SEANCE DU 3 DECEMBRE 2002


M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget que nous examinons aujourd'hui traduit - et c'est suffisamment rare pour être souligné - les orientations qui ont été définies par le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que le Sénat a adopté voilà quelques mois.
Les effectifs de policiers et de gendarmes sont accrus, les crédits d'équipement et de fonctionnement augmentent. Je ne peux que féliciter le Gouvernement d'avoir réussi à mobiliser autant de moyens en faveur de la sécurité.
Vous me permettrez d'insister néanmoins sur quelques points particuliers.
Je ne m'attarderai guère sur le redéploiement des forces de police et de gendarmerie qui a été évoqué longuement ce matin. En réponse à M. Gérard Longuet, M. le ministre de l'intérieur a rappelé son attachement à ce redéploiement et l'esprit de réorganisation dont il a fait preuve. Je reste toutefois inquiet sur l'avenir du commissariat de police de Commercy, comme sur celui de la compagnie de gendarmerie de Montmédy, commune qui, située dans une zone transfrontalière dont M. le ministre de l'intérieur a souligné qu'elle était prioritaire, aurait toute raison de voir l'attention se porter sur elle.
Le deuxième sujet que je voulais évoquer, qui a, lui aussi, déjà fait l'objet de quelques réactions, est celui du rôle dévolu aux maires dans la nouvelle architecture que M. le ministre compte mettre en place.
En effet, les élus des collectivités non dotées d'une police municipale - donc, en majorité, les communes rurales - sont souvent démunies quant aux pouvoirs de police. Ils peuvent certes faire appel à la gendarmerie, mais - c'est bien logique - ils n'ont aucune autorité sur elle et ils doivent quelquefois attendre plusieurs jours avant qu'elle n'agisse.
Aussi me serait-il agréable d'obtenir une précision quant au rôle qui pourrait être donné aux élus, qui ont leur place dans la lutte contre la délinquance, qui peuvent apporter leur contribution, qui mériteraient d'être informés et, peut-être aussi, d'être associés, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement.
Je n'insisterai pas davantage non plus, ce dossier ayant déjà été longuement évoqué, sur la stagnation du volontariat dans le corps des sapeurs-pompiers volontaires auquel nous venons à l'instant de rendre hommage. Cela dit je relève avec intérêt que, comme je l'avais suggéré dans une question sur ce sujet en juillet dernier, l'âge d'entrée dans les corps de sapeurs-pompiers puisse être bientôt ramené à seize ans. Je souhaiterais par ailleurs savoir, monsieur le ministre délégué, ce que vous envisagez afin, d'une part, de rendre le volontariat plus attrayant et, d'autre part, de gommer les difficultés existant souvent sur le terrain entre les pompiers professionnels et les pompiers volontaires. Là encore, je pense que les maires ont un rôle à jouer et qu'ils pourraient être considérés comme des partenaires plutôt que comme des gêneurs.
Vous me permettrez également de revenir sur le problème récurrent lié aux gens du voyage et à leur installation. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à l'économie parallèle générée par les gens du voyage et aux agissements un peu bizarres des uns et des autres ? Que comptez-vous faire également pour éviter les rassemblements trop importants dans des zones rurales faiblement peuplées, comme j'en ai connus dans ma circonscription ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Claude Biwer. Je n'insisterai pas sur les difficultés que rencontre mon département - ce n'est peut-être pas le moment - en ce qui concerne la reconstruction de ponts détruits depuis la guerre de 1940 ni sur la répartition de la dotation globale d'équipement, la DGE, qui, selon moi, n'est pas adéquate.
Sous le bénéfice de ces observations, je voterai ce projet de budget non seulement parce qu'il est bon, mais aussi parce que je fais confiance au Gouvernement pour faire reculer l'insécurité dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous rappelle que, s'agissant de cette procédure de questions-réponses, vous ne devez poser qu'une seule question. Vous en avez posé quatre, et M. le ministre délégué n'a que trois minutes pour vous répondre.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, je vais essayer de relever ce défi !
