SEANCE DU 18 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 1er quinquies. - Le Gouvernement déposera, avant le 15 octobre 2003, un rapport présentant l'impact financier de l'indemnisation des victimes de l'amiante pour l'année en cours et les vingt années suivantes. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous voterons bien entendu l'article 1er quinquies, qui prévoit que le Gouvernement déposera avant le 15 octobre 2003 un rapport présentant la charge financière de l'indemnisation des victimes de l'amiante pour l'année en cours et les vingt années suivantes. Je trouve cependant quelque peu difficile d'établir avant le 15 octobre 2003 un rapport concernant les vingt années à venir ! Peut-être des rapports intermédiaires seront-ils nécessaires ? Cela fera sans doute l'objet d'une autre discussion lors de l'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale ultérieur.
Je souhaite, à l'occasion du vote de cet article, rappeler que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, régi par un décret du 23 octobre 2001 et chargé d'organiser une réparation intégrale pour les victimes de l'amiante et leurs ayants droit, n'a vu son conseil d'administration installé qu'en avril 2002. Depuis, en dépit de plusieurs réunions de son conseil d'administration et malgré les attentes fortes des victimes, le fonds n'a encore versé aucune indemnisation, mais seulement alloué des provisions - au nombre de 370 en l'occurrence - pour un total de 3,8 millions d'euros, soit des montants bien inférieurs à ce qu'accordent en moyenne les tribunaux dans ce type de situations. Le conseil d'administration du FIVA, sur proposition de la direction de la sécurité sociale, a voté en effet des montants de provisions particulièrement dérisoires, et même insultants pour les victimes : 35 000 euros pour un mésothéliome, 4 000 euros pour des plaques pleurales, ou encore, par exemple, moins de 10 % des sommes allouées par la cour d'appel de Paris pour certains taux d'incapacité.
De même, rien n'a encore été décidé concernant les barèmes d'indemnisation indicatifs qui seront retenus pour régir la réparation du préjudice subi par les victimes de l'amiante ayant formulé un dossier auprès du fonds. Quelque 1 800 victimes ont d'ores et déjà formulé une demande d'indemnisation, soit la moitié du nombre des personnes tuées chaque année par l'amiante en France.
Je tiens également à rappeler que la décision d'accorder un délai maximal de six mois au fonds pour produire une offre d'indemnisation n'a pas été prise au hasard : les victimes de l'amiante, en effet, meurent jeunes et très rapidement, dans des souffrances qui ne leur permettent pas de se lancer dans une procédure judiciaire susceptible de s'éterniser.
Monsieur le ministre, les victimes et leurs ayants droit ont des attentes légitimement fortes en matière d'indemnisation, de réparation et de justice. Ces victimes, les associations les représentant, mais aussi des organisations syndicales s'interrogent sur les lenteurs du FIVA, ainsi que sur la faiblesse des montants de provisions accordés. Cela laisse-t-il augurer des barèmes indicatifs qui seront retenus pour les offres définitives ? Quelles propositions les cinq représentants de l'Etat au sein du conseil d'administration du fonds vont-ils soutenir en ce qui concerne ces barèmes, les niveaux d'indemnisation et les délais de mise en place effective des procédures devant le fonds ?
Monsieur le ministre, les victimes et leurs proches attendent des réponses claires et un soutien ferme et déterminé de l'Etat dans leur demande de justice et de réparation. L'Etat, en tant qu'employeur, bien sûr, mais aussi en tant que responsable en matière de questions de santé publique, et donc de protection des individus contre les risques, professionnels ou non, a une large part de responsabilité dans la catastrophe de l'amiante.
Sa responsabilité actuelle, dans le cadre du FIVA, doit amener ses cinq représentants au sein du conseil d'administration à adopter des décisions conformes aux intérêts des victimes.
Monsieur le ministre, puisque votre fonction vous amène à donner à aux cinq représentants de l'Etat les grandes orientations à suivre, je souhaite que vous nous informiez sur les délais dans lesquels vous estimez que le fonds pourra verser les premières indemnisations et sur les barèmes indicatifs qui serviront à établir les offres d'indemnisation.
Alors que les experts s'accordent sur le chiffre de 100 000 morts de l'amiante dans les vingt ans à venir et que la question du passage à un système de réparation intégrale pour tous les accidents du travail et toutes les maladies professionnelles commence à être débattue, la réparation due aux victimes de l'amiante doit aussi illustrer la volonté de l'Etat de réparer, de façon adéquate, le préjudice subi par les victimes du travail et de la négligence d'employeurs irresponsables, ou plutôt déresponsabilisés puisqu'ils ne sont pas mis à contribution sur le plan financier.
Devant une législation laissant la part belle à la fraude, un système de sanctions financières bien insuffisant pour permettre une réparation juste et une prévention efficace, les victimes attendent, monsieur le ministre, que vous vous teniez fermement du côté de la justice et de leurs intérêts. Les prises de position des représentants de l'Etat au sein du conseil d'administration du FIVA doivent être la première illustration de cette attitude.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, le mécontentement des victimes est en train de croître, au point que plusieurs associations et syndicats appellent à un rassemblement le 22 novembre prochain, alors que le conseil d'administration du FIVA sera réuni.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er quinquies.

(L'article 1er quinquies est adopté.)

Article 2