SEANCE DU 26 NOVEMBRE 2002
M. le président.
L'amendement n° I-40, présenté par MM. Ostermann, Besse, Bizet, de Broissia,
César, Eckenspieller, Fournier, Leroy, Murat, de Richemont, Rispat et Vasselle,
est ainsi libellé :
« Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 2° du I de l'article 403 du code général des impôts, il est
inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Dans le cadre de la politique d'aménagement de l'espace rural et pour
soutenir et valoriser les vergers familiaux, la production d'alcool de fruits,
par des particuliers propriétaires de ces vergers, est exonérée de toute taxe,
dans la limite de cinq litres d'alcool pur. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Je défends là un amendement emblématique, n'étant pas persuadé qu'il trouve sa
place dans la deuxième partie du projet de loi de finances.
Trop souvent, la défense des bouilleurs de cru est assimilée à un
encouragement à l'excès de consommation d'alcool. Je le regrette car la réalité
est totalement différente. Les whisky, vodka, gin ou autres boissons fortement
alcoolisées sont vendus librement dans les commerces, ce qui paraît normal.
Néanmoins, les alcools se trouvent à la disposition de notre jeunesse sans
aucune contrainte et sans la moindre restriction. Nous connaissons les effets
de la consommation d'alcools forts associée éventuellement à un peu de
drogue.
Les bouilleurs de cru, à la différence de certains producteurs de boissons
fortement alcoolisées, sont par essence les jardiniers de l'espace. En effet,
dans nos zones rurales, l'arboriculture joue un rôle essentiel et contribue à
maintenir l'espace ouvert et entretenu :
Avant de distiller, l'arboriculteur se doit d'entretenir les vergers et les
arbres, de récolter ou ramasser les fruits.
L'adoption par le Sénat du présent amendement constituerait un encouragement
certain pour nos arboriculteurs, un signal fort pour les engager à entretenir
leurs vergers avec encore plus d'enthousiasme, présentant ainsi à nos touristes
et à nos concitoyens une nature impeccable.
La possibilité de distiller une partie de leur production en franchise de
droits, ou avec des droits minorés - à cet égard, je suis prêt à me rallier, à
une petite différence près, au dispositif adopté par l'Assemblée nationale -,
permettrait à nos arboriculteurs de faire goûter à leurs visiteurs un produit
de qualité. Incontestablement, les touristes visitant l'Alsace qui ont eu la
joie de goûter un bon kirsch, une bonne poire Williams, une framboise d'Alsace
ou encore un marc de Gewurztraminer, distillés avec soin et amour par
l'arboriculteur, conservent de ce moment un inoubliable souvenir.
Tel est l'objet du présent amendement.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Gérard Longuet.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
A de nombreuses reprises, le Sénat a
marqué l'intérêt qu'il porte aux petits producteurs locaux et aux propriétaires
de vergers familiaux. Il est tout à fait clair qu'une vision abstraite,
parisienne, voire punitive de ces sujets est complètement en dehors de la
réalité. Ceux qui se battent pour la décentralisation ne peuvent pas ne pas se
battre aussi pour ces petits producteurs.
La préoccupation de M. Ostermann rencontre nécessairement un écho très
favorable dans cette assemblée qui a déjà, je le rappelle, voté à plusieurs
reprises des amendements identiques. Cette année, j'ai le sentiment que M.
Ostermann sera entendu, et même qu'il l'a déjà été, mais M. le ministre nous le
confirmera, puisque l'amendement n° I-40 paraît satisfait par l'article 59
sexies
que nous examinerons en seconde partie du projet de loi de
finances. Toutefois, avant de lui conseiller le retrait de son amendement, je
demande au Gouvernement confirmation de cette satisfaction.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Je pense en effet
que la préoccupation exprimée par M. Ostermann a été satisfaite par le
dispositif équilibré qui a été adopté par l'Assemblée nationale et qui permet à
la fois d'organiser, à échéance de cinq ans, la suppression définitive de
l'allocation en franchise des droits de bouilleurs de cru et de traiter tous
les récoltants sur un pied d'égalité, en leur accordant un taux du droit de
consommation réduit de moitié sur les dix premiers litres d'alcool pur.
Ce dispositif vous sera soumis, monsieur le sénateur, lors de l'examen de la
deuxième partie du projet de loi de finances. Vous pourrez alors confirmer
votre préoccupation et la voir traduite définitivement dans la loi.
M. le président.
M. Ostermann, l'amendement n° I-40 est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Compte tenu de l'information qui vient de m'être donnée, je ne peux que
retirer cet amendement aujourd'hui pour le présenter à nouveau lors de l'examen
de la deuxième partie du projet de loi de finances.
M. le président.
L'amendement n° I-40 est retiré.
L'amendement n° I-21 rectifié, présenté par MM. Bailly, P. André, Bizet,
Braye, César, Cornu, Doublet, Dubrule, Emin, Emorine, Fournier, Gérard, Ginésy,
Gruillot, Guené, Joly, Leclerc, Leroy, Natali, Ostermann, Oudin, Revol, de
Richemont, Rispat, Schosteck, Vasselle et Vial, est ainsi libellé :
« Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 3332-14 du code de la santé publique est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Par dérogation au précédent paragraphe, lorsqu'il n'existe pas de repreneur
pour la dernière licence de débit de boissons de quatrième catégorie d'une
commune, et que la municipalité n'a pas manifesté le souhait d'acquérir cette
licence, elle peut être transférée dans une commune membre du même
établissement public de coopération intercommunale, ou faute d'un établissement
public de coopération intercommunale, dans une commune située dans le même
canton ou dans un canton limitrophe. »
La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené.
