SEANCE DU 3 DECEMBRE 2002
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage.
Monsieur le ministre, vos nombreuses réponses ont été détaillées, et je
limiterai donc mon intervention à quelques thèmes.
Je voulais en effet vous interroger sur l'absence de financement du fonds
national de garantie des calamités agricoles. Cela ne paraissait pas très
normal, mais vous nous avez rassurés : vous interviendrez si le besoin s'en
faisait sentir.
Je voulais ensuite vous demander de rétablir l'aide à l'assurance grêle, qui
représentait 2,8 millions d'euros en 2002. Je me rappelle qu'en 1994, en tant
que député, avec un certain nombre de mes collègues aujourd'hui sénateurs,
j'avais pris une part active au rétablissement de cette incitation. Sa
suppression constituerait un recul préjudiciable à certaines catégories
d'agriculteurs, d'autant plus que, dans de nombreux départements, le conseil
général intervient en complément de l'aide de l'Etat.
S'agissant de l'assurance récolte, je constate que ce mécanisme donne des
résultats probants dans de nombreux pays tels que l'Espagne ou les Etats-Unis.
Ce système, qui est fondé sur une logique d'entreprise et qui responsabilise
les agriculteurs dans un cadre contractuel, a démontré son efficacité.
Je vais vous faire une suggestion : puisque le fonds national de garantie des
calamités agricoles dispose de quelques réserves, pourquoi ne pas envisager un
financement paritaire de l'incitation à l'assurance récolte, par exemple 7
millions d'euros apportés par l'Etat et 7 millions d'euros apportés par le
fonds ?
Je tenais également à attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un
point qui me paraît particulièrement important : le financement des offices.
Vous en avez parlé et vous nous avez donné des apaissements.
Etant élu d'un département gros producteur de fruits et légumes, je veux
attirer votre attention surl'ONIFLHOR, qui, selon moi - et c'est aussi l'avis
des producteurs - ne dispose pas de crédits suffisants pour faire face à une
éventuelle crise.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, l'organisation commune du marché
des fruits et légumes ne dispose pas d'outil d'intervention et de régulation de
marché. L'Europe n'intervenant que de manière très limitée pour financer les
projets d'entreprise dans le cadre de programmes opérationnels mais pas sur le
produit, les crédits nationaux sont, de ce fait, essentiels.
D'autant que la filière est un gros employeur : le coût des fruits et légumes
est constitué de 50 à 60 % par cette main-d'oeuvre. C'est une bonne chose pour
la vie des territoires concernés mais cela rend la filière très fragile face à
l'ouverture des frontières et à l'abandon rapide de la préférence
communautaire.
Cette filière des fruits et légumes doit également, il ne faut pas l'oublier,
faire face à une autre variable non négligeable : les aléas climatiques.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très attentif à tous les
problèmes de nos agriculteurs. Mais comment pourrez-vous, en période de crise,
mobiliser très rapidement les crédits qui vous seront nécessaires si ceux-ci ne
sont pas prévus ?
Au moment où l'ensemble des acteurs de nos filières font de grands efforts
d'organisation, de qualité, de sécurité alimentaire, au moment où les fruits et
légumes sont reconnus comme des facteurs favorables à une bonne santé, votre
soutien est vraiment indispensable.
Je voudrais enfin parler d'un problème régional, monsieur le ministre : la
commercialisation du pruneau d'Agen.
Il y a quelques jours, nous avons été fort surpris, nous, les responsables
professionnels, les élus, mais aussi au ministère de l'agriculture, m'a-t-on
dit, d'apprendre que les droits de douanes de 9,6 % entre l'Union européenne et
le Chili étaient supprimés pour le pruneau.
Compte tenu de l'importance de cette production dans l'économie du
département, nous sommes consternés, d'autant que cette mesure frappe une
production parfaitement organisée en interprofessions et que cette filière
dispose d'un label IGP reconnu. Il est à craindre de surcroît que cet accord
passé avec le Chili ne crée un précédent pour d'autres pays.
