SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le ministère des anciens combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Rapporteur spécial du budget des
anciens combattants, il me revient l'honneur d'ouvrir ce débat et de vous
accueillir, monsieur le secrétaire d'Etat, pour cette première discussion
budgétaire de la législature, mission dont je m'acquitte avec le plus grand
plaisir. Au nom de mes collègues et en mon propre nom, je vous souhaite la
bienvenue dans l'hémicycle de la Haute Assemblée.
Le budget des anciens combattants et victimes de guerre, y compris les crédits
inscrits au budget de la défense et les dépenses fiscales constituées par les
déductions et exonérations accordées aux anciens combattants, représente près
de 4 milliards d'euros.
C'est une somme considérable, largement justifiée par le fait qu'elle concerne
près de 4 200 000 bénéficiaires, ressortissants directs et ayants cause. Ces
chiffres prouvent, s'il était nécessaire, le rôle fondamental du secrétariat
d'Etat aux anciens combattants dans la gestion des intérêts de ses
ressortissants - mais aussi dans le développement de la politique de
mémoire.
Lorsque l'on dit « anciens » combattants, chacun pense : « ancien égale passé
». Mais « anciens combattants », c'est aussi, au travers des leçons de
l'histoire, l'avenir des générations futures. Dès votre arrivée rue de
Bellechasse, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez perçu le message dont est
porteur votre ministère, et votre projet de « mémoire partagée », avec nos
alliés et adversaires d'hier, en est l'exemple.
Cette histoire commune autour de laquelle vous souhaitez souder les nations
est un gage de paix pour l'avenir. Cela prouve que le secrétariat d'Etat aux
anciens combattants est le ministère non pas du passé, mais du futur,
indépendamment de la diminution du nombre de ses ressortissants.
Comme les années précédentes, la réduction globale de 3,97 % du budget
s'explique à la fois par la sous-consommation de certains crédits votés les
années précédentes et par la diminution naturelle et mathématique du nombre de
pensionnés, d'autant que, rapporté au nombre de ressortissants, le montant
reste constant.
Depuis plusieurs années, la commission des finances du Sénat, en dépit
d'incontestables avancées dont nul ne remet en cause l'intérêt, émettait des
avis défavorables sur le vote du budget du secrétariat d'Etat aux anciens
combattants, et j'entends déjà nos collègues de l'opposition nous prédire que,
comme les années précédentes, nous ne voterons pas le budget.
M. Guy Fischer.
C'est bien vrai !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Je les entends déjà, et nous les entendrons tout à
l'heure.
M. Guy Fischer.
Nous espérons bien !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Je leur répondrai que les raisons qui ont présidé à
ces décisions sont simples.
Vos prédécesseurs, monsieur le secrétaire d'Etat, et plus encore leur chef de
gouvernement, ont cultivé - et cela ne vaut pas uniquement en matière
budgétaire ! - l'art de la division et de la ségrégation.
J'en veux pour preuve le décret du 13 juillet 2000, l'instruction du 23
juillet 2001, le projet de commémoration du 19 mars, la retraite du combattant
attribuée dès l'âge de soixante ans aux seuls bénéficiaires de pensions
d'invalidité... Je reviendrai sur ces points dans quelques instants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il vous incombait donc de mettre fin à ces
injustices qui divisent le monde combattant. La tâche n'est pas aisée, et la
marge de manoeuvre est étroite en raison des contraintes budgétaires qui
s'imposent à votre gouvernement. Je comprends que vous n'ayez pu, en quelques
mois, résoudre l'ensemble des problèmes. Toutefois, j'espère qu'à l'issue de la
législature l'unité du monde combattant sera restaurée.
Ces injustices, ces iniquités, vous en avez fait, monsieur le secrétaire
d'Etat, vos priorités. En ce qui concerne le taux de remboursement des frais
d'hébergement des cures thermales, par exemple - je ne reviendrai pas sur
l'historique de cette « brève tempête » -, je vous remercie d'avoir mis fin à
ce contentieux d'autant plus mesquin que l'économie réalisée était plus que
modique. Vous légalisez par décret le taux, jusque-là coutumier, de cinq fois
le montant du remboursement par la sécurité sociale, et nul ne pourra plus le
contester. Ce point final était attendu ; il est le bienvenu.
Autre injustice criante : l'élargissement des conditions d'attribution de la
carte du combattant. En effet, par le biais d'une instruction datée du 23
juillet 2001, le secrétaire d'Etat de l'époque, notre collègue Jean-Pierre
Masseret, avait accordé dérogatoirement aux policiers et aux CRS ayant séjourné
quatre mois sur les territoires algériens le droit à la carte du combattant. Il
paraît dès lors parfaitement inéquitable d'exiger douze mois des autres
combattants !
M. Jean-Pierre Schosteck.
En effet !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Autre exception aux principes généraux : je veux
parler du décret du 13 juillet 2000 et de l'indemnisation des orphelins dont
les parents ont été déportés pour motif d'antisémitisme, mesure à laquelle je
souscris. Si, au regard des sommes en jeu, je comprends que vous n'ayez pu
dégager la ligne budgétaire nécessaire à l'aplanissement de ce contentieux, je
souhaite néanmoins que, en concertation avec le Premier ministre, vous lui
trouviez rapidement une issue, car la discrimination confessionnelle sur
laquelle est fondée cette mesure est propre à ébranler l'indispensable
solidarité du monde combattant, nous l'avons vu et entendu.
Je ne doute pas que M. Philippe Dechartre, que vous avez récemment chargé du
traitement de ce dossier et dont la sagesse et la compétence sont incontestées,
y apportera une solution acceptée par tous.
Le Parlement attend donc le rapport que la commission des affaires sociales de
l'Assemblée nationale a sollicité en adoptant un amendement en ce sens lors du
débat du 12 novembre dernier.
Je rends hommage à mes collègues députés, qui, lors de la discussion des
articles non rattachés de la deuxième partie de la loi de finances, ont adopté
un amendement tendant à insérer après l'article 54 un article additionnel
créant une réduction d'impôt en faveur de ceux qui ont été oubliés dans le
décret. Je souhaiterais que la démarche que vous entamerez grâce aux travaux de
la commission Dechartre puisse aboutir à une extension de cette mesure à tous
les pupilles et orphelins de guerre.
Je m'étonne toutefois, alors que la loi de finances rectificative pour 2001
prévoyait l'extension du dispositif aux orphelins dont les parents ont été
victimes de persécutions raciales et déportés, de n'en trouver aucune
traduction budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2003.
Je tiens d'ailleurs à souligner que, si les crédits prévus à cet effet sont
prélevés sur le budget des services du Premier ministre, ce sont les services
départementaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de
guerre, l'ONAC, qui sont chargés de la procédure d'indemnisation.
Je disais tout à l'heure que vos prédécesseurs avaient cultivé l'art de la
division, et pas uniquement en matière budgétaire. Je prendrai comme exemple le
projet de commémoration du 19 mars, qui a beaucoup divisé ceux qui ont combattu
ensemble. On connaît bien l'expression : « diviser pour régner ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois savoir que vous êtes parvenu à réunir
autour d'une table, à l'occasion des travaux de la commission Favier,
l'ensemble des associations concernées par le choix d'une date commémorative de
la guerre d'Algérie. C'est un premier pas vers la réconciliation que nous
attendons tous, et je tenais à le mettre au crédit de votre action. La
recherche de l'accord du monde associatif me semble relever de la plus grande
sagesse : il est des points de l'histoire sur lesquels l'Etat doit savoir
s'effacer au profit de l'expression populaire et démocratique.
Votre projet de budget présente des avancées incontestables, malgré les
contraintes budgétaires.
C'est ainsi que, rapporteur spécial depuis 1994, j'ai été de ceux qui ont
milité pour une majoration indexée du plafond de la rente mutualiste. Je me
suis donc réjoui lorsque, en 1998, vos prédécesseurs l'ont majoré, hors réserve
parlementaire, de 5 points. Cette mesure a depuis lors été reconduite tous les
ans.
Par un effort supplémentaire, vous prévoyez cette année une progression de 7,5
points. Je ne doute pas que cette disposition donne satisfaction à la plupart
des associations d'anciens combattants. Toutefois, j'aurais préféré que vous en
restiez à 5 points et que vous utilisiez le différentiel pour venir en aide aux
populations plus démunies.
Je rappelle en effet que la rente mutualiste est une rente viagère -
avantageuse - accordée aux anciens combattants qui souhaitent se constituer une
épargne et disposent des moyens de le faire. Elle n'est donc pas accessible à
tous les anciens combattants.
Selon vos services, l'économie dégagée se serait élevée à 2,231 millions
d'euros. J'aurais préféré que, pour mettre fin à l'une des injustices précitées
- certes, la somme n'aurait pas suffi, mais elle aurait peut-être permis une
avancée significative -, vous utilisiez cette somme pour avancer l'âge de
versement de la retraite du combattant ou pour en relever le point d'indice,
qui, rappelons-le, est bloqué depuis 1977. Une telle mesure, contrairement à la
précédente, présenterait l'avantage de bénéficier à l'ensemble des anciens
combattants.
Si je me réjouis que, par voie d'amendement, le Gouvernement ait majoré de 1,5
million d'euros les crédits sociaux de l'ONAC, je regrette toutefois, à
l'instar de mes collègues députés, qu'il ait attendu la discussion à
l'Assemblée nationale pour prendre conscience de la mission fondamentale que
remplit l'Office dans ce domaine. La mission sociale de l'ONAC, notamment en
faveur des veuves, mais également des harkis et - c'est tristement d'actualité
- des victimes d'attentats terroristes, est essentielle. La réduction de cette
dotation constituerait un frein à l'action sociale, individuelle et collective,
que les services de l'ONAC ont si utilement su développer.
Je ne donnerai que quelques chiffres symptomatiques de l'accroissement de
cette activité. Entre 1997 et 2001, le nombre des interventions en faveur des
veuves a été multiplié par 101,5 %, le montant des dépenses progressant de
151,6 %. Entre 1998 et 2001, le nombre des interventions en faveur des harkis a
crû de 40 %, le montant des dépenses augmentant de plus de 65 %. Enfin,
l'attentat de Karachi a conduit l'ONAC à prendre en charge vingt-cinq pupilles
de la nation.
Dans un tel contexte, on ne pouvait admettre que le Gouvernement ait pu
envisager une telle régression, contraire aux intérêts des catégories sociales
les plus fragiles.
La commission des finances du Sénat tient par ailleurs à remercier l'Assemblée
nationale, qui, par le biais de la réserve parlementaire, a abondé en seconde
délibération les comptes sociaux de l'ONAC de 750 000 euros.
Enfin, je loue l'effort de gestion des dépenses de fonctionnement de l'Office,
qui conduit à une réduction de 2,34 % de la subvention sans entraver le bon
fonctionnement de l'établissement public, et ce grâce à la mise en place d'un
contrat d'objectifs et de moyens remarquable de rationalité et d'efficacité. Je
saisis cette occasion pour rendre hommage à la détermination de son directeur
général, qui assure ainsi, j'y insiste, la pérennité de l'institution, que tous
souhaitent.
De même, je me réjouis de l'augmentation importante de la subvention de
fonctionnement de l'institution emblématique que représente l'INI,
l'Institution nationale des invalides, subvention qui progresse de 4,18 %. Elle
permettra à l'INI de parachever son projet d'établissement et d'assurer son
insertion dans le service public hospitalier.
Est également attendu le bilan médical gratuit en matière de
psychotraumatismes de guerre pour les anciens militaires : sont essentiellement
concernés ceux qui ont été engagés dans les conflits contemporains. Cette
mesure répond à une demande du monde combattant mainte fois renouvelée.
En effet, les conflits récents ont entraîné des pathologies physiques et
psychiques nouvelles, méconnues du public, qui laissent souvent les intéressés
dans un état d'isolement d'autant plus pénible qu'ils sont peu nombreux à en
souffrir. La reconnaissance et la prise en charge de ces affections s'avèrent
essentielles dans les thérapies des patients. En leur nom, je vous suis
reconnaissant d'avoir assuré le financement de cette mesure en abondant le
chapitre 46-27 de 440 000 euros supplémentaires.
Enfin, et cette mesure me tient particulièrement à coeur, vous rompez avec le
sordide principe de la cristallisation des pensions et retraites de nos
ex-nationaux.
La demande systématique des parlementaires était restée lettre morte. Aussi,
je me réjouis que vous mettiez fin, du moins partiellement, à ce processus
indigne de la reconnaissance que doit notre nation à nos anciens compagnons
d'armes. Cependant, alors que je ne critique pas la somme de 72,5 millions
d'euros que vous avez dégagée afin d'assurer cette première étape, je regrette
que vous l'ayez partagée entre les chapitres 46-20 et 46-21, ce qui fait
craindre un saupoudrage entre les pensions d'invalidité et la retraite du
combattant.
Personnellement, comme je l'avais envisagé dans la proposition de loi que
j'avais déposée avec quelques-uns de mes collègues en novembre 2000, je reste
convaincu que, dans un premier temps, il eût été préférable de consacrer
l'intégralité de la somme à la décristallisation de la retraite du combattant
seule, ce qui, d'une part, était d'application aisée et, d'autre part,
profitait à l'ensemble des anciens combattants.
Quoi qu'il en soit, je tiens à vous faire part de ma gratitutde pour ce pas
que vous marquez vers un rétablissement dans leurs droits de nos frères
d'armes.
Si j'admets également que l'exigence de réduction du déficit public a dû
considérablement diminuer votre liberté d'action, vous imposant des choix
cruels, je déplore toutefois que le sort des
Reichsarbeitdienst-Kriegshilfsdienst
, RAD-KHD, n'ait pas été au nombre
de vos priorités. Les vains espoirs engendrés par le recensement engagé par vos
prédécesseurs, achevé depuis plus de deux ans, et l'engagement en suspens de «
l'entente franco-allemande » rendent la situation des intéressés insoutenables.
