignorée au moment même où la réforme des
retraites doit être mise en place.
Il ne faut pas avoir peur de revenir à une politique volontariste en faveur de
l'investissement immobilier. Nous avons besoin de logements de toutes
catégories et il faut redonner confiance aux Français qui étaient très attachés
à ce type d'investissement et qui, sous les coups de boutoir de la fiscalité et
compte tenu de la complexité des textes amplifiée d'année en année, ont quitté
ce secteur et n'y reviendront que rassurés par une nouvelle politique, par de
nouvelles habitudes de gouvernement et par l'assurance d'une règle du jeu qui
ne change pas tous les deux ou trois ans, voire tous les ans !
Pourtant, les règles simples qui s'appliquaient à l'investisseur immobilier
locatif, jointes à une fiscalité raisonnable, ont contribué à relancer, à
plusieurs reprises, l'activité du bâtiment et de toutes ses professions
périphériques !
La situation du logement social n'est pas meilleure. En dépit d'annonces très
optimistes de programmations, on n'a jamais construit aussi peu de logements
sociaux que ces dernières années.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, permettra de réaliser un nombre
d'opérations au moins égal et souvent supérieur aux réalisations de 2002.
Mais il convient de se projeter au-delà de l'année 2003 et de prendre la
mesure des entraves existantes et de la tâche à accomplir pour tenter de
remédier à cette situation.
La longueur et la complexité du montage des opérations, les modifications de
la législation financière expliquent certes, pour partie, cet échec, mais le
problème crucial me semble être le coût de la construction et son
financement.
La situation du secteur locatif, qu'il soit public ou privé, n'est bien sûr
pas la même partout en France, et le constat global doit être corrigé en
fonction des différences constatées entre les grandes villes, les banlieues,
les villes moyennes et le monde rural.
Il n'en reste pas moins que la situation dans ces deux secteurs s'est dégradée
au fil des ans et qu'il convient, aujourd'hui, non plus de travailler en
prenant des mesurettes ou en corrigeant de manière homéopathique un système
essoufflé, mais de promouvoir une politique que nous ne devons pas craindre de
qualifier de « libérale » à l'égard du secteur privé et de « qualitative »
s'agissant du secteur locatif aidé.
C'est non pas un problème idéologique, mais une simple question de bon sens :
pour répondre aux besoins de nos compatriotes, il faut avoir le courage de
renoncer aux programmations irréalistes en matière de construction de logements
sociaux, et d'engager une politique décomplexée et pérenne en faveur du secteur
locatif privé.
Aussi, ma question est double, monsieur le ministre : envisagez-vous
d'engager, d'une part, une politique résolument nouvelle, tant sur le plan
fiscal que sur le plan réglementaire, pour favoriser l'investissement
immobilier privé et, d'autre part, une politique résolument qualitative à
l'égard du secteur locatif aidé ?
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le sénateur, je suis tout à fait d'accord avec vous.
La politique du logement, c'est la politique de la chaîne du logement, qui
recouvre non seulement le locatif social, c'est-à-dire le locatif aidé, comme
vous l'avez appelé, mais également l'accession à la propriété et notamment
l'accession sociale. Aux deux bouts de la chaîne, il peut y avoir de
l'accession ou de la construction résidentielles et du logement de très grande
urgence. Tous ces éléments constituent donc la chaîne du logement.
Je le reconnais, monsieur le sénateur, le projet de budget pour 2003 ne
traduit pas une révolution considérable dans la politique du logement ; ce
serait mentir que de l'affirmer. Néanmoins, il traduit certaines inflexions qui
pourraient être en tout cas des signes importants d'une nouvelle politique du
logement qui s'élaborera au cours de l'année 2003.
Pour favoriser l'investissement locatif privé, le Gouvernement s'est déjà
montré favorable à la possibilité de location entre ascendant et descendant
dans le fameux dispositif de la loi Besson, ce qui était exclu précédemment et
mettait dans une situation difficile, voire scabreuse, les propriétaires qui
voulaient investir en achetant des logements pour les louer.
Par ailleurs, il est souhaitable que l'on recherche un meilleur équilibre
entre la fiscalité de l'immobilier et la fiscalité des valeurs mobilières,
sinon les investisseurs placeront leur argent là où la fiscalité est la plus
attrayante, ou la moins pénalisante.
Quant au locatif social, les enjeux sont autant qualitatifs que quantitatifs.
Comme vous l'avez rappelé, le budget prévoit, en 2003, la construction de 54
000 logements sociaux. C'est insuffisant, mais c'est déjà mieux.
Les organismes sociaux sont encouragés à mener une politique active de gestion
de leur patrimoine, grâce au soutien financier que l'Etat leur apporte, par
l'élaboration de leur plan stratégique de patrimoine. Tout à l'heure, j'ai
parlé du conventionnement, et j'aurais pu évoquer également la fongibilité des
crédits d'aide à la pierre, qui apportera un « plus » et, je l'espère, un «
mieux » dans la construction de logements aidés. Les actions qui en découlent -
l'amélioration de la qualité de service aux usagers, les démolitions et les
réhabilitations - sont également financièrement soutenues. C'est, j'en suis
convaincu, en utilisant toute la palette des dispositifs existants que la
préoccupation que vous exprimez en faveur de la qualité du logement social sera
mieux prise en compte.
Pardonnez-moi de faire état d'une comparaison qui n'est pas en notre faveur,
mais elle montre l'importance du défi qui nous attend dans les années à venir.
Dans un grand pays ami, l'Espagne, sont aujourd'hui construits 500 000
logements par an, pour 41 millions d'habitants. En France, le rythme est, comme
vous l'avez rappelé, de 300 000 à 320 000 logements pour 61 millions
d'habitants. De plus, les Espagnols sont pratiquement tous propriétaires.
Mme Odette Terrade.
Il faut augmenter les salaires !
M. Gilles de Robien,
ministre.
En termes d'objectifs, de soutien à l'économie et à l'emploi,
par ces investissements considérables, si on parvenait à atteindre un tel
rythme de construction dans les années à venir, cela permettrait de résorber
une grande partie des problèmes du logement dans notre pays. On aurait une
France de propriétaires, ce qui améliorerait considérablement notre climat
social.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach.
Monsieur le ministre, il a pu vous sembler paradoxal qu'un président d'OPAC
milite pour l'investissement privé. Mais, hormis le logement social, nous ne
trouvons plus de logements. Les jeunes rencontrent des difficultés
considérables pour se loger, notamment dans les grandes villes. Dans le monde
rural, le problème est bien sûr différent.
En tant qu'acteur du logement social, j'ai noté, notamment, la fongibilité,
que nous réclamions depuis longtemps, et donc les avancées que contient ce
budget sur le plan des principes.
Il vous faudra quelques années, une période de croissance et une situation
financière améliorée pour que nous puissions convaincre vos collègues de Bercy
de nous aider à mettre sur pied une fiscalité incitative pour l'investissement
privé, ce qui ne veut pas dire, d'ailleurs, que, pour les caisses de l'Etat, le
résultat net sera déficitaire et moins important que celui que rapporte,
aujourd'hui, la fiscalité immobilière.
M. le président.
La parole est à M. André Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15 août
dernier, le journal
Le Monde
titrait : « La politique du logement
est-elle à l'abandon ? » Le projet de budget pour 2003 peut-il nous fournir, à
cet égard, une réponse ?
Les dotations pour 2003 se caractérisent par une quasi-stabilité des crédits
de paiement, qui s'élèvent à 7,29 milliards d'euros. On note une baisse
sensible - 7,6 % - des autorisations de programme.
