SEANCE DU 26 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 14. - I. - 1. Le 4 du I de l'article 1636 B
sexies
du code
général des impôts est ainsi rédigé :
«
4
. A compter de 2003 et par exception aux dispositions du
b
du
1, les communes, les départements et les organismes de coopération
intercommunale dotés d'une fiscalité propre peuvent augmenter leur taux de taxe
professionnelle, par rapport à l'année précédente, dans la limite d'une fois et
demie l'augmentation de leur taux de taxe d'habitation ou, si elle est moins
élevée, de leur taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes
foncières.
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables lorsqu'il est
fait application des dispositions du quatrième alinéa du 2.
« La majoration prévue au 3 n'est pas applicable s'il est fait application des
dispositions du premier alinéa. »
« 2. L'article 1636 B
sexies
A du même code est complété par un III
ainsi rédigé :
«
III
. - A compter de 2003 et par exception aux dispositions du I, les
régions peuvent augmenter leur taux de taxe professionnelle, par rapport à
l'année précédente, dans la limite d'une fois et demie l'augmentation de leur
taux de taxe foncière sur les propriétés bâties.
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables s'il est fait
application des dispositions du deuxième alinéa du II. »
« 3. L'article 1636 B
decies
du même code est ainsi modifié :
« 1° Aux premier et troisième alinéas du II, les mots : "et 3" sont remplacés
par les mots : ", 3 et premier alinéa du 4" ;
« 2° La dernière phrase du deuxième alinéa du II est supprimée.
« II. - Un rapport établissant un bilan de l'évolution comparée des bases et
des taux de la taxe professionnelle, d'une part, de la taxe d'habitation et des
taxes foncières, d'autre part, sera adressé annuellement au Parlement. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous allons, avec l'article 14, revenir sur la question de la liaison des taux
des taxes dont nous estimons qu'elle a porté, hier, un coup d'arrêt brutal à la
liberté des communes. Aujourd'hui, la déliaison peut-elle apparaître comme un
retour vers des libertés plus grandes accordées aux collectivités locales, qui
seraient libres de s'inscrire dans une décentralisation des décisions et de
leurs recours ? Malheureusement non, car les temps ont bien changé.
Premièrement, bien des communes sont entrées dans l'intercommunalité et, si
elles y ont trouvé un peu de solidarité sur certains dossiers importants
qu'elles ne pouvaient affronter seules, elles se sont également trouvées
confrontées à des situations qu'elles ont dû bien souvent subir, parfois sans
en tirer un quelconque intérêt.
Aujourd'hui, votre gouvernement, monsieur le ministre, ne semble plus accorder
beaucoup d'importance à la question de l'apport d'une contribution financière
renforcée. Des communes vont rester dans l'attente de certains projets devenus
lointains faute de moyens. L'intercommunauté aurait-elle vécu ?
Deuxièmement, la part prise en charge par l'Etat du fait de compensations
d'allégements fiscaux est passée de 22 % au milieu des années quatre-vingt-dix
à 33,5 % en 2002, pour être évaluée à près de 40 % pour 2003.
En 1999, la compensation représentait 1,8 milliard d'euros pour la baisse de
la part « salaires » des bases de taxe professionnelle. En 2002, le coût de la
compensation a été de 7,8 milliards d'euros, soit quatre fois plus.
Mais prenons la taxe professionnelle de 2001. Si l'on ajoute la compensation à
la taxe professionnelle payée, on aboutit à une hausse de 4,9 % par rapport à
2000. Mais si l'on retire la compensation, on aboutit à une baisse de 2 % de la
taxe professionnelle.
Ces allégements fiscaux ont servi beaucoup plus le patronat que les communes,
et celles-ci ont beaucoup plus subi les évolutions de la taxe qu'elles ne les
ont maîtrisées, tout en y perdant des ressources.
La déliaison limitée prévue à cet article ne corrigera pas cette situation.
Troisièmement, bien d'autres contraintes ne laissent en fait que peu de
liberté de choix, car ces contraintes poussent à la hausse des dépenses. Je ne
prendrai que quelques exemples les plus significatifs : l'allocation
personnalisée d'autonomie, les 35 heures non compensées, la loi du 3 mai 1996
relative aux services d'incendie et de secours, sans compter les contraintes de
Bruxelles. Quel est donc le champ réel sur lequel la commune peut librement
exercer son choix ?
Pour certaines communes, le champ d'intervention possible s'est réduit comme
peau de chagrin, pour faire place à un choix budgétaire qui n'est plus qu'une
simple addition des dépenses à caractère obligatoire. Pour ces communes, et
elles sont, à mon avis, beaucoup plus nombreuses qu'il n'y paraît, le libre
choix par décentralisation des responsabilités n'existera pas sans
l'accompagnement financier.
Quatrièmement, avec votre proposition, monsieur le ministre, vous ne corrigez
pas cette absence de liberté de choix. Je m'explique : prenons une commune ne
percevant pas beaucoup de taxe professionnelle et se trouvant dans une
situation déjà difficile. Pour que la mesure ait une quelconque efficacité, la
taxe professionnelle devra être augmentée de 3 %, mais, pour cela, il faut que
la taxe d'habitation le soit de 2 %.
Les moins riches paieront encore beaucoup trop. Les assujettis à la taxe
professionnelle verront un simple ajustement par rapport au coût de la vie. La
commune n'aura pas d'autre choix que le maintien des services rendus, sans
aller plus loin pour tenir compte de l'augmentation du coût de la vie.
Donc, vous le voyez, monsieur le ministre, votre proposition ne tient pas. Je
me demande même s'il ne s'agit pas d'une mesure machiavélique destinée à
pousser les communes hésitantes à augmenter la taxe d'habitation pour récupérer
quelques miettes de taxe professionnelle.
Monsieur le ministre, la véritable liberté des collectivités, aujourd'hui,
c'est la décentralisation, mais avec les moyens financiers nécessaires, c'est
la déliaison absolue des taux et c'est une politique nouvelle de taxation des
actifs financiers sur une base réelle, efficace et, par conséquent,
crédible.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Monsieur le ministre, j'ai bien écouté ce que vous avez dit tout à l'heure sur
la déliaison des taux. Je me réjouis que le Gouvernement propose une mesure
d'assouplissement du lien entre les taux des taxes locales. Cette disposition
s'inscrit, me semble-t-il, avec bonheur dans le courant de la décentralisation
que le Gouvernement conduit actuellement.
En effet, tout ce qui assouplit les contraintes des collectivités locales
contribue à renforcer l'autonomie de celles-ci. Je salue donc cette mesure,
mais je voudrais que nous allions plus loin : si l'on croit à la
décentralisation et à l'intercommunalité - je sais, monsieur le ministre, que
vous en êtes un farouche partisan -, il faut délier totalement les taux.
En effet, la création des intercommunalités à taxe professionnelle unique - ce
n'est qu'un exemple - oblige celles-ci à prévoir des financements pour réaliser
les investissements inscrits dans les contrats de plan. Or l'augmentation de
cette ressource dépend des décisions fiscales sur les taux des ménages prises
par les communes.
J'admets tout à fait qu'il faille associer les particuliers, les ménages et
les entreprises à la collecte des ressources fiscales nécessaires au
développement de nos collectivités. Le potentiel fiscal ou les intérêts des uns
ne sont cependant pas toujours ceux des autres, d'où la nécessité renforcée, me
semble-t-il, de délier ces taux.
Pour tenir compte des craintes qu'un usage abusif de ce dispositif pourrait
susciter chez les professionnels, je présente deux amendements à l'article 14.