Vous vous honoreriez d'y mettre fin au plus tôt, d'autant que cette
indemnisation, qui représente environ 3 millions d'euros, n'est pas
reconductible. Pourquoi ne le feriez-vous pas à l'occasion du quarantième
anniversaire du traité de l'Elysée, qui a scellé la réconciliation
franco-allemande ?
Malgré les carences sur lesquelles je me suis largement exprimé, mais parce
que vous nous avez assuré que vous mettrez tout en oeuvre pour remédier aux
injustices que j'ai évoquées il y a quelques instants, parce que vous avez la
volonté d'agir dans la concertation et la transparence et parce que votre
budget est empreint de générosité, la commission des finances a émis un avis
favorable.
Oui, mes chers collègues, en dépit de la diminution des crédits du secrétariat
d'Etat aux anciens combattants, la commission appelle à voter ce budget. Si, en
effet, l'année passée, la commission a rejeté le budget proposé par votre
prédécesseur, c'est parce que les dispositions qu'il comportait, et ce depuis
quelques années d'ailleurs, étaient injustes et propres à diviser le monde
combattant. Je ne reviendrai pas sur ces mesures inégalitaires que j'avais
alors dénoncées tout au long de mon intervention.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Pelchat.
Bravo ! C'est vrai !
M. Raymond Courrière.
Position partisane !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Enfin, la commission, malgré les remarques de son
rapporteur, a décidé d'émettre un avis favorable sur l'article 62 rattaché, de
même que sur l'article 62
bis,
adopté par l'Assemblée nationale.
M. Gilbert Chabroux.
Personne n'applaudit ! C'était mauvais !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat d'aujourd'hui
revêt une importance toute particulière. D'abord, il nous permet d'accueillir
et de saluer un nouveau secrétaire d'Etat. Ensuite, nous examinons le premier
budget de la présente législature. Enfin, le présent projet de budget amorce un
mouvement historique et trop longtemps attendu : celui de la décristallisation
des pensions et des retraites des anciens combattants d'outre-mer.
Un budget ne se juge pas en fonction de la seule évolution nominale de ses
crédits. Il doit s'apprécier surtout au regard de son contenu concret. Cette
dernière considération n'est pas nouvelle. Elle marque de façon constante
l'appréciation que la commission formule sur le budget des anciens
combattants.
Les crédits relatifs aux anciens combattants s'élèvent à 3,5 milliards
d'euros, soit une diminution de près de 4 % par rapport aux crédits votés pour
2002.
Mais si les crédits relatifs aux anciens combattants continuent de diminuer
cette année, j'ai cependant le sentiment que le présent projet de budget permet
des avancées importantes.
Premièrement, concernant la politique de réparation et de reconnaissance des
services rendus qui reste le premier poste budgétaire, avec un peu plus de 3
milliards d'euros, il faut dire que la diminution des crédits en valeur
absolue, largement imputable à l'évolution de la démographie de la population
combattante, n'empêche pas la préservation ni même le renforcement des droits
individuels des anciens combattants : en témoigne le retour aux droits anciens
dans la prise en charge des cures thermales.
Cette mesure était attendue du monde combattant et avait été demandée avec
force par la commission des affaires sociales l'an passé. Elle prouve
l'attachement du Gouvernement à la spécificité du droit à réparation dont doit
bénéficier chaque ancien combattant. Elle est également le signe de la
solidarité envers les plus démunis parmi la population combattante, qui ont été
privés, du fait de la diminution du plafond, de cet aspect à la fois concret et
symbolique du droit à réparation.
Deuxièmement, en ce qui concerne la politique de solidarité, je ne peux que me
réjouir de la majoration des crédits d'action sociale de l'ONAC, intervenue en
première lecture devant l'Assemblée nationale. Cette majoration permettra à
l'ONAC de poursuivre son action en direction des plus modestes parmi la
population combattante, en particulier en faveur des veuves.
Troisièmement enfin, s'agissant de la politique de la mémoire, je voudrais
souligner deux éléments qui viennent plus particulièrement conforter l'action
conjointe du secrétariat d'Etat aux anciens combattants et du ministère de la
défense.
En premier lieu, la mémoire a été inscrite au rang des missions de l'ONAC par
la convention d'objectifs et de moyens récemment signée avec l'Etat. La
pérennisation des « assistants mémoire » témoigne de la volonté du Gouvernement
de disposer d'un outil de proximité pour diffuser la mémoire combattante ;
cette action s'adressera en particulier aux jeunes.
En second lieu, le budget pour 2003 marque la volonté d'ouvrir davantage la
mémoire combattante au grand public à travers le développement d'un tourisme de
mémoire. Les moyens consacrés à cette action sont presque multipliés par trois
dans le présent projet de budget.
Mais, plus que sur l'évolution générale des crédits, je voudrais insister sur
les avancées que permet ce projet de budget sur des question restées trop
longtemps en suspens.
Je l'ai mentionné tout à l'heure : que l'on retiendra de ce projet de budget
pour 2003, c'est avant tout l'amorce tant attendue d'un processus global de
décristallisation des pensions et des retraites des anciens combattants
d'outre-mer, processus dont le dispositif législatif nous sera présenté à
l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2002.
Si on me demandait de résumer le budget des anciens combattants d'un seul mot
et de préciser ce qui le caractérise, je répondrais que c'est avant tout et
surtout la décristallisation. C'est en effet un processus historique, et la
France doit en être fière.
(M. Michel Pelchat applaudit.)
Cette mesure, qui mobilise certes 90 % des moyens nouveaux de ce budget,
témoigne de la générosité de la France et de sa volonté de reconnaître le
sacrifice de ceux qui ont jadis combattu pour elle.
La commission des affaires sociales a émis le souhait que le nouveau mode de
calcul des pensions garantisse l'égalité de traitement de tous les combattants.
A cet égard, et par mesure d'équité envers les combattants français, il nous
semblait que le critère de la parité des pouvoirs d'achat devait être pris en
compte.
Nous avons essayé de faire au mieux et de voir s'il était possible d'accorder
la parité totale. C'est impossible pour toutes les raisons que vous connaissez
bien. Il faut respecter l'économie des pays concernés. Le critère de la parité
du pouvoir d'achat nous a donc paru le plus approprié.
Je me félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, de ce que vous ayez entendu
notre demande.
Le projet de budget pour 2003 permet également de concrétiser un deuxième
chantier important : la modernisation de deux piliers institutionnels du monde
combattant que sont l'ONAC et l'Institution nationale des invalides.
La signature, le 15 novembre dernier, d'une convention d'objectifs et de
moyens entre l'ONAC et ses autorités de tutelle signature qui avait été remise
à une date ultérieure par le précédent gouvernement, permettra d'adapter les
moyens de l'office à l'évolution de son activité.
Une convention du même ordre, en cours de préparation, permettra à
l'Institution nationale des invalides de franchir avec succès l'étape de
l'accréditation et de participer pleinement au service public hospitalier.
C'est particulièrement important parce que l'Institution national des
invalides jouit d'un grand prestige grâce à ses équipements techniques et à ses
chirurgiens de grande valeur. Il faut leur donner les moyens de travailler. Ce
serait à l'honneur de votre ministère de soutenir cette activité.
Plusieurs autres demandes du monde combattant trouvent également une réponse
dans ce projet de budget.
La création d'un bilan médical gratuit en matière de santé psychique et d'un
observatoire de la santé des vétérans constitue un premier pas vers
l'amélioration de la reconnaissance des psychotraumatismes de guerre,
traumastismes qu'il faut étudier avec précaution.
L'accélération du relèvement du plafond de la rente mutualiste du combattant
permettra d'atteindre, dès 2004, l'objectif de 130 points que tous s'accordent
à considérer comme un objectif raisonnable.
Au total, et malgré les contraintes budgétaires importantes que chacun
connaît, le projet de budget pour 2003 apporte une réponse sinon à toutes les
injustices, du moins aux plus criantes.
M. Raymond Courrière.
Il n'est pas difficile !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
On peut, bien entendu, regretter de ne pas pouvoir
aller plus loin dans certains domaines. Les demandes dont je voudrais à présent
me faire l'écho constituent donc non pas des réserves, mais autant de pistes
pour les années à venir. J'ai toutefois conscience que certaines de ces
propositions ne pourront voir le jour que dans un cadre pluriannuel et sous
réserve de conditions budgétaires favorables.
La première piste que je vous propose a trait à la retraite du combattant.
Cette retraite, qui concerne la grande majorité des anciens combattants, a un
caractère hautement symbolique ; un geste en sa faveur serait ressenti comme un
signe fort de l'attention du Gouvernement à l'égard du monde combattant.
Je me permets, monsieur le secrétaire d'Etat, d'insister sur ce point, car les
anciens combattants attendent que vous fassiez un geste fort en faveur de cette
revalorisation, à laquelle ils sont très attachés.
La stratégie des précédents gouvernements a toujours consisté à « jouer la
montre »
(Protestations sur les travées socialistes),
de sorte
qu'aujourd'hui la demande, maintes fois réitérée, d'un abaissement généralisé à
soixante ans de l'âge d'ouverture de la retraite du combattant n'aurait que peu
d'effets concrets. Cette mesure aurait pourtant été, je le maintiens, un geste
important en faveur des anciens combattants, d'Afrique du Nord en
particulier.
Aujourd'hui, la seule piste qui demeure est donc la revalorisation de la
retraite du combattant. Cette revalorisation pourrait être engagée de manière
pluriannuelle. Il reste, j'en conviens, que son coût budgétaire serait
extrêmement élevé.
La seconde piste que je soumets à votre appréciation concerne les conditions
d'accès aux différents titres.
La disparité qui existe au niveau des durées de service requises pour
l'attribution de la carte du combattant apparaît aujourd'hui comme
inéquitable.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
L'alignement généralisé à quatre mois de service,
qui est le souhait des associations, remettrait en cause l'existence du titre
de reconnaissance de la nation. Il serait donc juste de réparer certains
oublis, comme celui des « maintenus » ou encore celui de la cohérence des dates
de cessation des hostilités en Afrique du Nord.
Ma dernière interrogation concerne l'indemnisation des orphelins de victimes
du nazisme. Il s'agit, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
d'une question douloureuse.
La limitation, par le décret du 13 juillet 2000, de l'indemnisation aux seuls
orphelins juifs dont les parents ont été déportés pour motifs raciaux et qui
sont morts dans les camps, bien que justifiée, est ressentie comme une
injustice par les autres catégories d'orphelins de déportés, fusillés ou
massacrés. Mais une extension pure et simple de l'indemnisation prévue par le
décret viendrait en concurrence avec d'autres régimes d'indemnisation et de
réparation, certes moins avantageux, mais ayant le même objet.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a estimé qu'un véritable
débat devait être ouvert pour aboutir à un régime cohérent d'indemnisation des
victimes du nazisme, au sein duquel la spécificité du dispositif du décret du
13 juillet 2000 pourrait être conciliée avec une indemnisation équitable des
autres victimes.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont demandé la transmission au
Parlement du rapport sur les perspectives d'extension du décret : j'approuve
entièrement cette demande, qui permettra d'étoffer le débat que la commission
appelle de ses voeux.
En revanche, je ne suis pas certain que la mesure adoptée à l'Assemblée
nationale, instaurant, au bénéfice des autres catégories d'orphelins, une
réduction d'impôt équivalente au montant de l'indemnisation dont ont bénéficié
les orphelins juifs, réponde à cette exigence ; elle paraît en effet précipitée
et coupe court au nécessaire débat sur l'indemnisation des victimes du nazisme.
De plus, une mesure fiscale pénaliserait les orphelins les plus modestes, qui,
n'étant pas soumis à l'impôt sur le revenu, seraient de fait exclus de
l'indemnisation.
Ces pistes, que j'expose avec prudence car je sais combien elles sont soumises
au contexte budgétaire, ne remettent donc pas en cause l'appréciation de la
commission des affaires sociales sur le projet de budget pour 2003, qui permet
des avancées encourageantes pour le monde combattant.
C'est pourquoi la commission a donné un avis favorable à l'adoption des
crédits relatifs aux anciens combattants pour 2003, ainsi qu'aux articles 62 et
62
bis
rattachés à ce budget.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 23 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
6 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous examinons aujourd'hui un budget qui nous tient particulièrement à coeur
parce qu'il intéresse le monde combattant, un monde qui illustre les pages les
plus tragiques sans doute, mais aussi les plus glorieuses de notre histoire.
En effet, aux moments les plus douloureux qu'a connus notre patrie, les
anciens combattants ont su faire preuve d'abnégation en acceptant que leur
destin personnel s'efface au profit du destin collectif de la France. A ce
titre, ils méritent une attention soutenue et constante de la part du
législateur.
Les choix budgétaires que nous faisons en faveur des politiques de réparation
et de mémoire doivent être guidés par le souvenir des sacrifices consentis par
les anciens combattants. Ils doivent être à la hauteur de la mobilisation de
leurs valeurs au service de la République.
Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget pour 2003 est une
nouvelle fois en diminution, puisque les crédits régressent de 3,97 %, comme
l'ont indiqué avec talent MM. les rapporteurs.
Certes, cette diminution est mécanique pour les raisons démographiques que
nous connaissons. La baisse du nombre de ressortissants du budget des anciens
combattants explique cet affichage négatif. Néanmoins, ne pourrait-on pas
profiter de cette baisse mécanique pour abonder davantage le budget des anciens
combattants et permettre le règlement d'un plus grand nombre de chantiers dans
le domaine des droits individuels ?
Je pense, notamment, à la revalorisation de la retraite du combattant, à la
révision du mode de calcul du rapport constant et, surtout, à la situation des
veuves d'ancien combattant. En ma qualité d'élu local, je rencontre, comme la
plupart de mes collègues, de nombreuses veuves dans une situation de détresse
sociale insupportable. La création d'une allocation spécifique de solidarité
pour les plus modestes d'entre elles est une revendication légitime du monde
combattant, à laquelle il conviendrait de répondre rapidement.