Pour le logement locatif social, même si la ligne fongible - PLA, PLUS et
PALULOS - progresse de 15 millions d'euros, croyez-vous, monsieur le ministre,
que l'objectif budgétaire de 54 000 logements réponde à l'exigence nationale,
même si on y ajoute les 4 000 logements de la société foncière créée par Mme
Lienemann ? Ce nombre correspond à la producton 2001, rehaussée grâce au plan
de relance d'avril 2001. On aurait pu espérer qu'il augmente en 2002. Mais les
régulations « républicaines » sont passées par là dès juillet, sans compter les
amputations du collectif budgétaire de fin d'année.
Cent mille PALULOS suffiront-elles aux besoins de réhabilitation, au
financement du plan de sécurisation des ascenseurs, sachant que ces crédits
concernent en priorité, dans le cadre de la politique de la ville, des
opérations lourdes dans des quartiers difficiles ?
Pourquoi réduire de 76 millions d'euros à 60 millions d'euros la dotation pour
les démolitions, alors que 200 000 opérations sont programmées sur cinq ans ?
Le gouvernement précédent avait largement amorcé la mesure. On aurait souhaité
vous voir poursuivre dans ce sens.
Voilà deux ans à Montpellier, dans le canton de La Paillade dont j'ai
l'honneur d'être élu, une cité délabrée a cédé la place à soixante et onze
logements, opération lourde en quatre tranches imposant déplacement et
relogement. Cette procédure inédite voulue par M. Louis Besson se traduit par
une authentique réussite. Il eut fallu persévérer et amplifier de telles
actions.
Pourquoi amputer les crédits de l'ANAH de 11 % en autorisations de programme ?
Il s'agit-là d'un frein à la mobilisation du parc privé, notamment dans la
revitalisation des centres anciens. Cette réponse offre une possibilité de se
loger à des familles privées de l'accès au parc HLM, sans oublier le rôle de
l'ANAH et des OPAH à l'égard de l'artisanat et du bâtiment.
Pourquoi supprimer, sans évaluation préalable, la prime à l'accession très
sociale, expérimentée dans le budget 2002, dans un objectif de mixité sociale ?
Alors que, comme vous venez de le rappeler, vous déclarez partager cet
objectif, vous cautionnez, par ailleurs, une proposition de loi de la majorité
sénatoriale visant à atteindre l'article 55 de la loi SRU. La majorité a
procédé ici comme elle l'a fait pour la durée du temps de travail. Elle n'a
certes pas supprimé l'article 55, elle l'a rendu inopérant en en faisant une «
coquille vide ». Tous les prétextes furent bons pour aller dans le sens de ceux
qui rêvent de choisir leurs concitoyens en excluant certaines composantes de
l'offre d'habitat.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Que ne faut-il pas entendre ?
M. André Vezinhet.
On parviendra ainsi à un peuplement qui ne sera plus le reflet de la
population nationale.
S'agissant des dispositifs d'aide aux ménages en détresse - aide à la
médiation locative, aide au logement temporaire ou FSL -, les financements de
l'Etat régressent.
La revalorisation - vous l'avez signalé - de 1,2 % des APL, les aides
personnalisées au logement, est notoirement insuffisante. Elle ne prend même
pas en compte l'évolution de 3,57 % de l'indice de la construction 2001 ni
celle de l'indice INSEE, 2,6 %, calculée sur les douze derniers mois en juillet
2002. La solvabilisation des ménages s'en trouve grandement affectée.
Pour évoquer d'autres aspects qui auraient pu donner du souffle et du
dynamisme à ce budget du logement, j'aurais aimé trouver des mesures du type de
celles que nous essayons de promouvoir dans mon département. Voilà un mois, en
effet, en présence de M. Michel Delebarre, une trentaine d'organismes d'habitat
social ont signé un projet de charte méditerranéenne de l'habitat. Celle-ci
suppose d'intégrer dans l'acte de construire et de réhabiliter les notions de
haute qualité environnementale et de développement durable. Avez-vous
l'intention, monsieur le ministre, de poursuivre dans cette voie ouverte par le
secrétariat d'Etat au logement dans le budget 2002 ?
Pour conclure, monsieur le ministre, le budget serré qui est consenti au
logement pour 2003 confirme que celui-ci ne fait pas partie des priorités du
Gouvernement. Les annulations de crédits contenues dans le projet de loi de
finances rectificative pour 2002 - annulations de 12 % des crédits de paiement
et de 6 % des autorisations de programmes aux chapitres 65-48 et 46-50 - ne
sont pas de nature à apaiser nos craintes, pas plus que les gels de crédits
votés pour 2003 qui seront pratiqués dès janvier prochain. Pouvez-vous nous
préciser quelles opérations seront prioritairement visées : les constructions,
les réhabilitations ?
Dans ce contexte, le groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime, déplore
que vous ne disposiez d'aucune marge de manoeuvre pour le court terme, dans une
situation encore marquée, malgré un léger mieux, par une pénurie d'offre
locative et par l'impossibilité, pour nombre de nos concitoyens, de donner un
contenu concret au droit au logement. Il votera contre ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur Vezinhet, c'est avec plaisir que je réponds à vos
questions sur le budget pour 2003.
S'agissant de la ligne fongible, l'augmentation est de 15 millions d'euros, ce
qui mérite d'être examiné attentivement. En 2002, cette ligne fongible n'a fait
l'objet d'aucune annulation d'autorisations de programme. On a même ajouté 20
millions d'euros en région parisienne, pour la surcharge foncière en
Ile-de-France, qui, permettez-moi de vous le rappeler, n'avait pas été évaluée
à sa juste mesure dans le budget précédent.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Les logements à haute qualité environnementale sont une très
bonne idée - qu'il faut approfondir -, mais il faut savoir que cela générera un
surcoût. Il ne faut pas simplement faire des demandes. Il faut avoir à l'esprit
les surcoûts, et il conviendra donc de trouver les ressources
correspondantes.
Par ailleurs, certaines idées ne sont pas bonnes à exprimer. Il en est ainsi
lorsque vous dites qu'il faut indexer l'APL sur l'indice du coût de la
construction, l'ICC, ou sur les loyers. En effet, si nous avions indexé l'APL
en 2002 ou en 2001 sur l'augmentation des loyers pour les locataires des
offices d'HLM ou des SA d'HLM, cela se serait traduit par une baisse certaines
années puisque l'indice du coût de la construction a lui-même baissé. Vous
auriez eu - ce que vous auriez alors pu dénoncer - une non-progression, voire
une baisse, de l'APL pour des millions de locataires qui sont aujourd'hui en
HLM. Par conséquent, il convient plutôt de chercher la manière de mieux indexer
les loyers sur un bon indice, car l'ICC est trop erratique, il ne reflète pas
vraiment l'évolution du pouvoir d'achat. C'est dans cette direction qu'il faut
aller pour aboutir à de véritables réponses en termes d'équité et de
solidarité.
S'agissant des régulations 2002, le dispositif, que nous n'avons pas modifié,
j'en conviens, avait été mis en place par le gouvernement que vous souteniez à
l'époque. Vous ne pouvez donc pas vous en plaindre aujourd'hui, sachant que
vous ne vous en êtes pas plaints au début de l'année 2002.
Les opérations de démolition sont financées par des crédits de paiement, et
non par des autorisations de programme. Nous disposons aujourd'hui et nous
avons disposé en cours d'année 2002 de tous les crédits nécessaires pour
répondre aux demandes de démolition. Si des annulations de crédits
interviennent parfois dans ce domaine, c'est parce que les projets sont moins
en avance ou moins à l'heure que ce qui était prévu. Nous sommes alors bien
obligés de restituer les crédits.
Par ailleurs, vous nous faites un procès sur la mixité sociale. Ce n'est pas
bien ! Le texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat entend assurer cette
mixité sociale. Au lieu de recourir à un texte d'affichage dans une loi - celle
que vous avez votée -, qui avait pour objectif seulement 18 000 logements
sociaux en mixité sociale, les sénateurs ont voté une loi comportant un
objectif de mixité sociale de 23 000 logements sociaux.
Mme Odette Terrade.