En ce qui concerne la question du redéploiement des personnels de la gendarmerie de Montmédy et du commissariat de Commercy, je rappelle les principes énoncés par M. Sarkozy.
Premier principe : les moyens affectés à la sécurité seront, dans tous les cas, au moins préservés, si ce n'est augmentés.
Deuxième principe : nous devons faire preuve d'une grande imagination et d'une grande souplesse pour répondre aux situations personnelles des fonctionnaires et des militaires. Les personnels de la police nationale mutés ou déplacés en raison de la fermeture d'un commissariat peuvent déjà percevoir une indemnité exceptionnelle de mutation qui permet, en cas de déménagement, le remboursement des frais à 100 % sans condition de durée de séjour.
Troisième principe : le redéploiement se fera, c'est indiscutable, et le Gouvernement n'a pas l'intention de faiblir, d'autant que la carte des brigades de gendarmerie date de 1850 et la carte des commissariats de 1941 !
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est là une singulière référence !
Le gâchis, il réside dans cette organisation, et il n'est pas question de conserver ce système si nous voulons lutter efficacement contre la délinquance.
S'agissant, monsieur Biwer, du rôle des maires dans la politique de sécurité, le décret et la circulaire du 17 juillet dernier, en même temps qu'ils créaient les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, ont accru le rôle des maires qui, désormais, doivent obligatoirement être informés des actes de délinquance importants qui surviennent dans leurs communes. Ce qui se faisait autrefois par courtoisie, aujourd'hui, devient un droit pour les maires et une obligation pour les forces de sécurité.
Le rôle des élus se prolongera dans le cadre des conseils départementaux de prévention.
S'agissant de la crise du volontariat chez les sapeurs-pompiers que vous avez évoquée, M. Sarkozy avait déjà répondu sur ce sujet à M. Schosteck. Je vous rappelle les mesures qui avaient été annoncées.
La première est la reconnaissance des années passées comme volontaire, au titre de la retraite. On peut comprendre, en effet, que le volontariat, s'il ne rapporte pas, ne doive rien coûter !
La deuxième est, comme vous l'avez souhaité, le retour à l'âge minimum de seize ans au lieu de dix-huit, car nous avons besoin de jeunes motivés, dynamiques, soucieux de se former et de servir.
Enfin, la troisième est la création d'un baccalauréat professionnel de sécurité civile.
S'agissant des gens du voyage, l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil des gens du voyage permet aux maires des communes qui sont inscrites au schéma départemental d'accueil des gens du voyage et qui ont satisfait aux obligations légales en réalisant une aire d'accueil pour les gens du voyage d'engager une procédure d'expulsion en se substituant aux propriétaires privés.
Toutefois, cet article comporte une omission majeure qu'il faut prendre en compte. Les communes non inscrites au schéma départemental, et donc non astreintes à une obligation d'aire d'accueil, doivent bien évidemment pouvoir se substituer aux propriétaires privés. Il faudra corriger le texte initial en ce sens, car telle est bien notre intention, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je souscris à bon nombre de vos réponses.
S'agissant des gens du voyage, nous avons effectivement la faculté d'intervenir. Mais, pour que ces interventions soient efficaces, des aménagements de la loi sont nécessaires, et je me permets d'insister sur ce point. (M. le ministre délégué acquiesce.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Comme beaucoup d'entre nous, je suis confronté au redéploiement des forces de police et de gendarmerie dans mon arrondissement.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu ce que vous rappeliez à l'instant, à savoir la nécessité qu'après de tels redéploiements les moyens de sécurité restent les mêmes dans les territoires concernés.
Dans l'arrondissement de Cambrai, nous comprenons la nécessité d'une telle répartition, et les élus ont d'ailleurs accepté la fermeture du commissariat de Caudry et son « passage » en zone de gendarmerie. Dans le chef-lieu d'arrondissement, ils ont même accepté le transfert éventuel du commandement de la compagnie de gendarmerie dans la ville principale, où sera maintenant basée la gendarmerie.
