SEANCE DU 26 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 14. - I. - 1. Le 4 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 4 . A compter de 2003 et par exception aux dispositions du b du 1, les communes, les départements et les organismes de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre peuvent augmenter leur taux de taxe professionnelle, par rapport à l'année précédente, dans la limite d'une fois et demie l'augmentation de leur taux de taxe d'habitation ou, si elle est moins élevée, de leur taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières.
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions du quatrième alinéa du 2.
« La majoration prévue au 3 n'est pas applicable s'il est fait application des dispositions du premier alinéa. »
« 2. L'article 1636 B sexies A du même code est complété par un III ainsi rédigé :
« III . - A compter de 2003 et par exception aux dispositions du I, les régions peuvent augmenter leur taux de taxe professionnelle, par rapport à l'année précédente, dans la limite d'une fois et demie l'augmentation de leur taux de taxe foncière sur les propriétés bâties.
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables s'il est fait application des dispositions du deuxième alinéa du II. »
« 3. L'article 1636 B decies du même code est ainsi modifié :
« 1° Aux premier et troisième alinéas du II, les mots : "et 3" sont remplacés par les mots : ", 3 et premier alinéa du 4" ;
« 2° La dernière phrase du deuxième alinéa du II est supprimée.
« II. - Un rapport établissant un bilan de l'évolution comparée des bases et des taux de la taxe professionnelle, d'une part, de la taxe d'habitation et des taxes foncières, d'autre part, sera adressé annuellement au Parlement. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous allons, avec l'article 14, revenir sur la question de la liaison des taux des taxes dont nous estimons qu'elle a porté, hier, un coup d'arrêt brutal à la liberté des communes. Aujourd'hui, la déliaison peut-elle apparaître comme un retour vers des libertés plus grandes accordées aux collectivités locales, qui seraient libres de s'inscrire dans une décentralisation des décisions et de leurs recours ? Malheureusement non, car les temps ont bien changé.
Premièrement, bien des communes sont entrées dans l'intercommunalité et, si elles y ont trouvé un peu de solidarité sur certains dossiers importants qu'elles ne pouvaient affronter seules, elles se sont également trouvées confrontées à des situations qu'elles ont dû bien souvent subir, parfois sans en tirer un quelconque intérêt.
Aujourd'hui, votre gouvernement, monsieur le ministre, ne semble plus accorder beaucoup d'importance à la question de l'apport d'une contribution financière renforcée. Des communes vont rester dans l'attente de certains projets devenus lointains faute de moyens. L'intercommunauté aurait-elle vécu ?
Deuxièmement, la part prise en charge par l'Etat du fait de compensations d'allégements fiscaux est passée de 22 % au milieu des années quatre-vingt-dix à 33,5 % en 2002, pour être évaluée à près de 40 % pour 2003.
En 1999, la compensation représentait 1,8 milliard d'euros pour la baisse de la part « salaires » des bases de taxe professionnelle. En 2002, le coût de la compensation a été de 7,8 milliards d'euros, soit quatre fois plus.
Mais prenons la taxe professionnelle de 2001. Si l'on ajoute la compensation à la taxe professionnelle payée, on aboutit à une hausse de 4,9 % par rapport à 2000. Mais si l'on retire la compensation, on aboutit à une baisse de 2 % de la taxe professionnelle.
Ces allégements fiscaux ont servi beaucoup plus le patronat que les communes, et celles-ci ont beaucoup plus subi les évolutions de la taxe qu'elles ne les ont maîtrisées, tout en y perdant des ressources.
La déliaison limitée prévue à cet article ne corrigera pas cette situation.
Troisièmement, bien d'autres contraintes ne laissent en fait que peu de liberté de choix, car ces contraintes poussent à la hausse des dépenses. Je ne prendrai que quelques exemples les plus significatifs : l'allocation personnalisée d'autonomie, les 35 heures non compensées, la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours, sans compter les contraintes de Bruxelles. Quel est donc le champ réel sur lequel la commune peut librement exercer son choix ?
Pour certaines communes, le champ d'intervention possible s'est réduit comme peau de chagrin, pour faire place à un choix budgétaire qui n'est plus qu'une simple addition des dépenses à caractère obligatoire. Pour ces communes, et elles sont, à mon avis, beaucoup plus nombreuses qu'il n'y paraît, le libre choix par décentralisation des responsabilités n'existera pas sans l'accompagnement financier.
Quatrièmement, avec votre proposition, monsieur le ministre, vous ne corrigez pas cette absence de liberté de choix. Je m'explique : prenons une commune ne percevant pas beaucoup de taxe professionnelle et se trouvant dans une situation déjà difficile. Pour que la mesure ait une quelconque efficacité, la taxe professionnelle devra être augmentée de 3 %, mais, pour cela, il faut que la taxe d'habitation le soit de 2 %.
Les moins riches paieront encore beaucoup trop. Les assujettis à la taxe professionnelle verront un simple ajustement par rapport au coût de la vie. La commune n'aura pas d'autre choix que le maintien des services rendus, sans aller plus loin pour tenir compte de l'augmentation du coût de la vie.
Donc, vous le voyez, monsieur le ministre, votre proposition ne tient pas. Je me demande même s'il ne s'agit pas d'une mesure machiavélique destinée à pousser les communes hésitantes à augmenter la taxe d'habitation pour récupérer quelques miettes de taxe professionnelle.
Monsieur le ministre, la véritable liberté des collectivités, aujourd'hui, c'est la décentralisation, mais avec les moyens financiers nécessaires, c'est la déliaison absolue des taux et c'est une politique nouvelle de taxation des actifs financiers sur une base réelle, efficace et, par conséquent, crédible.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, j'ai bien écouté ce que vous avez dit tout à l'heure sur la déliaison des taux. Je me réjouis que le Gouvernement propose une mesure d'assouplissement du lien entre les taux des taxes locales. Cette disposition s'inscrit, me semble-t-il, avec bonheur dans le courant de la décentralisation que le Gouvernement conduit actuellement.
En effet, tout ce qui assouplit les contraintes des collectivités locales contribue à renforcer l'autonomie de celles-ci. Je salue donc cette mesure, mais je voudrais que nous allions plus loin : si l'on croit à la décentralisation et à l'intercommunalité - je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes un farouche partisan -, il faut délier totalement les taux.
En effet, la création des intercommunalités à taxe professionnelle unique - ce n'est qu'un exemple - oblige celles-ci à prévoir des financements pour réaliser les investissements inscrits dans les contrats de plan. Or l'augmentation de cette ressource dépend des décisions fiscales sur les taux des ménages prises par les communes.
J'admets tout à fait qu'il faille associer les particuliers, les ménages et les entreprises à la collecte des ressources fiscales nécessaires au développement de nos collectivités. Le potentiel fiscal ou les intérêts des uns ne sont cependant pas toujours ceux des autres, d'où la nécessité renforcée, me semble-t-il, de délier ces taux.
Pour tenir compte des craintes qu'un usage abusif de ce dispositif pourrait susciter chez les professionnels, je présente deux amendements à l'article 14. L'un vise à étendre le champ de la déliaison en doublant le coefficient de majoration du taux de taxe professionnelle par rapport au taux de taxe d'habitation. L'autre tend à assouplir la « majoration spéciale » en majorant le taux de taxe professionnelle moyen national servant de référence par un coefficient multiplicateur qui permettrait à un plus grand nombre de collectivités d'appliquer cette mesure, particulièrement aux EPCI dont le taux se situe en dessous de la moyenne de leur catégorie.