A l'heure actuelle, en application des dispositions de l'article L. 3332-14 du
code de la santé publique, un débit de boissons de quatrième catégorie ne peut
être transféré lorsqu'il est le dernier sur le territoire d'une commune.
Sans revenir sur l'opportunité générale de cette mesure, qui permet d'endiguer
les risques d'appauvrissement des communes en zone rurale, il semble néanmoins
nécessaire d'apporter une dérogation. Ainsi, doit être permis le transfert d'un
débit de boissons hors de la commune, mais au sein d'un même espace
intercommunal. Non seulement cette dérogation donne plus de sens à la volonté
générale de renforcer le rôle de la structure intercommunale, mais elle
permettra également de mettre fin aux effets pervers de la règle actuelle qui
est trop stricte.
En l'absence d'une telle structure, le périmètre de transfert doit être élargi
au canton, voire à un canton limitrophe. En effet, de nombreuses communes
rurales ne s'inscrivant pas dans un établissement public de coopération
intercommunale, un EPCI, ou dans une zone de développement touristique, il est
souhaitable de ne pas les exclure de la possibilité d'acquérir une licence de
quatrième catégorie, afin d'assurer aux zones rurales menacées de
désertification la continuité d'une activité souvent complémentaire d'une autre
activité commerciale.
L'objet de cet amendement est donc de permettre le transfert du dernier débit
de boissons d'une commune lorsque celui-ci intervient dans le ressort d'une
commune membre d'un même EPCI du même canton ou, à défaut, d'un canton
limitrophe.
M. Gérard Longuet.
Très bien !
M. Charles Guené.
Afin d'éviter toute dérive à une telle dérogation, le présent amendement
encadre strictement ce transfert par la constatation des nécessités
touristiques le justifiant. De la sorte, en application des deuxième et
troisième alinéas de l'article L. 3332-11 du code de la santé publique, une
commission présidée par un magistrat du parquet désigné par le procureur
général et composée d'un représentant du préfet du département, du directeur
des contributions indirectes, du directeur des affaires sanitaires et sociales
et du président du comité régional du tourisme, ou de leurs représentants
respectifs, donnera ou non son approbation à ce transfert.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission estime que cette initiative est très
opportune et constitue un assouplissement nécessaire.
M. Gérard Longuet.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet, il est complètement absurde que, au sein
d'une agglomération ou d'une communauté de communes, on ne puisse pas déplacer
une licence de débit de boissons d'une commune à une autre. C'est une
réglementation d'un autre âge qu'il faut faire évoluer.
Le dispositif proposé comporte les garanties nécessaires. Il est opportun,
sans aller trop loin. La commission est prête à émettre un avis favorable sur
cet amendement, mais elle souhaite entendre préalablement l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement se réjouit de ce genre d'initiative
tendant à moderniser le droit qui régit des matières touchant à la vie
quotidienne et, pourrait-on dire, à la convivialité et à la fraternité au sein
de nos petites communes.
Ce droit est devenu, en effet, d'une obsolescence qui confine parfois au
ridicule. Nous sommes restés arc-boutés sur nos positions, année après année, à
vrai dire sans raison particulière et sans lien direct avec le combat contre
l'alcoolisme qui, il y a un siècle, a été l'honneur de la France.
Les données ont totalement changé : le mode d'accès à l'alcool, par
l'intermédiaire de la grande distribution, est complètement transformé. Or, les
maires de nos provinces continuent d'être confrontés à des difficultés et à des
tracasseries administratives, parfois insurmontables, et comme vous l'imaginez,
mesdames, messieurs les sénateurs, c'est aussi toute une administration qui est
elle-même confrontée à la mise en oeuvre de textes qui sont, je le répète,
frappés d'une obsolescence évidente.
Donc, monsieur le sénateur, à travers cette argumentation - et pardonnez ce
manque de discrétion de ma part, mais j'ai beaucoup fait pour que nous
progressions...
M. Gérard Longuet.
C'est vrai !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
... parce que, précisément, je suis issu de ces régions
rurales - je veux vous dire que le Gouvernement considère que la législation
sur ce point est trop stricte.
Il nous est proposé d'y remédier en autorisant le transfert des débits de
boissons de quatrième catégorie au sein de l'espace de l'établissement public
de coopération intercommunale. Cette initiative va dans le sens d'un
renforcement de l'intercommunalité sans compromettre les efforts engagés dans
la lutte contre la désertification de certaines de nos régions.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° I-21 rectifié. J'ajoute
que j'invite le Sénat à ne jamais hésiter à faire des propositions de cette
nature tendant à simplifier la vie de nos petites communes.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-21 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 12.
Je rappelle que les articles 13 et 14 seront examinés à l'issue du débat sur
les recettes des collectivités locales.
Article additionnel après l'article 14
M. le président.
L'amendement n° I-180, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 1382 du code général des impôts, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art.
... - Les constructions nouvelles, reconstructions et additions
de reconstructions affectées à l'habitation principale située dans une commune
classée dans les deux premiers déciles selon l'indice synthétique défini à
l'article L. 2334-17 du code général des collectivités locales sont exonérées
de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant dix ans qui suivent
l'année de leur achèvement. »
« II. - Les pertes de recettes pour les collectivités locales sont compensées
par un prélèvement sur les recettes de l'Etat.
« III. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée par le relèvement à
due concurrence des deux dernières tranches du tarif de l'impôt de solidarité
sur la fortune. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je rappelle que l'article 14
bis
sera examiné à l'issue du débat sur
les recettes des collectivités locales.
Article 15