L'un vise à étendre le champ de la déliaison en doublant le coefficient de
majoration du taux de taxe professionnelle par rapport au taux de taxe
d'habitation. L'autre tend à assouplir la « majoration spéciale » en majorant
le taux de taxe professionnelle moyen national servant de référence par un
coefficient multiplicateur qui permettrait à un plus grand nombre de
collectivités d'appliquer cette mesure, particulièrement aux EPCI dont le taux
se situe en dessous de la moyenne de leur catégorie.
En conclusion, monsieur le ministre, vous l'avez compris, je suis favorable à
la suppression totale des règles de liaison entre les taux. Je regrette que
vous n'ayez pas retenu cette mesure, mais je constate avec plaisir que le
dispositif proposé par le Gouvernement marque un début d'inversion de tendance.
Je souhaite que le Gouvernement aille plus loin, car son avancée me paraît
insuffisante et je compte sur votre compréhension et sur votre expérience de
président d'une communauté urbaine pour étendre cette déliaison et franchir
ainsi un pas supplémentaire sur le chemin de l'autonomie des collectivités
locales.
M. le président.
Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune, mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
L'amendement n° I-210, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« I. - L'article 1636 B
sexies
du code général des impôts est ainsi
rédigé :
«
Art. 1636 B
sexies. - Sous réserve des dispositions des articles 1636
B
septies
et 1636 B
decies
les conseils généraux, les conseils
régionaux, les conseils municipaux et les organes délibérants des
établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre votent
chaque année les taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation et, à
l'exception des conseils régionaux, de la taxe professionnelle. »
« II. - L'article 1636 B
sexies
A du code général des impôts est
abrogé.
« III. - 1. Les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième
alinéas du II de l'article 1636 B
decies
sont supprimés.
« 2. Le premier alinéa du II dudit article est complété par les mots suivants
: "dans les limites définies à l'article 1636 B
septies
".
« IV. - Un rapport établissant un bilan de l'évolution comparée des bases et
des taux de taxe professionnelle, d'une part, de la taxe d'habitation et des
taxes foncières, d'autre part, sera adressé annuellement au Parlement. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Monsieur le ministre, vous avez, cet après-midi, lors du débat sur les
recettes des collectivités locales, conclu votre intervention en évoquant la
nécessité de rétablir la confiance entre l'Etat et les collectivités locales.
L'amendement n° I-210 vise, dans cet esprit, à supprimer la liaison qui existe
à l'heure actuelle entre les taux. Plusieurs arguments plaident en ce sens.
Tout d'abord, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République, que le Sénat vient d'adopter, prévoit, dans son
article 6, que les collectivités locales pourront non seulement voter librement
les taux des impôts, mais aussi déterminer, au moins partiellement, leur
assiette. Si une collectivité peut établir les règles relatives à la
détermination de l'assiette d'un impôt, elle doit
a fortiori
pouvoir
fixer son taux.
Le Gouvernement, si j'ai bien compris, s'apprête à faire confiance aux
collectivités locales pour gérer les routes nationales, les personnels des
collèges, les hôpitaux et divers autres grands services publics auxquels nous
sommes tous attachés. Si nous, élus locaux, sommes capables de tout cela au
niveau local, il faut que nous soyons reconnus capables également de voter les
taux des impôts.
On pourrait nous objecter que les élus risquent d'être tentés de faire
supporter par l'entreprise le poids de l'impôt local plutôt que de le répartir
équitablement entre tous les contribuables.
Je voudrais faire justice de ce genre d'arguments.
Quant on connaît les moyens que déploient les élus locaux pour convaincre des
entreprises de s'implanter sur le territoire de leur commune et pour développer
l'emploi, on comprendrait mal que ces mêmes élus soient d'emblée enclins à
taxer les entreprises...
C'est un mauvais procès que l'on fait aux élus locaux et je terminerai,
monsieur le ministre, en disant que la confiance est la base de tout : faites
confiance aux élus locaux, personne ne sera déçu.
Les élus sont pleinement responsables, et la mesure que vous nous proposez
dans le projet de loi de finances pour 2003 est une bonne mesure ; c'est un
premier pas, mais, monsieur le ministre, pour réformer, il faut de l'audace.
Ayez l'audace d'accepter mon amendement !
M. le président.
L'amendement n° I-119 rectifié, présenté par MM. Saugey, du Luart, Bourdin,
Clouet, Lachenaud et Trucy, est ainsi libellé :
« Au début du I de cet article, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :
« Le 1 du I de l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, dans les communes membres d'un établissement public de
coopération intercommunale faisant application pour la première année des
dispositions de l'article 1609
nonies
C et issu de la transformation
d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité
additionnelle, le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, cette
année-là, peut être fixé dans la limite du taux voté l'année précédente par la
commune, majoré du taux voté également l'année précédente par l'établissement
public de coopération intercommunale. »
La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy.
J'ai la vague inquiétude, mes chers collègues, de ne pas allumer dans vos yeux
la même lumière que celle qui avait jailli tout à l'heure à l'écoute des propos
de M. le ministre et de M. le rapporteur général sur l'article 13, mais je vais
faire de mon mieux !
Un assouplissement des règles de lien s'appliquant à l'évolution des taux des
impôts communaux apparaît nécessaire lorsque les communes passent à la taxe
professionnelle unique dans le cadre de la coopération intercommunale.
Nombre d'élus locaux souhaitent en effet pouvoir augmenter la part communale
de la taxe d'habitation et des taxes foncières en parallèle à la suppression de
leur part communautaire.
Concrètement, ils souhaitent pouvoir augmenter les taux communaux d'une
fraction correspondant aux taux précédemment prélevés par l'établissement
public de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle avant sa
transformation en communauté de communes à taxe professionnelle unique.
Cette opération, lorsqu'elle est réalisée, n'a aucune conséquence fiscale pour
les contribuables, car ceux-ci s'acquitteraient du même montant d'impôt. Elle
se heurte néanmoins parfois à la rigidité des règles de lien relatives à
l'évolution des taux des impôts communaux.
C'est ainsi que le dernier alinéa du 1 du paragraphe I de l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts précise que « jusqu'à la date de la
prochaine révision, le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties
ne peut augmenter plus ou diminuer moins que le taux de la taxe d'habitation
».
Or, la récupération par la commune du produit auparavant perçu par l'EPCI
implique parfois une augmentation du taux de la taxe foncière sur les
propriétés non bâties supérieure à celle du taux de la taxed'habitation.
Dans ces conditions, il est proposé d'introduire une dérogation à la règle de
lien fixée au dernier alinéa du 1 du paragraphe I de l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts.
Cette dérogation serait réservée aux communes membres d'un EPCI se substituant
pour la première année aux communes pour l'application des dispositions
relatives à la taxe professionnelle et issu de la transformation d'un
établissement public de coopération intercommunale à fiscalité
additionnelle.
Elle serait en outre accordée à la condition que le taux de la taxe foncière
sur les propriétés non bâties soit, cette année-là, fixé dans la limite du taux
voté l'année précédente par la commune, majoré du taux voté également l'année
précédente par l'établissement public de coopération intercommunale.
Cette dérogation strictement encadrée ne remettrait pas fondamentalement en
cause les règles de lien s'appliquant à l'évolution des taux des impôts
communaux. Elle permettrait simplement de faciliter le passage à la taxe
professionnelle unique, en accordant une certaine souplesse d'action aux
communes concernées, tout en garantissant une neutralité fiscale aux
contribuables.
M. le président.
L'amendement n° I-205 rectifié
bis,
présenté par MM. Vanlerenberghe et
Mercier, Mme Létard et M. Valade, est ainsi libellé :
« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1 du I de cet article
pour le 4 du I de l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts,
remplacer les mots : "d'une fois et demie" par les mots : "de trois fois".
« II. - Compléter le premier alinéa dudit texte par la phrase suivante :
« Toutefois, si le taux d'augmentation ainsi obtenu est inférieur à 1 %, le
taux de taxe professionnelle peut augmenter au maximum de 1 %.