On verra !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Que l'on puisse encore améliorer ce dispositif, certes, mais
le Gouvernement n'acceptera jamais que ses objectifs soient revus à la baisse.
Ils seront supérieurs à ceux que vous aviez prévus et nous les atteindrons plus
aisément puisque nous faisons confiance aux élus locaux, alors que votre
démarche consistait à les pénaliser d'emblée. Il s'agit d'une autre démarche,
qui consiste à faire confiance.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je voudrais vous répondre sur la prime à l'accession très sociale. La mise en
place de cette prime partait d'un constat d'expérience de l'offre de logements
neufs en accession à la propriété. L'idée était de verser, sous certaines
conditions, une subvention de 10 700 euros aux promoteurs qui s'engageaient à
baisser du même montant le prix de vente des logements réalisés.
Connaissez-vous le résultat de cette belle mesure, là encore emblématique ?
Moins de 400 logements ont été déclarés éligibles à la prime ! C'est un très
faible résultat, vous en conviendrez.
Je souhaite aider les ménages modestes à accéder à la propriété, y compris
dans les agglomérations où les prix sont plus élevés. Il faut revoir cet
objectif, mais aussi les moyens de l'atteindre. Je citerai quelques pistes. Les
collectivités territoriales, je l'ai dit tout à l'heure, pourraient compléter
et soutenir divers dispositifs d'aide relevant de la compétence de l'Etat ;
certaines le font déjà. La location-accession est aussi un bon dispositif, qui
s'est un peu « endormi », si je puis dire, et que je souhaite relancer, en
concertation notamment avec les organismes d'HLM ; elle peut aussi apporter une
bonne réponse à la demande des ménages les plus modestes, qui ont besoin d'être
sécurisés et qui rêvent, comme beaucoup de ménages français, de devenir un jour
propriétaires.
M. le président.
La parole est à M. André Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Monsieur le ministre, je n'ai aucune raison de douter de votre engagement
personnel. Mais vous faites manifestement partie d'une équipe gouvernementale
qui ne veut pas faire du logement une de ses priorités, la lecture du projet de
budget que vous nous soumettez le montre clairement.
Faute de temps, je ne reviendrai que sur deux des nombreux sujets que vous
avez évoqués.
S'agissant de la mixité sociale et de l'article 55 de la loi SRU, personne ne
peut être dupe du dispositif que vous proposez. Il vise à établir un droit
dérogatoire qui, de toute évidence, deviendra le droit commun. Le dispositif
que nous avions élaboré avec M. Besson permettait d'atteindre en vingt ans la
mixité telle que nous la souhaitions. Si l'on se fonde strictement sur les
données que vous nous proposez, il faudra soixante ans pour y parvenir.
Certes, le droit commun demeurera, mais le droit dérogatoire deviendra la
véritable voie, et je sais combien les maires dont la campagne électorale
reposait sur la promesse de ne jamais construire de logement social dans leur
commune se réjouissent aujourd'hui des dispositions que vous envisagez de
prendre.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Mais non !
M. André Vezinhet.
S'agissant de l'aide aux collectivités locales, je suis d'accord avec vous,
monsieur le ministre. Pour ma part, je sais n'être l'objet d'aucun procès dans
ce domaine, pas plus pour l'aide foncière que pour l'aide à la construction, ni
même pour l'aide directe à la pierre, sur laquelle nous intervenons.
Mais, de grâce ! Puisque vous êtes en bons termes avec le président du conseil
régional du Languedoc-Roussillon, dites-lui qu'il est la honte de la France,
car sa région est aujourd'hui la seule à ne pas donner un centime au logement
social.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens
d'investissement du ministère de l'équipement pour 2003 sont recentrés sur la
réalisation des contrats de plan et des autres engagements de l'Etat jusqu'ici
non financés, ainsi que sur l'entretien des routes. Le projet de loi de
finances prévoit en outre la poursuite de la rénovation et du développement du
parc de logements. Vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre, un
double objectif est retenu en 2003 de 12 000 nouvelles démolitions de logements
vétustes - soit près du double des réalisations prévues en 2002 -, et de 54 000
constructions nouvelles dans le parc d'HLM.
Tout cela me semble correspondre à la volonté de votre ministère non seulement
de concrétiser les projets du Gouvernement, mais également de répondre à ceux
des collectivités territoriales, et, sans vouloir « régionaliser » mon
intervention, je ne peux pas ne pas rappeler ici notre attachement au début
effectif, en 2003, des travaux du carrefour de Verdun, à Blois, point noir de
notre belle vallée de la Loire.
En ce qui concerne l'urbanisme, je reconnais que les objectifs de la loi SRU
sont louables, puisqu'il s'agit d'améliorer l'urbanisation périphérique, de
casser les ghettos urbains en favorisant la mixité par le logement, d'éradiquer
l'insalubrité. Dans la pratique, ils se sont montrés très difficiles à mettre
en oeuvre, tout particulièrement en ce qui concerne les règles d'urbanisme.
Parfois peu lisibles, donnant lieu à des interprétations très contestables de
la part des services déconcentrés de l'Etat, les nouvelles réglementations,
notamment celles qui sont relatives au SCOT et au PLU, rencontrent souvent une
réelle hostilité de la part de l'ensemble des élus locaux. Les nouvelles
procédures et les nouveaux instruments instaurés par cette loi bloquent les
initiatives d'urbanisation et d'aménagement des communes, et la grande majorité
des élus peinent à concilier les exigences législatives et réglementaires
d'urbanisme avec leurs besoins en matière de construction.
Je sais que l'équillibre est difficile à trouver : d'une part, les règles
d'urbanisme sont absolument nécessaires pour contrôler les constructions et
pour protéger l'environnement de nos belles campagnes et le paysage urbain ;
mais, d'autre part, certains territoires ruraux ne peuvent revoir leurs
objectifs à la baisse sous peine d'aggraver la désertification des villages.
Les territoires ruraux doivent pouvoir attirer de nouveaux résidents pour
demeurer des centres de vie, et vous connaissez aussi bien que moi, monsieur le
ministre, les contraintes de la gestion quotidienne d'une petite commune, où
les moyens humains et financiers sont limités.
A cet égard, lors de l'examen par le Sénat de la proposition de loi tendant à
modifier l'article 55 de la loi SRU, le groupe de l'Union centriste a retiré un
amendement qui visait à assouplir les règles relatives à la participation pour
voies nouvelles et réseaux associés contre l'assurance que vous aviez donnée,
monsieur le ministre, de prévoir de nouvelles règles dans le projet de loi qui
sera très prochainement débattu à l'Assemblée nationale. Je me permets de vous
demander de nouveau vos intentions sur ce sujet, qui préoccupe tout
particulièrement les élus ruraux.
J'aborderai également la question de l'élaboration des documents d'urbanisme.
Dans ce domaine également, le manque de moyens financiers et humains est un
handicap pour les petites communes. Une partie de la dotation générale de
décentralisation compense les dépenses des communes, compétentes en matière
d'urbanisme ; en 2002, elle s'élevait à 15,9 millions d'euros. Cependant, ces
moyens se révèlent la plupart du temps insuffisants. C'est pourquoi il me
semble nécessaire que la contribution de l'Etat soit majorée pour pallier
notamment le dysfonctionnement et la carence des directions départementales de
l'équipement, les DDE, qui, compte tenu de la politique de réduction des
effectifs menée actuellement, peinent à remplir leur rôle de conseil.
M. Gérard Le Cam.
Alors, vous voterez contre l'amendement de la commission des finances !
Mme Jacqueline Gourault.
Je terminerai en rappelant que les élus, à l'heure actuelle, ont besoin
d'encouragements. Il faut leur donner les moyens de mettre en place une
politique urbaine cohérente et réaliste ; il faut leur donner des moyens
simples et efficaces qui permettent de tenir compte des particularismes locaux,
de la spécificité du monde rural et des espaces naturellement difficiles, comme
la montagne ou les zones touchées par les plans de prévention des risques, les
PPR.