Malgré toutes ces réserves, il faut reconnaître que ce budget permettra de
réaliser quelques avancées non négligeables.
C'est le cas, pour la retraite mutualiste, du relèvement significatif du
plafond majorable. En octroyant 7,5 points, vous poursuivez, monsieur le
secrétaire d'Etat, l'effort entrepris par le précédent gouvernement et vous
répondez à une attente forte des organisations d'anciens combattants. La
création d'un bilan médical pour le dépistage des psycho-traumatismes de guerre
est également une bonne mesure. On a longtemps ignoré la névrose traumatique
liée à des faits de guerre, car les désordres mentaux qui ont pu toucher
certains de nos concitoyens ne se sont pas manifestés avec la même ampleur
qu'aux Etats-Unis, où la guerre du Vietnam a révélé de façon plus flagrante
l'existence des psycho-traumatismes de guerre. La création de centres
spécialisés pour le traitement de ces troubles serait peut-être mal adaptée au
regard des besoins, mais il serait utile de réfléchir à la création d'une
antenne spéciale au sein de notre actuel système de soins.
Je voudrais également saluer les efforts entrepris dans le cadre de la
politique de mémoire. La reprise du programme de rénovation des nécropoles
nationales et des sépultures de guerre ainsi que le développement du « tourisme
de mémoire » témoignent de votre souci, monsieur le secrétaire d'Etat, de
favoriser la transmission de la mémoire combattante. La disparition inéluctable
des témoins des deux grandes guerres mondiales nous oblige à valoriser les
initiatives remémorant l'Histoire afin que les jeunes générations s'instruisent
des valeurs du monde combattant.
Enfin, l'examen des crédits consacrés aux anciens combattants apporte une
satisfaction en ce qui concerne le dossier de la décristallisation. L'ancienne
majorité avait déjà posé quelques jalons dans la loi de finances pour 2002,
mais il faut reconnaître que l'effort budgétaire proposé aujourd'hui pose de
façon globale le dossier de la décristallisation.
Avec une dotation de 72,5 millions d'euros, la décristallisation mobilise 90 %
des moyens nouveaux du budget des anciens combattants pour 2003. C'est là un
geste significatif en direction de ceux qui demandent depuis plus de quarante
ans le règlement d'une situation injuste.
Nous savons qu'ils sont plusieurs milliers à attendre de la France un acte
digne de la devise fondatrice de notre Constitution. Le principe d'égalité qui
nous est cher a, en effet, été rompu avec le processus de décolonisation.
L'année dernière, l'arrêt
Diop
du Conseil d'Etat a pointé ce manquement
en soulignant que la cristallisation de la pension au regard de la nationalité
était contraire à la règle d'égalité de traitement des anciens agents
publics.
Nous connaissons les conditions politiques de la cristallisation. Mais
souvenons-nous aussi de l'engagement des milliers d'hommes d'AOF à nos côtés
durant les deux guerres mondiales. Souvenons-nous du sang versé par les
tirailleurs sénégalais, mobilisés à plusieurs reprises pour sauver notre
République. Des milliers d'Africains et de Malgaches se sont battus sur tous
les fronts. Ils ont été mobilisés et ils ont servi la France avec courage et
loyauté. Ils ont chaque fois participé à notre victoire.
Le général de Gaulle disait : « C'est dans ses terres d'outre-mer, dont toutes
les populations n'ont pas altéré leur fidélité, que la France a trouvé son
recours et la base de départ pour sa libération ».
Pour toutes ces raisons, la France doit rétablir l'égalité en revalorisant les
pensions et les retraites de nos amis de Djibouti, du Sénégal, du Vietnam et de
bien d'autres pays encore. Naturellement, nous sommes conscients des
difficultés de mise en oeuvre de cette décristallisation. Peut-être, monsieur
le secrétaire d'Etat, pourrez-vous d'ailleurs nous apporter des précisions
quant aux modalités, car de celles-ci dépend la pertinence d'une dotation de
72,5 millions d'euros.
Si la cristallisation consiste en une application du montant du point de base
français à tous les pays, nous savons qu'il en coûtera 457,5 millions d'euros
par an.
En revanche, si vous privilégiez une décristallisation modulée en fonction de
la parité du pouvoir d'achat, comment se décomposent les crédits inscrits à ce
titre dans le projet de budget pour 2003 ? Prennent-ils en compte la notion de
rattrapage ?
Même si la mise en oeuvre concrète de la décristallisation est renvoyée à des
dispositions législatives et réglementaires, j'espère, monsieur le secrétaire
d'Etat, que vous avec déjà tracé quelques pistes. Il serait en effet dommage
que les crédits de la décristallisation ne soient pas consommés et que, dès
lors, cette louable intention ne soit que la recherche d'un effet
d'annonce.
Mes chers collègues, les anciens combattants ont su répondre à l'appel de la
patrie lorsqu'elle était en danger. Aujourd'hui, sachons répondre en retour à
leurs revendications en amplifiant l'effort de solidarité nationale là ou il
est encore insuffisant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, considérant avec mes amis radicaux de gauche
que, malgré certains efforts, votre budget n'est pas un signe assez fort fait
en direction du monde combattant, nous ne voterons pas les crédits qui nous
sont proposés.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
enfin ! Oui, « enfin » ! C'est le mot qui me vient spontanément à l'esprit
lorsque je constate que le projet de budget des anciens combattants pour 2003
consacre 72,5 millions d'euros à l'amorce du processus de décristallisation des
pensions et retraites versées aux anciens combattants de nos anciens
territoires d'outre-mer, un problème sur lequel je suis déjà tant de fois
intervenu.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et qui se trouvait à son origine ?
M. Gilbert Chabroux.
Oui, qui a cristallisé ?
M. Raymond Courrière.
De Gaulle doit se retourner dans sa tombe !
M. Michel Pelchat.
C'est un premier pas mais il est historique !
Enfin, dans les actes, la France va exprimer sa reconnaissance envers ces
valeureux soldats du Maghreb, d'Afrique noire, d'Indochine, de Madagascar et
d'autres encore, en revenant sur ce dispositif injuste qui est en application
depuis 1958.
Au 31 décembre 2000, ils étaient respectivement environ 30 000 personnes et
près de 48 600 à bénéficier d'une pension ou d'une retraite du combattant
cristallisées.
Mais, que de disparités sous ces chiffres selon les différentes nationalités
concernées ! En effet, lorsqu'un ancien combattant français invalide perçoit la
somme de 686 euros par mois, le même ancien combattant reçoit 103 euros s'il
est camerounais et 61 euros s'il est tunisien ou marocain.
Je regrette qu'il ait fallu attendre le 30 novembre 2001 et un arrêt du
Conseil d'Etat pour faire évoluer cette situation inadmissible et honteuse pour
notre pays.
Le Conseil d'Etat a en effet considéré à juste titre que la cristallisation
des pensions militaires des anciens combattants des ex-territoires d'outre-mer
était contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle crée une
différence de traitement entre les anciens agents publics selon leur
nationalité.
Même si le Gouvernement a simplement tiré les conséquences juridiques de cet
arrêt en affectant à la décristallisation 72,5 millions d'euros dans ce projet
de budget, il est tout à son honneur d'engager dès aujourd'hui cet immense
chantier.
Je me réjouis d'ailleurs de constater que l'espoir qu'avaient fait naître dans
le monde combattant la réélection de Jacques Chirac à la présidence de la
République, l'élection d'une nouvelle majorité à l'Assemblée nationale et votre
nomination au secrétariat d'Etat aux anciens combattants n'est pas déçu, car il
trouve aujourd'hui un début de concrétisation.
Permettez-moi toutefois de formuler une réserve sur le principe de la parité
du pouvoir d'achat, principe qui a été arrêté et selon lequel sera régi le
règlement de la question de la décristallisation.
Il peut paraître juste à première vue mais ce n'est pas tout à fait mon point
de vue.
Pourquoi traiterions-nous différemment ceux qui ont produit pour la France et
ceux qui ont servi la France au péril de leur vie, et à qui nous devons
peut-être en grande partie de pouvoir nous exprimer librement aujourd'hui ?
Je ne suis donc pas convaincu que ce principe de la parité du pouvoir d'achat
soit aussi juste qu'on le pense. Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, le
problème mérite-t-il qu'on y réfléchisse encore. Cela dit, j'espère que, dans
le même état d'esprit de reconnaissance que celui qui vous a animé lors de la
préparation de votre projet de budget, vous apporterez votre soutien à la
proposition de loi que j'ai déposée et qui a été cosignée par de nombreux
collègues sénateurs.
Elle a pour objet de permettre l'attribution de la nationalité française aux
ressortissant des ex-territoires d'outre-mer ayant combattu dans une unité de
l'armée française et ayant été gravement blessés au combat, s'ils le souhaitent
et quel que soit leur lieu actuel de résidence.
Cette proposition de loi n'a pu être discutée durant la dernière session mais
je ne désespère pas qu'elle soit prochainement inscrite à l'ordre du jour, puis
adoptée à une très forte majorité. En tout cas, je le souhaite ardemment.
Le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le
secrétaire d'Etat, comprend d'autres avancées, notamment en matière de soins
médicaux et de suivi sanitaire des anciens combattants.
Il faut bien admettre, toutefois, qu'il n'apporte pas toutes les réponses aux
attentes du monde combattant. Je sais que vous en êtes conscient et que vous
portez toute votre attention à ces questions en suspens, que les rapporteurs
ont très clairement exposées.
Je n'y reviendrai pas, car je souhaitais pour ma part insister sur l'amorce
historique du processus de décristallisation.
C'est par conséquent bien volontiers, monsieur le secrétaire d'Etat, que je
voterai le projet de budget que vous nous présentez ainsi que les articles
rattachés.
Merci encore, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom de nos camarades !
(Appaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Hubert Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen des crédits destinés aux anciens combattants dans le projet loi de
finances pour 2003 fait apparaître une baisse de 3,9 % par rapport à 2002,
correspondant, en réalité, à la diminution de 4 % des parties prenantes du
secrétariat d'Etat.
Le droit à réparation, cher aux anciens combattants, est donc respecté dans un
contexte de limitation indispensable des dépenses publiques.
Ce projet de budget s'inscrit dans une politique volontariste de solidarité et
de mémoire envers le monde combattant, avec une marge de manoeuvre appréciable
en moyens nouveaux de 80,1 millions d'euros.
Je m'intéresserai surtout à nos ressortissants anciens combattants à
l'étranger, ainsi qu'aux étrangers ayant combattu pour la France, en me
référant aux voeux que la commission des anciens combattants a exprimés lors de
la dernière assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger,
le CSFE.
Le Conseil a souligné l'importance des actions de la mémoire et de
l'information historique à l'étranger. Pour les jeunes générations françaises
et pour les francophones fréquentant nos établissements d'enseignement français
à l'étranger, la promotion des actions pédagogiques rappelant le souvenir et
exaltant les valeurs de courage, de volonté et de citoyenneté est primordiale.
Ces établissements comptent plus de 160 000 élèves : il ne faut pas les oublier
dans votre « plan mémoire », monsieur le secrétaire d'Etat. L'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, qui les regroupe, doit insister sur le
renforcement des cours de civisme et d'histoire, en rappelant, en particulier,
notre dette envers les anciens combattants, dont le sacrifice a permis à notre
monde libre de se maintenir et de se développer.
Le CSFE souhaite également qu'il soit recommandé aux représentations
diplomatiques et consulaires de participer nombreuses et le plus possible aux
manifestations patriotiques à l'étranger que sont le 8 Mai, le 14 Juillet et le
11 Novembre. Ces manifestations sont encore plus importantes à l'étranger qu'en
métropole, car elles constituent des occasions de rencontre des différents
membres de la communauté française dans les pays d'accueil : nos compatriotes
établis hors de France peuvent ainsi témoigner de leur attachement à la mère
patrie.
Enfin, l'entretien et la restauration des nécropoles à l'étranger restent un
devoir de mémoire. Il arrive pourtant que des tombes ou de simples plaques
commémoratives soient en ruine, ce qui choque beaucoup nos ressortissants.
Hélas ! les associations d'anciens combattants français à l'étranger n'ont pas
toujours les moyens d'intervenir.
Le développement d'un tourisme de la mémoire de qualité à l'étranger, où nos
combattants se sont illustrés dans de nombreux lieux, exige quelques crédits
supplémentaires, fort modestes au demeurant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget prévoit-il d'intensifier
l'entretien des monuments à l'étranger ?
S'agissant de l'aide aux anciens combattants, le CSFE a émis le voeu que les
allocations forfaitaires octroyées aux harkis comme rentes viagères au titre de
reconnaissance de la nation soient délivrées sans discrimination des lieux de
résidence et soient réversibles aux veuves, comme c'est le cas dans l'Espace
économique européen. Cette demande sera-t-elle prise en compte, monsieur le
secrétaire d'Etat ?
J'en arrive au problème de la décristallisation des retraites et des pensions
des anciens combattants originaires des anciens territoires français.
Lors de l'accession de ces pays à l'indépendance, ces retraites et pensions
ont été remplacées par des indemnités annuelles cristallisées, c'est-à-dire
gelées. Or cette prestation varie beaucoup en fonction de la date de
l'indépendance et se dévalorise très sensiblement avec le temps. Ainsi, la
valeur actuelle du point d'indice, base de la prestation, qui vaut en France
12,73 euros, correspond à 1,32 euro en Algérie et à 0,48 euro dans les ex-pays
d'Indochine, avec un maximum de 6,87 euros à Djibouti.
Le Conseil d'Etat a jugé que la cristallisation représentait une
discrimination illégale, en vertu de l'article 14 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par
la France. Bien que les conséquences financières de cette jurisprudence,
évaluées à plus de 450 millions d'euros, ne permettent pas son application
totale et immédiate, le Gouvernement s'est engagé à rétablir une plus grande
équité.