En conclusion, monsieur le ministre, vous l'avez compris, je suis favorable à la suppression totale des règles de liaison entre les taux. Je regrette que vous n'ayez pas retenu cette mesure, mais je constate avec plaisir que le dispositif proposé par le Gouvernement marque un début d'inversion de tendance. Je souhaite que le Gouvernement aille plus loin, car son avancée me paraît insuffisante et je compte sur votre compréhension et sur votre expérience de président d'une communauté urbaine pour étendre cette déliaison et franchir ainsi un pas supplémentaire sur le chemin de l'autonomie des collectivités locales.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune, mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
L'amendement n° I-210, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« I. - L'article 1636 B sexies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 1636 B sexies. - Sous réserve des dispositions des articles 1636 B septies et 1636 B decies les conseils généraux, les conseils régionaux, les conseils municipaux et les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre votent chaque année les taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation et, à l'exception des conseils régionaux, de la taxe professionnelle. »
« II. - L'article 1636 B sexies A du code général des impôts est abrogé.
« III. - 1. Les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième alinéas du II de l'article 1636 B decies sont supprimés.
« 2. Le premier alinéa du II dudit article est complété par les mots suivants : "dans les limites définies à l'article 1636 B septies ".
« IV. - Un rapport établissant un bilan de l'évolution comparée des bases et des taux de taxe professionnelle, d'une part, de la taxe d'habitation et des taxes foncières, d'autre part, sera adressé annuellement au Parlement. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, vous avez, cet après-midi, lors du débat sur les recettes des collectivités locales, conclu votre intervention en évoquant la nécessité de rétablir la confiance entre l'Etat et les collectivités locales. L'amendement n° I-210 vise, dans cet esprit, à supprimer la liaison qui existe à l'heure actuelle entre les taux. Plusieurs arguments plaident en ce sens.
Tout d'abord, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, que le Sénat vient d'adopter, prévoit, dans son article 6, que les collectivités locales pourront non seulement voter librement les taux des impôts, mais aussi déterminer, au moins partiellement, leur assiette. Si une collectivité peut établir les règles relatives à la détermination de l'assiette d'un impôt, elle doit a fortiori pouvoir fixer son taux.
Le Gouvernement, si j'ai bien compris, s'apprête à faire confiance aux collectivités locales pour gérer les routes nationales, les personnels des collèges, les hôpitaux et divers autres grands services publics auxquels nous sommes tous attachés. Si nous, élus locaux, sommes capables de tout cela au niveau local, il faut que nous soyons reconnus capables également de voter les taux des impôts.
On pourrait nous objecter que les élus risquent d'être tentés de faire supporter par l'entreprise le poids de l'impôt local plutôt que de le répartir équitablement entre tous les contribuables.
Je voudrais faire justice de ce genre d'arguments.
Quant on connaît les moyens que déploient les élus locaux pour convaincre des entreprises de s'implanter sur le territoire de leur commune et pour développer l'emploi, on comprendrait mal que ces mêmes élus soient d'emblée enclins à taxer les entreprises...
C'est un mauvais procès que l'on fait aux élus locaux et je terminerai, monsieur le ministre, en disant que la confiance est la base de tout : faites confiance aux élus locaux, personne ne sera déçu.
Les élus sont pleinement responsables, et la mesure que vous nous proposez dans le projet de loi de finances pour 2003 est une bonne mesure ; c'est un premier pas, mais, monsieur le ministre, pour réformer, il faut de l'audace. Ayez l'audace d'accepter mon amendement !
M. le président. L'amendement n° I-119 rectifié, présenté par MM. Saugey, du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud et Trucy, est ainsi libellé :
« Au début du I de cet article, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :
« Le 1 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, dans les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale faisant application pour la première année des dispositions de l'article 1609 nonies C et issu de la transformation d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle, le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, cette année-là, peut être fixé dans la limite du taux voté l'année précédente par la commune, majoré du taux voté également l'année précédente par l'établissement public de coopération intercommunale. »
La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy. J'ai la vague inquiétude, mes chers collègues, de ne pas allumer dans vos yeux la même lumière que celle qui avait jailli tout à l'heure à l'écoute des propos de M. le ministre et de M. le rapporteur général sur l'article 13, mais je vais faire de mon mieux !
Un assouplissement des règles de lien s'appliquant à l'évolution des taux des impôts communaux apparaît nécessaire lorsque les communes passent à la taxe professionnelle unique dans le cadre de la coopération intercommunale.
Nombre d'élus locaux souhaitent en effet pouvoir augmenter la part communale de la taxe d'habitation et des taxes foncières en parallèle à la suppression de leur part communautaire.
Concrètement, ils souhaitent pouvoir augmenter les taux communaux d'une fraction correspondant aux taux précédemment prélevés par l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle avant sa transformation en communauté de communes à taxe professionnelle unique.
Cette opération, lorsqu'elle est réalisée, n'a aucune conséquence fiscale pour les contribuables, car ceux-ci s'acquitteraient du même montant d'impôt. Elle se heurte néanmoins parfois à la rigidité des règles de lien relatives à l'évolution des taux des impôts communaux.
C'est ainsi que le dernier alinéa du 1 du paragraphe I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts précise que « jusqu'à la date de la prochaine révision, le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne peut augmenter plus ou diminuer moins que le taux de la taxe d'habitation ».
Or, la récupération par la commune du produit auparavant perçu par l'EPCI implique parfois une augmentation du taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties supérieure à celle du taux de la taxed'habitation.
Dans ces conditions, il est proposé d'introduire une dérogation à la règle de lien fixée au dernier alinéa du 1 du paragraphe I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts.
Cette dérogation serait réservée aux communes membres d'un EPCI se substituant pour la première année aux communes pour l'application des dispositions relatives à la taxe professionnelle et issu de la transformation d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle.
Elle serait en outre accordée à la condition que le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties soit, cette année-là, fixé dans la limite du taux voté l'année précédente par la commune, majoré du taux voté également l'année précédente par l'établissement public de coopération intercommunale.
Cette dérogation strictement encadrée ne remettrait pas fondamentalement en cause les règles de lien s'appliquant à l'évolution des taux des impôts communaux. Elle permettrait simplement de faciliter le passage à la taxe professionnelle unique, en accordant une certaine souplesse d'action aux communes concernées, tout en garantissant une neutralité fiscale aux contribuables.
M. le président. L'amendement n° I-205 rectifié bis, présenté par MM. Vanlerenberghe et Mercier, Mme Létard et M. Valade, est ainsi libellé :
« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1 du I de cet article pour le 4 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts, remplacer les mots : "d'une fois et demie" par les mots : "de trois fois".
« II. - Compléter le premier alinéa dudit texte par la phrase suivante :
« Toutefois, si le taux d'augmentation ainsi obtenu est inférieur à 1 %, le taux de taxe professionnelle peut augmenter au maximum de 1 %.
« III. - Supprimer le deuxième alinéa dudit texte. »
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Sans revenir sur les explications que j'ai données tout à l'heure, j'indique que cet amendement, qui est une extension des mesures proposées par le Gouvernement, vise à sortir du simple symbolisme en portant le coefficient de majoration maximum à 3 au lieu de 1,5.