« III. - Supprimer le deuxième alinéa dudit texte. »
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Sans revenir sur les explications que j'ai données tout à l'heure, j'indique
que cet amendement, qui est une extension des mesures proposées par le
Gouvernement, vise à sortir du simple symbolisme en portant le coefficient de
majoration maximum à 3 au lieu de 1,5.
Dans tous les cas, il serait ainsi possible d'augmenter le taux de la taxe
professionnelle dans la limite de trois fois l'augmentation du taux de taxe
d'habitation, un autre de nos amendements prévoyant la possibilité d'augmenter
le taux de taxe professionnelle de 1 %, même en cas de stabilité des impôts des
ménages.
Le coefficient de majoration doit aussi s'appliquer les années qui suivent
l'application de la diminution sans lien des taux des ménages, avec toujours
une réfaction de 50 % sur le taux d'augmentation maximum.
Monsieur le ministre, cette proposition, qui ne délie pas aussi totalement les
taux que M. Mercier et moi-même l'aurions souhaité pour aller dans le sens de
la décentralisation voulue par le Gouvernement, me paraît mesurée et je compte
sur votre compréhension pour faire un geste en faveur des communautés, qu'il
s'agisse des communautés de communes, des communautés d'agglomération ou des
communautés urbaines à taxe professionnelle unique.
M. le président.
L'amendement n° I-211, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1 du I de cet article
pour le 4 de l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts,
remplacer les mots : "d'une fois et demie" par les mots : "de deux fois".
« II. - Dans le texte proposé par le 2 du I de cet article pour le III de
l'article 1636 B
sexies
A du même code, remplacer les mots : "d'une fois
et demie" par les mots : "de deux fois". »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Dans le projet de loi de finances, vous faites, monsieur le ministre, un pas
et demi vers la liberté des collectivités territoriales. Je vous ai demandé de
faire tout le chemin, mais, si vous ne pouvez pas le parcourir en une seule
fois, je vous propose de faire deux pas plutôt que un et demi, ce qui est
vraiment peu.
Deux, c'est déjà mieux, et ce serait marquer une volonté ferme de se diriger
vers la totale liberté.
M. le président.
L'amendement n° I-105, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le 1 du I de cet article
pour le 4 de l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts par les
mots : « et peuvent faire varier librement leur taux de taxe professionnelle
lorsque leur taux global de taxe professionnelle est inférieur au taux global
moyen constaté l'année précédente au niveau national et ce, dans la limite
d'une augmentation maximale de 10 %. »
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville.
J'ai entendu M. le ministre dire tout à l'heure qu'il fallait d'abord
simplifier la réglementation. Or, si un article du code général des impôts est
complexe, c'est bien celui qui expose les règles de liaison des taux !
J'ai entendu également notre collègue Michel Mercier dire que l'on pouvait
faire confiance aux collectivités locales pour avoir une politique raisonnable
en ce domaine.
Cependant, et M. le ministre le rappelait d'ailleurs cet après-midi, les
entreprises qui ont bénéficié de la réduction de la part « salaires » de la
taxe professionnelle craignent que cette réduction, qui a été faite en faveur
de l'emploi, ne soit compensée par une hausse des taux, et, pour ma part, je
crois que, si l'on peut faire confiance aux collectivités locales, il faut
malgré tout prévoir un garde-fou pour limiter l'augmentation des taux de taxe
professionnelle.
L'idée simple qui vient alors à l'esprit, c'est de considérer que lorsque le «
bloc » que constituent les communes, le département et la région a été
vertueux, c'est-à-dire lorsque la somme des taux qu'appliquent ces
collectivités est inférieure à la moyenne nationale, les collectivités locales
membres de cet ensemble vertueux peuvent librement fixer leur taux de taxe
professionnelle, dans la limite toutefois d'un seuil, que je propose de fixer à
10 %, mais cela peut être discuté.
De cette façon, on arriverait, me semble-t-il, à un équilibre entre les
collectivités locales, qui souhaitent pouvoir définir une politique fiscale
cohérente, et les entreprises, qui craignent une hausse des taux.
Nous ne ferons pas n'importe quoi, puisque le dispositif ne jouera que lorsque
le taux global sera inférieur à la moyenne, c'est-à-dire seulement pour les
collectivités « vertueuses ».
On arriverait ainsi à un équilibre entre la volonté de protéger les
entreprises et la nécessité de faire confiance aux collectivités locales.
M. le président.
L'amendement n° I-174, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le 1 du I de cet article pour le 4 du I de
l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts par un alinéa ainsi
rédigé :
« Toutefois, en l'absence d'augmentation du taux d'imposition de la taxe
d'habitation et des taxes foncières, les communes, les départements et les
organismes de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre peuvent
augmenter le taux d'imposition de la taxe professionnelle dans les limites
fixées par l'évolution de la formation brute de capital fixe, telle que définie
par la loi de finances. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
L'article 14 du projet de loi de finances porte sur la hausse modulée des taux
d'imposition locale.
Cette mesure est depuis de longues années au coeur du débat parlementaire,
puisque les parlementaires communistes des deux assemblées demandent
expressément qu'elle soit appliquée lors de la discussion de chaque loi de
finances, et je crois que de nombreux élus locaux sollicitent cette liberté en
même temps que cette responsabilité, car nous assumons nos responsabilités dans
ce domaine.
Le système fiscal local a connu ces derniers temps maints bouleversements,
qu'il s'agisse des dispositions correctrices des impositions, en matière de
taxe professionnelle comme de taxe d'habitation ou de foncier bâti, jusqu'à la
modification de l'assiette de l'impôt, la situation la plus significative de ce
point de vue étant celle qu'a créée la suppression de la part taxable des
salaires de la taxe professionnelle, dont les dernières conséquences se
manifesteront cette année.
Ce dispositif constitue d'ailleurs, comme nous l'avons souligné dans la
discussion générale, la principale source de réduction des impôts dans le
projet de loi de finances dont nous débattons depuis jeudi.
On peut s'interroger au demeurant sur sa portée réelle sur l'emploi, pourtant
sa motivation première, quand on prend connaissance de la longue liste des
plans sociaux qui affectent les entreprises de notre pays, y compris celles qui
réalisent d'importants bénéfices. Mais c'est sans doute là un autre débat qui
nous éloigne quelque peu de l'objet de cet amendement, encore que...
M. Gérard Braun.
Oui, c'est hors sujet !
Mme Marie-France Beaufils.
L'une des faiblesses, ou des limites si l'on préfère, de cet article 14 est en
effet de lier la hausse modulée de la taxe professionnelle - impôt au demeurant
assez largement pris en charge par le budget général - à l'augmentation des
autres impôts directs locaux.
Je rappelle d'ailleurs que les bases de la taxe d'habitation, de la taxe sur
le foncier bâti et de la taxe sur le foncier non bâti ont été augmentées dans
chaque loi de finances depuis plusieurs années, mais que la base de la taxe
professionnelle n'a pas évolué.
Il s'agit donc de demander aux ménages, auxquels s'appliquent pourtant des
dispositifs de correction de l'imposition sans commune mesure avec ceux dont
bénéficient les entreprises, un effort complémentaire dont ils subiront les
effets plus sûrement encore que les assujettis à la taxe professionnelle.
Or, l'expérience des dernières années l'a largement montré, l'économie
générale de la taxe professionnelle a profondément évolué, et la démarche n'est
donc pas parfaitement équilibrée. Que l'on sache, la valeur locative des
logements soumis tant à la taxe d'habitation qu'à la taxe foncière n'a pas
décru de 35 % en quatre ans !
Nous estimons nécessaire, dès lors, de prévoir la faculté d'augmenter la taxe
professionnelle, en tout cas son taux, en dehors de toute augmentation des
impôts auxquels sont assujettis les ménages.
