SEANCE DU 26 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 21. - I. - Le montant de la contribution sociale de solidarité à la
charge des sociétés mentionnée à l'article L. 651-1 du code de la sécurité
sociale, affecté au régime d'assurance vieillesse des professions mentionnées
au 4° de l'article L. 621-3 du même code, est fixé à 650 millions d'euros en
2003.
« II. - Il est institué, pour 2003, au profit du budget annexe des prestations
sociales agricoles, un prélèvement de 31 millions d'euros, selon les modalités
suivantes :
« - 3 millions d'euros sur les allocations de gestion versées aux caisses de
mutualité sociale agricole en vertu de l'article L. 723-11 du code rural,
répartis au prorata du montant de l'assiette des cotisations mentionnées à
l'article L. 731-10 du même code émises au titre de l'année 2002 ;
« - 28 millions d'euros sur les réserves et reports à nouveau des caisses de
mutualité sociale agricole, au prorata de ces réserves et reports à nouveau
disponibles inscrits à leurs comptes financiers au 31 décembre 2002.
« Le recouvrement de ce prélèvement est assuré par la Caisse centrale de la
mutualité sociale agricole, par compensation sur les financements qu'elle
alloue aux caisses de mutualité sociale agricole. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-73 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Demerliat,
Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe
socialiste.
L'amendement n° I-187 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le II de cet article. »
La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, pour présenter l'amendement n°
I-73.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Cet amendement vise à supprimer un nouveau prélèvement sur les caisses de la
Mutualité sociale et agricole.
En effet, outre que ce type de prélèvement autoritaire devient une habitude
dont il conviendrait de se passer, je me permettrai de souligner que la
véritable ponction opérée sur la sécurité sociale agricole pour équilibrer le
BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, constitue une
injustice, et ce à quatre titres.
Injustice, parce que ce nouveau prélèvement ponctionne les caisses qui ont des
réserves. Or, si elles ont des réserves, c'est parce qu'elles sont bien gérées.
Récompensés de leur rigueur de gestion de cette drôle de façon, leurs
gestionnaires seront déresponsabilisés.
Injustice, parce que les caisses moins bien gérées échapperont, elles, en
grande partie à cette ponction.
Injustice, parce que les caisses situées dans les zones défavorisées sont,
elles aussi, touchées.
Injustice, enfin, parce que le prélèvement dont nous discutons dans ce projet
de loi de finances semble devoir se pérenniser. Il ne répondrait donc pas à une
demande urgente et, surtout, conjoncturelle.
C'est pourquoi le groupe socialiste vous demande, mes chers collègues, de
voter cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-187.
M. Thierry Foucaud.
L'article 21, à l'image de maintes dispositions discutées ces dernières années
et cet été encore lors de l'examen du collectif budgétaire, institue un
prélèvement plus ou moins autoritaire sur des fonds dont la vocation première
n'est pas de participer à la réduction du déficit de l'Etat.
La première partie de cet article n'est pas nécessairement tout à fait
scandaleuse puisqu'il ne nous semble pas anormal que la C 3 S participe à une
forme de compensation interrégimes avec le régime agricole.
En revanche, la seconde partie est beaucoup plus discutable. Elle intervient
alors que les caisses de la Mutualité sociale agricole ont déjà été mises à
contribution dans le collectif budgétaire de l'été dernier puisque l'article 2
prévoyait un prélèvement de 161 millions d'euros sur les fonds concernés.
En six mois, ce seront donc près de 200 millions d'euros qui auront été
distraits de manière autoritaire des caisses de la MSA, ce qui, évidemment,
amène à s'interroger sur le sens que l'on peut donner à la liberté de gestion
de la sécurité sociale agricole.
Une telle orientation a-t-elle une raison d'être ?
Oui ! Dans un premier temps, elle permet à l'Etat de se désengager de ses
obligations quant à l'équilibre du BAPSA. Rappelons d'ailleurs que la dotation
du budget annexe au titre de l'année 2003 est en recul par rapport à celle de
l'exercice 2002.
Pis, on constate que la mise en place du système de protection sociale
complémentaire obligatoire des agriculteurs se situe, pour ce qui concerne les
engagements de l'Etat, non dans le budget de l'agriculture, mais dans celui des
charges communes.
En clair, la participation de l'Etat à l'effort de solidarité entre les
agriculteurs n'est pas gagée. Elle est donc susceptible de faire l'objet d'un
ajustement à la baisse.
En toute clarté, il conviendrait donc que le paragraphe II de l'article 21
soit supprimé, matérialisant le retour naturel des financements correspondants
dans le cadre des concours budgétaires normaux de l'Etat, offrant par là même
un signe de solidarité avec les agriculteurs de notre pays et les salariés des
exploitations agricoles.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter
cet amendement n° 187.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission n'est pas très enthousiaste, car la
suppression du prélèvement de 31 millions d'euros au profit du BAPSA institué
par le présent projet de loi de finances ne lui semble pas opportune, et ce
pour deux raisons essentielles.