En conséquence, monsieur le ministre, quels sont les moyens que vous comptez
mettre en oeuvre pour aider les communes à conduire un développement équilibré
en matière d'urbanisme et d'habitat ?
(M. Daniel Hoeffel applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Même si ce n'est pas le sujet, j'ai grand plaisir à vous
répondre, madame Gourault, à propos du carrefour de Verdun à Blois. Nous sommes
évidemment très favorables à la réalisation des travaux. Leur financement,
hélas ! n'est pas assuré pour 2003, mais je compte qu'il le sera en 2004.
Cependant, les participations locales ne sont pas encore définitivement
arrêtées ; dès qu'un consensus aura été trouvé, je pourrai vous donner une
réponse beaucoup plus précise.
Je sais que vous êtes très attachée à ces travaux d'aménagement, destinés à
améliorer la fluidité de la circulation, certes - ce carrefour très important
est souvent engorgé - mais aussi la sécurité. Nous sommes très attentifs à
cette question, croyez-le bien.
Pour ce qui est de l'urbanisme, je suis bien conscient des difficultés, des
rigidités, des peurs, des non-décisions que la loi SRU a suscitées, malgré,
parfois, de bonnes intentions. De nombreux maires, mais aussi, je dois
l'avouer, des agents du ministère dont j'ai la charge, et même certains
préfets, ne savent pas toujours interpréter toutes les subtilités de la loi et
de ses textes d'application. Le Gouvernement a donc déposé un projet de loi
portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la
construction, dit « DDUHC », qui contient des mesures urgentes de
simplification. Ce texte n'a pas d'ambition démesurée ; nous déposerons
ultérieurement un projet de loi dont l'objet sera d'harmoniser la loi Voynet,
la loi Chevènement et la loi SRU.
Cette future grande loi d'harmonisation, annoncée par le Premier ministre dans
son discours de politique générale, devrait venir en discussion en 2003, alors
que le projet de loi DDUHC devrait être examiné en première lecture dans les
semaines qui viennent, puisqu'il a déjà été soumis au Conseil d'Etat et
présentée en conseil des ministres. Nous n'attendons plus maintenant qu'une
date propice à son inscription à l'ordre du jour.
Certaines des mesures contenues dans la DDUHC répondront certainement à vos
attentes, madame, en particulier pour ce qui concerne la participation pour
voies nouvelles et réseaux. Le projet du Gouvernement est extrêmement simple :
désormais, une participation, qui est déjà actée, pourra être mise en place
pour le financement des réseaux d'une voie existante - la notion de voie
nouvelle disparaissant -, même si la commune n'a prévu aucun aménagement de
ladite voie. Nous pensons notamment au milieu rural et au milieu périurbain. Ce
dispositif permettra, nous l'espérons, de débloquer un certain nombre de permis
de construire, car il apportera une grande simplification.
Comme vous, madame, je suis convaincu qu'il est important pour les communes de
raisonner en termes de projet urbain : il n'y aurait aucun sens à laisser les
communes totalement libres de leur plan d'occupation des sols ou du futur
schéma de cohérence territoriale, le SCOT.
Il faut effectivement agir avec une certaine cohérence si l'on veut éviter un
étalement de la ville à l'américaine, ou son développement anarchique. Le
projet d'aménagement et de développement durable, le PADD, peut à cet égard
constituer un progrès. Il conduira à une régression technocratique s'il n'est
qu'un document technique supplémentaire venant compliquer les PLU et les
fragiliser sur le plan juridique. Mais il représentera un réel progrès
démocratique s'il est l'occasion d'un débat non technique sur l'avenir de la
commune.
La question de son opposabilité est donc posée. Tel est en tout cas l'esprit
du projet du Gouvernement. Sans entrer dans le détail, on peut dire que le PADD
serait au débat d'urbanisme ce qu'est le débat d'orientation budgétaire au vote
du budget : un exposé des motifs, en cohérence avec le texte, bien sûr, mais
qui ne sera pas opposable. C'est en simplifiant de la sorte que l'on pourra le
mieux - et je reprends volontiers votre expression à mon compte, madame -
encourager les élus ruraux.
Enfin, vous avez mis l'accent sur une vraie question sur une question
importante : celle de l'assistance, du soutien, de l'aide, bref, du conseil aux
élus. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui quels moyens financiers y seront
consacrés, mais je sais que, dès que la loi DDUHC sera votée et promulguée -
les textes d'application sont déjà en préparation -, j'assurerai, pardonnez-moi
le terme, le « service après-vente » dans tous les départements, dans toutes
les régions. Je ne sais pas sous quelle forme je le ferai, peut-être irai-je
dans les régions. Quoi qu'il en soit, je réunirai tous les agents de mon
administration, et nous passerons la journée s'il le faut, dans chacune des
régions, pour expliquer le mode d'application des nouveaux textes. Car chaque
fois qu'une loi un peu complexe est votée, il faut un an, voire un an et demi,
avant que ses modalités d'application soient bien comprises, ce qui provoque
des blocages durant tout ce temps. Nous ferons donc des allers et retours entre
les DDE et le ministère pour assurer ce que j'appellerai la vulgarisation des
nouvelles mesures législatives et réglementaires.
M. le président.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault.
Je vous remercie de toutes ces précisions, monsieur le ministre. Je suis
particulièrement sensible à la pédagogie que vous allez mettre en oeuvre dans
les départements pour expliquer concrètement l'application de la nouvelle loi,
qui, j'en suis sûre, soulagera grandement les élus locaux.
J'ose penser que les associations départementales des maires - je m'exprime en
présence du premier vice-président de l'Association des maires de France - sont
particulièrement bien placées pour relayer cette pédagogie auprès de tous les
élus locaux.
M. le président.
M. Daniel Hoeffel a trouvé une alliée !
M. Daniel Hoeffel.
J'approuve !
M. le président.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
budget du logement pour 2003 est tout d'abord marqué par un élément original :
il n'y a plus, en effet, dans la répartition des responsabilités
gouvernementales, de ministre délégué ou de secrétaire d'Etat au logement,
alors même que les dépenses dans ce domaine constituent, de par leur montant -
plus de 7 milliards d'euros, dont près de 2 milliards d'euros au titre des
dépenses civiles en capital -, un paramètre essentiel de l'action publique en
général.
La politique du logement social, et du logement de façon générale, est en
effet, à nos yeux, l'un des éléments qui caractérisent avec le plus de
précision les orientations politiques d'un gouvernement, quel qu'il soit.
Force est de constater, dans l'exécution du budget pour 2002, que des crédits
ont pu être annulés, en particulier sur le chapitre 65-48, qui regroupe des
crédits aussi importants que ceux qui sont destinés à la construction de
logements sociaux neufs, les crédits de réhabilitation de l'habitat, la
subvention à l'ANAH et les opérations de résorption de l'habitat insalubre,
notamment.
Ce sont donc au total près de 240 millions d'euros qui, lors de l'exécution
budgétaire, auront ainsi été annulés dans les crédits du ministère, en
particulier dans les dépenses d'équipement.
Un projet de loi portant diverses dispositions sur l'habitat est également
annoncé. Il conduira de fait à la disparition du parc social issu de la loi de
1948, alors que ce patrimoine permet de répondre à une certaine demande
sociale.
Dans le même temps, des mesures réglementaires ont été prises pour geler les
sommes dévolues au fonds de solidarité, ce qui aura des répercussions,
variables selon les capacités d'abondement des départements, et qui conduira
inévitablement à une diminution des aides aux ménages frappés par le chômage,
la précarité et le surendettement.
L'actualisation des barèmes de l'APL a été repoussée, alors que les loyers, en
sortie de gel, ont augmenté de près de 3 %.
