SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 27. - Le code des postes et télécommunications est ainsi modifié :
« I. - Le chapitre Ier du titre Ier du livre II est complété par un article
L. 32-5 ainsi rédigé :
«
Art. L. 32-5
. - Les opérateurs exploitant un réseau radioélectrique
de communication ouvert au public ou fournissant des services de
radiocommunication au public sont tenus de mettre en oeuvre les dispositifs
techniques destinés à interdire, à l'exception des numéros d'urgence, l'accès à
leurs réseaux ou à leurs services des communications émises au moyen de
terminaux mobiles, identifiés et qui leur ont été déclarés volés. »
« II. - A l'article L. 39-2, il est inséré un deuxième alinéa ainsi rédigé
:
« Le fait de contrevenir sciemment aux dispositions de l'article L. 32-5 est
puni de 30 000 EUR d'amende. Les personnes morales peuvent être déclarées
responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du
code pénal, du délit prévu au présent alinéa. La peine encourue par les
personnes morales est l'amende, suivant les modalités prévues par l'article
131-38 du code pénal. »
« III. - Les présentes dispositions entreront en application pour le
territoire métropolitain le 1er janvier 2004. En tant que de besoin, les
modalités d'application en seront fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Au mois de juillet dernier, nous avions déjà formulé les mêmes observations
sur les annexes de la loi d'orientation et de programmation qui évoquaient
l'impossibilité d'utiliser les téléphones portables volés.
« Très bien ! tout de suite », avons-nous dit. « Si cela est techniquement
possible, il ne faut pas hésiter ! » C'est ce que reprend l'article 27 : « Les
opérateurs exploitant un réseau radioélectrique de communication ouvert au
public ou fournissant des services de radiocommunication au public sont tenus
de mettre en oeuvre les dispositifs techniques destinés à interdire, à
l'exception des numéros d'urgence, l'accès à leurs réseaux ou à leurs services
des communications émises au moyen de terminaux mobiles, identifiés et qui leur
ont été déclarés volés. » Selon le paragraphe III du même article : « Les
présentes dispositions entreront en application pour le territoire
métropolitain le 1er janvier 2004. En tant que de besoin, les modalités
d'application en seront fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Toutefois, on ne comprend ni pourquoi un décret en Conseil d'Etat serait
nécessaire - admettons, mais on peut le préparer dès maintenant - ni pourquoi
il faut fixer une date. Ou les dispositions de l'article 27 sont applicables,
ou elles ne le sont pas. Si c'est possible aujourd'hui, il faut le faire tout
de suite !
M. Jean-Pierre Sueur.
Voilà !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si c'est possible dans un, deux ou trois mois, il faut le faire dans un, deux
ou trois mois !
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est le bon sens !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est pourquoi, nous avons déposé un amendement, dont nous espérons
l'adoption. Mais M. le rapporteur va sans doute nous expliquer pourquoi ce que
nous pensions être simplement du bon sens constructif ne paraît pas possible
!
M. le président.
L'amendement n° 30, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 32-5 du
code des postes et télécommunications par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque le vol du terminal mobile a précédé, accompagné ou suivi
un crime ou un délit puni d'une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement,
tout officier de police judiciaire peut requérir des opérateurs après accord
donné par le procureur de la République ou le juge d'instruction de ne pas
appliquer les dispositions du premier alinéa. »
Le sous-amendement n° 281 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi
libellé :
« Rédiger comme suit le début du texte proposé par l'amendement n° 30 pour
l'article L. 32-5 du code des postes et télécommunications :
« Toutefois, l'officier de police judiciaire... »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 30.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
L'article 27 du projet de loi tend à imposer aux opérateurs
d'interdire l'accès à leur réseau aux téléphones portables qui leur sont
signalés volés. Cette disposition est particulièrement utile pour lutter contre
les vols.
Toutefois, dans certains cas, le vol du téléphone est accompagné d'infractions
beaucoup plus graves et le téléphone portable peut constituer une piste
importante si l'auteur des faits continue à s'en servir.
Il convient donc de prévoir une exception au principe de neutralisation des
portables pour les besoins des enquêtes judiciaires.
Naturellement, il faudra que la demande de maintien de la ligne arrive en même
temps que le signalement du vol, sinon les contraintes pesant sur les
opérateurs deviendraient insupportables.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 281
rectifié.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Ce sous-amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 30 ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Favorable.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le
sous-amendement n° 281 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais préciser à M. le ministre que, si le gouvernement précédent n'a
pas édicté cette règle, c'est parce qu'elle n'était pas encore techniquement
possible. Je le remercie de m'en donner acte. D'ailleurs, cela n'est toujours
pas possible.
Pour le reste, nous voulons dire tout simplement que nous sommes d'accord avec
le sous-amendement n° 281 rectifié et l'amendement n° 30 de la commission.
