SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2002
La parole est à Mme Odette Terrade, sur les crédits figurant au titre IV.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes
chers collègues, je me propose d'intervenir plus spécifiquement sur les
crédits, tous budgets confondus, relatifs aux droits des femmes.
A l'heure où le Gouvernement affiche sa détermination dans le domaine de
l'égalité professionnelle, dans le même temps, le budget spécifique aux droits
des femmes, mis en place par le gouvernement précédent, disparaît.
Selon nous, le budget de l'ancien secrétariat d'Etat aux droits des femmes
avait un rôle fondamental pour impulser une politique volontariste et innovante
en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Certes, ce secteur est couvert par Mme la ministre déléguée à la parité et à
l'égalité professionnelle mais, sans moyens réels, son action dans ce domaine
risque d'être limitée.
Pour lutter efficacement contre les inégalités persistantes sur le marché du
travail, qu'il s'agisse de la précarité de l'emploi, du temps partiel, des
écarts de salaires à travail identique, de l'accès à la formation
professionnelle et à la validation des acquis de l'expérience, des politiques
budgétaires dynamiques et efficaces s'imposent.
Au-delà de la tendance à la baisse des crédits, la refonte des actions
spécifiques dans des actions plus générales est la marque de l'absence de prise
en compte des problèmes réels rencontrés par les femmes.
Ainsi, on passe de lignes budgétaires techniques et détaillées en phase avec
la mise en place des lois relatives à la parité ou à la réduction du temps de
travail, qui étaient de véritables outils d'analyse et de renforcement de
l'égalité professionnelle, à des priorités budgétaires portant sur des actions
plus évasives ou globales appelées sensibilisation, formation.
Sur dix-neuf lignes budgétaires existant depuis les lois de finances 2000,
2001, 2002, sept ne sont plus alimentées et huit lignes sont à la baisse, pour
deux lignes en augmentation et deux lignes créées.
Concernant le secteur du travail, les titres III et IV sont parlants. En
effet, dans votre budget sont supprimés ou réduits les crédits affectés à des
lignes concernant « l'analyse », « l'observation sur les progrès ou reculs
possibles » en ce qui concerne l'égalité professionnelle.
Est supprimée également la ligne « construction du plafond de verre », alors
que, nous le savons, ces mécanismes d'organisations sociales et
professionnelles, qui bloquent la promotion des femmes, sont l'héritage de
notre société patriarcale et génèrent des inégalités entre les hommes et les
femmes. Y remédier nécessite volontarisme et moyens !
Que dire également de la suppression de la ligne budgétaire « pratique des
hommes dans le travail domestique », si ce n'est qu'elle manifeste la volonté
de reléguer une fois de plus le travail domestique dans l'invisibilité ?
Concernant maintenant les actions en faveur des droits des femmes, dont nous
trouvons trace dans les crédits « Santé, famille et personnes handicapées »,
pouvez-vous préciser, madame, messieurs les ministres, quelle sera la
destination des crédits budgétés ?
S'agissant des violences faites aux femmes, question essentielle à nos yeux,
pouvez-vous chiffrer les moyens nouveaux destinés aux structures d'accueil et
de vie des femmes et de leurs enfants, alors que nous savons que notre pays
manque cruellement de places pour faire face aux situations d'urgence ?
Par ailleurs, lors de l'examen par le Sénat, la semaine dernière, du projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, mes collègues du groupe
communiste se sont inquiétés de la fin de la prise en charge par l'Etat des
dépenses d'IVG. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, prendre des
engagements pour que le droit des femmes à l'interruption volontaire de
grossesse soit garanti, alors que nous connaissons déjà les difficultés très
importantes que rencontrent de trop nombreuses femmes, compte tenu du manque de
moyens des établissements hospitaliers et des centres d'interruption volontaire
de grossesse, les CIVG ?
Je n'anticipe pas sur l'amendement de la commission des finances qui tend à
réduire de 4 millions d'euros le chapitre 43-02, « intervention en faveur des
droits des femmes ».
Telles sont, madame, messieurs les ministres, les remarques que je voulais
présenter à l'occasion de l'examen de vos crédits. Je regrette que les moyens
financiers destinés à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes et
les droits des femmes ne soient pas plus importants et plus en rapport avec les
besoins.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Madame la secrétaire d'Etat, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon
propos sera centré sur l'aide médicale attribuée aux personnes étrangères
résidant en France qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier de la
CMU, notamment la condition de résidence stable et régulière sur le territoire
français.