De plus, le retour à l'évaluation forfaitaire des revenus pour l'attribution
de l'allocation logement et de l'aide personnalisée versées aux jeunes aura
pour conséquences la diminution de 5 % à 30 % des aides aux apprentis, aux
stagiaires en formation et aux demandeurs d'emplois, qu'ils résident en foyer
de jeunes travailleurs ou louent un logement à des bailleurs sociaux ou
privés.
Des mesures de ce genre participent d'une conception pour le moins étonnante
des économies budgétaires qui ampute en réalité le pouvoir d'achat et le niveau
de revenu des familles modestes bénéficiant de l'APL. Je rappelle que les aides
personnelles au logement concernent plus de 6 millions de ménages dans notre
pays !
Il y a peu, la Haute Assemblée, qui ne s'est pas particulièrement honorée à
cette occasion, a examiné dans la précipitation une proposition de loi tendant
à la loi SRU sur des points essentiels, notamment sur la nécessité de
développer le parc locatif social. Furent également discutées certaines
évolutions du droit de l'urbanisme qui, remises en question, conduiront à
repousser la mise en oeuvre réelle de la mixité sociale et du droit au
logement.
Par ailleurs, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République, dans sa rédaction actuelle, risque d'être à
l'origine de profondes inégalités territoriales, selon l'engagement des
collectivités et des organismes concernés en faveur du logement social.
Tous ces éléments nous conduisent à estimer que le climat qui préside à la
discussion du budget du logement pour 2003 est pour le moins inquiétant, et à
nous interroger sur le sens que votre gouvernement entend donner à sa politique
en la matière.
Nous nous demandons en particulier quel est l'ordre des priorités qui anime le
ministère, alors même que nombre des problèmes auxquels nous sommes confrontés
attendent une réponse. Comment répondre, en effet, à la demande sociale des
jeunes ? Comment répondre à la demande exprimée par les mal-logés, par les
familles qui continuent de vivre dans les logements indécents qui sont encore
mis en location ? Comment répondre à la demande d'accession sociale à la
propriété, alors même que le prêt à taux zéro connaît un relatif essoufflement
? Quelles sont les réponses de votre Gouvernement sur ces questions
essentielles ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous-même et votre collègue, ministre
délégué à la ville et à la rénovation urbaine, avez annoncé certains des grands
axes de votre démarche : construction de 54 000 logements en 2003, avec, à
terme, un objectif de 80 000 ; démolition-reconstruction de 200 000 logements
situés dans les quartiers concernés par des grands projets de ville. Tout cela
suppose de mettre en oeuvre des moyens qui ne figurent pour l'instant ni dans
les lignes budgétaires ouvertes cette année au titre du logement ni dans les
crédits affectés à la ville et à la rénovation urbaine.
Il est en revanche évident qu'un effort d'économies sera réalisé sur les
dépenses ordinaires, comme en témoignent l'évolution de la contribution de
l'Etat au titre des aides à la personne ou le prétendu ajustement aux besoins
des crédits du fonds de solidarité pour le logement, le FSL. Chacun le sait,
cela ne favorisera guère la mixité sociale !
Cet effort d'économies, nous l'avons souligné, est pour le moins discutable en
ce qu'il s'attaque aux droits acquis par certains publics prioritaires,
notamment les jeunes, premiers visés dans le dispositif mis en place.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous poserai les questions
suivantes. Quelles sont les orientations réelles que le Gouvernement entend
mettre en oeuvre en matière de logement social, compte tenu de la réalité des
besoins sociaux ?
Quels sont les outils financiers et fiscaux dont il entend se servir pour
mettre en oeuvre ces orientations ?
Peut-on affirmer aujourd'hui que le Gouvernement fait de la préservation et du
développement du parc locatif social la priorité de son action ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je vais m'efforcer de répondre aux interrogations de Mme
Terrade, mais c'est très difficile, parce que si on peut, en cinq minutes,
poser cinquante questions, on ne peut, en trois minutes, répondre à cinquante
questions !
(Sourires.)
Je vais quand même essayer de répondre à quelques-unes des questions.
Tout d'abord, je vous dirai, madame, que s'il n'y a plus de secrétariat d'Etat
au logement, désormais, c'est un ministre de plein exercice qui a la charge du
logement.
Mme Odette Terrade.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Si c'est très bien, il ne fallait pas critiquer dans un premier
temps... Vous saviez bien d'ailleurs qu'un ministre s'occupait du logement
puisque je suis devant vous et que j'accepte, bien sûr avec plaisir, de
répondre à vos questions.
Mme Odette Terrade.
Parmi beaucoup d'autres tâches !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Peut-être, mais vous le savez, c'est la passion qui compte et
non pas le temps qu'on y passe !
Vous avez fait une description vraiment apocalyptique de la situation du
logement en France.
Mais une politique du logement, cela signifie plusieurs mois, sinon un ou deux
ans d'efforts ; on en récolte les fruits au bout de trois, quatre ou cinq
ans.
La situation d'aujourd'hui - je le dis sans esprit polémique - est le résultat
d'une politique qui a été menée depuis deux, trois, quatre ou cinq ans, et ce
n'est pas en claquant des doigts, au moment où l'on arrive au ministère, que
l'on peut créer 500 000 logements sur-le-champ.
Cela demande du temps. Le logement est comme un grand paquebot dont on
parvient à orienter le cours avec le temps, et je me donne l'année 2003 pour ce
faire.
En attendant, nous engageons une politique volontariste, qui me semble plus
ambitieuse que la précédente, même si je ne dis pas qu'elle soit parfaite.
En tout cas, madame, il n'y aura pas d'annulations sur la ligne fongible en
2002 ; il n'y aura pas d'annulations sur les FSL en 2002. En 2003, les crédits
destinés aux aides à la personne ne diminueront pas. En 2002, les aides à la
personne seront bien supérieures à ce qu'elles étaient, en valeur absolue, en
2001 ; elles seront deux fois plus importantes qu'en 2000 ; elles s'élevaient à
86 millions d'euros en 2000 et se monteront à 142 millions d'euros en 2003.
Sur le logement social, je peux vous dire que, à la fin de 2003, 42 000
logements PLUS, prêts locatifs à usage social et PLI, prêts locatifs
intermédiaires, pourront être financés. Pour les logements PLI, il est prévu de
financer 1 000 places en maisons-relais, cette nouvelle catégorie de résidences
familiales qui permettent d'accueillir dans un hébergement durable des
personnes en difficulté sociale et psychologique. Cela fait partie d'un plan de
création de 5 000 places au total qui a été annoncé lors d'une communication au
conseil des ministres par Mme Dominique Versini.
Le nombre de PLS - prêts locatifs sociaux - financés sur les ressources du
livret A sans subvention budgétaire sera de 12 000, ce qui fait 54 000
logements nouveaux, auxquels il faut ajouter effectivement les 4 000 logements
dont on a évoqué l'existence tout à l'heure.
Vous voyez donc que le logement social est pour le Gouvernement une priorité
dans son intervention sur l'ensemble de la chaîne du logement.
Avec Mme Versini, j'ai présenté aux associations les orientations en matière
de logement du plan national de lutte contre l'exclusion qui sera présenté par
le Gouvernement dans les prochaines semaines. Ces orientations ont été plutôt
bien accueillies par lesdites associations ; je pense, notamment, aux actions
sur la prévention des expulsions et à la plus grande efficacité qui sera donnée
aux divers fonds par leur fusion.
J'ai demandé que les associations départementales d'information sur le
logement, les ADIL, se mobilisent pour aider les personnes les plus démunies à
connaître mieux leurs droits et à accéder à un logement ou à s'y maintenir.
A cette occasion, je tiens à saluer le rôle très important que jouent les
associations qui sont prêtes à se mobiliser si on leur donne, non pas une
feuille de route, ce serait prétentieux, mais les indications et les outils
nécessaires.