Monsieur le ministre, une fois encore, nous demandons votre appui. Il nous
faut impérativement obtenir l'application de la clause de sauvegarde et des
compensations. Merci par avance pour les producteurs et l'ensemble des acteurs
de la filière.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Monsieur le sénateur, vous évoquez un certain nombre de sujets
extrêmement importants sur lesquels je voudrais revenir brièvement.
S'agissant des calamités agricoles, je ne répéterai pas la réponse que j'ai
déjà apportée tout à l'heure. Nous aurons à la fin de l'année prochaine encore
111 millions d'euros. J'espère que ces réserves n'auront pas à servir. Cela
voudra dire que nous n'aurons pas connu trop de calamités. Il est bien évident,
néanmoins, que l'Etat abondera ce fonds en cas de besoin.
Chaque fois que le pays a connu une catastrophe, ce qui a malheureusement été
souvent le cas, l'Etat a toujours été au rendez-vous. Par conséquent, il n'y a
pas de raison qu'il n'en soit pas ainsi, comme nous l'avons d'ailleurs prouvé
après les récentes intempéries qu'a connues le Gard.
En ce qui concerne l'ONIFLHOR, vous avez abordé deux sujets. Le premier
concerne le volume de crédits effectivement disponibles et le second les fonds
opérationnels et leur compatibilité avec les règles européennes. La difficulté
n'est donc pas seulement de pouvoir disposer d'argent, c'est également de
pouvoir le dépenser à bon escient.
C'est la raison pour laquelle, nous avons demandé, avec nos voisins espagnols,
une réforme de l'organisation commune de marché des fruits et légumes. Nous
n'avons pas encore obtenu satisfaction de Bruxelles, mais cela fait partie des
objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de la revue à mi-parcours
afin que nous puissions « communautariser » des régimes de crise véritablement
efficaces, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
Toujours s'agissant de la filière des fruits et légumes, il faut absolument
que les producteurs s'organisent autour d'interprofessions puissantes. Une
partie du problème vient en effet, à l'évidence, de l'insuffisante intégration
de la production, de la multiplication des comportements individualistes qui ne
favorisent pas l'épanouissement de la filière. Nous y travaillons avec
l'ensemble des professionnels, ainsi qu'avec la nouvelle direction générale de
l'ONIFLHOR.
S'agissant des pruneaux d'Agen, je ne suis pas en mesure de vous répondre ce
soir, mais je vais étudier la question, en liaison avec la DPEI et la
Commission européenne.
Enfin, ne vous faites pas de souci : sachez qu'il y aura ce qu'il faut pour
couvrir les dommages liés à la grêle. J'en prends l'engagement ici ce soir.
M. le président.
L'amendement n° II-51, présenté par MM. Arthuis, Marini et Bourdin, au nom de
la commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction du titre IV de 800 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 54
210 316 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Je ne reviendrai pas sur les raisons qui ont motivé
le dépôt de ces amendements. Je signale tout de même que le fait de ne pas les
adopter reviendrait à accepter d'office que la dette de la France pour l'année
prochaine augmente en prévision.
Par cet amendement, il est proposé de procéder à une réduction de 800 000
euros sur le titre IV, chapitre 44-70 « Promotion et contrôle de la qualité »,
article 20 « Maîtrise sanitaire des animaux et de leurs produits ». Cette
réduction permettra de prendre en compte les économies résultant de la mise en
oeuvre de l'abattage sélectif, ce qui est une nouveauté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, contre l'amendement.
M. Jean-Marc Pastor.
Je veux vous faire part de quelques remarques sur ces deux amendements qui,
indépendamment des chapitres qu'ils visent, ont été déposés dans le même
esprit.
Monsieur le ministre, puisque vous avez employé à plusieurs reprises le mot de
« modestie », sachez que je partage avec vous cette notion, à plus forte raison
au sein de cette assemblée, où nos propos doivent être d'autant plus modestes
qu'ils ne pèsent pas lourds, nous le savons très bien, par rapport aux
décisions finales !