Le dispositif d'aide médicale géré par l'assurance maladie a connu récemment
une montée en charge très sensible, que le Gouvernement se propose de contenir
; ce n'est pas sans nous inquiéter, dans la mesure où l'état sanitaire et
social des personnes visées, principalement les étrangers en situation
irrégulière, appelle justement une démarche positive de prise en charge.
Dans son rapport, Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteur spécial pour les
crédits des affaires sociales, du travail et de la solidarité à l'Assemblée
nationale, confirme que le coût de l'assurance maladie est mis à l'index et
que, dès cette année, le projet de budget affiche une réduction des
dépenses.
Certes, les crédits destinés à permettre le règlement des dettes de l'Etat à
l'assurance maladie, au titre de l'aide médicale, sont budgétés. Une mesure
d'ajustement est prévue au chapitre 46-82, ce qui nous permet, madame la
secrétaire d'Etat, d'afficher une évolution des crédits dynamique.
Toutefois, un projet d'économie de 50 millions d'euros, sur un total de 230
millions d'euros, est déjà intégré. Ce qui signifie, si l'on se réfère à la
projection de dépenses réalisées pour 2002, qui se monte à 258 millions
d'euros, que vous projetez une diminution de plus de 40 % de ce poste de
dépenses !
Nous ne pouvons accepter ces économies faites sur la santé des plus pauvres
!
Nous attendons de vous, madame la secrétaire d'Etat, un certain nombre de
précisions quant à la méthode que vous allez suivre pour atteindre vos
objectifs.
Une réflexion serait en cours sur les moyens d'améliorer le contrôle des
conditions d'accès des bénéficiaires.
Allez-vous remettre en question la législation actuellement en vigueur, en
durcissant notamment les conditions d'éligibilité à cette aide ? Allez-vous
modifier, et dans quel sens, la procédure d'admission, en faisant notamment
jouer aux guichets de la CNAM un rôle qui leur est étranger ?
M. le président.
L'amendement n° II-19 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Marini et Gouteyron
au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 4 000 000 euros »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
J'ai déjà dit ce matin que présenter un amendement
comme celui-là était une lourde responsabilité : je l'assume !
Cet amendement présenté au nom de la commission des finances, et qui a été
rectifié comme vous avez pu le constater, mes chers collègues - mais je vais y
revenir dans un instant -, prévoit une réduction des dépenses de 4 millions
d'euros, soit un montant modeste, de l'ordre de 0,03 %, par rapport aux 14,35
milliards d'euros du titre IV.
Quel est l'objet de cette réduction ? On commence à le savoir, mais je me dois
de le préciser à nouveau.
M. Gilbert Chabroux.
Oui !
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Cette réduction vise à tirer les conséquences de la
décision que nous a annoncée le Gouvernement au début du débat budgétaire de
réviser à la baisse les prévisions de recettes pour 2003.
La réduction des recettes et le maintien des dépenses au même niveau se
traduisent, évidemment, par une augmentation des déficits ou des impôts.
C'est ce que le Sénat, la commission des finances en tout cas, ne peut pas
accepter.
La réduction proposée à travers cet amendement porte - on va le dire, j'en
suis convaincu ! - sur des chapitres budgétaires sensibles, mais quel chapitre
budgétaire ne l'est pas ?
Le précédent gouvernement, je le rappelle, estimait, par exemple - mais ce
n'est qu'un exemple parmi d'autres -, impossible de toucher aux crédits
inscrits en faveur des emplois-jeunes, au motif qu'il s'agissait d'une de ses
priorités. Pourtant, plusieurs milliards de francs ont été accumulés sur cette
ligne budgétaire durant la précédente législature.
Vous m'objecterez que la comparaison n'est pas forcément valable, mais elle
mérite tout de même réflexion. Du reste, cela n'est guère étonnant tant il est
difficile d'évaluer précisément le montant des dotations budgétaires.
Ainsi, madame, messieurs les ministres, le projet de loi de finances
rectificative pour 2002, que le Parlement va bientôt examiner, prévoit
d'annuler, sur les seules dépenses ordinaires, 49,68 millions d'euros, dont
environ 39 millions d'euros sur le titre IV, soit presque dix fois plus que la
réduction proposée par le présent amendement.