J'en viens aux aides personnalisées au logement. Le mécanisme dit d'évaluation
forfaitaire, sur lequel vous m'avez interrogé, vise à donner une appréciation
la plus juste possible des ressources réelles de l'allocataire.
Ce dispositif avait été supprimé en avril 2002. Le Gouvernement a décidé de le
rétablir, avec une disposition favorable pour les jeunes en contrat à durée
déterminée. Pour ces jeunes, l'évaluation forfaitaire est donc faite sur la
base de neuf fois leur salaire au lieu de douze. Les intéressés peuvent
demander la révision de l'aide tous les quatre mois si leur revenu baisse d'au
moins 10 %. Nous avons essayé de « coller » au plus juste aux revenus pour
calculer l'aide. Cette mesure est donc vraiment équitable.
M. le président.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade.
J'ai bien évidemment écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre,
votre réponse ainsi que celle que vous avez faite à mes collègues. Je suis au
regret de vous dire que vous ne m'avez pas vraiment convaincue, pas plus que
mes amis du groupe communiste. Nos appréciations divergent sur la conception de
ce que vous appelez votre politique volontariste du logement, du logement
social en particulier.
Pour nous, il s'agit d'une mission de solidarité nationale de l'Etat, lequel
doit garantir à chacun le droit à un toit et la liberté de choix de son habitat
!
Assurer cette mission suppose, de notre point de vue, de considérer le
logement comme un service public.
Il nous semble, à l'expérience, que toute politique du logement social doit
être précédée d'une réflexion sur le cadre fiscal et financier dans lequel elle
s'exerce et que des questions doivent être posées quant à la taxe foncière, la
taxe sur les salaires, les organismes publics d'HLM ou la préservation du taux
réduit de la TVA sur les travaux dans les logements.
De la même manière se pose la question des modalités de financement des
opérations de constructions neuves comme des opérations de réhabilitation.
Même si M. Borloo annonce qu'il va consacrer 30 milliards d'euros à la
politique de renouvellement urbain dans le courant de la législature, il n'en
demeure pas moins que, tant que les niveaux de subvention seront faibles, que
ce soit en constructions neuves ou en réhabilitation, nous devrons constater la
moindre consommation des crédits et la persistance des tensions en matière de
demande sociale.
Comme M. Cleach et un certain nombre de nos collègues l'ont évoqué tout à
l'heure, un rapport du Conseil économique et social estime à 300 000, rien que
pour l'Ile-de-France, le nombre de personnes ayant formulé une demande de
logement HLM. La fondation de l'abbé Pierre, quant à elle, évalue à 3 millions
le nombre de personnes sans logement ou mal logées dans notre pays.
En fait, nous ne devons jamais oublier, monsieur le ministre, que derrière le
discours budgétaire, derrière la question de savoir si les crédits sont
consommés ou non, les chantiers ouverts ou non, il y a des personnes, des
jeunes, des familles qui attendent, souvent avec beaucoup de souffrances et de
frustrations, que leur demande de logement soit enfin prise en compte et que
leur situation évolue.
Comme nous sommes, pour notre part, très attachés à la mixité sociale, nous
constatons, à l'examen de vos crédits, que votre projet de budget ne résoudra
pas l'insuffisance de l'offre de logements disponibles et ne pourra soutenir,
comme il se doit, le secteur du logement, dont la contribution à la croissance
économique, chacun le sait, est pourtant déterminante.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que confirmer la position de notre groupe
: nous voterons contre les crédits de votre ministère, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Sur vos déclarations d'intention, madame le sénateur, bien
entendu, je suis d'accord avec vous, cependant, le logement n'est pas un
service public ; c'est une mission de service public, ce qui n'est pas la même
chose. Nous devons tous nous mobiliser, secteur privé, collectivités locales,
services de l'Etat pour assurer ensemble cette mission de service public. C'est
par un travail de toute la chaîne du logement que nous obtiendrons des
résultats pour remédier à la situation qui a été créée au cours de ces
dernières années !
Mme Odette Terrade.
C'est facile, mais l'année prochaine, vous ne pourrez pas dire la même chose
!
M. Gilles de Robien,
ministre.
Il faut trois ans, madame le sénateur, pour obtenir des
résultats.
M. le président.
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le président, je vais m'exprimer au nom de mon collègue Jacques
Ostermann, qui ne pouvait être parmi nous aujourd'hui, et je m'associe bien
volontiers à ses propos.
Monsieur le ministre, je vais vous poser deux questions : l'une a trait au
logement privé locatif et l'autre aux conséquences de la loi SRU.
Je ne m'attarderai pas sur ce deuxième point, parce que vous avez déjà
abondamment et excellemment répondu à mes collègues Marcel-Pierre Cleach
etJacqueline Gourault. J'ai d'ailleurs noté l'effort de pédagogie que vous
souhaitiez accomplir pour accompagner l'application de la nouvelle loi.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que le meilleur moyen d'être
pédagogue est de présenter un texte simple. A cet égard, je vous ferai part
d'une réflexion émanant d'un maire du département de la Manche, département
dont je préside le conseil général : lorsque le préfet m'écrit, me confiait-il,
je lis son courrier une fois. Si je n'ai pas compris, je lis une deuxième fois.
Si, à la deuxième lecture, je n'ai toujours pas compris, c'est que ce n'est pas
bon pour la commune.
(Sourires.)
S'agissant du logement locatif privé, je veux vous féliciter, vous faire part
d'une inquiétude et vous poser une question.
Comme certains de mes collègues l'ont déjà relevé, je tiens à vous féliciter
de la fin progressive de la loi de 1948 que vous avez annoncée. Cette décision
est excellente.
Je vous félicite également d'avoir proposé l'extension de l'amortissement de
la loi Besson aux descendants et aux ascendants, ce qui semble aller dans le
bon sens.
Quant à la TVA au taux de 5,5 %, permettez-moi de vous dire que cette mesure
est particulièrement positive, puisqu'elle a entraîné une augmentation de
volume des travaux de 1,6 milliard d'euros et a permis la création de plus de
50 000 emplois. Je pense qu'il est bon de souligner ce qui va bien ; on
intervient suffisamment pour dire ce qui ne va pas !
Mon inquiétude a trait aux crédits de l'ANAH. Je pense que vous en connaissez
les raisons. Même si les subventions d'investissement augmentent de 13,2 %,
elles ne sont néanmoins pas suffisantes pour compenser la forte baisse de
trésorerie de l'agence, notamment la réduction de 11 % des autorisations de
programme prévue pour 2003. Or, monsieur le ministre, vous qui êtes élu d'une
région à connotation rurale, vous savez combien l'ANAH joue un rôle primordial
dans le milieu rural.
La question portera, elle, sur les bailleurs privés.
Ces derniers sont en effet dans l'attente d'un statut qui leur soit adapté. Un
certain nombre de mesures ont été prises précédemment, toutes en faveur des
locataires mais les bailleurs, eux, se trouvent démunis de moyens, face aux
impayés par exemple. Il est nécessaire, monsieur le ministre, que vous puissiez
répondre à leur inquiétude.
Voilà ce que M. Ostermann aurait dit, avec beaucoup plus de talent que moi,
s'il avait été présent, mais j'ai essayé de le suppléer de mon mieux.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur Le Grand, je connais votre grande maîtrise des
problèmes du logement et la pertinence de votre propos.
Vous avez salué un certain nombre d'initiatives, de réorientations,
d'améliorations, mais, dans un souci d'objectivité, vous vous êtes fait l'écho
des attentes qui subsistaient.
Elles se manifesteront encore pendant plusieurs années, hélas, compte tenu du
grand retard que nous avons.
En ce qui concerne l'ANAH, je partage votre appréciation. Les procédures de
saisine sont assez souples, rapides, relativement simples. Cette agence a un
formidable effet de levier sur le bâtiment, en général, et sur la rénovation
dans le milieu rural, en particulier. C'est un très bon outil dont il convient
de souligner la pertinence.