Dans tous les cas, il serait ainsi possible d'augmenter le taux de la taxe professionnelle dans la limite de trois fois l'augmentation du taux de taxe d'habitation, un autre de nos amendements prévoyant la possibilité d'augmenter le taux de taxe professionnelle de 1 %, même en cas de stabilité des impôts des ménages.
Le coefficient de majoration doit aussi s'appliquer les années qui suivent l'application de la diminution sans lien des taux des ménages, avec toujours une réfaction de 50 % sur le taux d'augmentation maximum.
Monsieur le ministre, cette proposition, qui ne délie pas aussi totalement les taux que M. Mercier et moi-même l'aurions souhaité pour aller dans le sens de la décentralisation voulue par le Gouvernement, me paraît mesurée et je compte sur votre compréhension pour faire un geste en faveur des communautés, qu'il s'agisse des communautés de communes, des communautés d'agglomération ou des communautés urbaines à taxe professionnelle unique.

M. le président. L'amendement n° I-211, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1 du I de cet article pour le 4 de l'article 1636 B sexies du code général des impôts, remplacer les mots : "d'une fois et demie" par les mots : "de deux fois".

« II. - Dans le texte proposé par le 2 du I de cet article pour le III de l'article 1636 B sexies A du même code, remplacer les mots : "d'une fois et demie" par les mots : "de deux fois". »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Dans le projet de loi de finances, vous faites, monsieur le ministre, un pas et demi vers la liberté des collectivités territoriales. Je vous ai demandé de faire tout le chemin, mais, si vous ne pouvez pas le parcourir en une seule fois, je vous propose de faire deux pas plutôt que un et demi, ce qui est vraiment peu.
Deux, c'est déjà mieux, et ce serait marquer une volonté ferme de se diriger vers la totale liberté.
M. le président. L'amendement n° I-105, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le 1 du I de cet article pour le 4 de l'article 1636 B sexies du code général des impôts par les mots : « et peuvent faire varier librement leur taux de taxe professionnelle lorsque leur taux global de taxe professionnelle est inférieur au taux global moyen constaté l'année précédente au niveau national et ce, dans la limite d'une augmentation maximale de 10 %. »
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. J'ai entendu M. le ministre dire tout à l'heure qu'il fallait d'abord simplifier la réglementation. Or, si un article du code général des impôts est complexe, c'est bien celui qui expose les règles de liaison des taux !
J'ai entendu également notre collègue Michel Mercier dire que l'on pouvait faire confiance aux collectivités locales pour avoir une politique raisonnable en ce domaine.
Cependant, et M. le ministre le rappelait d'ailleurs cet après-midi, les entreprises qui ont bénéficié de la réduction de la part « salaires » de la taxe professionnelle craignent que cette réduction, qui a été faite en faveur de l'emploi, ne soit compensée par une hausse des taux, et, pour ma part, je crois que, si l'on peut faire confiance aux collectivités locales, il faut malgré tout prévoir un garde-fou pour limiter l'augmentation des taux de taxe professionnelle.
L'idée simple qui vient alors à l'esprit, c'est de considérer que lorsque le « bloc » que constituent les communes, le département et la région a été vertueux, c'est-à-dire lorsque la somme des taux qu'appliquent ces collectivités est inférieure à la moyenne nationale, les collectivités locales membres de cet ensemble vertueux peuvent librement fixer leur taux de taxe professionnelle, dans la limite toutefois d'un seuil, que je propose de fixer à 10 %, mais cela peut être discuté.
De cette façon, on arriverait, me semble-t-il, à un équilibre entre les collectivités locales, qui souhaitent pouvoir définir une politique fiscale cohérente, et les entreprises, qui craignent une hausse des taux.
Nous ne ferons pas n'importe quoi, puisque le dispositif ne jouera que lorsque le taux global sera inférieur à la moyenne, c'est-à-dire seulement pour les collectivités « vertueuses ».
On arriverait ainsi à un équilibre entre la volonté de protéger les entreprises et la nécessité de faire confiance aux collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° I-174, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le 1 du I de cet article pour le 4 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en l'absence d'augmentation du taux d'imposition de la taxe d'habitation et des taxes foncières, les communes, les départements et les organismes de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre peuvent augmenter le taux d'imposition de la taxe professionnelle dans les limites fixées par l'évolution de la formation brute de capital fixe, telle que définie par la loi de finances. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L'article 14 du projet de loi de finances porte sur la hausse modulée des taux d'imposition locale.
Cette mesure est depuis de longues années au coeur du débat parlementaire, puisque les parlementaires communistes des deux assemblées demandent expressément qu'elle soit appliquée lors de la discussion de chaque loi de finances, et je crois que de nombreux élus locaux sollicitent cette liberté en même temps que cette responsabilité, car nous assumons nos responsabilités dans ce domaine.
Le système fiscal local a connu ces derniers temps maints bouleversements, qu'il s'agisse des dispositions correctrices des impositions, en matière de taxe professionnelle comme de taxe d'habitation ou de foncier bâti, jusqu'à la modification de l'assiette de l'impôt, la situation la plus significative de ce point de vue étant celle qu'a créée la suppression de la part taxable des salaires de la taxe professionnelle, dont les dernières conséquences se manifesteront cette année.
Ce dispositif constitue d'ailleurs, comme nous l'avons souligné dans la discussion générale, la principale source de réduction des impôts dans le projet de loi de finances dont nous débattons depuis jeudi.
On peut s'interroger au demeurant sur sa portée réelle sur l'emploi, pourtant sa motivation première, quand on prend connaissance de la longue liste des plans sociaux qui affectent les entreprises de notre pays, y compris celles qui réalisent d'importants bénéfices. Mais c'est sans doute là un autre débat qui nous éloigne quelque peu de l'objet de cet amendement, encore que...
M. Gérard Braun. Oui, c'est hors sujet !
Mme Marie-France Beaufils. L'une des faiblesses, ou des limites si l'on préfère, de cet article 14 est en effet de lier la hausse modulée de la taxe professionnelle - impôt au demeurant assez largement pris en charge par le budget général - à l'augmentation des autres impôts directs locaux.
Je rappelle d'ailleurs que les bases de la taxe d'habitation, de la taxe sur le foncier bâti et de la taxe sur le foncier non bâti ont été augmentées dans chaque loi de finances depuis plusieurs années, mais que la base de la taxe professionnelle n'a pas évolué.
Il s'agit donc de demander aux ménages, auxquels s'appliquent pourtant des dispositifs de correction de l'imposition sans commune mesure avec ceux dont bénéficient les entreprises, un effort complémentaire dont ils subiront les effets plus sûrement encore que les assujettis à la taxe professionnelle.
Or, l'expérience des dernières années l'a largement montré, l'économie générale de la taxe professionnelle a profondément évolué, et la démarche n'est donc pas parfaitement équilibrée. Que l'on sache, la valeur locative des logements soumis tant à la taxe d'habitation qu'à la taxe foncière n'a pas décru de 35 % en quatre ans !
Nous estimons nécessaire, dès lors, de prévoir la faculté d'augmenter la taxe professionnelle, en tout cas son taux, en dehors de toute augmentation des impôts auxquels sont assujettis les ménages.
Un point de plus sur la taxe foncière est plus difficilement supporté par le contribuable qu'un point et demi de plus sur la taxe professionnelle ne l'est par une entreprise dont la cotisation est plafonnée à la valeur ajoutée.