D'une part, le montant de ce prélèvement a été décidé en accord avec les
représentants des caisses de la Mutualité sociale agricole.
MM. Jean-Pierre Godefroyet Jean-Pierre Demerliat.
Ce n'est pas ce qu'ils disent !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
D'autre part, une telle suppression aggraverait la
situation financière du BAPSA.
Si vous le privez de ces 31 millions d'euros de ressources en provenance de la
MSA, il faut nous dire sur quelle ligne les retrouver !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il faut faire payer les riches !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
D'après ce qui m'a été dit, ce sont les représentants
des caisses de la MSA qui ont accepté,...
M. Gérard César.
Contraints et forcés !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... peut-être en faisant contre mauvaise fortune bon
coeur, ce prélèvement supplémentaire, afin notamment d'assurer le financement
du nouveau régime de retraite complémentaire obligatoire des agriculteurs.
Cette avancée sociale a bel et bien été mise en perspective, et il faut donc
être objectif dans cette affaire, qui, nous le savons, est très délicate.
Nous avons évoqué ce sujet, vous vous en souvenez fort bien, monsieur le
ministre, lors de la discussion du dernier projet de loi de finances
rectificative. La situation dans laquelle vous aviez trouvé les finances
publiques et les délais très brefs dans lesquels vous aviez dû préparer le
projet de loi de finances rectificatives ne vous avaient peut-être pas permis,
à l'époque, de prendre tout le temps nécessaire pour organiser les
concertations et les consultations avec ce milieu que nous connaissons bien.
Mais, depuis lors, de nombreux contacts ont eu lieu et chacun a désormais
conscience des difficultés structurelles et financières auxquelles est
confronté le BAPSA, en même temps que du fait qu'une retraite complémentaire
obligatoire des agriculteurs est mise en place, ce qui explique les conditions
dans lesquelles les caisses de la Mutualité sociale agricole sont appelées à y
contribuer.
L'équilibre, comme le sujet, est délicat, nous le constatons dans nos
départements, mais, en toute conscience, monsieur le ministre, la commission
estime que vous avez fait de votre mieux : vous vous êtes efforcé d'écouter les
uns et les autres, et le dispositif auquel vous êtes parvenu est, dans
l'ensemble, équilibré.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s
I-73 et I-187.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je rappelle que l'enjeu est le financement de la
protection sociale des agriculteurs, ce que je n'ai pas entendu lors de la
défense des amendements, puisque le prélèvement était présenté comme un
prélèvement sans destination. Eh bien, sa destination est claire : c'est la
protection sociale des agriculteurs.
Si les auteurs des amendements ont quelque chose contre la protection sociale
des agriculteurs qu'ils le disent ; s'ils n'ont rien contre, qu'ils disent qui
doit payer !
Sont-ce les contribuables français ? J'indique que pour les contribuables
français la facture s'élèverait à 523 millions d'euros, à comparer aux 31
millions d'euros du prélèvement dont les amendements prévoient la
suppression... Et encore, ce chiffre de 523 millions n'intégre pas le montant
considérable des impôts affectés au BAPSA.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut savoir raison garder. Le maintien à
un bon niveau de la protection sociale des agriculteurs justifie leur
participation. Si ce n'est pas votre avis, il faut le dire !
Lors de la préparation du collectif, j'ai trouvé une situation de
non-financement du budget annexe des prestations sociales agricoles qui
dépassait franchement le soutenable, et nous nous efforçons maintenant
d'équilibrer ce budget de manière responsable et durable.
La contribution qui est demandée aux caisses n'a pas été décidée
autoritairement, mais a été négociée avec elles. Ces caisses sont parfaitement
conscientes du fait que les moyens dont elles disposent pour vivre et
travailler proviennent des cotisations des agriculteurs. Ce ne sont donc pas
des organismes qui génèrent leurs propres ressources. Il s'agit d'opérer un
prélèvement qui est tout à fait supportable pour eux, destiné à financer la
protection sociale des agriculteurs.
Dans ces conditions, mesdames, messieurs les sénateurs, je demande aux auteurs
des amendements de bien vouloir les retirer. A défaut, je crois que le Sénat
n'aura pas de scrupule à les rejeter. Je suis à l'entière disposition de ceux
d'entre vous qui éprouveraient quelque curiosité à l'égard du financement de la
protection sociale des agriculteurs et souhaiteraient obtenir des explications
complémentaires. Ils verront qu'il faut faire un choix très clair entre une
augmentation des prélèvements supportés par les contribuables et l'utilisation
des réserves existantes, qui sont issues, je le répète, des cotisations des
agriculteurs.
Si les deux amendements n'étaient pas retirés, j'émettrais un avis
défavorable. Je le dis franchement, sans aucun complexe, en tant qu'ancien
sénateur représentant d'un département rural.
M. le président.
Monsieur Miquel, l'amendement n° I-73 est-il maintenu ?
M. Gérard Miquel.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-187 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
Il est maintenu, monsieur le président.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-73 et I-187.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22