J'ai déjà indiqué tout à l'heure que je tenais absolument à ce que cet outil
persiste. Certes, il y a bien quelques problèmes au niveau budgétaire, mais
l'abondement de 30 millions d'euros est venu les atténuer quelque peu. Cet
abondement va permettre de renforcer l'intervention de l'agence dans les
domaines prioritaires et de maintenir son activité à un haut niveau, notamment
dans le secteur diffus. Ce dernier, qui comprend les aides dédiées à l'espace
rural, représente encore près de 50 % du total des aides de l'agence
aujourd'hui. Il n'y a donc aucun risque qu'il soit marginalisé à la suite de
l'élargissement des missions de l'ANAH.
Vous avez parlé des bailleurs.
Il est vrai que, d'une certaine façon, les bailleurs sont de moins en moins
nombreux, voire de moins en moins bailleurs, et ce au profit d'autres
investissements qui sont quelquefois plus aléatoires sur le court terme. Il
faut donc encourager les bailleurs et encourager les capitaux à s'orienter vers
l'immobilier ; cela crée du logement. Vous avez raison : il faut relancer
l'investissement dans l'immobilier locatif et favoriser la mise sur le marché
des logements vacants.
Les bailleurs se sentent aujourd'hui démunis face à des risques d'impayés. Ils
sont d'autant plus découragés de conserver dans leur patrimoine des logements
locatifs que la fiscalité demeure pénalisante. Il faut donc travailler au
rééquilibrage de la fiscalité entre les secteurs immobilier et mobilier, mais
il faut aussi prévoir des dispositifs afin de sécuriser le bailleur pour que
celui-ci ne se sente pas perpétuellement en situation de fragilité par rapport
au preneur.
Ainsi, une partie des Français retrouvera le chemin de l'investissement
immobilier, souvent défini comme un investissement de qualité et sans risque,
mais dont beaucoup se détournent, hélas, à cause de l'injustice fiscale et de
l'insécurité que vous avez soulignées, monsieur le sénateur.
(M. Paul Girod
applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Je remercie vivement M. le ministre de ses explications.
M. le président.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, j'entends fréquemment mes
collègues sénateurs remettre en cause le fonctionnement des services des DDE,
les directions départementales de l'équipement. En effet, compte tenu d'une
baisse des effectifs, les services déconcentrés ne sont plus à même de répondre
aux sollicitations des élus.
L'exemple le plus marquant est le désengagement de leur mission de conseil
auprès des collectivités locales pour l'élaboration des documents
d'urbanisme.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit que les
services extérieurs de l'Etat peuvent être mis gratuitement à la disposition
des communes pour les aider à élaborer leurs documents d'urbanisme.
Or, dans les faits, les communes sont contraintes de faire appel à des
cabinets privés pour disposer d'une aide technique en substitution des services
déconcentrés de l'Etat.
Comptez-vous en conséquence, monsieur le ministre, donner plus de moyens aux
DDE, afin qu'elles puissent remplir plus convenablement leurs missions ?
C'est ma première question.
Ma deuxième question a un caractère plus spécifique.
Au même titre que la moitié des départements français, la Réunion a fait le
choix de la partition, c'est-à-dire de la gestion autonome de son réseau
routier. Cette décision politique, fondée sur la conviction que l'on gouverne
mieux de près, correspond à l'esprit de la décentralisation, qui tend à donner
plus de liberté d'action et plus d'efficacité aux instances locales.
Toutefois, cette autonomie a engendré de lourdes difficultés concernant la
gestion du personnel ; en effet, ce qui devait aboutir à une plus grande
homogénéité à l'échelle du département risque d'aboutir à de nouveaux
clivages.
A l'heure qu'il est, en effet, les agents de la DDE, agents de l'Etat, sont
mis à la disposition des conseils généraux concernés. A la Réunion, ce sont 140
agents qui se trouvent mis à la disposition du conseil général.
Ils agissent actuellement sous le contrôle d'une double autorité : celle de
l'administration à laquelle ils sont rattachés, la direction de l'équipement,
et celle du président du conseil général.
Cette situation, difficile à gérer pour les services départementaux, doit à
tout prix rester provisoire et trouver une solution rapide.
Sans doute le passage de ces agents de la fonction publique d'Etat à la
fonction publique territoriale serait-elle la meilleure solution. Mais elle
pose à la Réunion de nouveaux problèmes : en effet, la situation de
fonctionnaire de l'Etat y présente des avantages que l'on ne retrouve pas dans
le statut de fonctionnaire territorial.
Monsieur le ministre, pouvez-vous assurer aux agents confrontés à cette
situation qu'ils ne perdront rien à ce passage d'une fonction publique à
l'autre ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Madame Payet, vingt ans après la décentralisation de
l'urbanisme, il n'est pas anormal que les communes soient amenées effectivement
à consacrer des moyens internes ou en sous-traitance aux études d'urbanisme et
à l'élaboration des documents d'urbanisme.
Il faut noter que le niveau de l'investissement consacré, en France, aux
études d'urbanisme est sensiblement le même que celui de nos principaux
voisins. Cela dit, les DDE restent bien entendu à la disposition des communes
pour les aider dans ce domaine, à condition que leurs moyens en personnel ne
soient pas réduits. Certes, les moyens à la disposition des DDE ne permettent
pas toujours de réaliser des études en régie. Mais elles peuvent et doivent
développer auprès des communes des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage
des études, ainsi que des missions de conduite des procédures.
Bien entendu, ce sont les petites communes qui doivent bénéficier en priorité,
me semble-t-il, de cette action des DDE, parce que ce sont elles qui ont,
forcément, le moins de personnel, et donc moins de cadres. S'il le faut, madame
la sénatrice, j'interviendrai personnellement auprès des DDE concernées.
Vous avez parlé de la loi du 2 décembre 1992, qui a maintenu le principe de
mise à disposition des conseils généraux et des directions départementales de
l'équipement pour gérer les réseaux routiers.
Cette loi prévoit aussi la possibilité de placer certaines parties de la DDE
intervenant dorénavant à titre exclusif pour le compte du département
directement sous l'autorité fonctionnelle du président du conseil général. Un
tiers seulement des départements ont d'ailleurs eu recours à cette option.
Le droit d'option, habituellement lié à la décentralisation et à la loi
relative à la démocratie de proximité, a commencé à s'ouvrir aux agents placés
dans ce cas de figure. La loi apporte donc toutes les garanties aux personnels
concernés. C'est ainsi qu'en tout état de cause, dans l'hypothèse où la
fonction publique territoriale s'avère moins attractive, les agents peuvent
demander à être mis en détachement, en conservant tous les atouts de leur
statut d'origine.
J'imagine qu'avec le développement de la décentralisation seront mis à l'étude
des dispositifs pour instituer le maximum de passerelles entre la fonction
publique territoriale et la fonction publique d'Etat, notamment dans le domaine
de l'équipement ; ce serait très utile et sécurisant pour tout le monde.
M. le président.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions et de la
réponse claire que vous m'avez faite. Elle était très attendue dans le
département et elle fera donc plaisir aux intéressés.
(Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest.
Le budget du logement que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le
ministre, s'inscrit, nous le savons, dans un contexte marqué par la nécessaire
maîtrise des dépenses publiques.
Malgré ce contexte particulièrement difficile, les moyens de paiement pour le
logement et l'urbanisme sont globalement stabilisés. Nous nous réjouissons, en
outre, que deux mesures primordiales pour le secteur du logement soient
prorogées dans le projet de loi de finances pour 2003. Il en est ainsi de la
reconduction jusqu'au 31 décembre 2003 de l'application du taux réduit de TVA
aux travaux d'amélioration. Il en est également ainsi de la reconduction du
crédit d'impôt pour diverses dépenses afférentes à l'habitation principale. M.
le rapporteur spécial, ce matin, a souligné que la pérennisation de cette
mesure était attendue.