C'est ce qui m'avait conduit, dans un premier temps, à déposer un amendement
reprenant les lignes sur lesquelles le collectif budgétaire envisage des
réductions. Puis, dans un second temps, compte tenu d'un certain nombre de
remarques, il a été décidé, en accord avec le président de la commission des
finances et le rapporteur général, de minorer très sensiblement la réduction
des crédits initialement proposée.
Evidemment, une réduction de 4 millions d'euros, c'est toujours trop. Mais
quel ministre peut prendre l'engagement devant le Parlement que, dans le
courant de l'année 2003, les crédits du titre IV de son budget ne seront pas
réduits de plus de 0,03 % ? Je crois personnellement que c'est difficile, ne
serait-ce que parce que, je le rappelle, le ministre délégué au budget a déjà
indiqué devant le Parlement que des annulations de crédits auraient lieu dès le
début de l'année prochaine.
Nous proposons donc cet amendement parce que nous pensons qu'il est du devoir
de cette assemblée, qui vote le budget, de contribuer, je l'ai dit tout à
l'heure, à la maîtrise des dépenses publiques et, partant, à l'amélioration du
solde budgétaire dans un contexte qui, nous le savons, est difficile.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je veux saluer l'argumentaire
que vient de présenter avec courage M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, et
dire combien j'ai été personnellement impressionné par les propos qui ont été
tenus dans cette enceinte par François Fillon, Jean-François Mattei et
Dominique Versini.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Ils ont décrit avec beaucoup de
conviction les objectifs qu'ils se sont fixés et ont démontré la cohérence des
moyens qu'ils mettent en oeuvre, ce qui incite à la confiance, et je dois dire
que je voterai ces crédits avec enthousiasme.
Comme l'a rappelé Adrien Gouteyron, ce qui caractérise le gouvernement de
Jean-Pierre Raffarin, c'est une volonté de sincérité, de transparence, une
volonté de rompre avec tout budget mensonger qui privilégie l'affichage au
détriment du réalisme de l'exécution.
Dans des conditions sans précédent, le Gouvernement est venu nous indiquer, au
début de la discussion budgétaire, que les recettes prévues au moment où il
avait arrêté le projet de loi de finances pour 2003 devaient être révisées à la
baisse, soit 700 millions d'euros de moins-values fiscales.
Le Sénat a décidé d'apporter sa contribution afin que cette déconvenue
n'aggrave pas les déficits et la commission des finances a estimé qu'il était
de son devoir de lui demander de réduire une partie symbolique, emblématique,
des crédits mis à la disposition des membres du Gouvernement.
C'est la démarche que nous entreprenons, et croyez bien que ce n'est pas un
exercice plaisant que de devoir inviter au réalisme. Mais, si nous voulons
respecter l'effort pédagogique du Gouvernement, il nous faut promouvoir cette
présentation sincère du projet de loi de finances. C'est pourquoi je remercie à
nouveau Adrien Gouteyron d'avoir présenté avec autant de conviction un
amendement tendant à réduire de 4 millions d'euros les crédits du titre IV.
C'est une mesure ciblée, et, ce faisant, me semble-t-il, nous exerçons
pleinement les prérogatives du Parlement, dont le rôle est de décider des
crédits mis à la disposition du Gouvernement.
Madame, messieurs les ministres, vous avez été si convaincants que le
rapporteur spécial, le rapporteur général et le président de la commission des
finances, qui en avaient reçu mandat, ont révisé très substantiellement le
montant de la réduction des crédits prévu dans l'amendement initial. C'est la
reconnaissance manifeste de votre force de conviction.
Pour ma part, je voterai l'amendement que vient de nous présenter M. le
rapporteur spécial.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon,
ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
l'amendement qui nous est proposé vise à la fois les crédits dont j'ai la
responsabilité et ceux qui relèvent du ministère de Jean-François Mattei. Il
s'exprimera donc dans un instant sur ce sujet.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur
spécial, je comprends parfaitement la démarche qui est la vôtre et je la
soutiens, car il est naturel qu'un budget s'ajuste le mieux possible aux
prévisions faites en matière de recettes. C'est la raison pour laquelle, ce
matin, dans le cadre de l'examen des crédits du ministère du travail, j'ai,
sans discussion, accepté l'amendement que vous proposiez, monsieur Arthuis, et
qui tendait à réduire de 5 millions d'euros les crédits de ce ministère.