Deux voies de revalorisation ont été préconisées : une première solution
partielle est fondée sur les niveaux des pouvoirs d'achat des monnaies des
différents pays ; une seconde consiste en un double paiement, l'un forfaitaire
et l'autre variable en fonction du pouvoir d'achat. Différentes associations
d'immigrés et de handicapés protestent contre ces formules dilatoires.
Celles-ci aboutiraient à ce que la France traite ses anciens combattants moins
bien que les nombreux étrangers venus chercher en France un asile économique,
ou bien à ce qu'elle diffère l'application des décisions sans équivoque de sa
propre justice jusqu'à la disparition des parties prenantes.
Dans le projet de budget pour 2003 est prévu un crédit de 72,5 millions
d'euros pour entamer le règlement de ce grave problème. Monsieur le secrétaire
d'Etat, pouvez-vous indiquer quelle est la position du Gouvernement et nous
dire si le Parlement sera prochainement saisi d'un texte à cet égard ?
Je conclurai en suggérant que soit envisagée la création d'une « Journée
nationale du souvenir et de la mémoire partagée » pour commémorer l'ensemble
des sacrifices accomplis par la nation. Elle inclurait les anciens combattants
mais aussi les déportés et les internés résistants et patriotes. Cette journée,
qui ne serait pas chômée, serait l'occasion d'une information pédagogique
prodiguée à tous les élèves des établissements d'enseignement français de
métropole et à l'étranger.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses que vous apporterez aux
représentants des Français à l'étranger, très attachés à la nation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, comme mes collègues, je tiens à
vous saluer avec beaucoup de respect et à vous adresser mes voeux au moment où
vous présentez votre premier budget au Sénat. La tâche est difficile et vous
avez sans aucun doute la volonté de bien faire, mais il n'y aura pas de miracle
! Vous avez d'ailleurs déjà dû vous plier à la dure loi des arbitrages
budgétaires et de Bercy.
Non, il n'y aura pas de miracle. Le Gouvernement ne peut pas diminuer les
impôts pour les plus favorisés et augmenter les budgets.
M. Raymond Courrière.
Bravo !
M. Gilbert Chabroux.
Il y a bien quelques budgets qui sont privilégiés, celui de la défense, celui
de la justice et, surtout, celui du ministère de l'intérieur !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Heureusement !
M. Gilbert Chabroux.
Mais il y en a beaucoup d'autres qui sont sacrifiés, avec toutes les
conséquences dommageables qui peuvent en découler.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Gilbert Chabroux.
Je pense en particulier au budget de l'éducation nationale, qui est pourtant
destiné à préparer l'avenir de la France ; je pense également au budget de la
culture, à celui de la recherche et aussi, hélas ! à celui des anciens
combattants. Et, là, je m'indigne, car nous avons une dette à l'égard des
anciens combattants et nous nous devons d'assurer la reconnaissance légitime de
la nation à toutes celles et à tous ceux qui, à un moment de notre histoire,
l'ont défendue avec vaillance, courage et dignité !
Or, cela fait longtemps que le budget des anciens combattants n'avait connu
une diminution aussi importante de ses crédits : 3,98 % de moins, alors que son
périmètre s'élargit et englobe les harkis - ce qui constitue au demeurant une
bonne mesure. Et ce ne sont pas les 1,5 million d'euros votés par l'Assemblée
nationale en faveur des crédits sociaux de l'ONAC qui changeront notre opinion
! Le budget des anciens combattants est sacrifié sur l'autel de la réduction de
la fiscalité ! Les explications laborieuses du rapporteur pour avis de la
commission des affaires sociales, M. Marcel Lesbros, qui fait, lui aussi, de
son mieux, et celles, partisanes, du rapporteur spécial de la commission des
finances, M. Jacques Baudot, ne nous convaincront pas.
M. Raymond Courrière.
Ce ne sont pas des arguments, ce sont des arguties !
M. Gilbert Chabroux.
L'année dernière, les crédits du budget des anciens combattants baissaient de
2 % alors que le nombre de ressortissants diminuait de 4 % et vous nous
expliquiez que c'était un drame, qu'il fallait voter contre le budget ! Cette
année, les crédits sont réduits de 4 % et ce serait un progrès !
(M. Raymond
Courrière rit.)
A qui peut-on faire croire cela ? La politique politicienne
devrait être exclue de nos débats ou de nos préoccupations lorsqu'il s'agit des
anciens combattants.
Bien sûr, on nous parle de mesures nouvelles comme s'il ne fallait voir que
cela. Mais sur les 80 millions d'euros de mesures nouvelles, 72,5 millions
d'euros sont consacrés à la mise en route du processus de décristallisation sur
lequel nous avions tous exprimé notre accord...
M. Alain Gournac.
Il fallait voter pour !
M. Gilbert Chabroux.
... en souhaitant d'ailleurs, à l'instar de la commission présidée par Anicet
Le Pors, pouvoir aller beaucoup plus loin et ne pas s'en tenir à cette simple
ébauche. Il nous semble que la dépense doit non pas relever du budget des
anciens combattants mais directement du Premier ministre. C'est une dette de
l'Etat, et il revient au général de Gaulle d'avoir décidé de la
cristallisation. C'est au Premier ministre de réparer cette défaillance à la
suite du jugement rendu par le Conseil d'Etat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous dites que ce premier budget est un
budget de transition. Nous avons déjà entendu ce mot de « transition » dans cet
hémicycle. Nous l'avons entendu pour le projet de loi de financement de la
sécurité sociale et il n'était pas fait pour nous rassurer puisque, derrière ce
terme, semble se profiler une forme de privatisation. Qu'en est-il pour votre
budget ? Transition vers quoi ?
M. Raymond Courrière.
Vers la liquidation !
M. Gilbert Chabroux.
Les années précédentes, il y avait une ligne directrice. On pouvait regretter
de ne pas aller assez vite, mais une programmation se développait, par exemple
pour les anciens combattants d'Afrique du Nord. Il fallait d'abord savoir
reconnaître officiellement la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au
Maroc. Il fallait aussi élargir les conditions d'accès à la carte du combattant
et au titre de reconnaissance de la nation ; cela s'est fait étape par étape.
Est intervenue aussi la réunification progressive sur trois années de la
valeur du point pour les grands invalides.
On peut citer également la progression des crédits sociaux de l'ONAC, en
particulier pour mieux venir en aide aux veuves d'anciens combattants qui se
retrouvent dans des situations difficiles. Avec votre budget, nous ne savons
pas très bien où nous allons. Ou, plutôt, nous éprouvons beaucoup d'inquiétude,
par exemple pour l'ONAC, dont les effectifs pourraient être réduits de 796 à
533 à l'horizon 2007, alors que vous lui confiez des tâches supplémentaires
comme la gestion des droits des harkis.
Les crédits de fonctionnement, pour l'année 2003, anticipent cette chute en
baissant de 2,34 %, ce qui correspond à la suppression de cinquante emplois
dans les services départementaux.
Cette politique de régression inquiète fortement les personnels qui ont fait
grève, à 90 %, le 15 octobre dernier. Ils ne comprennent pas et nous ne
comprenons pas plus qu'eux que les promesses du candidat Jacques Chirac ne
soient pas tenues. Il avait pourtant réclamé avec énergie le 19 février 2002,
au tout début de sa campagne présidentielle, le « renforcement » des moyens de
l'ONAC.
M. Raymond Courrière.
Maintenant, il est élu !
M. Gilbert Chabroux.
Nous souhaiterions également que le problème des veuves d'anciens combattants
soit traité de façon claire et dans le prolongement de l'action du précédent
gouvernement. Elles ont pu bénéficier d'une carte officielle de veuve d'ancien
combattant. Elles sont reconnues ainsi en tant que ressortissantes de l'ONAC.
Quinze mille veuves de grands invalides ont pu bénéficier d'une revalorisation
de leur pension. Les autres, pour la plupart, connaissent des conditions de vie
précaires et ne disposent que de très faibles revenus. Quel est le plan que
vous voulez mettre en oeuvre pour venir en aide à ces veuves d'anciens
combattants, notamment aux veuves de guerre ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous insistez sur l'augmentation du plafond de
la rente mutualiste : 7,5 points de plus, au lieu de 5 points les années
précédentes. Nous apprécions cet effort, mais nous ne le considérons pas pour
autant comme la première des priorités, sachant que seulement un ancien
combattant sur cinq peut cotiser à la hauteur du plafond. Il faudrait,
maintenant que le nombre d'anciens combattants bénéficiant de la retraite s'est
stabilisé, alors qu'il augmentait fortement ces dernières années, revoir le
montant de la retraite en l'augmentant progressivement chaque année. Vous
pourriez ainsi présenter une programmation sur cinq ans, permettant de passer
de 33 à 48 points, ce qui correspondrait à l'indice minimum de la pension
militaire d'invalidité.
Peut-être convient-il de rappeler que le montant de la retraite du combattant
sera, si vous ne faites rien, de 423 euros et 6 centimes, soit 2 775 francs
l'année prochaine, pour l'année entière, c'est-à-dire une somme extrêmement
modique au regard des épreuves endurées par nos soldats !
D'autres questions se posent. Gisèle Printz évoquera, entre autres, celles qui
sont relatives aux anciens du RAD et aux patriotes résistant à l'Occupation,
les PRO.
Nous sommes toujours très attentifs aux problèmes du choix de la date de
commémoration de la guerre d'Algérie. Nous souhaitons sortir au plus vite de
l'incertitude et nous attendons la proposition qui sera faite par la commission
représentative présidée par M. Jean Favier.
Mais je voudrais évoquer un peu plus longuement le problème des orphelins de
déportés, de fusillés ou de massacrés. On ne peut que regretter l'inégalité
profonde existant entre les orphelins qui bénéficient du dispositif mis en
place par le décret du 13 juillet 2000 et les autres. Ce décret constitue une
mesure de réparation spécifique qu'il importe de ne pas modifier ni d'étendre
eu égard au caractère particulier de la Shoah. Mais il faut créer une nouvelle
mesure de réparation au profit de tous les autres orphelins de déportés, quelle
que soit la raison de cette déportation.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Que ne l'avez-vous fait !
M. Gilbert Chabroux.
Tous les orphelins de parents déportés, juifs ou non, doivent bénéficier des
mêmes droits. Nous attendrons en tout cas avec le plus grand intérêt le rapport
de la mission qui a été confiée à M. Philippe Dechartre.
Enfin, le problème de ces orphelins m'amène à dire un mot sur la Résistance,
en lien avec la politique de mémoire. Nous pensons, comme vous, monsieur le
secrétaire d'Etat, qu'il faut « susciter l'adhésion des jeunes générations aux
valeurs que nos anciens ont défendues dans les conflits du xxe siècle ». Et il
est vrai que « la liberté et la dignité figurent en tête de ces valeurs si
nécessaires à notre temps ».
Ne serait-il pas possible, pour garder « vivantes et fortes » ces valeurs,
d'instituer une journée nationale de la Résistance ? De nombreuses villes,
déjà, organisent des cérémonies, le 27 mai, en souvenir de l'unification de la
Résistance et du Conseil national de la Résistance. Cette journée nationale
permettrait de mettre l'accent sur le rôle de la Résistance et le sacrifice
exemplaire de Jean Moulin. Comment entendez-vous, monsieur le secrétaire
d'Etat, marquer le 27 mai prochain le soixantième anniversaire de la première
réunion du CNR ?
Le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a une place à tenir qui est
irremplaçable, qu'il s'agisse de la transmission de la mémoire ou de la défense
des idéaux républicains. Il s'agit de transmettre les valeurs républicaines et,
tout simplement, la devise de la République aux jeunes générations d'une
société déstabilisée dans laquelle, hélas ! l'intolérance et les idées
extrémistes restent toujours très fortes. Nous sommes tous encore sous le choc
du 21 avril 2002.
Ce devoir qui vous incombe - et qui nous incombe à tous - n'exige pas toujours
des crédits, mais il y faut des initiatives et une politique ambitieuse. Ne
pensez-vous pas qu'il faudrait créer un véritable partenariat avec l'éducation
nationale et sans doute instituer, avec l'aide des mairies, une journée
d'éducation laissant une très large place à la mémoire, une journée civique et
citoyenne dans les écoles, dans les lycées et les collèges ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, en conclusion, vos intentions sont sans doute
bonnes, mais votre budget manque singulièrement d'ambition. Il tranche par
rapport à ceux que nous avons examinés les années précédentes et qui
s'inscrivaient dans une programmation répondant aux attentes du monde
combattant. Vos moyens sont par trop limités pour permettre de franchir une
étape significative !
Avec tristesse, car il s'agit des anciens combattants, le groupe socialiste
sera contraint de voter contre votre projet de budget.
(Applaudissements sur
les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
ne reviendrai pas sur les quelques mesures positives que contient ce budget qui
- si nous en prenons acte - n'est pas celui qu'attendait l'ensemble des
générations du feu. Sans surprises et trop comptable dans sa conception, il est
en baisse de près de 4 % dans des proportions deux fois plus importantes que
l'an dernier, alors que le simple maintien des crédits aurait permis de
satisfaire l'essentiel des revendications. J'en donnerai tout à l'heure un
exemple édifiant.
J'évoquerai tout d'abord les principaux points de ce budget qui alimente nos
craintes.
La retraite du combattant figure au premier plan de nos préoccupations.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous opposez à toute négociation sur un
relèvement, même par étapes, du montant de cette retraite qui stagne depuis des
décennies et qui, s'élève aujourd'hui, à 423,06 euros par an. Les anciens
combattants sont mécontents de cette situation et ils souhaiteraient vivement
qu'une revalorisation puisse faire l'objet d'un accord-cadre pluriannuel.
L'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant est
toujours très attendue. Alors qu'elle est à présent accordée aux CRS et
policiers ayant effectué quatre mois de présence, pourquoi ne l'est-elle pas,
sur la même base, pour les appelés ayant servi en Algérie ? Et pourquoi ne pas
attribuer la carte du combattant en Tunisie et au Maroc à tous ceux qui ont
combattu jusqu'au 5 mai 1958, date jusqu'à laquelle la médaille commémorative a
été décernée par le ministre de la défense sur ces deux théâtres d'opérations
?