La modestie s'applique également aux chiffres, puisque vous avez pris la
précaution de faire ressortir, dans ces amendements, le pourcentage que
représente la réduction de crédit, afin de bien montrer du doigt qu'elle
représente peu par rapport au budget général.
Je me rappelle que, dans votre intervention, vous aviez déjà évoqué cette
notion de pourcentage, qui pouvait signifier bien des choses !
Permettez-moi de vous faire remarquer aussi que, si les pourcentages sont
limités, les sommes en jeu, que j'ai présentées aux représentants des
professions agricoles de mon département, prises globalement, traduisent
incontestablement une réduction qui, pour le monde agricole, est bien réelle
!
Cela m'amène à quelques remarques d'ordre général.
Je ne suis pas sûr que l'opinion publique ait un
a priori
favorable à
l'égard du Sénat c'est pourquoi nous devrions être prudents. Je ne suis pas sûr
non plus, monsieur le ministre, que vous fassiez un cadeau au Sénat en vous en
remettant à sa sagesse sur cet amendement. Personnellement, j'aurais bien aimé
connaître votre avis ne serait-ce que pour éviter que ce soit le Sénat, et donc
le Parlement, qui propose une diminution des crédits de l'agriculture. Mais je
m'aperçois que le Sénat vous emboîte le pas. Certes, on trouvera toujours
quelqu'un pour dire, en fin de compte, que, si nous économisons sur ces
chapitres, c'est pour transférer ailleurs les crédits, mais toujours dans le
secteur de l'agriculture !
Monsieur le ministre, je vous remercie néanmoins de la précision de vos
réponses. Je retiens que vous vous êtes battu en interne, c'est-à-dire dans le
cadre des discussions interministérielles, puis avis au niveau européen, pour
essayer de proposer un budget au Parlement. Mais - quelle coïncidence ! - c'est
le Parlement qui, ensuite, diminue les crédits d'un budget pour lequel vous
vous êtes battu !
Permettez-moi de rappeler que l'avenir d'une profession passe toujours par la
formation des hommes. C'est pourquoi le fait de diminuer les crédits est
toujours gênant.
C'est d'autant plus gênant que cette réduction, au lieu d'avoir été décidée au
niveau interministériel - elle serait alors passée inaperçue dans l'opinion
publique -, l'est par le Parlement !
M. Hilaire Flandre.
Il faut un peu de courage, quand même !
M. Jean-Marc Pastor.
La société d'aujourd'hui - vous le savez, monsieur Flandre puisque cela
concerne votre profession - est très sensible à la notion de précaution, et
l'agriculture en a beaucoup souffert. Je ne rappellerai pas tous les problèmes
que connaît l'agriculture depuis sept ou huit ans, précisément à cause de cette
notion ! C'est pourtant le deuxième volet pour lequel vous proposez, chers
collègues de la majorité sénatoriale, une diminution des crédits. Il est
regrettable de le faire sur un sujet auquel notre société est particulièrement
sensible.
Nous ressentons, dans votre façon d'agir, une certaine maladresse
psychologique. En effet, parce que le budget global - et pas uniquement celui
de l'agriculture - a été préparé sur la base d'un taux de croissance plus élevé
qu'il ne le sera en 2003, il vous faut bien trouver le moyen de réduire les
dépenses. Nous sommes là au coeur du problème ! Après avoir, en quelque sorte,
jeté de la poudre aux yeux, il faut maintenant faire preuve de réalisme à
l'égard du peuple français et couper dans les dépenses !
Mais c'est le Parlement qui donnera les coups de ciseaux et non le
Gouvernement. C'est bien là que réside la particularité de votre façon de
faire, chers collègues de la majorité sénatoriale.
Enfin, monsieur le ministre, s'agissant du BAPSA, vous avez évoqué la notion
de sincérité. Là encore, je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais comment
expliquez-vous qu'un budget qui a été voté à l'Assemblée nationale ne soit pas
présenté à l'identique au Sénat, alors qu'une seule nuit à séparé le vote de
l'Assemblée nationale et le début de la discussion au Sénat, et alors que les
deux assemblées ne sont distantes que de quelques centaines de mètres ?