Comme la taxe professionnelle est devenue un impôt pesant presque exclusivement sur le capital - il est d'ailleurs regrettable, mais nous y reviendrons, qu'elle n'intègre pas le capital financier -, il nous a paru logique de permettre, dans les limites de l'augmentation de l'investissement des entreprises prévue par la loi de finances, aux collectivités locales de faire varier leurs taux d'imposition, et ce librement.
Cette orientation permettra, au demeurant, d'asseoir et de stabiliser les ressources des collectivités territoriales, qui sont appelées, dans le cadre des futurs transferts de compétence liés à la décentralisation, à jouer un rôle plus important encore dans la vie économique de la nation.
Elle permettera, en tenant compte de l'évolution autonome de la taxe professionnelle au regard des autres impôts, de dégager des moyens bien utiles pour les collectivités territoriales.
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Fréville.
L'amendement n° I-106 est ainsi libellé :
« Après le 1 du I de cet article, insérer un 1 bis ainsi rédigé :
« 1 bis . - Après le 4 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts, il est inséré un alinéa 5 ainsi rédigé :
« 5. En 2003, l'instance délibérante d'un établissement public de coopération intercommunale faisant application des dispositions de l'article 1609 nonies C du présent code fixe librement le taux de la taxe professionnelle à condition que le produit attendu de cette taxe, majoré de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances n° 98-1266 du 30 décembre 1998 et de l'attribution de la première part du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle prévue au II de l'article 1648 B du présent code, ne soit pas supérieur au produit voté de cette taxe en 2002, majoré des mêmes compensation et attribution pour 2002.
« Les dispositions ci-dessus ne font pas obstacle à l'application des autres dispositions du présent code, si elles permettent le vote d'un taux de taxe professionnelle plus élevé. »
L'amendement n° I-107 est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le 1° du 3 du I de cet article :
« 1° Aux premier et troisième alinéas du II, les mots : "ainsi qu'aux 2 et 3 du I" sont remplacés par les mots : "ainsi qu'aux 2, 3, premier alinéa du 4 et 5". »
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. L'amendement n° I-106 n'offre pas une solution générale au problème de la liaison entre les taux, mais vise exclusivement les communautés à TPU qui ne peuvent voter une augmentation du taux de la taxe professionnelle que si les communes membres ont, l'année précédente - il y a donc un décalage d'un an -, augmenté le taux de leur taxe d'habitation.
Il faut savoir qu'une bombe est en cours de fabrication.
Nous supprimons en effet la part « salaires » de la taxe professionnelle des grandes entreprises, mais la compensation qui sera accordée sera non pas fonction de ce que rapporte aujourd'hui la taxe professionnelle, mais fonction de ce qu'elle rapportait il y a quatre années ! On « gomme » donc les augmentations de salaires, les créations d'emplois, voire d'entreprises, intervenues pendant quatre ans.
Les communautés concernées devront donc gérer des ressources en diminution, car comment pourraient-elles obtenir ne serait-ce que les mêmes ressources que l'année passée ? Et le problème se pose partout.
Les règles de déliaison que nous propose le Gouvernement permettront-elles de résoudre ce problème ? J'ai appris à l'école primaire que zéro multiplié par 1,5 faisait zéro et que, multiplié par trois comme le propose M. Mercier, zéro fait encore zéro.
Que va-t-il arriver ? Il n'est pas question d'augmenter les taux de taxe professionnelle ou les autres taux pour équilibrer le budget puisque, l'année précédente, les communes n'ont pas eu recours à cette solution.
J'en tire une conclusion très simple.
Soit les communautés urbaines et autres, notamment les EPCI, monsieur le ministre, passent à la fiscalité mixte et décident d'équilibrer leur budget en augmentant la taxe d'habitation, auquel cas je vous promets que la décentralisation deviendra très impopulaire.
Soit on déclare qu'à condition que les recettes ne changent pas et qu'il n'y ait pas d'augmentation du produit de la taxe professionnelle majorée de la compensation des salaires il est possible de délier les taux.
Tel est l'objet de cet amendement, et, personnellement, je ne vois pas d'autre solution que de déclarer que la liberté ne peut être accordée qu'à produit total constant.
Quant à l'amendement n° I-107, il est la conséquence logique de l'amendement n° I-106 et n'appelle pas d'autres explications.
M. le président. L'amendement n° I-206 rectifié bis, présenté par MM. Vanlerenberghe et Mercier, Mme Létard et M. Valade, est ainsi libellé :
« Après le 3 du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 4. Dans la première phrase du premier alinéa du 3 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts, les mots : "est inférieur à la moyenne constatée pour cette taxe l'année précédente" sont remplacés par les mots : "est inférieur à 120 % de la moyenne constatée pour cette taxe l'année précédente". »
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Il s'agit de permettre l'application à un plus grand nombre de collectivités locales et d'EPCI de la majoration spéciale en multipliant le taux moyen de taxe professionnelle national servant de référence par un coefficient multiplicateur le faisant passer à 120 % de la moyenne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais tout d'abord rappeler l'orientation adoptée par la commission à propos de cet article 14, auquel elle est naturellement favorable.
Nous estimons qu'une certaine déliaison des taux est opportune et qu'elle va dans le bon sens. A différentes reprises déjà, nous avons constaté que des dispositifs trop encadrés étaient antinomiques de la prise en compte des évolutions économiques et financières nécessaires, et, surtout, reposaient sur un principe de suspicion à l'égard des gestionnaires de budgets locaux.
Cette suspicion n'est pas compatible, comme l'a dit très justement Michel Mercier, avec le renforcement de la décentralisation programmée pour un avenir proche.
La commission des finances aborde donc dans un esprit positif l'article 14 qui, pour nous, représente un jalon vers un système plus souple.
Il convient de rappeler que nous avons déjà oeuvré pour un tel assouplissement.
M. Michel Mercier. En effet !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela n'a pas encore été dit dans le débat, mais, en vérité, l'article 14 ne fait que transposer à toutes les collectivités un amendement voté par le Sénat l'an dernier...
M. Michel Mercier. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... sur l'initiative de Michel Mercier, amendement qui visait à desserrer le système en faveur des seuls départements. Nous avions en effet particulièrement évoqué les dépenses prévisionnelles liées à l'APA, et cela correspondait à une nécessité manifeste au sein de certains conseils généraux.
C'est donc bien au Sénat, sur proposition de la commission des finances, que l'on a commencé à desserrer le système, et le Gouvernement, par esprit de continuité - cela est d'ailleurs bien compréhensible -, se borne ici, par le biais de l'article 14, à transposer à toutes les collectivités territoriales ce que l'on a permis l'an dernier pour les seuls départements.
Je voudrais à présent aborder les questions d'opportunité et de calendrier : c'est là que, peut-être, certains chemins pourraient se séparer.
Le Gouvernement propose de poser un nouveau jalon, après celui de l'année dernière. Il sait, comme nous, que la conjoncture économique qui prévaudra au cours de l'année 2003 est difficilement prévisible et que les décisions d'investissement sont bloquées au sein de certaines entreprises.