Un point de plus sur la taxe foncière est plus difficilement supporté par le
contribuable qu'un point et demi de plus sur la taxe professionnelle ne l'est
par une entreprise dont la cotisation est plafonnée à la valeur ajoutée.
Comme la taxe professionnelle est devenue un impôt pesant presque
exclusivement sur le capital - il est d'ailleurs regrettable, mais nous y
reviendrons, qu'elle n'intègre pas le capital financier -, il nous a paru
logique de permettre, dans les limites de l'augmentation de l'investissement
des entreprises prévue par la loi de finances, aux collectivités locales de
faire varier leurs taux d'imposition, et ce librement.
Cette orientation permettra, au demeurant, d'asseoir et de stabiliser les
ressources des collectivités territoriales, qui sont appelées, dans le cadre
des futurs transferts de compétence liés à la décentralisation, à jouer un rôle
plus important encore dans la vie économique de la nation.
Elle permettera, en tenant compte de l'évolution autonome de la taxe
professionnelle au regard des autres impôts, de dégager des moyens bien utiles
pour les collectivités territoriales.
M. le président.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Fréville.
L'amendement n° I-106 est ainsi libellé :
« Après le 1 du I de cet article, insérer un 1
bis
ainsi rédigé :
« 1
bis
. - Après le 4 du I de l'article 1636 B
sexies
du code
général des impôts, il est inséré un alinéa 5 ainsi rédigé :
«
5.
En 2003, l'instance délibérante d'un établissement public de
coopération intercommunale faisant application des dispositions de l'article
1609
nonies
C du présent code fixe librement le taux de la taxe
professionnelle à condition que le produit attendu de cette taxe, majoré de la
compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances n° 98-1266 du 30
décembre 1998 et de l'attribution de la première part du fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle prévue au II de l'article 1648 B du
présent code, ne soit pas supérieur au produit voté de cette taxe en 2002,
majoré des mêmes compensation et attribution pour 2002.
« Les dispositions ci-dessus ne font pas obstacle à l'application des autres
dispositions du présent code, si elles permettent le vote d'un taux de taxe
professionnelle plus élevé. »
L'amendement n° I-107 est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le 1° du 3 du I de cet article :
« 1° Aux premier et troisième alinéas du II, les mots : "ainsi qu'aux 2 et 3
du I" sont remplacés par les mots : "ainsi qu'aux 2, 3, premier alinéa du 4 et
5". »
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville.
L'amendement n° I-106 n'offre pas une solution générale au problème de la
liaison entre les taux, mais vise exclusivement les communautés à TPU qui ne
peuvent voter une augmentation du taux de la taxe professionnelle que si les
communes membres ont, l'année précédente - il y a donc un décalage d'un an -,
augmenté le taux de leur taxe d'habitation.
Il faut savoir qu'une bombe est en cours de fabrication.
Nous supprimons en effet la part « salaires » de la taxe professionnelle des
grandes entreprises, mais la compensation qui sera accordée sera non pas
fonction de ce que rapporte aujourd'hui la taxe professionnelle, mais fonction
de ce qu'elle rapportait il y a quatre années ! On « gomme » donc les
augmentations de salaires, les créations d'emplois, voire d'entreprises,
intervenues pendant quatre ans.
Les communautés concernées devront donc gérer des ressources en diminution,
car comment pourraient-elles obtenir ne serait-ce que les mêmes ressources que
l'année passée ? Et le problème se pose partout.
Les règles de déliaison que nous propose le Gouvernement permettront-elles de
résoudre ce problème ? J'ai appris à l'école primaire que zéro multiplié par
1,5 faisait zéro et que, multiplié par trois comme le propose M. Mercier, zéro
fait encore zéro.
Que va-t-il arriver ? Il n'est pas question d'augmenter les taux de taxe
professionnelle ou les autres taux pour équilibrer le budget puisque, l'année
précédente, les communes n'ont pas eu recours à cette solution.
J'en tire une conclusion très simple.
Soit les communautés urbaines et autres, notamment les EPCI, monsieur le
ministre, passent à la fiscalité mixte et décident d'équilibrer leur budget en
augmentant la taxe d'habitation, auquel cas je vous promets que la
décentralisation deviendra très impopulaire.
Soit on déclare qu'à condition que les recettes ne changent pas et qu'il n'y
ait pas d'augmentation du produit de la taxe professionnelle majorée de la
compensation des salaires il est possible de délier les taux.
Tel est l'objet de cet amendement, et, personnellement, je ne vois pas d'autre
solution que de déclarer que la liberté ne peut être accordée qu'à produit
total constant.
Quant à l'amendement n° I-107, il est la conséquence logique de l'amendement
n° I-106 et n'appelle pas d'autres explications.
M. le président.
L'amendement n° I-206 rectifié
bis,
présenté par MM. Vanlerenberghe et
Mercier, Mme Létard et M. Valade, est ainsi libellé :
« Après le 3 du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 4. Dans la première phrase du premier alinéa du 3 du I de l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts, les mots : "est inférieur à la
moyenne constatée pour cette taxe l'année précédente" sont remplacés par les
mots : "est inférieur à 120 % de la moyenne constatée pour cette taxe l'année
précédente". »
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Il s'agit de permettre l'application à un plus grand nombre de collectivités
locales et d'EPCI de la majoration spéciale en multipliant le taux moyen de
taxe professionnelle national servant de référence par un coefficient
multiplicateur le faisant passer à 120 % de la moyenne.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je voudrais tout d'abord rappeler l'orientation
adoptée par la commission à propos de cet article 14, auquel elle est
naturellement favorable.
Nous estimons qu'une certaine déliaison des taux est opportune et qu'elle va
dans le bon sens. A différentes reprises déjà, nous avons constaté que des
dispositifs trop encadrés étaient antinomiques de la prise en compte des
évolutions économiques et financières nécessaires, et, surtout, reposaient sur
un principe de suspicion à l'égard des gestionnaires de budgets locaux.
Cette suspicion n'est pas compatible, comme l'a dit très justement Michel
Mercier, avec le renforcement de la décentralisation programmée pour un avenir
proche.
La commission des finances aborde donc dans un esprit positif l'article 14
qui, pour nous, représente un jalon vers un système plus souple.
Il convient de rappeler que nous avons déjà oeuvré pour un tel
assouplissement.
M. Michel Mercier.
En effet !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela n'a pas encore été dit dans le débat, mais, en
vérité, l'article 14 ne fait que transposer à toutes les collectivités un
amendement voté par le Sénat l'an dernier...
M. Michel Mercier.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... sur l'initiative de Michel Mercier, amendement
qui visait à desserrer le système en faveur des seuls départements. Nous avions
en effet particulièrement évoqué les dépenses prévisionnelles liées à l'APA, et
cela correspondait à une nécessité manifeste au sein de certains conseils
généraux.
C'est donc bien au Sénat, sur proposition de la commission des finances, que
l'on a commencé à desserrer le système, et le Gouvernement, par esprit de
continuité - cela est d'ailleurs bien compréhensible -, se borne ici, par le
biais de l'article 14, à transposer à toutes les collectivités territoriales ce
que l'on a permis l'an dernier pour les seuls départements.
Je voudrais à présent aborder les questions d'opportunité et de calendrier :
c'est là que, peut-être, certains chemins pourraient se séparer.
Le Gouvernement propose de poser un nouveau jalon, après celui de l'année
dernière. Il sait, comme nous, que la conjoncture économique qui prévaudra au
cours de l'année 2003 est difficilement prévisible et que les décisions
d'investissement sont bloquées au sein de certaines entreprises.