Quant au plafond majorable de la rente mutualiste, si la progression de 7,5
points constitue une avancée, nous sommes toujours loin des 130 points
demandés.
Concernant la décristallisation, vous avez indiqué qu'il conviendrait de
légiférer. Sur un sujet aussi sensible, les 72,5 millions d'euros - que vous
définissez comme une « provision », et nous l'entendons ainsi - constituent-ils
une première étape vers la remise à parité complète de la valeur du point des
pensions militaires d'invalidité en France, que demandent unanimement les
associations d'anciens combattants et les parlementaires, sénateurs compris, de
tous les groupes représentés dans la commission de travail ? Encore faudra-t-il
discuter des caractères discriminants qui pourraient être évoqués. Ou bien
s'agit-il d'un simple relèvement ponctuel uniforme, voire différentiel par pays
concerné, qui ne ferait donc qu'aggraver le sentiment d'injustice éprouvé par
les anciens combattants des ex-pays coloniaux ? Je vous rappelle qu'ils étaient
français !
Qu'en est-il, également, de la levée des forclusions frappant toujours les
demandes de pension et d'aggravation, ainsi que les pensions de réversion des
veuves et des anciens combattants de ces pays ? Mon amie Marie-Claude Beaudeau
reviendra sur ce point.
S'agissant de l'ONAC, il est incompréhensible que vous ayez voulu réduire ses
crédits d'action sociale de 12,5 % alors que les veuves, dont beaucoup sont des
personnes modestes, vont devenir majoritaires parmi les ressortissants de
l'Office.
Le budget 2002 avait relevé la pension de réversion des veuves des plus grands
invalides. Mais un effort reste à faire pour les autres, qui vivent souvent
dans des conditions difficiles. Elles devraient pouvoir percevoir des droits à
réparation plus importants de la part de l'Office. Il est hautement paradoxal
que vous réduisiez ainsi ses moyens d'intervention, et que, peu après, vous
fassiez adopter par l'Assemblée nationale un rétablissement du montant des
crédits sociaux, qui plus est sur la réserve parlementaire, alors que les
anciens combattants demandent non pas l'aumône aux parlementaires mais un droit
à réparation.
Par ailleurs, bien que dans le contrat d'objectifs et de moyens qui a été
adopté majoritairement par le conseil d'administration soit inscrite la
création progressive de 100 postes d'assistants pour la mémoire, j'ai les plus
grandes inquiétudes quant à la capacité des services départementaux à continuer
d'assurer un service de proximité aux ressortissants. Nous ne sommes pas
convaincus, par exemple, que les assistantes sociales pourront mieux se
consacrer à leur travail d'écoute et de soutien alors que leurs effectifs en
personnel administratif seront réduits.
Je voudrais également revenir sur le décret du 13 juillet 2000, qui instaure
une différence de traitement entre les orphelins dont les parents ont été
victimes de persécutions antisémites et les autres catégories d'orphelins, dont
les parents sont morts en déportation, ont été fusillés ou massacrés par les
nazis. Sur ce sujet, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ne nous
satisfont pas complètement. J'attends donc de vous que ce décret soit
clairement étendu à l'ensemble des orphelins dont les parents furent victimes
du nazisme.
En outre, si votre projet de budget prévoit bien d'affecter 440 000 euros aux
consultations pour psychotraumatismes de guerre, ce montant apparaît dérisoire
face aux besoins réels qu'exigerait la mise en place de centres de soins
gratuits de proximité dans chaque département, avec les personnels
indispensables et formés. Malgré nos demandes réitérées, aucune enquête
épidémiologique n'a encore été diligentée. Entendez-vous, monsieur le
secrétaire d'Etat, mettre celle-ci en chantier au début de 2003 ?
Toujours au chapitre des revendications non satisfaites, je déplore, comme
d'autres de mes collègues, que l'indemnisation des incorporés de force, les «
RAD-KHD », ne soit toujours pas intervenue faute d'accord entre le gouvernement
français et l'entente franco-allemande.
Je citerai également une autre catégorie spécifique de victimes du nazisme :
les patriotes résistant à l'Occupation du Rhin et de la Moselle, qui ont payé
très cher leur refus de la germanisation. Ne serait-il pas juste de permettre
aux quelques milliers de survivants, aujourd'hui retraités, de bénéficier d'un
taux d'invalidité de 100 % en raison des séquelles de santé dues à leur
internement ?
Mme Hélène Luc.
C'est le moment ou jamais...
M. Alain Gournac.
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ils n'ont pas eu le temps !
M. Guy Fischer.
Abordant - malheureusement trop rapidement, car le temps m'est compté - le
devoir de mémoire, je voudrais souligner qu'il ne peut être accompli sans dates
de commémoration et sans objet défini.
Je vous demande donc de faire droit à la demande des résistants en consacrant
le 27 mai, date de la première réunion du Conseil national de la Résistance,
journée nationale de la Résistance. Comment mieux célébrer, en 2003, le
soixantième anniversaire de cette date historique ?
De la même façon, dans l'attente de l'officialisation de la date du 19 mars
1962...
M. Marcel-Pierre Cleach.
Ah ça !
M. Guy Fischer.
... comme journée nationale du souvenir et du recueillement pour la guerre
d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc, la troisième génération du feu
demeure « sans date ». Mon groupe et moi-même, après avoir contribué à la
reconnaissance de l'état de guerre en Algérie, avions déposé une proposition de
loi dans ce sens...
M. Alain Gournac.
Très mauvaise !
M. Guy Fischer.
... et avions fondé tous nos espoirs sur la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale le 15 janvier 2002. Malheureusement, ce texte n'a pas été
examiné au Sénat. Aujourd'hui, nous repartons pratiquement de zéro, avec
amertume, certes, mais non sans espoir, car, à cet égard, l'histoire et le
peuple de France sauront assurer la pérennité de la seule date officielle ayant
marqué la fin de la guerre d'Algérie, il y a quarante ans, sur le terrain :
celle du cessez-le-feu proclamé.
Vous vous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, partisan d'un étroit
partenariat avec les associations d'anciens combattants : ne soyez pas sourd à
leurs demandes. Certes, vous promettez des études et des commissions, mais
cette bienveillance ne saurait remplacer un budget qui satisfasse leurs
revendications.
Pour ma part, je vous appelle très solennellement à obtenir de Bercy un effort
supplémentaire dont je pense qu'il devrait porter sur une première étape de
revalorisation de la retraite du combattant. Vous disiez à l'Assemblée
nationale qu'une augmentation de cinq points consommerait 80 millions d'euros.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai fait mes comptes, les associations
également. Elles estiment à juste titre que la revalorisation de la retraite du
combattant pour une première étape de cinq points ferait encore apparaître un
budget en diminution de 1,76 %, ce qui est parfaitement réalisable.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, mon groupe et moi-même ne sommes
pas satisfaits de ce budget ; nous ne le voterons pas en l'état et nous
présenterons des amendements qui vont dans le sens des attentes du monde
combattant.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Joseph Ostermann.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Hélène Luc.
Attendez de savoir ce qu'il va dire ! Vous êtes sûrs qu'il ne va pas proposer
de diminuer le budget ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est cela, la confiance !
M. Alain Gournac.
C'est un bon sénateur !
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
nécessaire rigueur budgétaire, alliée à une certaine baisse du nombre de
parties prenantes, est l'occasion d'une réorientation de la politique menée en
faveur des anciens combattants qui est ainsi recentrée sur quelques axes
importants.
Il convient de saluer les avancées apportées par le présent projet de budget
sur un certain nombre de dossiers, dossiers qui sont en instance depuis de
nombreuses années...
M. Alain Gournac.
Tiens, tiens !
M. Joseph Ostermann.
... au-delà des changements de majorité. En fait, seul le ton des intervenants
s'adapte aux alternances !
M. Alain Gournac.
Cela c'est vrai !
M. Joseph Ostermann.
Je souhaite, dans un premier temps, évoquer le dossier de la décristallisation
des pensions, déjà cité par nos collègues et qui est maintenant sur le point de
trouver un dénouement. Ainsi, 72,5 millions d'euros sont affectés à la
décristallisation à titre de provisions en attendant le dépôt d'un prochain
projet de loi.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous indiquer, parmi les trois
propositions de règlement du problème formulées par la commission présidée par
Anicet Le Pors, laquelle a votre préférence ? Mais au-delà des montants
inscrits en 2003, c'est le principe même qui est en cause et il s'agit
maintenant d'inscrire les moyens dans les budgets à venir.
Autre avancée notable contenue dans le présent projet de budget : celle de
l'article 62 qui vise au relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste
du combattant à 122,5 points d'indice de pension militaire.
Cette hausse est inégalée. Il convient de le mentionner et, par conséquent, de
féliciter le Gouvernement et M. le secrétaire d'Etat. En effet, depuis l'an
2000, les relèvements successifs de ce plafond ont entraîné une dépense
budgétaire supplémentaire de près de 6 millions d'euros. La nouvelle
revalorisation prévue pour 2003 fait, elle, plus que doubler cette somme en une
seule fois.
Enfin, dernière caractéristique notable : la hausse de 17,25 % des crédits
consacrés à la mémoire et à l'information historique. Cette orientation me
paraît indispensable dans le contexte actuel de baisse forte et continue des
effectifs depuis plusieurs années. Le nombre très réduit - une soixantaine, je
crois - d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale, souligné lors des
dernières célébrations du 11 Novembre, est révélateur.
C'est pourquoi, alors que les effectifs se réduisent et dans la mesure où la
situation de paix demeure, il convient de réorienter progressivement notre
politique en passant de l'indemnisation à un travail de mémoire,
particulièrement auprès des jeunes générations. Celles-ci, j'ai pu le noter le
11 novembre dernier, ont tendance à ne plus mesurer l'importance des événements
passés.
En outre, au-delà du simple effort de mémoire, ce travail de sensibilisation
me semble important pour insuffler à ces jeunes un esprit de paix.
Par ailleurs, je suis particulièrement sensible à cette politique de mémoire
en tant qu'élu alsacien, puisque ma région a été spécialement touchée par les
deux conflits mondiaux.
Je salue ainsi le renforcement de la mise en valeur des hauts lieux de mémoire
liés au second conflit mondial, notamment le financement de la première phase
des travaux du futur centre européen du déporté résistant au Struthof, ainsi
que le soutien financier au projet du mémorial de Schirmeck, destiné à retracer
l'histoire de l'Alsace-Moselle annexée.
Je souhaite également exprimer ma satisfaction à l'égard du développement des
actions pédagogiques destinées aux jeunes générations. Il conviendrait
toutefois, selon moi, d'aller plus loin dans ce sens. Il apparaît en effet que
la multiplication des journées de commémoration induit un risque de brouillage
du message.
C'est pourquoi j'ai récemment déposé une proposition de loi visant à instaurer
une journée unique du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes,
tant civiles que militaires, de tous les conflits auxquels la France a
participé. Elle prévoit - et c'est une innovation - de faire précéder cette
journée d'une demi-journée de sensibilisation obligatoire des élèves de toutes
les écoles.
Nous devons saisir cette occasion d'évoquer l'histoire de France alliée à la
mémoire et, le cas échéant, permettre aux anciens combattants de devenir devant
les classes les témoins vivants des drames subis par notre pays et par ses
citoyens.
Cette action de sensibilisation devrait avoir plusieurs objectifs : une
réflexion sur le temps présent, un nécessaire retour sur certains événements
passés, le resserrement de l'identité nationale, un renforcement de la cohésion
nationale et le rappel de valeurs communes.
Le présent projet de budget présente, par conséquent, des avancées
importantes. Toutefois, l'élu alsacien que je suis ne peut que regretter que
l'arrivée d'un nouveau secrétaire d'Etat, de surcroît ancien combattant
lui-même, n'ait pas permis de régler un problème très ancien, celui de
l'indemnisation des incorporés de force dans les organisations paramilitaires
allemandes RAD -
Reichsarbeitsdients
- et KHD -
Kriegshilfsdienst
.
M. Alain Gournac.
Ah oui !
M. Joseph Ostermann.
Le recensement ayant été effectué voilà quelques années, le nombre de
bénéficiaires potentiels est estimé à 8 500 personnes et, actuellement, on
compte environ 6 500 ou 7 000 ayants droit.
La situation de blocage que nous connaissons depuis de très nombreuses années
est désespérante pour les personnes concernées, d'autant qu'elles sont pour la
plupart âgées de plus de soixante-quinze ans, ce qui les conduit à penser que
l'Etat se contente d'attendre - si je puis m'exprimer ainsi - que le temps
fasse son oeuvre, pour ainsi éviter de les indemniser.
En outre, cette absence d'indemnisation peut être considérée comme un refus de
la part des pouvoirs publics de reconnaître cette tragédie, ce qui est très
douloureusement vécu par ces personnes, mais aussi par la plupart des
Alsaciens.
Enfin, rappelons qu'en janvier prochain se tiendront les festivités célébrant
le quarantième anniversaire de la réconciliation franco-allemande. Il serait,
dans cette perspective, particulièrement souhaitable que ce douloureux
contentieux soit réglé, afin que ces célébrations puissent se dérouler dans une
plus grande sérénité. C'est pourquoi les sénateurs alsaciens ont pris
l'initiative de déposer un amendement en ce sens.
Pour conclure, je souhaiterais aborder un point sur lequel il conviendrait
d'apporter quelques assouplissements sans tarder. Il s'agit des conditions
d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord.
Depuis 1998, différents assouplissements successifs de ces conditions de
délivrance ont certes permis l'attribution de plus de 100 000 cartes
supplémentaires.