Dès lors, faut-il aller dans le sens d'une déliaison encore plus large que celle qui est prévue par l'article 14 ? Est-ce un bon signal à adresser aux entreprises ? C'est une question que l'on peut très légitimement se poser, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la croissance, compte tenu de l'étroitesse des marges de manoeuvre pour 2003, qui n'ont probablement pas permis au Gouvernement d'adopter, en matière de politique fiscale, toutes les mesures qui auraient normalement été nécessaires pour prendre en compte certaines demandes justifiées des entreprises, compte tenu du fait que les marges de manoeuvre présentées par les finances publiques n'ont pas permis, en particulier, d'alléger l'imposition des sociétés, compte tenu de ce que la seule véritable mesure de réduction de la fiscalité pesant sur les entreprises - et elle est loin d'être négligeable - consiste en la dernière étape de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle.
A cet égard, reconnaissons, mes chers collègues, que la politique fiscale qui sera mise en oeuvre en 2003 ne comportera pas d'autre mesure favorable aux entreprises, mais en présentera au contraire une qui leur sera quelque peu préjudiciable, à savoir la réduction du taux de l'avoir fiscal applicable aux personnes morales.
Compte tenu de tous ces éléments, la commission des finances s'est demandé si accepter une déliaison plus large des taux constituait vraiment un signal positif pour les entreprises. Faut-il aller au-delà de la transposition à l'ensemble des collectivités du « système Mercier » départemental de 2001 ? Faut-il aller plus loin que ce que prévoit l'article 14 ? Faut-il faire plus que poser ce jalon ? Peut-être la commission des finances est-elle timide, peut-être est-elle simplement raisonnable, mais en tout cas la majorité de ses membres a estimé, après délibération, que les dispositions de l'article 14 représentaient déjà un bon acquis en termes d'accroissement de la liberté de gestion et qu'aller plus loin reviendrait à s'exposer à un certain nombre de reproches de la part des milieux économiques, au moment même où l'on prêche pour une reprise de l'activité et où l'on escompte un taux de croissance de 2,5 %, qui ne pourra être atteint que grâce à de nombreuses décisions optimistes des investisseurs et de ceux qui déterminent la conjoncture au sein des différentes branches de l'économie.
Cela étant dit, l'amendement n° I-210 de M. Michel Mercier pousse la logique jusqu'à son terme, puisqu'il tend à supprimer totalement l'encadrement des taux et le mécanisme de liaison de ces derniers. C'est assurément la proposition la plus claire qui ait été présentée sur cet article. Il conviendra sans doute de mettre en oeuvre un jour cette mesure, mais peut-être dans une conjoncture « psychologiquement » plus favorable.
Telle est l'analyse de la commission sur cet amendement, monsieur Mercier. Il désigne l'objectif vers lequel il faut tendre, mais nous ne pensons pas que la situation soit suffisamment favorable pour que l'on puisse mettre en place cette mesure en 2003. Je ne peux vous en dire plus : ce n'est que notre sentiment, peut-être est-il irrationnel, mais il a été partagé par la majorité des membres de la commission des finances lorsque celle-ci a délibéré de votre amendement.
L'amendement n° I-119 rectifié, présenté par M. François Trucy, ne concerne pas la taxe professionnelle. Il prévoit une déliaison encadrée des taux de la taxe d'habitation et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique. La commission, sur cet amendement, s'en remet à l'avis du Gouvernement.
L'amendement n° I-205 rectifié bis, qui a été exposé par notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, est une version...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Majorée !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... majorée, en effet, de l'article 14, même s'il demeure néanmoins plus en retrait que l'amendement n° I-210 de M. Michel Mercier dans toute sa pureté, si je puis dire. Il prévoit une déliaison des taux, avec une mesure d'assouplissement supplémentaire du lien entre ceux-ci. Je ne peux que renvoyer, à son propos, au commentaire général que j'ai formulé.
Il en va de même pour l'amendement n° I-211.
Quant à l'amendement n° I-105 de notre collègue Yves Fréville, il tend à autoriser une variation libre du taux de taxe professionnelle pour les collectivités locales dont le taux de taxe professionnelle est faible, c'est-à-dire inférieur au taux global moyen constaté l'année précédente au niveau national. Le taux de taxe professionnelle, dans cette conception, ne pourrait cependant augmenter de plus de 10 %.
Cette proposition est assurément intéressante si l'on cherche à mettre en place un dispositif de nature à régler des problèmes particuliers sans assumer complètement une déliaison globale. La commission a considéré qu'une telle mesure pourrait sans doute permettre de faciliter les choses pour certaines collectivités dont le taux de taxe professionnelle se trouve bloqué à un niveau extrêmement faible. Le procédé peut se révéler tout à fait intéressant pour régler certaines situations particulières. L'effet n'en serait pas aussi global et important que celui qu'entraînerait l'application du dispositif présenté par les amendements de M. Mercier, mais peut-être cette solution mérite-t-elle d'être étudiée. Nous entendrons avec intérêt l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-105.
S'agissant de l'amendement n° I-174 du groupe CRC, la commission lui oppose un avis tout à fait défavorable, car il vise à taxer les entreprises à raison de leurs investissements, ce qui serait bien sûr antiéconomique.
M. Gérard Braun. Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En ce qui concerne l'amendement n° I-106 de M. Fréville, il a pour objet de permettre aux établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique de compenser les pertes de recettes découlant de la dernière étape de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle. En effet, cette compensation est établie à partir des bases de 1999, alors que la réalité économique a beaucoup évolué depuis cette date.
Par conséquent, il est ici proposé, pour l'année 2003, qui marque la dernière phase, comme on le sait, de suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle, de permettre à ces EPCI d'ajuster librement leur taux de taxe professionnelle, à condition que cela n'entraîne pas d'augmentation des recettes tirées de cette dernière par rapport à l'année 2002. Cet amendement met en évidence un véritable problème, qui touche de manière particulièrement aiguë les communes disposant d'importantes recettes de taxe professionnelle, problème que l'assouplissement prévu par l'article 14 ne permet pas de résoudre. En effet, les dispositions de cet article ne pourraient s'appliquer, en 2003, que pour les communes qui auraient relevé préventivement le montant de la taxe d'habitation en 2002.
La commission sera donc particulièrement attentive à l'avis du Gouvernement sur cet amendement de M. Yves Fréville.
L'amendement n° I-107 est de pure coordination avec le précédent.
Enfin, l'amendement n° I-206 rectifié bis de MM. Vanlerenberghe et Mercier tend à assouplir les conditions de recours au dispositif de majoration spéciale de la taxe professionnelle. Les départements, communes et EPCI à taxe professionnelle unique peuvent majorer leur taux de taxe professionnelle à hauteur de 5 %, au plus, de la moyenne constatée pour cette taxe, l'année précédente, dans les collectivités de même nature. Il est pour cela actuellement requis, en particulier, que le taux de la taxe professionnelle soit inférieur à cette même moyenne. Nos collègues proposent d'assouplir cette limitation en prévoyant que le taux de taxe professionnelle reste inférieur à 120 % de la moyenne constatée l'année précédente dans les collectivités de même nature.
Le commentaire que je ferai à ce sujet sera bien sûr identique à celui que j'ai formulé sur l'ensemble des dispositifs de déliaison des taux.
Telles sont donc les analyses de la commission. Nous sommes, dans l'immédiat, très curieux de connaître l'avis du Gouvernement. Celui-ci, au regard de son approche de la politique économique et des relations avec les entreprises en 2003, est-il prêt à aller un peu au-delà du dispositif de l'article 14 ? Des éléments nouveaux sont-ils apparus depuis la préparation du projet de loi de finances, monsieur le ministre, dans votre réflexion sur ces différents sujets ?