Par ailleurs, la consolidation des efforts de solidarité en faveur des ménages
modestes, l'accroissement de l'offre nouvelle de logements sociaux, le
développement d'une meilleure gestion patrimoniale du parc existant, le soutien
aux ménages souhaitant investir dans l'immobilier ainsi que la poursuite des
politiques conduites en partenariat avec les collectivités territoriales dans
le domaine de l'urbanisme et de l'aménagement sont autant d'axes prioritaires
qui ressortent de votre projet de budget : nous ne pouvons que nous en
réjouir.
S'agissant du logement social, la situation est particulièrement préoccupante,
et ce à plusieurs égards.
Votre objectif, monsieur le ministre, est d'accroître l'offre nouvelle de
logements sociaux et de favoriser l'acquisition.
Les mesures prises en ce sens relèvent, en effet, d'une impérieuse nécessité
puisque ce secteur a été particulièrement touché ces dernières années,
enregistrant des résultats plus que décevants. Cette évolution inquiétante est
le fruit de la politique de recentralisation délibérée menée par le précédent
gouvernement, traduite notamment dans la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains. Cet excès de centralisme a nui
de facto
à
l'efficacité de la politique du logement social.
Aujourd'hui, il est donc indispensable de conduire une politique sociale qui
soit en adéquation avec les besoins locaux. Le dialogue, bien plus que la
coercition, favorisera l'élaboration d'une politique du logement social
efficace et adaptée aux besoins.
A l'heure actuelle, le parc social ne répond pas à la demande puisque, selon
des études récentes, seulement 21 % des ménages à faibles revenus sont logés en
locatif social et 31 % en locatif privé. De même, la progression de la vacance
de logements sociaux dans certaines zones conduit à penser qu'il est primordial
de réfléchir à une réforme en profondeur de la gestion du logement social et de
développer une politique plus globale de renouvellement urbain.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il y a lieu de réfléchir aux
conditions qui permettraient d' accroître rapidement la mixité sociale, de
manière que celle-ci ne soit pas qu'un slogan - je reprends là votre propre
remarque - car il convient de réduire effectivement, voire de supprimer les
ghettos.
L'augmentation du parc de logements sociaux ne peut-il nous aider à atteindre
cet objectif, surtout dans l'optique d'une coordination renforcée avec les
collectivités locales ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les actions que vous envisagez
pour conforter une politique du logement social qui me paraît aujourd'hui
manquer d'efficacité ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien
ministre.
Monsieur le sénateur, l'application du taux réduit de TVA à 5,5
% pour les travaux de rénovation a été pérennisée jusqu'à la fin de 2003. Je
puis vous dire que le Gouvernement a bien l'intention de défendre avec vigueur
cet excellent dispositif - je le dis sans arrière-pensée - qui, en permettant
la réhabilitation de nombreux logements, soutient les entreprises du bâtiment
et donc l'emploi dans ce secteur.
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur Marest, le logement social, c'est
non seulement le parc HLM public mais c'est aussi, ne l'oublions pas, le parc
social privé. D'ailleurs, 60 % des aides à la personne vont au logement social
privé contre 40 % au logement social public.
Il faut donc augmenter l'offre à la fois dans le parc public et dans le parc
privé.
Au cours des cinq dernières années, on a enregistré en moyenne la construction
d'environ 47 000 logements sociaux par an. Nous nous sommes fixé un objectif de
54 000 nouveaux logements. Certes, cela n'a rien d'extraordinaire, mais c'est
tout de même un net progrès, qui indique clairement les intentions du
Gouvernement.
Nous sommes convaincus que l'on peut stimuler l'offre de logements locatifs
privés en réorientant l'épargne vers ce type d'investissement. Pour cela, il
convient de le rendre fiscalement attractif, de lui donner de la souplesse,
d'éviter de faire peser des contraintes trop lourdes.
Certains s'y sont essayés avec un relatif bonheur, mais en prévoyant trop de
restrictions. Je pense notamment au dispositif Besson, que nous avons commencé
à dévérouiller avec la mesure concernant les ascendants et les descendants : la
levée de cette contrainte représentera problablement quelques milliers de
logements supplémentaires.
A terme, nous voulons aller plus loin en instituant un mécanisme du type du
dispositif Périssol - celui-ci sera, en quelque sorte, remis au goût du jour -,
de façon que des gens qui ont un peu d'argent ou qui peuvent emprunter puissent
acheter un logement. Ce nouveau dispositif sera défini en fonction des masses
budgétaires dont nous disposerons. En tout cas, il faut que des gens qui
veulent se constituer une petite épargne puissent investir dans l'immobilier.
Cela permettra à la fois de soutenir le bâtiment et de stimuler l'offre
locative.
Mais j'y vois un autre avantage, à l'heure où l'on se préoccupe beaucoup de
l'avenir des retraites. En aidant les Français non seulement à acquérir leur
propre logement, mais aussi à investir dans un logement destiné à la location,
il va de soi que l'on contribue à leur procurer un supplément de revenu pour
les années où ils auront cessé de travailler.
Vous le voyez, il existe un gisement de mesures à imaginer : mises bout à bout
elles permettront de réactiver toute la chaîne du logement et, par surcroît,
dans certains cas, d'améliorer le revenu des futurs retraités.
En ce qui concerne la décentralisation, je souhaite que, d'une logique de
guichet et de financement opération par opération, on passe à une logique de
contrat d'entreprise, ce que les spécialistes appellent le « conventionnement
global ».
Aujourd'hui, lorqu'un organisme d'HLM veut construire un ensemble de dix ou de
cent logements, il doit boucler un épais dossier et démontrer par a + b que
l'opération est parfaitement équilibrée. Cela nécessite des allers-retours
nombreux entre les administrations et l'office public ou la société anonyme
d'HLM. Demain, la réforme permettra, notamment grâce à la décentralisation,
d'examiner l'équilibre global du maître d'ouvrage. Si cet équilibre global est
satisfaisant, le conventionnement permettra de conduire des opérations, quitte
à ce qu'elles soient, dans un premier temps, légèrement déséquilibrés. En
effet, vous le savez, la construction de logements HLM est principalement
financée par les loyers. Dès lors, on conçoit qu'une opération puisse être
déséquilibrée pendant trois ou quatre ans, et que l'équilibre ne soit trouvé
qu'à partir de la cinquième ou la sixième année.
Ainsi, la mise en oeuvre de cette notion de conventionnement global
permettrait à certains organismes de construire beaucoup plus de logements
sociaux.
Voilà quelques réponses, monsieur le sénateur, à vos excellentes questions.
M. le président.
La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest.
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses. Vos convictions et
votre engagement nous inspirent, je puis vous l'assurer, une totale
confiance.
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions.
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, j'ai cru percevoir, lors de
mon intervention, une certaine émotion chez M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Peut-être cette émotion était-elle prématurée car,
en conclusion de mon intervention, j'ai évidemment fait part de l'avis
favorable émis par la commission des affaires économiques.
Je pense avoir ainsi respecté l'esprit des règles et des usages sénatoriaux :
le rapporteur est libre de ses propos, mais se doit, bien entendu, de rapporter
conformément à l'avis de la commission.
Je dois d'ailleurs préciser que, si j'ai effectivement donné mon opinion
personnelle, celle-ci est partagée par les représentants des différents
professionnels du secteur que j'ai pu rencontrer. Au demeurant, je suis
persuadé que M. le ministre, à titre personnel, partage certaines des
inquiétudes que j'ai pu exprimer : apès tout, ce sont les inquiétudes que
ressentent tous les élus locaux. Tous, nous souhaitons le développement du
logement social dans notre pays où l'importance de la demande par rapport à
l'offre dans ce domaine crée une réelle difficulté.
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs,
l'urbanisme et le logement inscrits à la ligne « Equipement, transports,
logement, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de
l'examen des crédits affectés au tourisme.
ÉTAT B