Il serait toutefois souhaitable, dans un souci d'égalité de traitement et de
simplification, d'harmoniser le régime d'attribution de la carte à tous les
anciens combattants d'Algérie, rappelés et maintenus. Pourriez-vous, monsieur
le secrétaire d'Etat, nous indiquer votre position sur cette question ?
Je vous remercie par avance de ces éclaircissements et, afin de vous
encourager à poursuivre dans la voie du règlement des grands dossiers qui ont
été longtemps laissés en suspens et sur laquelle vous vous êtes engagé, je
voterai les crédits de votre ministère.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach.
Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget des anciens combattants pour 2003 se révèle encourageant, et
la diminution des crédits ne doit pas cacher d'incontestables avancées pour le
monde combattant. La qualité d'un budget ne se juge pas toujours à
l'augmentation de ses crédits.
Les crédits relatifs aux anciens combattants pour 2003 diminuent, il est vrai,
de 4 % par rapport aux crédits votés en 2002, pour atteindre 3,5 milliards
d'euros. Cette baisse apparaît toutefois en grande partie légitime, compte tenu
de la diminution accélérée du nombre de pensionnés qui atteint, pour 2002, 4,3
%, ou encore de la quasi-extinction du fonds de solidarité en faveur des
anciens combattants d'Afrique du Nord du fait de l'arrivée à l'âge de la
retraite des dernières générations de ces combattants.
Je ne souhaite pas entrer dans les querelles statistiques que ces chiffres ne
manqueront pas de soulever ; c'est permettez-moi l'expression, de « bonne
guerre ».
Il me semble bien plus intéressant d'attirer l'attention sur les moyens
nouveaux de ce budget : leur montant est multiplié par quatre par rapport à
2002. Les actions dont ils assureront le financement vont permettre de mettre
un terme à certaines des injustices les plus criantes subies par les anciens
combattants ces dernières années.
Parmi ces mesures nouvelles, comme nombre de mes collègues, je retiendrai plus
particulièrement le règlement de la question de la décristallisation des
pensions et des retraites des anciens combattants d'outre-mer, attendue depuis
près de quarante ans par nos frères d'armes, souhaitée sur l'ensemble des
travées de cette assemblée, particulièrement par les membres du groupe d'études
des sénateurs anciens combattants.
Les espoirs des anciens combattants d'outre-mer ont été souvent déçus ces
dernières années, même si l'on doit reconnaître que des avancées partielles
avaient eu lieu. C'est pourquoi je salue cette décision qui fait honneur à la
France et qui reconnaît la dignité des fonctions passées de ces combattants.
Le dispositif législatif de décristallisation, qui sera fixé par la loi de
finances rectificative pour 2002, prévoit une évolution de la valeur du point
en fonction du pouvoir d'achat du lieu de résidence, assortie d'un mécanisme de
garantie en cas d'évolution défavorable aux anciens combattants, ainsi qu'une
levée définitive de forclusion pesant sur les droits nouveaux, tant des anciens
combattants que de leurs ayants droit. Il va incontestablement, et je m'en
félicite, dans le sens des propositions exprimées par notre assemblée tout au
long de ces dernières années.
A l'occasion de ce budget, vous avez également, monsieur le secrétaire d'Etat,
annoncé le retour aux droits anciens dans la prise en charge des cures
thermales. Cette mesure était attendue des anciens combattants les plus
modestes. Pour eux, la prise en charge des frais d'hébergement lors de ces
cures constitue un élément essentiel du droit à réparation. Je me réjouis que
vous soyez revenu sur cette mesure qui, au-delà de l'émoi qu'elle avait
provoqué, constituait une atteinte au droit à réparation.
Le renforcement de ce droit passe aussi par la création d'un bilan médical
gratuit en matière de santé psychique et d'un observatoire de la santé des
vétérans : c'est une avancée importante dans l'amélioration de la
reconnaissance des psychotraumatismes de guerre, demandée avec insistance par
notre assemblée depuis plusieurs années. Il reste que des précisions devront
être apportées quant à la prise en charge et à la réparation des conséquences
des maladies ainsi découvertes.
L'ONAC et l'Institution nationale des invalides vont également disposer enfin
de perspectives pluriannuelles, grâce à la signature des conventions
d'objectifs et de moyens attendues depuis longtemps par ces organismes. La
sauvegarde de ces deux institutions me paraît en effet fondamentale, tant pour
le monde combattant, qui bénéficie de leurs services, que pour l'ensemble de
nos concitoyens, pour qui elles jouent un rôle de mémoire important.
Enfin, le rythme du relèvement du plafond de la rente mutualiste du combattant
- 7,5 points contre 5 les années passées - est accéléré. Cette mesure permettra
de donner satisfaction dès 2004 à la demande légitime du monde combattant
d'atteindre l'objectif d'un plafond de 130 points.
Au-delà de ces aspects incontestablement encourageants, je me permettrai
d'évoquer trois questions sur lesquelles il me semble indispensable que nous
progressions.
Il est, tout d'abord, nécessaire de trouver une solution équitable à la
question de l'indemnisation des victimes du nazisme. L'indemnisation des
orphelins juifs, mise en place par le décret du 13 juillet 2000, a soulevé
autant de questions qu'elle en a résolu, et l'exclusion de ce dispositif des
orphelins de déportés, fusillés ou massacrés, pour d'autres motif politiques,
et notamment des orphelins de résistants, a été ressentie comme une
injustice.
(M. Alain Gournac applaudit.)
Dans un domaine qui mêle aussi profondément l'histoire nationale et l'histoire
personnelle des victimes, toute précipitation devrait cependant être exclue :
étendre ce décret sans concertation préalable, c'est inévitablement s'exposer à
d'autres injustices. Ainsi, la mesure adoptée par nos collègues de l'Assemblée
nationale et instaurant une réduction d'impôt équivalente au montant de
l'indemnisation dont ont bénéficié les orphelins juifs, compréhensible dans son
principe, pénaliserait les orphelins les plus modestes, non imposables, et par
conséquent exclus, dans ce cadre, de toute indemnisation.
C'est pourquoi, à l'inverse, et comme d'autres avant moi, je me félicite de
l'initiative de nos collègues de l'Assemblée nationale de demander la
transmission du rapport réclamé par M. le secrétaire d'Etat sur les
perspectives d'extension de ce décret. Ses conclusions éclaireront la réflexion
nécessaire à la mise en place d'un régime cohérent et juste d'indemnisation
pour toutes les victimes du nazisme.
En outre, l'élargissement des conditions d'accès à la carte du combattant,
certes souhaitable, a été effectué apparemment sans vue d'ensemble. Il me
paraît aujourd'hui indispensable de mettre un terme aux disparités des durées
de service requises pour l'attribution de la carte du combattant. Certaines
dérogations à la durée des douze mois de services, comme celle qui est accordée
aux rappelés, sont assurément légitimes, d'autres, comme celle accordée aux
policiers et aux CRS, sont plus contestables.
Les associations demandent désormais un alignement de la durée de présence
requise en Afrique du Nord de quatre mois, au même titre que les policiers et
les CRS. Je n'irai pas, quant à moi, jusqu'à réclamer un alignement immédiat de
la durée de service à quatre mois.
Il me semble cependant qu'il serait équitable de réparer certaines injustices,
comme celle qui frappe les « maintenus », pour lesquels une durée de douze mois
est toujours requise. Une mise en cohérence des dates de cessation des
hostilités en Afrique du Nord, dates qui diffèrent selon le critère pris en
compte pour l'attribution de la carte, est également indispensable.
Enfin, je voudrais vous faire part de ma préoccupation au sujet de la
situation des veuves d'anciens combattants, nombreuses à vivre dans une grande
précarité.
A ce sujet, je voudrais saluer l'initiative de l'ONAC de créer une « carte de
veuve » qui matérialise en quelque sorte leur statut de ressortissantes de
l'Office et de lancer une campagne d'information auprès de ce public qui ignore
bien souvent les secours auxquels il peut prétendre.
Les actions de solidarité que mène l'Office à l'égard des veuves d'anciens
combattants doivent être soutenues, car ces dernières représentent une part
toujours croissante des ressortissants de l'Office. A ce titre, je me réjouis
de la majoration des crédits d'action sociale de l'ONAC décidée par le
Gouvernement, en première lecture à l'Assemblée nationale : elle permettra à
l'Office de poursuivre ses actions.
Il n'en reste pas moins que l'engagement financier de l'Etat en faveur des
veuves devra être renforcé. Je pense notamment à la situation particulière des
veuves de guerre, largement oubliées ces dernièr168es années.
Compte tenu des avancées significatives permises par ce projet de budget sur
des questions laissées jusqu'alors en friche et sur lesquelles nous
intervenions à chaque discussion budgétaire, et malgré les quelques
préoccupations dont je vous ai fait part, je voterai avec mes amis, monsieur le
secrétaire d'Etat, votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis surprise d'entendre cette année nos
rapporteurs, si prompts ces dernières années à condamner vos prédécesseurs,
trouver à votre projet de budget des vertus que je n'ai point constatées. En
vérité, j'y trouve même de sérieux motifs de critique.
En une phrase, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget fait
illusion. Il baisse plus fortement que les années précédentes puisqu'il accuse
une diminution de 4 % par rapport au budget de 2002. C'est non pas un projet de
budget de transition, mais un projet de budget « transi », qui manque de
chaleur.
Le relèvement de sept points et demi du plafond majorable de la rente
mutualiste, au lieu des cinq points habituels que l'un de vos prédécesseurs
avait initié est une bonne mesure et, tout en indiquant que j'y suis favorable,
je n'oublie pas qu'elle ne profite pas à tous les combattants puisque seuls
ceux qui disposent d'un certain niveau de ressources peuvent en bénéficier.
Le dossier des psychotraumatismes, laissé en jachère pendant trente ans,
ouvert avant vous par une volonté politique née dès 1997, continue à avancer et
c'est bien. Mais la seule mesure budgétaire significative de votre projet de
budget, monsieur le secrétaire d'Etat, n'a pas de contenu concret. Elle
concerne la décristallisation. Une commission, dont sont exclus les ayants
droit, doit préciser, au cours de l'année, les conditions d'attribution de
cette indemnité.
On constate que, sur ce sujet, globalement, vous avez retenu les réflexions et
propositions de vos prédécesseurs qui, les premiers, ont fait évoluer le
dossier.
Le temps nécessaire à la mise en oeuvre des procédures et au recensement des
bénéficiaires sera très long. Le budget ne sera pas sollicité à hauteur des
72,2 millions d'euros. Peut-être même ne le sera-t-il pas du tout, de sorte que
les crédits affichés pour 2003 sont des crédits à effet d'optique.
La politique de mémoire, que vous présentez comme le coeur de votre action,
monsieur le secrétaire d'Etat, ne fait que poursuivre celle qui a été définie
et impulsée par l'un de vos prédécesseurs bien connu de notre assemblée.
Il serait peut-être bon de donner à cette politique une plus grande ampleur en
contractualisant des projets pertinents avec les collectivités territoriales.
Mais, pour cela, il faudra compter avec la direction de la mémoire, du
patrimoine et des archives, la DMPA, dont l'attitude frileuse et technocratique
freine, depuis sa création, un certain nombre d'initiatives.
Nous avons enregistré la mission confiée à Philippe Dechartre afin d'examiner
l'extension du bénéfice du décret du 13 juillet 2000 à tous les orphelins. Il
n'était pas nécessaire de réunir une commission, sauf pour gagner du temps, car
tout est clair, monsieur le secrétaire d'Etat ! Veut-on ou non indemniser les
orphelins, tous les orphelins des morts pour la France ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
Mme Gisèle Printz.
Nous avons toujours été favorables à cette mesure. Pour nous, il a toujours
été clair que la décision du Premier ministre en juillet 2000 était une erreur,
erreur dont nous l'avions prévenu.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, n'apporte rien de concret en
faveur des veuves. Vous ne poursuivez pas, dans ce domaine, ce qui a été fait
avec les budgets précédents, par exemple pour les veuves des plus grands
invalides.
Quelles sont vos intentions réelles pour améliorer les indemnisations des
veuves de guerre et des veuves d'anciens combattants ?
Quels engagements concrets prenez-vous pour majorer, au profit des veuves des
morts au combat, les 500 points d'indice qui, aujourd'hui, correspondent à peu
près au seuil de pauvreté ?
Ne croyez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces épouses courageuses
et dévouées méritent que l'on se préoccupe de leur situation ?
Que dire de la retraite du combattant, qui ne fait l'objet d'aucune amorce de
processus de revalorisation,...
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il fallait le faire !
Mme Gisèle Printz.
... ou de la revendication portant sur l'attribution de la carte d'ancien
combattant pour quatre mois de présence en Afrique du Nord ? Vous n'en parlez
pas !
L'élue de la Moselle que je suis se doit d'évoquer des dossiers non réglés à
ce jour et qui me tiennent particulièrement à coeur.
Je veux tout d'abord parler de l'indemnisation des RAD-KHD. Le dossier reste
ouvert et, là aussi, il faut rétablir la vérité, car j'ai entendu tout et
n'importe quoi de la part de vos amis politiques.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il est fermé depuis 1981 !
Mme Gisèle Printz.
M. Jean-Pierre Masseret avait souhaité obtenir de la fondation de l'Entente
franco-allemande le règlement définitif du contentieux existant en utilisant
les 100 millions de francs de réserve - c'était encore des francs.
Les membres anciens combattants du conseil d'administration ont refusé. Jean
Laurain, président de la Fondation à l'époque, et les représentants de
l'administration ont obtenu un compromis portant sur le versement, par la
fondation, de 20 millions de francs, sous réserve que l'Etat abonde ces crédits
de la même somme. Ce compromis n'a pas abouti.
M. André Bord est aujourd'hui le nouveau président de la Fondation. En 1998,
il avait pris position contre la proposition du secrétaire d'Etat. Pouvez-vous
obtenir de lui qu'il revienne sur ce refus et décide d'indemniser les RAD-KHD
sur les fonds de la fondation, comme cela aurait dû être fait dès l'origine ? A
défaut, pensez-vous obtenir de l'Etat les crédits nécessaires ?