Mais ce à quoi nous tenons - et nous vous demandons, monsieur le ministre, d'en faire part au ministre de l'intérieur - c'est qu'après de tels redéploiements les effectifs de la police et de la gendarmerie soient maintenus dans l'arrondissement. Nous ne comprendrions pas, en effet, que notre volonté de modernisation et l'acceptation de cette réforme se traduisent par l'envoi de certains de nos effectifs ailleurs.
Il nous semble qu'un engagement du ministre a été pris sur ce point, mais les informations dont je disposais hier soir me laissaient penser qu'il n'était pas totalement respecté. Je vous demande, par conséquent, de bien vouloir y tenir la main.
J'en viens à un autre problème qui, malheureusement, est tout à fait d'actualité. Le regretté Maurice Schumann, qui fut président du Haut Comité français de défense civile, écrivait : « Le troisième millénaire commencera par une guerre diffuse et permanente. » Malheureusement, nous y sommes !
M. le ministre de l'intérieur est conscient - et il l'a montré dès son arrivée au ministère - de cette nouvelle donne et de l'impréparation de la France à affronter cette nouvelle menace. Je dois reconnaître que nos voisins européens ne semblent guère mieux préparés que nous dans ce domaine.
Dès le mois de juillet, M. Sarkozy a annoncé le regroupement à Cambrai de différents services qui forment au déminage et, surtout, la création d'une école de la défense civile qui devrait, dans un cadre national, voire européen, concourir à la formation de tous ceux qui ont à intervenir après un attentat terroriste, lequel, malheureusement, on le sait, ne peut être exclu. M. le ministre a également annoncé l'installation dans le même lieu d'une unité permanente de la sécurité civile.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer aujourd'hui ces créations qui paraissent en effet nécessaires ? Pouvez-vous me donner quelques informations sur les formations assurées, les effectifs concernés, le financement de l'investissement et du fonctionnement et, bien sûr, le calendrier de la mise en route ? Par avance, je vous en remercie.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous confirme bien volontiers le caractère indispensable de ce pôle de formation en matière de défense civile et je veux vous assurer que le Gouvernement y est déterminé.
S'agissant du calendrier, la préfiguration de ce pôle est déjà en place, puisque le premier colloque a eu lieu le 21 novembre. Une autre session de formation est prévue pour le 16 décembre. Enfin, les études sont déjà lancées pour définir ce que sera l'organisation définitive, et le cabinet d'études qui a été missionné rendra ses conclusions le 20 décembre prochain.
Nous lui avons demandé de comparer deux hypothèses : celle d'un établissement dont le financement serait partagé entre l'Etat et les collectivités locales, et celle d'une délégation de service public. Dès les premiers jours de janvier, ces différentes hypothèses seront soumises à la concertation des élus. Nous souhaitons être en mesure de choisir, sans préjugé idéologique, la meilleure solution ; c'est une question d'efficacité la plus grande possible contre les risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique, dits NRBC, qui sont importants.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Je prends acte de votre réponse, monsieur le ministre. Bien évidemment, tous nos partenaires locaux continueront à être extrêmement attentifs à cette réalisation, car nous pensons qu'elle est très importante sur le plan national.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, nous parlons beaucoup de l'implantation spatiale des forces de la police et de gendarmerie. Ma question porte sur l'emploi, en termes temporels, des forces de la police nationale.
Il n'est pas rare, notamment dans les zones urbaines, de constater que près de la moitié des crimes, des délits et des actes de délinquance ont lieu pendant la nuit. Or - c'est une question ancienne, monsieur le ministre, mais toujours plus actuelle - le pourcentage des effectifs de la police nationale en service pendant les heures de nuit est nettement inférieur au pourcentage des actes de criminalité ou de délinquance ayant lieu pendant ces heures de la nuit. Je me suis posé la question de savoir s'il existait des statistiques sur cette question. J'ai eu beaucoup de mal à trouver des informations.