Dès lors, faut-il aller dans le sens d'une déliaison encore plus large que
celle qui est prévue par l'article 14 ? Est-ce un bon signal à adresser aux
entreprises ? C'est une question que l'on peut très légitimement se poser,
compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la croissance, compte tenu de
l'étroitesse des marges de manoeuvre pour 2003, qui n'ont probablement pas
permis au Gouvernement d'adopter, en matière de politique fiscale, toutes les
mesures qui auraient normalement été nécessaires pour prendre en compte
certaines demandes justifiées des entreprises, compte tenu du fait que les
marges de manoeuvre présentées par les finances publiques n'ont pas permis, en
particulier, d'alléger l'imposition des sociétés, compte tenu de ce que la
seule véritable mesure de réduction de la fiscalité pesant sur les entreprises
- et elle est loin d'être négligeable - consiste en la dernière étape de la
suppression de la part salaires de la taxe professionnelle.
A cet égard, reconnaissons, mes chers collègues, que la politique fiscale qui
sera mise en oeuvre en 2003 ne comportera pas d'autre mesure favorable aux
entreprises, mais en présentera au contraire une qui leur sera quelque peu
préjudiciable, à savoir la réduction du taux de l'avoir fiscal applicable aux
personnes morales.
Compte tenu de tous ces éléments, la commission des finances s'est demandé si
accepter une déliaison plus large des taux constituait vraiment un signal
positif pour les entreprises. Faut-il aller au-delà de la transposition à
l'ensemble des collectivités du « système Mercier » départemental de 2001 ?
Faut-il aller plus loin que ce que prévoit l'article 14 ? Faut-il faire plus
que poser ce jalon ? Peut-être la commission des finances est-elle timide,
peut-être est-elle simplement raisonnable, mais en tout cas la majorité de ses
membres a estimé, après délibération, que les dispositions de l'article 14
représentaient déjà un bon acquis en termes d'accroissement de la liberté de
gestion et qu'aller plus loin reviendrait à s'exposer à un certain nombre de
reproches de la part des milieux économiques, au moment même où l'on prêche
pour une reprise de l'activité et où l'on escompte un taux de croissance de 2,5
%, qui ne pourra être atteint que grâce à de nombreuses décisions optimistes
des investisseurs et de ceux qui déterminent la conjoncture au sein des
différentes branches de l'économie.
Cela étant dit, l'amendement n° I-210 de M. Michel Mercier pousse la logique
jusqu'à son terme, puisqu'il tend à supprimer totalement l'encadrement des taux
et le mécanisme de liaison de ces derniers. C'est assurément la proposition la
plus claire qui ait été présentée sur cet article. Il conviendra sans doute de
mettre en oeuvre un jour cette mesure, mais peut-être dans une conjoncture «
psychologiquement » plus favorable.
Telle est l'analyse de la commission sur cet amendement, monsieur Mercier. Il
désigne l'objectif vers lequel il faut tendre, mais nous ne pensons pas que la
situation soit suffisamment favorable pour que l'on puisse mettre en place
cette mesure en 2003. Je ne peux vous en dire plus : ce n'est que notre
sentiment, peut-être est-il irrationnel, mais il a été partagé par la majorité
des membres de la commission des finances lorsque celle-ci a délibéré de votre
amendement.
L'amendement n° I-119 rectifié, présenté par M. François Trucy, ne concerne
pas la taxe professionnelle. Il prévoit une déliaison encadrée des taux de la
taxe d'habitation et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les
communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à taxe
professionnelle unique. La commission, sur cet amendement, s'en remet à l'avis
du Gouvernement.
L'amendement n° I-205 rectifié
bis,
qui a été exposé par notre collègue
Jean-Marie Vanlerenberghe, est une version...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Majorée !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... majorée, en effet, de l'article 14, même s'il
demeure néanmoins plus en retrait que l'amendement n° I-210 de M. Michel
Mercier dans toute sa pureté, si je puis dire. Il prévoit une déliaison des
taux, avec une mesure d'assouplissement supplémentaire du lien entre ceux-ci.
Je ne peux que renvoyer, à son propos, au commentaire général que j'ai
formulé.
Il en va de même pour l'amendement n° I-211.
Quant à l'amendement n° I-105 de notre collègue Yves Fréville, il tend à
autoriser une variation libre du taux de taxe professionnelle pour les
collectivités locales dont le taux de taxe professionnelle est faible,
c'est-à-dire inférieur au taux global moyen constaté l'année précédente au
niveau national. Le taux de taxe professionnelle, dans cette conception, ne
pourrait cependant augmenter de plus de 10 %.
Cette proposition est assurément intéressante si l'on cherche à mettre en
place un dispositif de nature à régler des problèmes particuliers sans assumer
complètement une déliaison globale. La commission a considéré qu'une telle
mesure pourrait sans doute permettre de faciliter les choses pour certaines
collectivités dont le taux de taxe professionnelle se trouve bloqué à un niveau
extrêmement faible. Le procédé peut se révéler tout à fait intéressant pour
régler certaines situations particulières. L'effet n'en serait pas aussi global
et important que celui qu'entraînerait l'application du dispositif présenté par
les amendements de M. Mercier, mais peut-être cette solution mérite-t-elle
d'être étudiée. Nous entendrons avec intérêt l'avis du Gouvernement sur
l'amendement n° I-105.
S'agissant de l'amendement n° I-174 du groupe CRC, la commission lui oppose un
avis tout à fait défavorable, car il vise à taxer les entreprises à raison de
leurs investissements, ce qui serait bien sûr antiéconomique.
M. Gérard Braun.
Bien sûr !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En ce qui concerne l'amendement n° I-106 de M.
Fréville, il a pour objet de permettre aux établissements publics de
coopération intercommunale à taxe professionnelle unique de compenser les
pertes de recettes découlant de la dernière étape de la suppression de la part
« salaires » de la taxe professionnelle. En effet, cette compensation est
établie à partir des bases de 1999, alors que la réalité économique a beaucoup
évolué depuis cette date.
Par conséquent, il est ici proposé, pour l'année 2003, qui marque la dernière
phase, comme on le sait, de suppression de la part « salaires » de la taxe
professionnelle, de permettre à ces EPCI d'ajuster librement leur taux de taxe
professionnelle, à condition que cela n'entraîne pas d'augmentation des
recettes tirées de cette dernière par rapport à l'année 2002. Cet amendement
met en évidence un véritable problème, qui touche de manière particulièrement
aiguë les communes disposant d'importantes recettes de taxe professionnelle,
problème que l'assouplissement prévu par l'article 14 ne permet pas de
résoudre. En effet, les dispositions de cet article ne pourraient s'appliquer,
en 2003, que pour les communes qui auraient relevé préventivement le montant de
la taxe d'habitation en 2002.
La commission sera donc particulièrement attentive à l'avis du Gouvernement
sur cet amendement de M. Yves Fréville.
L'amendement n° I-107 est de pure coordination avec le précédent.
Enfin, l'amendement n° I-206 rectifié
bis
de MM. Vanlerenberghe et
Mercier tend à assouplir les conditions de recours au dispositif de majoration
spéciale de la taxe professionnelle. Les départements, communes et EPCI à taxe
professionnelle unique peuvent majorer leur taux de taxe professionnelle à
hauteur de 5 %, au plus, de la moyenne constatée pour cette taxe, l'année
précédente, dans les collectivités de même nature. Il est pour cela
actuellement requis, en particulier, que le taux de la taxe professionnelle
soit inférieur à cette même moyenne. Nos collègues proposent d'assouplir cette
limitation en prévoyant que le taux de taxe professionnelle reste inférieur à
120 % de la moyenne constatée l'année précédente dans les collectivités de même
nature.
Le commentaire que je ferai à ce sujet sera bien sûr identique à celui que
j'ai formulé sur l'ensemble des dispositifs de déliaison des taux.