En revanche, je suis très gêné par l'amendement que vient de présenter M.
Gouteyron, même s'il a été corrigé. En effet, monsieur le président de la
commission des finances, vous nous avez affirmé tout à l'heure que l'action de
la commission des finances était symbolique, emblématique. Or elle porte
justement, s'agissant de cet amendement, sur des crédits qui sont symboliques
et emblématiques puisqu'il s'agit des crédits destinés à promouvoir les droits
des femmes.
En effet, le chapitre visé concerne la dotation en faveur des droits des
femmes pour 2003. Ce chapitre, doté de 18 millions d'euros, ce qui est un
montant modeste, s'applique à deux sujets importants aux yeux du Gouvernement
et de sa majorité, à savoir la parité et l'égalité professionnelles. Il s'agit
donc d'aides aux entreprises ayant conclu un accord collectif comportant des
actions en faveur de l'égalité professionnelle et de l'accompagnement des
créatrices d'entreprises, ainsi que des aides pour favoriser l'accès des femmes
aux droits, lutter contre les violences et l'exclusion à travers le
développement des partenariats entre les associations et les collectivités
locales.
L'adoption de cet amendement se traduira par une réduction de près de 10 %
d'un budget qui, il faut le constater, n'est déjà pas doté de crédits
considérables !
Mme Odette Terrade.
C'est vrai !
M. François Fillon,
ministre.
J'attire donc l'attention du Sénat, notamment celle de sa
commission des finances, sur la difficulté technique que j'éprouve, en tant que
ministre des affaires sociales, à émettre un avis favorable sur cet amendement,
mais aussi à cautionner le symbole dont serait porteuse la décision de s'en
prendre à ce chapitre budgétaire particulier.
C'est la raison pour laquelle je demande à la commission des finances de bien
vouloir reconsidérer sa position.
M. le président.
La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes
handicapées.
M. Jean-François Mattei,
ministre.
En écho aux propos de M. François Fillon, j'indique que je
reconnais le bien-fondé de la démarche suivie par M. le président de la
commission de finances, M. le rapporteur spécial, et par la commission des
finances d'une façon générale. C'est leur rôle de chercher des économies et il
est normal que la commission des finances conduise les ministres à défendre
leurs budgets. C'est ce que je vais essayer de faire pour ce qui me concerne :
je vais tenter de vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai
besoin de ces crédits.
Je m'étais préparé à donner mon avis sur un autre amendement, et je pourrais
vous dire qu'en définitive, dans le budget de la santé, la marge qui me reste
pour conduire la politique de santé de l'Etat est non pas de 9,4 milliards
d'euros, dotation totale du ministère, mais de 400 millions d'euros, ce qui
montre le long chemin que nous avons à parcourir si nous voulons rééquilibrer
notre action en matière de prévention.
Je pourrais vous dire que la marge est totalement nulle et que, actuellement,
pour financer la campagne de vaccination contre les méningites à méningocoques
dans trois départements du Sud-Ouest, il me faut trouver 32 millions d'euros
que je n'ai pas et que, naturellement, je dois pourtant trouver.
Pour m'en tenir à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et
la toxicomanie, la MILDT, il me paraît impossible d'adopter cet amendement :
dès l'élaboration du budget, c'est la MILDT qui a vu ses crédits de 45,6
millions d'euros amputés de 5,6 millions d'euros, soit une diminution de 12,2
%.
Mme Odette Terrade.
Eh oui !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Et ce sont ces mêmes crédits qui seraient ponctionnés de 2,7
millions d'euros supplémentaires, ce qui conduirait finalement à une amputation
proche de 19 % !
M. Roland Muzeau.
Il a raison !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Est-ce le bon moment, alors que nous venons de mommer un
nouveau président à la tête de la MILDT, qui devra appliquer un nouveau cahier
des charges, une nouvelle feuille de route ? Est-ce le bon moment, alors qu'il
est clair que la toxicomanie, l'épidémie de sida et l'hépatite C sont liées
?