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement a fait le choix de soutenir l'économie et l'emploi, et il compte précisément sur les entreprises pour être à la pointe de ce combat. Il lui semble que la liberté est sans doute le meilleur vecteur pour atteindre les objectifs qu'il a fixés : liberté de l'économie ; liberté pour les entreprises, afin qu'elles puissent se développer et répondre à ce qui est la préoccupation essentielle des Français aujourd'hui, à savoir l'emploi ; liberté aussi pour les collectivités locales, dans le cadre de l'approfondissement de la décentralisation qui est engagé et qui est l'une des orientations principales arrêtées par le Gouvernement.
Je me tournerai tout d'abord vers Mme Beaudeau, pour lui dire qu'il est paradoxal de voir les membres du groupe CRC se plaindre de la liberté qui est offerte aux collectivités locales en matière de fixation des taux. C'est là une surprise pour le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous trouvons que cette liberté est insuffisante !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Dans ce cas, les choses sont plus claires ! Le compte rendu intégral de nos débats gardera la trace de votre déclaration !
Quoi qu'il en soit, madame Beaudeau, il n'y a aucun machiavélisme de la part du Gouvernement. Ce serait, en somme, lui prêter des qualités qu'il n'a pas ! Le Gouvernement est sincère, et il n'entend pas, par le biais de la liberté offerte en matière de fixation des taux, faire accepter des transferts de charges non compensés en laissant aux collectivités le soin de relever les taux. Tel n'est pas son objectif, et je réponds par là même à la préoccupation exprimée tout à l'heure par M. Mercier.
M. Jean-François Le Grand. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, une telle approche est absolument à l'opposé des intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Il ne s'agit en aucune façon de donner aux collectivités locales une liberté qui les amènerait à assurer la compensation de charges dont l'Etat souhaiterait se délester de manière rampante.
M. Jean-François Le Grand. Subrepticement !
M. Jacques Legendre. Cela va mieux en le disant !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Il faut que toute ambiguïté soit levée à cet égard.
M. Jean-François Le Grand. Très bien ! C'est parfait !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Par ailleurs, M. Mercier, qui devient la référence sur ce sujet, puisqu'il en traitera au nom de la commission des finances lors de l'examen de la deuxième partie du projet de budget, a insisté sur la nécessité d'établir une relation de confiance entre l'Etat et les collectivités locales.
La conviction profonde du Gouvernement est que l'on ne peut affirmer que les collectivités locales sont mieux placées que l'Etat pour assumer un certain nombre de missions publiques, parce qu'elles sont plus proches de nos concitoyens et qu'elles leur rendent un meilleur service, avec un rapport « coût sur efficacité » plus favorable, en raison même de cette proximité, tout en les tenant pour incapables de fixer de manière responsable le taux des impôts qu'elles lèvent. Le Gouvernement refuse de s'inscrire dans une telle démarche.
J'ai sur ce sujet des convictions personnelles très fortes. Il y a des logiques contre lesquelles il ne faut pas aller. La réforme constitutionnelle a pour objet de transférer aux collectivités territoriales des responsabilités nouvelles, ou de leur proposer d'en accepter, ainsi que de leur conférer de véritables ressources, dont elles auront la maîtrise et qu'elles devront lever. Elles devront donc pleinement assumer leurs responsabilités devant les Français. Si les mécanismes qui régissent l'exercice des responsabilités territoriales sont tellement complexes que cela amène le dépôt de très nombreux amendements, au point que l'on ne s'y retrouve plus, il ne s'agit pas d'une vraie liberté.
Cela étant, on ne peut peut-être pas, et je vais sans doute décevoir M. Mercier en disant ceci, passer d'un système totalement administré et régi par la loi à un système de complète liberté.
En effet, le régime totalement administré et « verrouillé » qui a prévalu jusqu'à présent a empêché les ajustements de s'opérer au long des années. Par conséquent, la tentation des collectivités territoriales bénéficiant d'une liberté toute neuve sera de procéder à ces ajustements en l'espace d'une seule année, de manière brutale. Le risque sera alors que le cumul de ces ajustements ne provoque un emballement fiscal. En tout cas, telle est la crainte exprimée par les entreprises, sur laquelle M. le rapporteur général a voulu attirer l'attention du Sénat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu de la conjoncture, monsieur le ministre !
M. Alain Lambert, ministre délégué. La conjoncture est un facteur supplémentaire, en effet.
Je conclurai cette sorte de propos introductif en revenant sur l'invitation à l'audace de M. Mercier. Je lui répondrai qu'il en fallait un peu pour introduire la déliaison dans ce projet de loi de finances, puisque, depuis vingt-deux ans, nous nous étions interdit d'évoquer l'idée de liberté.
MM. Gérard Cornu et Francis Giraud. C'est vrai !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Au bout de vingt-deux ans, nous ouvrons la porte qui donne sur la liberté, la question étant de savoir si nous l'ouvrons complètement ou partiellement. Le Gouvernement propose une ouverture partielle, afin que la transition se fasse dans des conditions raisonnables.
Ma présentation du point de vue du Gouvernement aura été un peu longue, mais il me paraissait nécessaire d'éviter toute ambiguïté. J'en viens maintenant aux amendements.
Les amendements de M. Mercier présentent une gradation. Le service de la séance ayant le génie de les classer par ordre de portée décroissante, le premier d'entre eux prévoit d'octroyer une liberté totale.
J'indiquerai, à la suite de M. le rapporteur général, qu'il serait peut-être trop audacieux, pour le coup, de passer d'un régime totalement organisé par la loi à un régime de complète liberté, eu égard au risque, que j'ai évoqué à l'instant, de voir certaines collectivités locales procéder à des corrections brutales et immédiates.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° I-210. Je regrette de devoir m'exprimer en ce sens, parce que je sais que M. Mercier est de ceux qui appellent les collectivités territoriales à la sagesse fiscale.
M. Mercier m'a d'ailleurs fait observer, à l'occasion d'une discussion informelle, que les élus locaux que nous sommes, pour nombre d'entre nous, s'épuisent à proposer des exonérations de taxe professionnelle aux entreprises qu'ils veulent accueillir sur le territoire de leurs collectivités. (Tout à fait ! sur les travées du RPR.) Les entreprises ne les refusent pas, en tout cas dans mon département. Alors que, comme je viens de le dire, nous nous épuisons à procéder à des exonérations de taxe professionnelle, pour cinq années dans certains cas, il est assez extraordinaire que nous en venions corrélativement à craindre une majoration disproportionnée des taux. Cela révèle une forme de contradiction, voire de schizophrénie.
L'amendement n° I-119 rectifié est d'une autre essence car il vise à faciliter le passage au régime de la taxe professionnelle unique. Ceux qui s'y sont essayés ont pu mesurer que, parfois, ce passage était quasiment impossible du fait de la complexité des règles qui régissent la matière. L'amendement présenté par M. Trucy tend à lever ces difficultés, mais je crains que sa rédaction ne soit trop large. Cela me conduit, à ce stade du débat, à demander le retrait de cet amendement. A défaut, je demanderais au Sénat de le rejeter. Cela étant dit, je suis prêt à écouter M. Trucy s'il souhaite m'apporter des précisions supplémentaires.