Telles sont donc les analyses de la commission. Nous sommes, dans l'immédiat,
très curieux de connaître l'avis du Gouvernement. Celui-ci, au regard de son
approche de la politique économique et des relations avec les entreprises en
2003, est-il prêt à aller un peu au-delà du dispositif de l'article 14 ? Des
éléments nouveaux sont-ils apparus depuis la préparation du projet de loi de
finances, monsieur le ministre, dans votre réflexion sur ces différents sujets
?
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement a fait le choix de soutenir l'économie
et l'emploi, et il compte précisément sur les entreprises pour être à la pointe
de ce combat. Il lui semble que la liberté est sans doute le meilleur vecteur
pour atteindre les objectifs qu'il a fixés : liberté de l'économie ; liberté
pour les entreprises, afin qu'elles puissent se développer et répondre à ce qui
est la préoccupation essentielle des Français aujourd'hui, à savoir l'emploi ;
liberté aussi pour les collectivités locales, dans le cadre de
l'approfondissement de la décentralisation qui est engagé et qui est l'une des
orientations principales arrêtées par le Gouvernement.
Je me tournerai tout d'abord vers Mme Beaudeau, pour lui dire qu'il est
paradoxal de voir les membres du groupe CRC se plaindre de la liberté qui est
offerte aux collectivités locales en matière de fixation des taux. C'est là une
surprise pour le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous trouvons que cette liberté est insuffisante !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Dans ce cas, les choses sont plus claires ! Le compte
rendu intégral de nos débats gardera la trace de votre déclaration !
Quoi qu'il en soit, madame Beaudeau, il n'y a aucun machiavélisme de la part
du Gouvernement. Ce serait, en somme, lui prêter des qualités qu'il n'a pas !
Le Gouvernement est sincère, et il n'entend pas, par le biais de la liberté
offerte en matière de fixation des taux, faire accepter des transferts de
charges non compensés en laissant aux collectivités le soin de relever les
taux. Tel n'est pas son objectif, et je réponds par là même à la préoccupation
exprimée tout à l'heure par M. Mercier.
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une telle approche
est absolument à l'opposé des intentions du Gouvernement.
(Applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il ne s'agit
en aucune façon de donner aux collectivités locales une liberté qui les
amènerait à assurer la compensation de charges dont l'Etat souhaiterait se
délester de manière rampante.
M. Jean-François Le Grand.
Subrepticement !
M. Jacques Legendre.
Cela va mieux en le disant !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Il faut que toute ambiguïté soit levée à cet égard.
M. Jean-François Le Grand.
Très bien ! C'est parfait !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Par ailleurs, M. Mercier, qui devient la référence sur
ce sujet, puisqu'il en traitera au nom de la commission des finances lors de
l'examen de la deuxième partie du projet de budget, a insisté sur la nécessité
d'établir une relation de confiance entre l'Etat et les collectivités
locales.
La conviction profonde du Gouvernement est que l'on ne peut affirmer que les
collectivités locales sont mieux placées que l'Etat pour assumer un certain
nombre de missions publiques, parce qu'elles sont plus proches de nos
concitoyens et qu'elles leur rendent un meilleur service, avec un rapport «
coût sur efficacité » plus favorable, en raison même de cette proximité, tout
en les tenant pour incapables de fixer de manière responsable le taux des
impôts qu'elles lèvent. Le Gouvernement refuse de s'inscrire dans une telle
démarche.
J'ai sur ce sujet des convictions personnelles très fortes. Il y a des
logiques contre lesquelles il ne faut pas aller. La réforme constitutionnelle a
pour objet de transférer aux collectivités territoriales des responsabilités
nouvelles, ou de leur proposer d'en accepter, ainsi que de leur conférer de
véritables ressources, dont elles auront la maîtrise et qu'elles devront lever.
Elles devront donc pleinement assumer leurs responsabilités devant les
Français. Si les mécanismes qui régissent l'exercice des responsabilités
territoriales sont tellement complexes que cela amène le dépôt de très nombreux
amendements, au point que l'on ne s'y retrouve plus, il ne s'agit pas d'une
vraie liberté.
Cela étant, on ne peut peut-être pas, et je vais sans doute décevoir M.
Mercier en disant ceci, passer d'un système totalement administré et régi par
la loi à un système de complète liberté.
En effet, le régime totalement administré et « verrouillé » qui a prévalu
jusqu'à présent a empêché les ajustements de s'opérer au long des années. Par
conséquent, la tentation des collectivités territoriales bénéficiant d'une
liberté toute neuve sera de procéder à ces ajustements en l'espace d'une seule
année, de manière brutale. Le risque sera alors que le cumul de ces ajustements
ne provoque un emballement fiscal. En tout cas, telle est la crainte exprimée
par les entreprises, sur laquelle M. le rapporteur général a voulu attirer
l'attention du Sénat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Compte tenu de la conjoncture, monsieur le ministre
!
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
La conjoncture est un facteur supplémentaire, en
effet.
Je conclurai cette sorte de propos introductif en revenant sur l'invitation à
l'audace de M. Mercier. Je lui répondrai qu'il en fallait un peu pour
introduire la déliaison dans ce projet de loi de finances, puisque, depuis
vingt-deux ans, nous nous étions interdit d'évoquer l'idée de liberté.
MM. Gérard Cornu et Francis Giraud.
C'est vrai !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Au bout de vingt-deux ans, nous ouvrons la porte qui
donne sur la liberté, la question étant de savoir si nous l'ouvrons
complètement ou partiellement. Le Gouvernement propose une ouverture partielle,
afin que la transition se fasse dans des conditions raisonnables.
Ma présentation du point de vue du Gouvernement aura été un peu longue, mais
il me paraissait nécessaire d'éviter toute ambiguïté. J'en viens maintenant aux
amendements.
Les amendements de M. Mercier présentent une gradation. Le service de la
séance ayant le génie de les classer par ordre de portée décroissante, le
premier d'entre eux prévoit d'octroyer une liberté totale.
J'indiquerai, à la suite de M. le rapporteur général, qu'il serait peut-être
trop audacieux, pour le coup, de passer d'un régime totalement organisé par la
loi à un régime de complète liberté, eu égard au risque, que j'ai évoqué à
l'instant, de voir certaines collectivités locales procéder à des corrections
brutales et immédiates.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° I-210. Je regrette de
devoir m'exprimer en ce sens, parce que je sais que M. Mercier est de ceux qui
appellent les collectivités territoriales à la sagesse fiscale.
M. Mercier m'a d'ailleurs fait observer, à l'occasion d'une discussion
informelle, que les élus locaux que nous sommes, pour nombre d'entre nous,
s'épuisent à proposer des exonérations de taxe professionnelle aux entreprises
qu'ils veulent accueillir sur le territoire de leurs collectivités.
(Tout à
fait ! sur les travées du RPR.)
Les entreprises ne les refusent pas, en
tout cas dans mon département. Alors que, comme je viens de le dire, nous nous
épuisons à procéder à des exonérations de taxe professionnelle, pour cinq
années dans certains cas, il est assez extraordinaire que nous en venions
corrélativement à craindre une majoration disproportionnée des taux. Cela
révèle une forme de contradiction, voire de schizophrénie.
L'amendement n° I-119 rectifié est d'une autre essence car il vise à faciliter
le passage au régime de la taxe professionnelle unique. Ceux qui s'y sont
essayés ont pu mesurer que, parfois, ce passage était quasiment impossible du
fait de la complexité des règles qui régissent la matière. L'amendement
présenté par M. Trucy tend à lever ces difficultés, mais je crains que sa
rédaction ne soit trop large. Cela me conduit, à ce stade du débat, à demander
le retrait de cet amendement. A défaut, je demanderais au Sénat de le rejeter.
Cela étant dit, je suis prêt à écouter M. Trucy s'il souhaite m'apporter des
précisions supplémentaires.