M. Roger Karoutchi.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 281 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 30, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 220, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et
Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gauthier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et
les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le III de cet article :
« III. - En tant que de besoin, la date et les modalités d'application seront
fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est un amendement de bon sens !
Mme Nelly Olin.
Si M. Sueur le dit...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vois M. le rapporteur faire un signe de dénégation. Voilà qui nous laisse
peu d'espoir de pouvoir convaincre M. le ministre, puisque le ministre est
toujours d'accord avec le rapporteur, et vice-versa !
(Exclamations sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Cela sert, les discussions parlementaires ! J'ai toujours pensé que le
Gouvernement proposait et que le Parlement disposait, mais c'est sans doute une
théorie ancienne qui n'est plus d'actualité...
Mme Nelly Olin.
C'est comme pour la sécurité : nous n'avons pas les mêmes notions !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Quand c'est un bon texte, on le soutient !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai expliqué tout à l'heure que le texte prévoit son entrée en vigueur pour
le 1er janvier 2004, et, pour l'outre-mer, le 1er janvier 2005. Nous avons
d'ailleurs un amendement homothétique, à la fin du texte, concernant
l'outre-mer.
J'espère qu'on voudra bien me répondre sur le fond et non pas par je ne sais
quelle esquive.
Le problème est réel ! Ne faut-il pas le rendre applicable dès que possible
et, par voie de conséquence, au lieu d'inscrire dans la loi que « les présentes
dispositions entreront en application pour le territoire métropolitain le 1er
janvier 2004 », remettre au décret en Conseil d'Etat qui est prévu le soin de
fixer en tant que de besoin la date et les modalités d'application ?
Franchement, quel inconvénient y voit-on, alors que nous pourrions ainsi
peut-être gagner quelques mois ?
Au surplus, êtes-vous sûr que le dispositif pourra être appliqué au 1er
janvier 2004 ? Comment pouvez-vous refuser, monsieur le rapporteur, de
reconnaître l'effort que nous faisons pour être constructifs en proposant
d'appliquer le dispositif dès que cela sera possible ? Merci de votre
réponse... motivée, comme d'habitude, monsieur le rapporteur !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Cet amendement vise à renvoyer à un décret la date à partir
de laquelle les opérateurs devront satisfaire à l'obligation de neutraliser les
portables volés.
Un tel renvoi nous paraît inutile, puisque les opérateurs ont confirmé qu'ils
seraient prêts, en tout état de cause, au 1er janvier 2004. Par ailleurs, si
les opérateurs sont prêts à une date antérieure, ils pourront alors mettre en
oeuvre le dispositif immédiatement. La seule disposition qui entrera en vigueur
le 1er janvier 2004, c'est le caractère obligatoire du système et les sanctions
pénales correspondantes. Mais s'il sont prêts demain matin, ils peuvent se
mettre au point demain matin.
Il ne faut donc pas attendre un décret qui, lui, mettrait du temps pour
intervenir, alors que l'opérateur serait techniquement prêt. Avec votre
système, monsieur Dreyfus-Schmidt, vous retardez la mise en application. D'où
l'intérêt de ne pas prendre de décret, de fixer la date butoir et de laisser
aux opérateurs le soin d'attaquer dès qu'ils le peuvent.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Nelly Olin.
C'est un avis très motivé !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
l'avis du Gouvernement est très proche de celui qui vient d'être émis par M. le
rapporteur.
En fait, votre amendement, monsieur Dreyfus-Schmidt, vise à supprimer la date
d'application du texte. Si nous l'avons fixée au 1er janvier 2004, ce n'est pas
par hasard : c'est la date qui est considérée comme raisonnable par les
opérateurs téléphoniques. Je précise que, pour les départements et territoires
d'outre-mer, ce sera un an plus tard.
Notre souci est, en l'occurrence, d'être efficaces tout en tenant compte des
contraintes techniques. Or, d'après les opérateurs téléphoniques eux-mêmes, la
date du 1er janvier 2004 est cohérente avec leurs capacités techniques. Le
Gouvernement a donc considéré que cette date était suffisamment lointaine pour
permettre la mise en place du dispositif.
En revanche, créer une obligation sans date de mise en application n'est pas
tout à fait conforme à notre droit positif. Ce serait plus un voeu qu'une
véritable disposition légale. Or nous avons une obligation de résultat.
Evidemment, si se dressait entre-temps un obstacle technique réel et imprévu,
il serait toujours possible de prendre, dans le courant de l'année 2003, une
disposition législative pour en tenir compte.
En conclusion le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur.
Les réponses qui nous sont opposées par la commission et par le Gouvernement
me paraissent tout à fait significatives.
L'amendement présenté par M. Dreyfus-Schmidt et le groupe socialiste relève du
simple bon sens, et M. le ministre vient d'ailleurs de nous en apporter la
preuve.