J'en viens à l'amendement n° I-205 rectifié bis , qui est en quelque sorte l'amendement Mercier dans une version atténuée et qui a été présenté par M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En dépit de l'effort de réduction de la limite d'augmentation, nous sommes au-delà de ce qui a constitué l'équilibre dans la rédaction initiale du Gouvernement. Aussi, je demande à M. Vanlerenberghe de bien vouloir retirer cet amendement, sinon le Gouvernement émettra un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° I-211, je ferai la même réponse.
En ce qui concerne l'amendement n° I-105, j'ai compris, après que M. le rapporteur général l'a dit, que cet amendement vise à régler non pas tous les problèmes, mais des situations tout à fait particulières. Aussi, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
Par ailleurs, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° I-174.
L'amendement n° I-106 a pour objet, lui aussi, de résoudre des problèmes spécifiques et il n'emporte pas une orientation générale s'agissant du dispositif que nous examinons. Aussi je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Quant à l'amendement n° I-107, c'est un amendement de conséquence. Donc, je recommanderai au Sénat d'avoir une attitude identique sur les amendements n°s I-106 et I-107.
S'agissant de l'amendement n° I-206 rectifié bis , je demande à M. Jean-Marie Vanlerenberghe de bien vouloir le retirer. A défaut, je demanderai au Sénat de le rejeter.
Monsieur le président, j'ai été long, ce qui montre que je suis embarrassé. En effet, je souhaiterais concilier deux objectifs. Le premier consiste à marquer la confiance du Gouvernement à l'endroit des collectivités territoriales. (M. Thierry Foucaud sourit.) Ne souriez pas, monsieur Foucaud, c'est très important. Nous ne pourrons réussir la décentralisation sans confiance entre les collectivités territoriales et l'Etat. Le second objectif consiste à ne pas nous engager dans un relèvement de nos prélèvements obligatoires.
Nous devons donc concilier ces deux objectifs. C'est ce qui a conduit le Gouvernement à procéder en deux étapes. Il s'agit, dans un premier temps, d'étudier en détail la situation. Il s'agit, dans un second temps, de passer à la liberté complète pour les collectivités locales.
Voilà, à ce point de la discussion, ce que je voulais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs. Il faudrait que vous reteniez que la porte de la liberté a été entrouverte. C'est déjà un premier combat réussi pour la liberté des gestionnaires locaux.
M. Philippe Marini, rapporteur général, et M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s I-210, I-119 rectifié, I-205 rectifié bis et I-211.
S'agissant de l'amendement n° I-105, elle émet un avis de sagesse positive.
Par ailleurs, elle est défavorable à l'amendement n° I-174.
S'agissant de l'amendement n° I-106, elle émet un avis de sagesse, avec une nuance positive. Elle émet le même avis sur l'amendement n° I-107, puisqu'il s'agit d'un amendement de coordination.
Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-206 rectifié bis .
M. le président. Monsieur Michel Mercier, l'amendement n° I-210 est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. M. le ministre et M. le rapporteur général viennent, de façon excellente et d'une manière particulièrement brillante, de me rappeler qu'il ne sert à rien d'avoir raison trop tôt. C'est une vieille règle !
Avant de vous faire part de ma décision, monsieur le président, je souhaite m'adresser à M. le rapporteur général. J'ai toujours compris, monsieur Marini, que, par philosophie, vous étiez, à l'instar de M. le ministre, opposé au régime de l'administration des prix.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes !
M. Michel Mercier. Pour ma part, je pense que seule la liberté responsabilise. Ouvrir la liberté jusqu'à une fois et demie signifie que l'on peut aller à une fois et demie. Si vous laissez les gens libres, ils n'iront peut-être pas jusque-là ! En l'occurrence, vous donnez une indication forte en précisant que l'on peut aller sans problème jusqu'à une fois et demie sans gêner les entreprises. C'est votre choix.
Je pense, au contraire, que la liberté est responsabilisante, que fixer des règles administratives est déresponsabilisant et conduit la collectivité locale, comme l'entreprise, à atteindre le prix limite autorisé. Je suis libéral. Je considère que la liberté permet à chacun de trouver ses propres limites. Je conçois la cohérence de votre proposition, puisque vous émettez un avis défavorable sur tous nos amendements.
Monsieur le ministre, j'appartiens à un groupe, l'Union centriste, qui se veut l'allié le plus loyal du Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Très bien !
M. Michel Mercier. Je ne voudrais pas que l'on puisse penser, de quelque façon que ce soit, que nous voulons gêner l'action que l'Etat veut mener pour maintenir l'emploi et réduire le chômage. L'idée selon laquelle les collectivités locales augmenteraient les impôts des entreprises est une idée archaïque. Aujourd'hui, elles ont trop envie d'avoir des emplois sur leur territoire pour augmenter l'impôt uniquement afin d'avoir des ressources.
Ma loyauté politique à l'égard du Gouvernement me conduit tout naturellement à retirer mon amendement. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. L'amendement n° I-210 est retiré.
Monsieur Vanlerenberghe, l'amendement n° I-205 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Un peu plus d'audace n'aurait desservi ni les entreprises ni les collectivités locales. Une légère augmentation de la taxe professionnelle - et on peut faire confiance aux responsables des collectivités pour en mesurer les effets car ils sont les mieux placés pour ce faire - peut avoir un formidable effet de levier. Je constate dans mon département que l'effet de levier représente cinq à six fois l'investissement. Aussi, une faible augmentation de la taxe professionnelle peut conduire à des investissements considérables dans les cinq ans à venir. Or, nous le savons bien, c'est d'un manque d'investissement dont la France est malade. Il faut de l'investissement pour relancer l'économie et développer l'emploi.
Je ne comprends donc pas cette prudence, même si je mesure le premier pas accompli et note que, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, la porte est entrouverte. Je souhaiterais que vous nous disiez, si c'est possible, quand la porte s'ouvrira complètement sur la déliaison totale. Vous avez fait une promesse. Il serait peut-être bon de nous donner un rendez-vous pour que nous puissions savoir quand elle sera appliquée.
Cela étant dit, pour reprendre ce qu'a dit notre ami Michel Mercier tout à l'heure, j'apporte un soutien fidèle au Gouvernement et, tout en souhaitant que ce que je viens de dire soit entendu, je retire, par loyauté envers lui, cet amendement.
MM. Gérard Braun et Jacques Legendre. Très bien !
M. le président. L'amendement n° I-205 rectifié bis est retiré.
Monsieur Trucy, l'amendement n° I-119 rectifié est-il maintenu ?
M. François Trucy. J'ai entendu, de la part de M. le ministre et de M. le rapporteur général, deux choses : d'abord, qu'il ne fallait pas avoir raison trop tôt ; ensuite, qu'un amendement ne devait pas être trop large. Aussi, je retire cet amendement. (M. Joël Bourdin applaudit.)
M. le président. L'amendement n° I-119 rectifié est retiré.
Monsieur Michel Mercier, l'amendement n° I-211 est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-211 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-105.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° I-174.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, si je souriais tout à l'heure, c'était non pas pour me moquer, car je vous respecte, mais simplement pour marquer mon désaccord.
Cela étant dit, compte tenu de ce que nous venons d'entendre, j'ai envie de dire : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » Depuis le début du débat, en effet, les amendements, notamment ceux que présente la majorité sénatoriale, sont tous retirés. Tout à l'heure, j'entendais parler de liberté. On peut s'interroger à cet égard.