J'en viens à l'amendement n° I-205 rectifié
bis
, qui est en quelque
sorte l'amendement Mercier dans une version atténuée et qui a été présenté par
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En dépit de l'effort de réduction de la limite
d'augmentation, nous sommes au-delà de ce qui a constitué l'équilibre dans la
rédaction initiale du Gouvernement. Aussi, je demande à M. Vanlerenberghe de
bien vouloir retirer cet amendement, sinon le Gouvernement émettra un avis
défavorable.
S'agissant de l'amendement n° I-211, je ferai la même réponse.
En ce qui concerne l'amendement n° I-105, j'ai compris, après que M. le
rapporteur général l'a dit, que cet amendement vise à régler non pas tous les
problèmes, mais des situations tout à fait particulières. Aussi, je m'en
remettrai à la sagesse du Sénat.
Par ailleurs, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° I-174.
L'amendement n° I-106 a pour objet, lui aussi, de résoudre des problèmes
spécifiques et il n'emporte pas une orientation générale s'agissant du
dispositif que nous examinons. Aussi je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Quant à l'amendement n° I-107, c'est un amendement de conséquence. Donc, je
recommanderai au Sénat d'avoir une attitude identique sur les amendements n°s
I-106 et I-107.
S'agissant de l'amendement n° I-206 rectifié
bis
, je demande à M.
Jean-Marie Vanlerenberghe de bien vouloir le retirer. A défaut, je demanderai
au Sénat de le rejeter.
Monsieur le président, j'ai été long, ce qui montre que je suis embarrassé. En
effet, je souhaiterais concilier deux objectifs. Le premier consiste à marquer
la confiance du Gouvernement à l'endroit des collectivités territoriales.
(M. Thierry Foucaud sourit.)
Ne souriez pas, monsieur Foucaud, c'est
très important. Nous ne pourrons réussir la décentralisation sans confiance
entre les collectivités territoriales et l'Etat. Le second objectif consiste à
ne pas nous engager dans un relèvement de nos prélèvements obligatoires.
Nous devons donc concilier ces deux objectifs. C'est ce qui a conduit le
Gouvernement à procéder en deux étapes. Il s'agit, dans un premier temps,
d'étudier en détail la situation. Il s'agit, dans un second temps, de passer à
la liberté complète pour les collectivités locales.
Voilà, à ce point de la discussion, ce que je voulais vous dire, mesdames,
messieurs les sénateurs. Il faudrait que vous reteniez que la porte de la
liberté a été entrouverte. C'est déjà un premier combat réussi pour la liberté
des gestionnaires locaux.
M. Philippe Marini,
rapporteur général,
et M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission émet un avis défavorable sur les
amendements n°s I-210, I-119 rectifié, I-205 rectifié
bis
et I-211.
S'agissant de l'amendement n° I-105, elle émet un avis de sagesse positive.
Par ailleurs, elle est défavorable à l'amendement n° I-174.
S'agissant de l'amendement n° I-106, elle émet un avis de sagesse, avec une
nuance positive. Elle émet le même avis sur l'amendement n° I-107, puisqu'il
s'agit d'un amendement de coordination.
Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-206
rectifié
bis
.
M. le président.
Monsieur Michel Mercier, l'amendement n° I-210 est-il maintenu ?
M. Michel Mercier.
M. le ministre et M. le rapporteur général viennent, de façon excellente et
d'une manière particulièrement brillante, de me rappeler qu'il ne sert à rien
d'avoir raison trop tôt. C'est une vieille règle !
Avant de vous faire part de ma décision, monsieur le président, je souhaite
m'adresser à M. le rapporteur général. J'ai toujours compris, monsieur Marini,
que, par philosophie, vous étiez, à l'instar de M. le ministre, opposé au
régime de l'administration des prix.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Certes !
M. Michel Mercier.
Pour ma part, je pense que seule la liberté responsabilise. Ouvrir la liberté
jusqu'à une fois et demie signifie que l'on peut aller à une fois et demie. Si
vous laissez les gens libres, ils n'iront peut-être pas jusque-là ! En
l'occurrence, vous donnez une indication forte en précisant que l'on peut aller
sans problème jusqu'à une fois et demie sans gêner les entreprises. C'est votre
choix.
Je pense, au contraire, que la liberté est responsabilisante, que fixer des
règles administratives est déresponsabilisant et conduit la collectivité
locale, comme l'entreprise, à atteindre le prix limite autorisé. Je suis
libéral. Je considère que la liberté permet à chacun de trouver ses propres
limites. Je conçois la cohérence de votre proposition, puisque vous émettez un
avis défavorable sur tous nos amendements.
Monsieur le ministre, j'appartiens à un groupe, l'Union centriste, qui se veut
l'allié le plus loyal du Gouvernement.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Très bien !
M. Michel Mercier.
Je ne voudrais pas que l'on puisse penser, de quelque façon que ce soit, que
nous voulons gêner l'action que l'Etat veut mener pour maintenir l'emploi et
réduire le chômage. L'idée selon laquelle les collectivités locales
augmenteraient les impôts des entreprises est une idée archaïque. Aujourd'hui,
elles ont trop envie d'avoir des emplois sur leur territoire pour augmenter
l'impôt uniquement afin d'avoir des ressources.
Ma loyauté politique à l'égard du Gouvernement me conduit tout naturellement à
retirer mon amendement.
(Applaudissements sur plusieurs travées de l'Union
centriste et du RPR.)
M. le président.
L'amendement n° I-210 est retiré.
Monsieur Vanlerenberghe, l'amendement n° I-205 rectifié
bis
est-il
maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Un peu plus d'audace n'aurait desservi ni les entreprises ni les collectivités
locales. Une légère augmentation de la taxe professionnelle - et on peut faire
confiance aux responsables des collectivités pour en mesurer les effets car ils
sont les mieux placés pour ce faire - peut avoir un formidable effet de levier.
Je constate dans mon département que l'effet de levier représente cinq à six
fois l'investissement. Aussi, une faible augmentation de la taxe
professionnelle peut conduire à des investissements considérables dans les cinq
ans à venir. Or, nous le savons bien, c'est d'un manque d'investissement dont
la France est malade. Il faut de l'investissement pour relancer l'économie et
développer l'emploi.
Je ne comprends donc pas cette prudence, même si je mesure le premier pas
accompli et note que, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, la porte est
entrouverte. Je souhaiterais que vous nous disiez, si c'est possible, quand la
porte s'ouvrira complètement sur la déliaison totale. Vous avez fait une
promesse. Il serait peut-être bon de nous donner un rendez-vous pour que nous
puissions savoir quand elle sera appliquée.
Cela étant dit, pour reprendre ce qu'a dit notre ami Michel Mercier tout à
l'heure, j'apporte un soutien fidèle au Gouvernement et, tout en souhaitant que
ce que je viens de dire soit entendu, je retire, par loyauté envers lui, cet
amendement.
MM. Gérard Braun et Jacques Legendre.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° I-205 rectifié
bis
est retiré.
Monsieur Trucy, l'amendement n° I-119 rectifié est-il maintenu ?
M. François Trucy.
J'ai entendu, de la part de M. le ministre et de M. le rapporteur général,
deux choses : d'abord, qu'il ne fallait pas avoir raison trop tôt ; ensuite,
qu'un amendement ne devait pas être trop large. Aussi, je retire cet
amendement.
(M. Joël Bourdin applaudit.)
M. le président.
L'amendement n° I-119 rectifié est retiré.
Monsieur Michel Mercier, l'amendement n° I-211 est-il maintenu ?
M. Michel Mercier.
Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-211 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-105.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement
n° I-174.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le ministre, si je souriais tout à l'heure, c'était non pas pour me
moquer, car je vous respecte, mais simplement pour marquer mon désaccord.