Pensez-vous pouvoir effacer la ligne Curzon ? Le régime spécial établi par des
décrets de 1973, de 1977 et de 1981 traite différemment les prisonniers des
camps soviétiques selon qu'ils étaient internés à l'est ou à l'ouest de la
ligne Curzon. Quelle est votre opinion, monsieur le secrétaire d'Etat, sur
l'attribution du titre de reconnaissance de la nation aux incorporés de force
?
Les patriotes résistants à l'occupation des départements d'Alsace-Moselle,
incarcérés dans des camps spéciaux, qui constituent une catégorie très
particulière de victimes du nazisme que l'on ne retrouve dans aucune autre
région de France, souhaitent que les années passées dans les camps soient
prises en compte dans le calcul de la retraite pour ceux qui avaient moins de
seize ans à l'époque.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle a donné raison à un
déporté PRO, qui avait demandé qu'il soit tenu compte du temps passé en camp
spécial avant l'âge de seize ans pour le calcul de sa pension de retraite.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous l'intention de tirer les conséquences
générales de cette décision de justice rendue au nom du peuple français ?
Je pourrais, comme le faisaient mes collègues de la majorité du Sénat l'an
dernier ou les années précédentes, depuis 1997, vous interroger et m'étonner
des silences de votre budget en ce qui concerne la fiscalité, le rapport
constant, le syndrome du golfe Persique et des Balkans, les conséquences des
irradiations lors d'essais nucléaires, les réfractaires...
Je ne le ferai pas, car il y a suffisamment à dire sur votre budget sans
suivre la voie de la démagogie.
Nous voterons contre votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, tout comme
l'ont fait avant nous, à l'Assemblée nationale, un certain nombre de députés de
votre majorité, car le monde combattant, qui exige notre respect et notre
reconnaissance, méritait beaucoup mieux.
(Applaudissements sur les travées
du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi, en préambule, de vous confier le
plaisir qui est le mien de m'adresser à vous, quelques semaines après notre
première rencontre, dans mon département de Vaucluse, à l'occasion de
l'inauguration de l'esplanade de l'Armée-d'Afrique, à Avignon.
Je suis persuadé, pour ma part, que votre expérience d'ancien combattant et
vos nombreuses responsabilités dans ce secteur associatif sont des atouts non
négligeables dans la mission difficile qui vous a été confiée. Il s'agit
d'ailleurs, vous le savez, d'un domaine où la concertation est fondamentale et
où, par conséquent, le dialogue avec les associations représentatives doit être
constant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez d'ores et déjà donné des gages de
votre volonté de travailler dans cet esprit, notamment en annonçant la mise en
place de programmes pluriannuels pour répondre aux préoccupations catégorielles
du monde combattant. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Cette méthode de
travail et ce pragmatisme affiché seront d'autant plus nécessaires que, cela a
été dit, le contexte économique dans lequel a été élaboré ce budget et les
marges de manoeuvre financières dont disposait le Gouvernement rendaient le
montage de votre budget relativement délicat. Je n'y reviendrai pas, les
différents intervenants qui m'ont précédé ayant largement insisté sur ce point.
Je ne relèverai pas non plus la totalité des nombreuses mesures positives que
comporte votre budget.
Mon intervention rapide portera essentiellement, dans un esprit constructif,
sur quelques points qu'il convient d'examiner pour tenter de résoudre les
principales difficultés auxquelles sont encore confrontés les anciens
combattants de notre pays.
En premier lieu, sur la question de la retraite du combattant, il semble
indispensable de s'atteler, enfin, à une revalorisation fondée sur un principe
d'égalité, d'autant que les revendications relatives à la retraite anticipée
n'ont pas avancé d'un pouce dans le passé. L'incapacité du gouvernement
précédent à lancer ce processus, malgré une croissance à l'époque génératrice
de marges de manoeuvre financières, ne peut en aucun cas servir d'excuse.
Les associations représentatives sont parfaitement conscientes des contraintes
financières qui pèsent sur le Gouvernement et se satisferaient, monsieur le
secrétaire d'Etat, par conséquent, d'un ajustement progressif de l'indice de la
retraite du combattant. Je compte, à cet égard, sur votre action dans les
prochains mois, pour faire des propositions en ce sens.
J'en viens ensuite à l'évocation de la situation des orphelins de guerre et
pupilles de la nation. Tout le monde ayant évoqué le sujet, je me contenterai,
moi aussi, d'attendre avec confiance le rapport que vous avez confié à M.
Philippe Dechartre. Mais nous nous permettons d'insister sur la nécessité
d'aboutir, dans les meilleurs délais, là aussi, à une solution.
Je ne reviendrai que très brièvement sur les inquiétudes relatives à la
pérennité de l'ONAC, pour vous confirmer que je rejoins ces préoccupations,
compte tenu de l'intérêt de l'action menée par cet organisme, même si l'on peut
tout à fait comprendre votre volonté légitime de recentrer l'établissement sur
son seul objet social.
La récente signature d'un contrat d'objectifs et de moyens cautionné, le 15
octobre dernier, à une très forte majorité, il faut le souligner, par le
conseil d'administration de l'ONAC, apparaît comme une garantie apportée par
l'Etat au monde combattant. L'enveloppe financière qui a été votée voilà
quelques jours par l'Assemblée nationale va aussi dans le bon sens.
A mon tour, comme nombre de mes collègues, je note avec beaucoup de
satisfaction l'effort portant sur la mise en oeuvre d'un véritable début de
décristallisation des pensions des anciens combattants et victimes de guerre
des pays devenus indépendants, tout en m'interrogeant sur les modalités de
règlement de ce dossier relativement complexe. Il faut souligner, encore une
fois avec force, qu'il s'agit, pour les anciens combattants, d'une avancée
historique.
Par ailleurs, je voudrais évoquer rapidement une autre revendication
importante, à savoir le bénéfice de la campagne double pour les anciens
combattants de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Là
aussi, je crois légitime que les fonctionnaires et assimilés concernés
bénéficient des mêmes droits que ceux qui ont accompli les mêmes services
pendant les conflits précédents. Il s'agit là - vous le savez tous - d'une
vieille revendication qui mériterait, un jour prochain, une solution
concrète.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous avez raison !
M. Alain Dufaut.
Enfin, il me semble nécessaire de se pencher à nouveau sur les conditions
d'attribution de la carte du combattant ; nous avons été nombreux à évoquer ce
sujet. Vous savez que les anciens combattants totalisant moins de douze mois de
présence en Algérie sont exclus de l'attribution de la carte du combattant,
alors que, c'est vrai, ils sont titulaires du titre de reconnaissance de la
nation et de la médaille commémorative.
Sur toutes ces questions, monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons une
écoute attentive et un programme d'actions - et vous avez, selon moi, raison
d'employer la méthode que vous utilisez depuis votre prise de fonctions -, de
manière à répondre aux légitimes attentes du monde combattant, dont on ne dira
jamais assez la reconnaissance que nous lui devons.
Le mérite de ces hommes qui ont vécu et combattu pour défendre notre patrie
vaut bien, certes, les honneurs de la mémoire, mais il doit aussi s'accompagner
de mesures concrètes destinées à la reconnaissance des services rendus. Je
sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez, tout au long de cette
législature, vous consacrer à cette tâche avec passion et avec efficacité.
C'est dans cet esprit que le groupe du Sénat auquel j'appartiens vous apportera
aujourd'hui, à l'occasion de l'examen et du vote de ce budget, son soutien le
plus total.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et
de l'Union centriste.)
Un sénateur du RPR.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hamlaoui Mékachéra,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un
réel honneur de présenter pour la première fois le projet de budget des anciens
combattants devant votre Haute Assemblée. Ce budget n'est pas tout à fait comme
les autres. Il est en effet, avant tout, une manifestation tangible de la
reconnaissance de la nation envers ceux qui l'ont servie sous les drapeaux,
certes, mais également - et souvent - dans l'épreuve.
Permettez-moi de remercier chacun des intervenants. Je crois pouvoir dire que
le monde combattant sera sensible au soutien que vous lui avez tous
manifesté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour respecter le souhait du président de
votre commission des finances, plutôt qu'une présentation globale du budget, je
vais m'efforcer de répondre du mieux que je pourrai et le plus précisément
possible à vos questions, qui correspondent à des attentes fortes du monde
combattant.
Je le ferai d'autant plus volontiers que vos rapporteurs vous ont déjà
présenté les principales destinations des crédits qui sont soumis à votre vote.
Je souhaite remercier sincèrement M. Baudot et M. Lesbros pour la chaleur de
leurs propos et pour la pertinence de leurs analyses.
Certains d'entre vous - je pense à M. Chabroux et à M. Fischer - ont insisté
sur l'évolution globale des crédits, comme si ce budget s'inscrivait simplement
dans la continuité de ceux qui l'ont précédé.
Pourtant, tel n'est pas le cas, et je souhaite d'emblée vous en convaincre. Ce
projet de budget n'est pas, je suis persuadé que vous le comprendrez,
uniquement une affaire d'arithméthique ! Il innove sur de nombreux dossiers,
dont certains sont d'une grande importance.
Tout d'abord, c'est un budget clair et sincère. Je précisse à M. Fischer que
nous avons présenté l'évolution globale des crédits dans sa réalité, sans
jamais chercher à la cacher.
Ensuite, ce budget ne traduit pas de façon rigide les conséquences des
évolutions démographiques. Je m'explique.
Outre la diminution, malheureuse mais inéluctable, du nombre de
ressortissants, il faut ajouter que l'arrivée à l'âge de la retraite des
anciens combattants de la guerre d'Algérie entraîne,
ipso facto
, une
diminution mécanique des crédits du fonds de solidarité. Ces deux évolutions
permettaient de réaliser une économie de 200 millions d'euros. Vous pouvez
constater que nous en sommes loin !
Je tiens aussi à dire que cette discussion sur l'évolution globale du budget
présente l'inconvénient de faire croire aux anciens combattants que leurs
droits individuels diminuent. Or c'est précisément l'inverse : ils sont en
augmentation de 0,68 %. J'en arrive à ce qui constitue le changement de fond de
ce budget : l'importance financière et symbolique des mesures nouvelles qu'il
contient.
Sur la décristallisation, l'ONAC, l'Institution nationale des invalides, les
retraites mutualistes, les cures thermales et les bilans médicaux, des avancées
très fortes - qu'il n'est point besoin d'expliquer plus longtemps, mesdames et
messieurs les sénateurs - vous sont aujourd'hui proposées.
Vous comprendrez que je commence par le dossier essentiel de la
décristallisation, que vous avez tous évoqué ; vous l'avez fait, d'ailleurs,
avec des mots justes, souvent émouvants.
Nous avons attendu, vous avez attendu, le monde combattant a attendu quarante
ans que l'occasion soit donnée pour résoudre ce problème de dignité. C'est
pourquoi le Gouvernement auquel j'appartiens a d'ores et déjà inscrit 72,5
millions d'euros pour engager ce processus.
Je souhaite vous présenter plus en détail le dispositif que nous avons retenu.
Nous y reviendrons de façon plus précise, bien entendu, au moment de la
discussion du projet de loi de finances rectificative.
En réponse à M. Collin, je confirme que c'est dans les toutes prochaines
semaines que vous aurez à vous prononcer. Ainsi, l'année prochaine, la
décristallisation entrera dans les faits.
Depuis les annonces gouvernementales du 20 novembre, beaucoup de contre
vérités ont été entendues à ce sujet, et il me paraît utile de rappeler les
mérites de la formule qui a été retenue.
C'est tout d'abord une formule qui procède d'un souci d'équité. Ainsi, le
principe de parité des pouvoirs d'achat, adossé à un barème mis à jour
régulièrement par l'ONU, confère aux anciens combattants les mêmes moyens, quel
que soit leur pays de résidence.
Mais limiter la décristallisation, comme le font certains, à ce seul
mécanisme, c'est passer sous silence d'autres facettes qui sont tout à fait
essentielles et que je vais me permettre de rappeler, notamment à M. Pelchat,
qui, comme nous le savons, suit ce dossier avec détermination depuis
longtemps.
La décristallisation, c'est d'abord l'assurance que chaque situation
individuelle sera améliorée par une majoration forfaitaire de 20 %, là où la
parité de pouvoir d'achat n'apporterait aucun avantage supplémentaire.
C'est aussi une rétroactivité sur quatre ans, c'est-à-dire le maximum autorisé
par le principe de la déchéance quadriennale qui, je le rappelle, est d'ordre
public.
C'est encore la réouverture des droits individuels qui permettra aux invalides
de faire constater d'éventuelles aggravations et aux veuves de percevoir une
pension de réversion.
C'est, enfin, la garantie de mises à niveau ultérieures, en proportion des
progressions de parités de pouvoir d'achat et des augmentations du point de la
fonction publique.
J'indique à M. Baudot, rapporteur spécial, qu'il n'aurait pas été possible de
ne décristalliser que la retraite du combattant. En effet, les attendus et les
décisions de la haute juridiction administrative ne le permettraient pas.
Le dispositif que je viens de décrire est le seul susceptible de s'insérer
harmonieusement dans le contexte local, économique et social. Un alignement pur
et simple n'aurait pas manqué d'être perçu comme une injustice par les anciens
combattants français. Evitons, mesdames, messieurs les sénateurs, de créer de
nouvelles injustices en cherchant à réparer celles qui existent déjà.
Pour clore ce chapitre, permettez-moi de dire que je suis fier d'appartenir à
un gouvernement qui a conçu cette réforme historique et qui va maintenant la
mettre en oeuvre, sous votre haute vigilance, bien entendu. Celle-ci répond à
un souci de justice et d'équité. Elle porte la marque de notre reconnaissance à
l'égard de ceux qui ont répondu à l'appel de la France et de la liberté.
Ce budget innove aussi en ce qui concerne l'avenir de deux établissements
publics auxquels le monde combattant est, à juste titre, très attaché :
l'Office nationale des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, et
l'Institution nationale des invalides, l'INI.