Enfin, permettez-moi de vous dire que ce serait un mauvais cadeau, à la veille
de la Journée mondiale du sida, que d'annoncer le retrait de ces sommes à titre
symbolique. Je tiens vraiment à attirer l'attention de la Haute Assemblée sur
le fait que lutter contre le sida et la toxicomanie c'est une cause nationale,
c'est une priorité.
D'ailleurs, si cet amendement devait être adopté, il y aurait un décalage
entre la décision prise dans cette enceinte et le contenu des courriers
relatifs aux problèmes de toxicomanie, aux problèmes d'accompagnement, de la
part de l'ensemble des parlementaires.
Il faut aussi penser au tissu associatif, qui fait un travail exceptionnel,
que je veux saluer.
Je sais bien que vous êtes à la recherche d'économies. Mais, monsieur le
rapporteur spécial, monsieur le président de la commission des finances,
mesdames, messieurs les sénateurs, pas aux dépens de la toxicomanie ! Dans ces
conditions, je demande le retrait de l'amendement.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR, ainsi que sur les travées du
groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, accédez-vous à la demande de M. le ministre ?
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, j'ai bien entendu.
Je comprends la passion des ministres à défendre leur projet de budget. Il est
vrai que le travail réalisé aujourd'hui dans cette assemblée nous a permis
d'apprécier leur conviction, autant que la solidité de leur dossier. J'ai
insisté tout à l'heure sur la modicité de la réduction de crédits demandée par
la commission ; je n'y reviendrai pas.
Monsieur le ministre de la santé, vous avez parlé de la MILDT. Puis-je vous
rappeler que le Sénat a, voilà un an, publié un rapport qui relevait un certain
nombre de dysfonctionnements ?
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Depuis, le président de la mission a changé !
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Vous-même, d'ailleurs, devez en être convaincu,
puisque vous avez, en effet, changé le responsable de cette mission. On peut
espérer que les dysfonctionnements constatés, les maladresses ou les
insuffisances seront corrigés.
Puisque je suis interrogé - j'allais dire interpellé - par M. le ministre de
la santé et par M. le ministre des affaires sociales - pardonnez-moi d'abréger
leur titre, qui est à la mesure de leurs responsabilités - je dois leur dire
que je ne peux pas retirer cet amendement parce que je suis mandaté par la
commission des finances, laquelle a fait un choix. Or ce choix ne concerne pas
que ce département ministériel, comme l'a fort bien expliqué M. le président de
la commission.
Permettez-moi une remarque, monsieur le ministre de la santé : vous avez parlé
du sida. Or les réductions de crédits ne portent pas sur ce chapitre-là !
Mais je veux revenir sur un fait dont je n'ai pas encore parlé. Nous avons
voté une loi organique relative aux lois de finances, laquelle impose au
Parlement et au Gouvernement des responsabilités nouvelles, j'allais dire une
attitude nouvelle : le Parlement se doit, en quelque sorte, d'aiguillonner
l'administration vers une utilisation optimale des deniers publics.
Il est certain que la commission des finances a bien l'intention de jouer
pleinement son rôle en demandant comment se déroule, en cours d'exercice, la
gestion de tel ou tel chapitre, ainsi que des crédits budgétaires d'une manière
générale.
Comment un ministre, dans ces conditions, pourra-t-il expliquer la
sous-consommation des crédits ? Quels arguments trouvera-t-il ? Certes
j'entends M. François Fillon le dire
mezzo vocce
, la loi de finances
rectificative envisage des diminutions de crédits. Mais il n'est pas facile de
calibrer des crédits qui sont forcément prévisionnels.
Quoi qu'il en soit, il y a des habitudes nouvelles à prendre. Et notre
proposition tend, madame, messieurs les ministres, à vous y inviter, à vous y
pousser, mais à nous y pousser aussi, car cette discipline, nous allons nous
l'imposer à nous-mêmes et nous allons l'imposer à tous.
Pour vous - et pour moi-même, d'ailleurs -, il me serait sans doute plus
facile de répondre positivement à votre demande. Mais je ne le peux
malheureusement pas. Cet amendement est donc maintenu, et j'invite le Sénat à
l'adopter.
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, contre l'amendement.