Cela étant dit, compte tenu de ce que nous venons d'entendre, j'ai envie de
dire : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » Depuis le début du débat, en effet,
les amendements, notamment ceux que présente la majorité sénatoriale, sont tous
retirés. Tout à l'heure, j'entendais parler de liberté. On peut s'interroger à
cet égard.
Pour sa part, le groupe communiste républicain et citoyen pose tous les ans la
question de la déliaison des taux. Si j'ai bien suivi, dans la discussion que
nous avons eue sur les collectivités locales, il a été question de l'enjeu de
la décentralisation que sont la démocratie et l'amélioration des services
publics. Or si l'on veut améliorer les services publics, il faut quelques
moyens. Et si l'on veut quelques moyens, je crois qu'il faut - à l'instar de la
majorité ici présente, mais elle ne votera pas en ce sens, étant donné cette «
liberté » limitée - des moyens supplémentaires, et pour cela la déliaison
s'impose.
Je constate que, depuis le début de nos travaux, lorsque nous posons des
questions, la réponse est toujours la même : il ne faut pas toucher à l'ISF ;
il ne faut pas non plus toucher à la baisse de l'impôt sur le revenu pour les
tranches les plus élevées du barème ; il ne faut pas toucher à la réduction
d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. Or il faudrait accorder aux
collectivités des moyens supplémentaires pour assurer la gestion des
crèches.
Je crois que le fond - je le répète -, c'est une idée de classe, c'est la
protection des possédants. En ce sens, la politique qui nous est présentée est
totalement libérale, notamment à l'égard des collectivités locales.
S'agissant de la loi sur les EPCI, rappelez-vous quelle avait été la position
de notre groupe. Nous avions dit : qu'en sera-t-il du financement dans les
années 2002, 2003 et 2004 ? Or nous nous trouvons aujourd'hui devant cette
situation. Monsieur le rapporteur général, il faut aussi écouter les
propositions que font les uns et les autres en ce qui concerne les moyens de
fonctionnement de nos collectivités aujourd'hui.
La question de la déliaison des taux est fondamentale. Ainsi, lorsque ma
commune n'était pas soumise au régime de la TPU, elle touchait 550 000 francs
quand elle levait 1 % d'impôt. Aujourd'hui, alors qu'elle est soumise à ce
régime, elle perçoit 220 000 francs lorsqu'elle lève 1 % d'impôt. Mais d'où
proviennent ces 220 000 francs ? Ce sont 220 000 francs d'impôts sur les
ménages !
M. Gérard Delfau.
Bien sûr !
M. Thierry Foucaud.
Les communes ne peuvent plus toucher à la taxe professionnelle. Or l'impôt qui
a le plus baissé en France au cours des dernières années, c'est bien la taxe
professionnelle. Si nous continuons ainsi, seuls les ménages paieront la note.
Voilà le problème tel qu'il faut l'exposer.
Il convient de revenir sur les déviances comme celle que je citais tout à
l'heure dans mon intervention sur les collectivités locales et qui a consisté,
dans le cadre du pacte de stabilité, à faire 13 milliards d'économies sur les
collectivités locales. Aujourd'hui, les collectivités ne veulent pas de cette
politique-là. Majoritairement, dans cette assemblée, sur les travées de la
gauche comme sur celles de la droite, nous n'en voulons pas non plus. Nous
souhaitons pouvoir agir librement, délier nos taux et taxer les entreprises qui
sont implantées sur le territoire de nos collectivités.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-174.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-106.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-107.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Monsieur Vanlerenberghe, l'amendement n° I-206 rectifié
bis
est-il
maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-206 rectifié
bis
est retiré.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Tout à l'heure, M. Jean-Marie Vanlerenberghe m'a posé
une question. Aussi, je lui dois une réponse. En octobre prochain, monsieur le
sénateur, je vous proposerai, comme le texte le prévoit, le rapport qui vous
décrira les évolutions de la taxe professionnelle sur l'ensemble des
collectivités territoriales. Le prochain projet de loi de finances sera
l'occasion d'examiner ce rapport et, pour le Parlement, d'en tirer toutes les
conséquences, y compris d'aller plus loin s'agissant de l'ouverture de la
porte, si le rapport en question le permet.
M. le président.
La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote sur l'article.
M. Philippe Adnot.
Je voudrais apporter mon soutien à M. le ministre.
La déliaison des taux est absolument indispensable. Il existe en effet des
situations tellement sclérosées que le seul moyen de s'en sortir est de
repasser par le taux zéro. Il est évident que, dans certaines collectivités,
c'est tout à fait impossible, de sorte que l'on reste dans des situations
figées qui sont intenables.
Au demeurant, il est clair que la déliaison des taux ne peut se concevoir que
si l'on prévoit un encadrement de la liberté.
Si les gouvernements précédents ont été obligés de baisser la taxe
professionnelle, c'est parce qu'un certain nombre de collectivités,
philosophiquement et idéologiquement, avaient chargé la barque à tel point que,
dans certains cas, le taux de la taxe professionnelle dépassait les 30 %.
La situation était devenue telle qu'il a fallu transférer sur le contribuable
national ce que les excès de certaines collectivités avaient engendré au niveau
local. Voilà la vérité.
On pourrait d'ailleurs dessiner la carte politique des collectivités qui, par
idéologie, avaient tellement chargé la barque contre les entreprises qu'il a
fallu rectifier le tir.
(Protestations sur les travées du groupe
CRC.)
Cela étant, une chose est claire : si demain on doit donner de la liberté, il
faut que ce soit dans un cadre. On ne peut pas jouer s'il n'y a pas de règles
du jeu. On ne peut pas demander la liberté sans s'assurer que ceux qui sont
très riches n'auront pas un minimum d'impôt à payer. Qu'est-ce que cela veut
dire la liberté totale ? Que ceux qui sont très riches ne lèvent pas l'impôt,
touchent quand même des dotations d'Etat - c'est la situation actuelle - et
font du dumping fiscal. Et ceux qui ne peuvent pas faire autrement sont obligés
de fixer des impôts extrêmement élevés.
Je suis donc pour la déliaison des taux, mais dans un cadre fixant un minimum
et un maximum à payer, entre lesquels joue la liberté. Dans ces conditions, on
peut respecter tout le monde.
Je soutiens donc la position de M. le ministre, qui est courageuse, et
j'espère qu'on va aller dans la direction que j'ai tracée.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf.
Je me sentais un peu frustré, parce que j'aurais souhaité intervenir contre
les amendements de nos collègues MM. Vanlerenberghe et Mercier ; or ils les ont
retirés, je ne pouvais donc plus prendre la parole. Je souhaitais en effet
faire entendre, moi aussi, une musique un peu différente en me fondant sur mon
expérience d'élu d'un département frontalier.
Dans ce département frontalier, les fiscalités et les taxes pesant sur les
entreprises sont beaucoup plus lourdes qu'elles ne le sont de l'autre côté de
la frontière. Nous sommes donc confrontés à des risques de délocalisation
d'entreprises ou à l'implantation d'entreprises sur le territoire du pays ami
voisin mais néanmoins concurrent. En outre, dans la mesure où le département du
Nord est confronté, comme les autres départements, je le sais bien,...
M. Gérard Braun.
Aux 35 heures !
M. Jean-René Lecerf.
... au problème de l'APA, dans des conditions aggravées par le coefficient
multiplicateur de sa population de 2,5 millions d'habitants, je vois bien que,
s'il y avait une déliaison totale des taux en 2003, à une année du
renouvellement par moitié des conseils généraux, le conseil général déciderait
une augmentation pure et simple de la seule taxe professionnelle, ce qui serait
pénalisant pour l'emploi.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On peut en effet considérer la question !
M. Jean-René Lecerf.
C'est la raison pour laquelle je félicite le Gouvernement de n'être pas allé
au-delà de ce premier effort qui nous montre la voie. Je pense qu'il faut
sérieusement baliser le reste du chemin.
M. le président.
Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 14