Cette zone d'ombre laisse planer un doute sur votre sincérité. La vraie
sincérité aurait été d'avoir le souci d'équilibrer le budget sans avoir, comme
c'est le cas maintenant, à deux heures et demie du matin, à faire passer des
amendements de réduction de crédits d'un budget pour lequel vous vous êtes
battu, monsieur le ministre, au niveau interministériel.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposerons, bien sûr, à ce
deuxième amendement.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste
et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils.
Je souscris à un certain nombre d'éléments évoqués par M. Pastor, mais je
voudrais ajouter une remarque.
Le Gouvernement avait fait des choix, dans ce projet de loi de finances
présenté au Sénat. L'amendement qui nous est proposé montre que la majorité
sénatoriale souhaite renforcer les orientations prises en réduisant encore
certains crédits.
En refusant un certain nombre des propositions que nous avions été amenés à
faire à l'occasion de l'examen de la première partie relative aux recettes ;
vous avez vous-même créé les conditions d'un déficit budgétaire supérieur à ce
que vous estimez être acceptable pour répondre aux critères de Maastricht. Ni
mon groupe ni moi ne pouvons être d'accord avec ce choix. Nous nous opposons à
une telle décision et, par conséquent, nous voterons contre cet amendement.
Ce qui a été dit tout à l'heure sur la partie éducative est aussi vrai pour ce
qui concerne les actions. Dans le domaine de l'agriculture, celles-ci sont
observées avec attention, non seulement par le monde agricole, mais aussi par
les consommateurs et la jeunesse, qui a aujourd'hui décidé de s'impliquer et
d'essayer de faire de cette activité agricole un projet professionnel pour son
avenir.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je voudrais répondre à nos
collègues M. Jean-Marc Pastor et Mme Marie-France Beaufils que l'exercice
budgétaire est sans doute l'un des plus contraignants qui soit, mais qu'il est
de la responsabilité du Parlement de voter les crédits mis à la disposition du
Gouvernement.
Or notre rôle ne consiste pas à voter des dépenses, toujours plus de dépenses
! Nous devons savoir faire preuve de lucidité et de courage. C'est aussi cela
la responsabilité du Parlement !
Au mois de septembre, le Gouvernement a basé son budget sur une hypothèse qui
doit aujourd'hui être révisée à l'occasion de la discussion budgétaire. C'est
tout à l'honneur du Gouvernement d'avoir su tirer les conséquences d'une
hypothèse qui se révèle différente de la réalité. Il s'agit donc non pas d'une
décision de réduction de 700 millions d'euros de recettes, mais d'un constat
que les recettes seront inférieures de 700 millions d'euros aux prévisions !
C'est un souci de sincérité qui a animé le Gouvernement.
Mes chers collègues, voilà un an, le rapporteur général dénonçait un budget
mensonger. Auriez-vous la nostalgie de cette époque ?
(Exclamations sur les
travées du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult.
Et le vôtre alors ? C'est scandaleux ce que vous êtes en train de dire !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Rappelez-vous qu'il ne suffit
pas d'inscrire des crédits pour qu'ils soient dépensés. On a trop souvent
assisté, voilà peu, à des inscriptions de crédits qui étaient des opérations
d'affichage et d'illusionnisme.
(Vives exclamations sur les mêmes
travées.)
Nous sommes invités à faire preuve de courage, de responsabilité et de
sincérité.
M. Bernard Piras.
Vous trichez ! C'est votre budget qui est mensonger ! Nous en reparlerons en
juin prochain !
M. Paul Raoult.
On savait déjà en septembre qu'il n'y aurait pas 2,5 points de PIB !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-51.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 199 |
Contre | 114 |
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programe : 15 626 000 euros ;
« Crédits de paiement : 4 688 000 euros. »