Dans sa revue Economie et statistique parue cette année, l'INSEE s'intéresse aux horaires de travail des différentes catégories socioprofessionnelles. Il s'avère que 10,9 % du temps de travail des policiers et des militaires a lieu pendant la nuit. Bien sûr, ce pourcentage est peut-être supérieur pour ce qui est des seuls policiers.
Je prendrai à cet égard un exemple très concret, celui de la circonscription de police de l'agglomérationd'Orléans, qui compte de 360 à 380 fonctionnaires. J'avais eu l'occasion d'interroger M. Nicolas Sarkozy, qui m'avait indiqué, le 22 juillet dernier, que le nouvel effectif de référence - mais je ne connais pas l'ancien - fixé à 333 agents serait augmenté de 8 fonctionnaires.
S'il est sans doute bénéfique de disposer de 8 fonctionnaires supplémentaires au 31 décembre 2002, comment seront-ils répartis ? J'ai pu moi-même constater, connaissant bien un certain nombre des cadres de la police nationale dans cette circonscription, que, sur un effectif de 360 à 380, le pourcentage de fonctionnaires effectivement en service la nuit était de l'ordre de 10 %. Pendant le mois d'août ou le mois de septembre, il est encore plus faible !
Ma question est très simple, monsieur le ministre : quelles dispositions comptez-vous prendre pour accroître la présence de fonctionnaires de la police nationale pendant la nuit ? C'est absolument nécessaire. Si vous pouviez me donner des précisions concernant plus particulièrement l'agglomération d'Orléans, j'en serais heureux, mais il s'agit d'un problème à caractère général.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Sueur, il est exact que la majeure partie des actes de délinquance se produit la nuit. C'est en particulier le cas pour les vols d'automobiles ou les cambriolages.
Il n'en demeure pas moins vrai qu'il est délicat de comparer les effectifs de nuit et les effectifs de jour, certaines missions ayant nécessairement vocation à être effectuées le jour rendant la comparaison difficile ! Citons, à titre d'exemple, les missions destinées à lutter contre la délinquance de jour, les vols à la tire, la plus grande partie des agressions violentes et les missions de maintien de l'ordre, les enquêtes d'investigation, les surveillances, les missions de contact avec la population et les tâches administratives.
Mais, vous avez raison, les effectifs de nuit sont insuffisants, et c'est la raison pour laquelle le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, a donné des instructions aux directeurs départementaux de la sécurité publique afin de développer les services d'investigation et de recherche, ainsi que les brigades anticriminalité, les fameuses BAC, qui mènent l'essentiel de la lutte de nuit contre la délinquance.
Depuis son arrivée, le ministre s'est fait communiquer régulièrement le nombre des rondes de nuit - il ne s'agit pas de La Ronde de nuit de Rembrandt (Sourires) - et, surtout, il l'a fait savoir. Le résultat, c'est que le nombre de ces rondes a augmenté.
S'agissant de la situation à Orléans, je suis d'accord avec vous. L'insuffisance des effectifs dans la circonscription est patente. Il y a 320 policiers pour 240 000 habitants et un peu plus de 20 fonctionnaires en moyenne effectivement présents pendant la nuit. Il a donc été décidé d'y affecter, dès le mois prochain, un renfort de 25 fonctionnaires supplémentaires. Mais il est vrai que 10 fonctionnaires vont être mutés ou partir à la retraite, et il faut en tenir compte. Le Gouvernement considère donc que ces nouvelles affectations ne sont qu'un premier pas pour la circonscription d'Orléans.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je remercie M. le ministre pour la précision de sa réponse. Je souhaite que ce premier pas soit suivi d'autres car, s'il est vrai qu'on ne peut statistiquement pas comparer les missions de jour et les missions de nuit, nous savons bien, en revanche, qu'il est nécessaire d'augmenter le nombre de fonctionnaires de la police nationale sur le terrain pendant la nuit, en particulier dans les zones urbaines.
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons fini avec les questions.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité inscrits à la ligne « Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales » seront mis aux voix aujourd'hui à la suite de l'examen des crédits affectés à la décentralisation.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 276 737 448 euros. »