M. Chabroux et M. Fischer, que j'ai écoutés avec beaucoup d'attention, ont
fait part de leur inquiétude quant aux conséquences du contrat d'objectifs et
de moyens de l'ONAC. Sur ce sujet, j'entends rassurer à la fois la
représentation nationale et le personnel de ces établissements.
Soyons clairs : comme l'a noté M. Dufaut, si nous n'avions rien fait, la
pérennité de l'ONAC n'était plus assurée. C'est le message que m'a d'ailleurs
adressé son conseil d'administration dès ma prise de fonction. C'est aussi le
constat auquel étaient parvenus la Cour des comptes, l'Inspection générale des
finances et le Contrôle général des armées.
En revanche, le contrat d'objectifs permettra de réaliser l'adéquation si
nécessaire des moyens de l'ONAC avec ses missions. Le déclin inexorable des
actions de reconnaissance, la progression annoncée des missions de solidarité
et celle, très souhaitable, des actions de mémoire appelaient une
réorganisation des moyens de l'établissement. Tout le monde peut le comprendre
!
Le pire a été entendu sur les conséquences sociales de ce contrat. La réalité
est tout autre, mesdames, messieurs les sénateurs. C'est en moyenne un
demi-poste par département et par an qui serait concerné par le redéploiement
que nous proposons.
A l'inverse, cent emplois de cadres de catégorie A seront créés pour
développer et enrichir les actions de mémoire. Les actions de proximité seront,
elles aussi, renforcées grâce à un plan de recrutement qui porterait à cent
postes l'effectif des assistantes sociales à temps complet ou à temps partiel.
Ainsi, chaque département disposerait des moyens nécessaires dans ce secteur
social.
S'agissant des crédits sociaux de l'ONAC, je veux remercier le Parlement, qui
a souhaité contribuer au relèvement des moyens prévus. Les commissions des
finances ont été sensibles aux besoins en ce domaine et je souhaite les saluer
de cette tribune. Vous savez que ces crédits bénéficient principalement aux
veuves en situation de grande difficulté financière, et, hélas ! il y en a.
J'ai bien entendu les propos de votre rapporteur en ce qui concerne la
procédure.
Par ailleurs, l'Institution nationale des invalides fait également l'objet
d'un soin particulier dans le projet de budget qui vous est soumis.
L'expression la plus tangible de cette attention réside dans l'augmentation de
près de 5 % de sa subvention.
Derrière cette augmentation se dessine la volonté, vous l'avez deviné, de
tirer tous les enseignements de la visite d'accréditation qui vient de
s'achever. Sans rien perdre de son identité, cette vénérable institution verra
ainsi sa situation progresser en termes de sécurité et de qualité des soins. A
l'image de ce qui s'est fait pour l'ONAC, un contrat d'objectifs et de moyens
viendra accompagner ses évolutions. Une gestion analytique de qualité sera mise
en place, afin de savoir qui fait quoi.
Je vais maintenant aborder plus brièvement les autres questions qui ont été
évoquées.
Je remercie MM. les rapporteurs, qui ont bien voulu saluer le rétablissement
de la prise en charge des frais d'hébergement des cures thermales à cinq fois
le taux de la sécurité sociale : elle avait été abaissée à trois fois le taux.
L'arrêté a donc été publié au
Journal officiel
du 10 novembre dernier.
Il s'agit d'une mesure de justice, vous l'avez dit, et j'en prends acte.
Répondant en cela à l'attente des associations, ce budget innove.
L'instauration d'un bilan médical gratuit permettra d'améliorer l'expertise
médicale de certaines pathologies et de mieux orienter les anciens combattants
en ce qui concerne le dépistage de leurs affections.
L'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste était aussi une
mesure attendue. Monsieur Baudot, je connais vos réticences sur ce sujet.
Pourtant, dans le cadre de la concertation que j'ai mise en place, il
s'agissait d'une attente vraiment forte. Je me réjouis que nous ayons pu ainsi
progresser à un rythme plus élevé que les années précédentes, avec une
augmentation de 7,5 points, contre 5 points jusqu'à présent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m'avez également interrogé sur des
dispositions qui ne sont pas contenues dans le projet de budget qui vous est
soumis.
Le premier sujet c'est, bien sûr, la revalorisation de la retraite du
combattant. Les débats parlementaires ont eu le mérite de montrer l'importance
accordée à ce sujet sur l'ensemble des travées de cette assemblée. Il faut tout
de même savoir - cela a été rappelé tout à l'heure -, qu'une augmentation de
cinq points de la retraite du combattant aurait consommé plus de 80 millions
d'euros, soit l'équivalent de la totalité des mesures nouvelles qui vous sont
aujourd'hui présentées. Elle ne peut donc être envisagée que sur plusieurs
années. Dans une logique de partenariat et de planification, j'engagerai
prochainement une concertation sur ce sujet.
Vous êtes nombreux à avoir rappelé les insatisfactions quant aux conditions
d'attribution de la carte du combattant. Les durées de services exigées sont
variables. Cette dispersion répond parfois à un souci d'équité. Mais,
quelquefois, les raisons sont plus obscures et suscitent un sentiment
d'injustice auprès des intéressés. J'entends engager rapidement une démarche
qui devra clarifier un dispositif qui est aujourd'hui, je le reconnais, confus
et mal adapté.
Comme tous les orateurs qui se sont exprimés au sujet des veuves, notamment M.
Cleach, je suis sensible aux difficultés que celles-ci rencontrent. En effet,
elle sont souvent dans des conditions matérielles ou morales particulièrement
difficiles. Toutes n'ont pas affronté les mêmes épreuves, mais toutes méritent
notre attention. Je suis prêt à examiner les voies et les moyens d'engager une
action de soutien en leur faveur, et ce dès les prochains mois.
M. Durand-Chastel m'a interrogé sur la rente viagère pour les harkis. Son
extension est prévue grâce à la levée de la condition de ressources qui, vous
le savez, en restreignait la portée.
S'agissant de la campagne double, j'ai bien noté les préoccupations de M.
Dufaut. Cette question est effectivement ancienne et n'a pas reçu de réponse à
ce jour, probablement en raison de ses fortes incidences budgétaires. De plus,
elle ne bénéficierait qu'aux agents ayant un statut public. Elle appelle donc
une réflexion toute particulière.
Les situations héritées de l'annexion des départements d'Alsace-Moselle
pendant la Seconde Guerre mondiale doivent être examinées. Je vous en donne
acte ! Elles font partie de ces contentieux récurrents à propos desquels les
réponses dilatoires ne sont plus de mise. J'entends les aborder sans
a
priori
. Il s'agit, vous l'avez compris, des RAD, des KHD, des PRO, et des
PRAF : derrière ces sigles se cachent des souffrances, de nature différente,
dont certaines n'ont pas été reconnues à ce jour. J'en prends également acte
!
J'indique à M. Osterman et à Mme Printz que je me propose de réunir, si elles
le souhaitent, les différentes parties prenantes, notamment les associations et
les parlementaires concernés, avec la fondation Entente franco-allemande ; nous
aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements.
Je souhaite aborder maintenant les questions de mémoire. Bien que moins
présentes dans les discussions budgétaires, elles n'en sont pas moins
importantes. Je crois même qu'un large consensus se dessine pour dire que la
transmission des valeurs portées par le monde combattant vers les jeunes
générations est une priorité. Je remercie M. Ostermann de son soutien fort sur
ce thème. J'ai également noté des propositions très pertinentes de M.
Durand-Chastel en matière d'action diplomatique.
Concrètement, 17 millions d'euros seront consacrés à ce domaine. Ils
permettront de développer des projets conjuguant une forte capacité d'évocaion
et une modernité répondant à la sensibilité des enfants et des adolescents.
L'accent sera mis, en 2003, entre autres, sur l'action de la Résistance et le
sacrifice de Jean Moulin, ainsi que sur les opérations de reconquête des
territoires sous le joug nazi, comme la campagne de Tunisie, la libération de
la Corse, la campagne d'Italie...
L'effort entrepris en termes de publications, notamment pour la jeunesse, sera
poursuivi et amplifié.
Naturellement, le plus grand soin sera accordé à l'entretien et à la
restauration des nécropoles. J'ai d'ailleurs demandé à tous les préfets un état
des lieux complet, car trop d'échos défavorables nous parviennent çà et là.
Enfin, nous voulons développer, avec les collectivités locales, un « tourisme
de mémoire », et avec certains pays étrangers, qui furent nos alliés ou nos
adversaires, des coopérations sur le thème de la « mémoire partagée ».
En ce qui concerne les journées de commémoration, je rappelle à M. Ostermann
l'attachement du monde combattant à une journée spécifique pour chaque conflit.
Quant à l'institution d'une journée nationale de la Résistance, je précise à M.
Fischer qu'elle ne pose aucune difficulté de principe pour le secrétariat
d'Etat que j'ai l'honneur de diriger. Mais, pour cette date comme pour
d'autres, nous pensons qu'il appartient d'abord au monde combattant de
s'entendre et non à l'Etat d'imposer ses choix. Il est d'ailleurs évident que
nous marquerons avec l'éclat nécessaire l'importance historique de la première
réunion du Conseil national de la résistance, le CNR, le 27 mai 1943.
Avant de conclure, permettez-moi de répondre à vos nombreuses questions sur
deux sujets qui ne sont pas inclus dans le projet de budget, mais que vous avez
tous abordés et qui, bien que de nature très différente, sont sensibles : d'une
part, l'indemnisation des orphelins de déportés et, d'autre part, la
commémoration de la fin de la guerre d'Algérie.
Je voudrais dire, tout d'abord, que le débat relatif au décret du 13 juillet
2000 sur l'indemnisation des orphelins des déportés de la Shoah ne doit pas
faire oublier la tragédie incommensurable qui est à l'origine de cette mesure.
Je rappelle que ce décret procède de la reconnaissance de la responsabilité de
l'Etat français dans les persécutions antisémites et de la mission présidée par
M. Mattéoli.
Cependant, le Gouvernement est pleinement conscient des attentes suscitées par
ce texte chez les autres orphelins de déportés. Il est d'ailleurs révélateur
que la quasi-totalité des orateurs ait évoqué cette question.
C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à une personnalité
indépendante et reconnue, M. Philippe Dechartre, ancien résistant - est-il
nécessaire de le rappeler ? - et ancien ministre du général de Gaulle et de
Georges Pompidou, de nous éclairer sur le sujet. Il conduit actuellement une
concertation approfondie avec le souci d'y associer l'ensemble des intéressés.
Il nous remettra donc un rapport avant la fin du premier semestre de l'année
prochaine.
En effet, sur un sujet aussi douloureux et délicat, il est capital que la
solution qui sera préconisée recueille l'assentiment de tous. Il est tout aussi
essentiel de ne pas créer une nouvelle injustice en prétendant réparer celle
que nous avons identifiée.
Dès lors, comme l'ont indiqué notamment MM. Lesbros et Cleach, il est
absolument nécessaire d'aller au terme de la concertation sur un sujet aussi
important pour notre communauté nationale. Dans cet esprit, je le dis
simplement, il me semble prématuré de légiférer.
Pour autant, et afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur notre volonté commune
de régler cette question, j'assure votre Haute Assemblée que nous proposerons,
dès l'année prochaine, dans la sérénité et après avoir pris le temps d'engager
une réelle concertation, une solution équitable et raisonnable.
Sur ce même sujet, M. Baudot s'est inquiété de l'absence de financement des
mesures du collectif budgétaire de 2001. Je précise que ces crédits figurent
dans le projet de budget du Premier ministre.
La date de commémoration de la guerre d'Algérie a suscité de fortes tensions.
Nous voulons, au contraire, contribuer, patiemment mais sûrement, à l'émergence
d'une solution.
C'est pourquoi nous avons demandé à M. Jean Favier, membre de l'Institut et
historien de renommée mondiale, de présider une commission sur ce sujet.
Une première réunion a eu lieu, comme vous le savez, le 6 novembre dernier.
C'est déjà un signe positif puisque les principaux représentants du monde des
combattants avaient tenu à être présents. Une prochaine réunion aura lieu en
janvier prochain. J'espère que le monde combattant, qui a été uni face à
l'adversaire, saura se rassembler pour honorer ses morts. En tout cas, le
Gouvernement lui fait confiance. Il reste attentif et laisse les frères d'arme
débattre très librement.
L'inauguration, jeudi prochain, par le Président de la République, du mémorial
national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie sera un
nouveau moment d'unité autour de la mémoire de ces conflits. Nous ferons tout
pour que celle-ci soit durable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère avoir répondu à l'essentiel de vos
questions dans le temps qui m'était imparti.
Pour conclure, permettez-moi de jeter un regard rapide sur les quelques mois
qui viennent de s'écouler.
Des dossiers attendus depuis des dizaines d'années qui aboutissent enfin.
Un esprit d'ouverture qui se manifeste sans
a priori
pour aborder les
questions encore en suspens.
Un dialogue confiant et constructif qui s'instaure avec les associations et,
je l'espère, avec le Parlement.
Une volonté permanente qui s'exprime pour rassembler tant sur les messages que
sur l'approche des préoccupations que vous partagez.
Une intervention très forte du Premier ministre en personne, le 11 novembre
dernier, à Rethondes, qui rassemble et qui dynamise.
Une communication en conseil des ministres, mercredi dernier, qui trace tous
les axes du plan d'action en faveur du monde combattant que nous tenons à
mettre en place.
L'inauguration du mémorial de la guerre d'Algérie, qui sera, je le répète, un
nouveau moment d'unité.
Vraiment, je crois que l'on ne peut qu'oeuvrer pour qu'un tel climat de
sérénité perdure pour le monde combattant.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'y prendre toute votre
part en adoptant les crédits que j'ai eu l'honneur de vous présenter cet
après-midi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
des anciens combattants et figurant à l'état B.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III :
moins
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