M. Gilbert Chabroux
Peu suspect de flagornerie à l'égard du Gouvernement, il m'est d'autant plus
facile de dire que je partage les propos de MM. les ministres sur l'amendement
n° II-19 rectifié présenté par la commission des finances.
Il est vrai que la croissance n'est pas au rendez-vous et que le Gouvernement
a visé trop haut, d'où les restrictions budgétaires qui sont proposées par la
commission des finances et qui semblent toucher tous les budgets. Car tous sont
atteints !
Le décalage entre les intentions proclamées et le budget se trouve amplifié
par les amendements successifs déposés par la commission des finances. La santé
et la solidarité ne sont pas épargnées : on sera donc allé vraiment jusqu'au
bout d'une logique destructrice !
Le premier amendement qui nous a été présenté répartissait les restrictions
entre différents chapitres, allant de la sécurité sanitaire à la lutte contre
la toxicomanie et contre le sida en passant par les interventions en faveur des
droits des femmes. Et puis, finalement, nous nous retrouvons avec un amendement
qui réduit toujours des crédits, mais seulement pour les femmes et les
toxicomanes !
Mme Odette Terrade.
Comme par hasard !
M. Gilbert Chabroux.
Mes chers collègues, je vous laisse juges du symbole, de l'emblème. C'est
incroyable ! On aura tout entendu ou presque !
(M. Eric Doligé proteste.)
M. Roland Muzeau.
Gilbert Chabroux a raison !
M. Gilbert Chabroux.
Je vous le redis, c'est incroyable ! Alors, nous ne le supportons pas et nous
apprécions que les ministres aient réagi. Nous ne sommes pas d'accord sur le
fond - ni sur beaucoup de choses - mais nous sommes au moins d'accord pour que
ce ne soient pas les femmes et les toxicomanes qui se retrouvent ainsi les
seules victimes des restrictions de crédits !
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Eric Doligé.
C'est indigne !
M. Gilbert Chabroux.
Ce n'est pas la peine de discuter plus longuement, cela suffit ! Il faut voter
résolument contre cet amendement pour faire comprendre à ceux qui l'ont
présenté qu'ils se comportent d'une manière véritablement scandaleuse !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je voudrais répondre à M.
Chabroux, parce que je ne peux pas laisser accréditer ce type de propos.
Le gouvernement précédent a pratiqué une politique budgétaire qui était une
politique d'affichage, puisqu'il ne consommait pas les crédits.
(Eh oui ! sur les travées du RPR.)
Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pratique, lui, une politique de
sincérité.
Mme Nelly Olin.
C'est vrai !
M. Roland Muzeau.
Une politique de réduction des crédits, oui !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
C'est la raison pour laquelle il
a tenu à rectifier le projet de loi de finances. Cette décision, sans
précédent, accrédite son engagement et son éthique.
Il est trop facile d'inscrire, comme ce fut le cas pendant cinq ans, des
crédits qui ne sont pas consommés. Chacun peut ainsi, au lendemain du vote de
la loi de finances, faire l'éloge de la progression des crédits. En fait, il
s'agit d'une duperie.
Nous, nous voulons agir avec réalisme, en respectant les Français. Et, puisque
les ressources ne sont pas au rendez-vous, nous devons en tirer les
conséquences. Lorsque, dans une famille, les recettes viennent à baisser, il
faut revoir certaines dépenses.
Mme Michelle Demessine.
Nous sommes bien d'accord ! Il y a d'autres dépenses que vous pouvez réduire
!
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Dans le cas présent, nous nous
sommes fondés sur les niveaux d'engagement et sur le montant des crédits
effectivement consommés en 2002.
Madame la secrétaire d'Etat, messieurs les ministres, nous attendons que le
Gouvernement mette à profit les nouvelles dispositions de la loi organique
relative aux lois de finances pour réformer l'Etat. Car c'est bien là le coeur
de ce débat : ce qui est en question, c'est notre capacité à réformer l'Etat
dont nous avons constaté, malheureusement, les dysfonctionnements multiples,
quelle que soit la tendance politique des gouvernements successifs. Ce n'est
pas une question de crédits, c'est une question d'attitude, de comportement et
de méthode. Telle est la réponse que je voulais apporter aux propos de M.
Chabroux.
Enfin, monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quinze
minutes.
M. le président.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit
heures quarante-cinq.)