Pour sa part, le groupe communiste républicain et citoyen pose tous les ans la question de la déliaison des taux. Si j'ai bien suivi, dans la discussion que nous avons eue sur les collectivités locales, il a été question de l'enjeu de la décentralisation que sont la démocratie et l'amélioration des services publics. Or si l'on veut améliorer les services publics, il faut quelques moyens. Et si l'on veut quelques moyens, je crois qu'il faut - à l'instar de la majorité ici présente, mais elle ne votera pas en ce sens, étant donné cette « liberté » limitée - des moyens supplémentaires, et pour cela la déliaison s'impose.
Je constate que, depuis le début de nos travaux, lorsque nous posons des questions, la réponse est toujours la même : il ne faut pas toucher à l'ISF ; il ne faut pas non plus toucher à la baisse de l'impôt sur le revenu pour les tranches les plus élevées du barème ; il ne faut pas toucher à la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. Or il faudrait accorder aux collectivités des moyens supplémentaires pour assurer la gestion des crèches.
Je crois que le fond - je le répète -, c'est une idée de classe, c'est la protection des possédants. En ce sens, la politique qui nous est présentée est totalement libérale, notamment à l'égard des collectivités locales.
S'agissant de la loi sur les EPCI, rappelez-vous quelle avait été la position de notre groupe. Nous avions dit : qu'en sera-t-il du financement dans les années 2002, 2003 et 2004 ? Or nous nous trouvons aujourd'hui devant cette situation. Monsieur le rapporteur général, il faut aussi écouter les propositions que font les uns et les autres en ce qui concerne les moyens de fonctionnement de nos collectivités aujourd'hui.
La question de la déliaison des taux est fondamentale. Ainsi, lorsque ma commune n'était pas soumise au régime de la TPU, elle touchait 550 000 francs quand elle levait 1 % d'impôt. Aujourd'hui, alors qu'elle est soumise à ce régime, elle perçoit 220 000 francs lorsqu'elle lève 1 % d'impôt. Mais d'où proviennent ces 220 000 francs ? Ce sont 220 000 francs d'impôts sur les ménages !
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
M. Thierry Foucaud. Les communes ne peuvent plus toucher à la taxe professionnelle. Or l'impôt qui a le plus baissé en France au cours des dernières années, c'est bien la taxe professionnelle. Si nous continuons ainsi, seuls les ménages paieront la note. Voilà le problème tel qu'il faut l'exposer.
Il convient de revenir sur les déviances comme celle que je citais tout à l'heure dans mon intervention sur les collectivités locales et qui a consisté, dans le cadre du pacte de stabilité, à faire 13 milliards d'économies sur les collectivités locales. Aujourd'hui, les collectivités ne veulent pas de cette politique-là. Majoritairement, dans cette assemblée, sur les travées de la gauche comme sur celles de la droite, nous n'en voulons pas non plus. Nous souhaitons pouvoir agir librement, délier nos taux et taxer les entreprises qui sont implantées sur le territoire de nos collectivités.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-174.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-106.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-107.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Vanlerenberghe, l'amendement n° I-206 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-206 rectifié bis est retiré.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Tout à l'heure, M. Jean-Marie Vanlerenberghe m'a posé une question. Aussi, je lui dois une réponse. En octobre prochain, monsieur le sénateur, je vous proposerai, comme le texte le prévoit, le rapport qui vous décrira les évolutions de la taxe professionnelle sur l'ensemble des collectivités territoriales. Le prochain projet de loi de finances sera l'occasion d'examiner ce rapport et, pour le Parlement, d'en tirer toutes les conséquences, y compris d'aller plus loin s'agissant de l'ouverture de la porte, si le rapport en question le permet.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote sur l'article.
M. Philippe Adnot. Je voudrais apporter mon soutien à M. le ministre.
La déliaison des taux est absolument indispensable. Il existe en effet des situations tellement sclérosées que le seul moyen de s'en sortir est de repasser par le taux zéro. Il est évident que, dans certaines collectivités, c'est tout à fait impossible, de sorte que l'on reste dans des situations figées qui sont intenables.
Au demeurant, il est clair que la déliaison des taux ne peut se concevoir que si l'on prévoit un encadrement de la liberté.
Si les gouvernements précédents ont été obligés de baisser la taxe professionnelle, c'est parce qu'un certain nombre de collectivités, philosophiquement et idéologiquement, avaient chargé la barque à tel point que, dans certains cas, le taux de la taxe professionnelle dépassait les 30 %.
La situation était devenue telle qu'il a fallu transférer sur le contribuable national ce que les excès de certaines collectivités avaient engendré au niveau local. Voilà la vérité.
On pourrait d'ailleurs dessiner la carte politique des collectivités qui, par idéologie, avaient tellement chargé la barque contre les entreprises qu'il a fallu rectifier le tir. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Cela étant, une chose est claire : si demain on doit donner de la liberté, il faut que ce soit dans un cadre. On ne peut pas jouer s'il n'y a pas de règles du jeu. On ne peut pas demander la liberté sans s'assurer que ceux qui sont très riches n'auront pas un minimum d'impôt à payer. Qu'est-ce que cela veut dire la liberté totale ? Que ceux qui sont très riches ne lèvent pas l'impôt, touchent quand même des dotations d'Etat - c'est la situation actuelle - et font du dumping fiscal. Et ceux qui ne peuvent pas faire autrement sont obligés de fixer des impôts extrêmement élevés.
Je suis donc pour la déliaison des taux, mais dans un cadre fixant un minimum et un maximum à payer, entre lesquels joue la liberté. Dans ces conditions, on peut respecter tout le monde.
Je soutiens donc la position de M. le ministre, qui est courageuse, et j'espère qu'on va aller dans la direction que j'ai tracée.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je me sentais un peu frustré, parce que j'aurais souhaité intervenir contre les amendements de nos collègues MM. Vanlerenberghe et Mercier ; or ils les ont retirés, je ne pouvais donc plus prendre la parole. Je souhaitais en effet faire entendre, moi aussi, une musique un peu différente en me fondant sur mon expérience d'élu d'un département frontalier.
Dans ce département frontalier, les fiscalités et les taxes pesant sur les entreprises sont beaucoup plus lourdes qu'elles ne le sont de l'autre côté de la frontière. Nous sommes donc confrontés à des risques de délocalisation d'entreprises ou à l'implantation d'entreprises sur le territoire du pays ami voisin mais néanmoins concurrent. En outre, dans la mesure où le département du Nord est confronté, comme les autres départements, je le sais bien,...
M. Gérard Braun. Aux 35 heures !
M. Jean-René Lecerf. ... au problème de l'APA, dans des conditions aggravées par le coefficient multiplicateur de sa population de 2,5 millions d'habitants, je vois bien que, s'il y avait une déliaison totale des taux en 2003, à une année du renouvellement par moitié des conseils généraux, le conseil général déciderait une augmentation pure et simple de la seule taxe professionnelle, ce qui serait pénalisant pour l'emploi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On peut en effet considérer la question !
M. Jean-René Lecerf. C'est la raison pour laquelle je félicite le Gouvernement de n'être pas allé au-delà de ce premier effort qui nous montre la voie. Je pense qu'il faut sérieusement baliser le reste du chemin.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 14