On sait bien qu'il faut mettre en place un dispositif technique. Pour cela, il
convient que l'ensemble des opérateurs soient prêts. M. Dreyfus-Schmidt propose
de prévoir dans la loi qu'un décret fixera la date et les modalités
d'application.
M. le rapporteur et M. le ministre nous expliquent que cela pose des problèmes
parce que l'on sait d'ores et déjà que les opérateurs « devraient être prêts...
». Ce conditionnel est très révélateur : on présuppose que les opérateurs
seront prêts à cette date, mais on n'en est pas tout à fait sûr.
Il est donc beaucoup plus logique de poser l'obligation dans la loi et de
renvoyer la date et les modalités d'application à un décret.
Monsieur le ministre, le décret, vous pouvez le prendre en quelques jours. Or
vous venez vous-même d'admettre que si, par aventure, il n'était pas possible
de respecter la date pour des raisons techniques, une nouvelle disposition
législative serait prise. Mais, qu'il s'agisse d'un amendement ou d'un projet
de loi, il faut que la disposition en question soit soumise aux deux assemblées
et, même si l'urgence est déclarée, cela prend du temps.
M. Dreyfus-Schmidt vous propose, lui, quelque chose de simple et de pratique.
C'est une proposition de bon sens et il n'y a aucun inconvénient pour quiconque
à la retenir. Ce n'est en rien une question idéologique, c'est évident, mais
vous rejetez quand même cette proposition. Comment ne pas voir là un signe ?
M. le président.
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas.
Je voudrais m'expliquer à la fois sur cet amendement et aussi d'une manière
globale sur cette question, de manière à gagner du temps.
M. Roger Karoutchi.
Ça m'étonnerait !
M. Jacques Mahéas.
Si, tout à fait !
Monsieur le ministre, le plus tôt sera le mieux,...
M. Roger Karoutchi.
Ça oui !
(Sourires.)
M. Jacques Mahéas.
... nous sommes tous d'accord sur ce point. Par conséquent, la solution
proposée par M. Dreyfus-Schmidt me semble la meilleure. Elle a l'avantage de la
souplesse.
Mais la sécurisation des téléphones portables a des conséquences qui ne sont
pas négligeables.
Naguère, c'étaient les cabines téléphoniques à pièces qui étaient
régulièrement détériorées, précisément parce qu'elles contenaient de l'argent.
L'innovation technique qu'ont constitué les cartes téléphoniques a permis de
mettre fin à ces saccages.
Je rappelle que, aujourd'hui, les vols de téléphones portables entrent pour
une grande proportion dans les statistiques de la délinquance. Le jour où
seront effectivement désactivés tous les téléphones portables volés, ces vols
perdront évidemment tout attrait. Dès lors, cela ne manquera pas d'avoir une
incidence sur le « thermomètre » de la délinquance, à supposer qu'on garde le
même « thermomètre », précisément.
Il ne faudrait donc pas qu'un quelconque gouvernement profite de cette
disposition pour afficher de meilleures statistiques. J'aimerais qu'on reste
tout à fait honnête et que, dans le futur, quand le Gouvernement publiera des
statistiques de délinquance, il soit bien tenu compte du fait que le vol de
téléphones portables n'a désormais plus aucun intérêt.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'avoue que je n'espère plus convaincre M. le rapporteur. Quant à M. le
secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, il est difficile de
lui demander de prendre, sur cette matière très technique, une initiative,
alors qu'il remplace brièvement M. le ministre de l'intérieur.
Mme Nelly Olin et M. Robert Del Picchia.
Et pourquoi cela ?
M. Philippe Nogrix.
Il représente le Gouvernement !
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat.
Voilà une curieuse argumentation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si vous avez les pleins pouvoirs, tant mieux ! Cela me conduit à espérer
encore plus vous convaincre.
Ne prenez pas mal ce que je disais, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat.
Je ne peux pas dire que je le prends bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je craignais que, dans votre situation, il ne vous soit difficile de revenir
sur la proposition du Gouvernement. Je ne voulais pas du tout vous blesser ! Au
contraire, j'aimerais mieux vous séduire par mon argumentation, ainsi
d'ailleurs que l'ensemble de mes collègues.
Nous n'avons pas eu, soudainement, l'idée de prévoir un décret en Conseil
d'Etat. Permettez-moi de rappeler les termes du III de l'article 27 : « Les
présentes dispositions entreront en application pour le territoire
métropolitain le 1er janvier 2004. En tant que de besoin, les modalités
d'application en seront fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Normalement, ce décret en Conseil d'Etat doit être pris avant que la loi soit
applicable ; c'est pourquoi nous proposons simplement que ce même décret fixe
également la date d'entrée en vigueur, de manière que la disposition soit
appliquée obligatoirement et non pas seulement facultativement dès que cela
sera possible.
Vous le voyez, cette proposition n'a aucun caractère idéologique. Elle nous
paraît seulement conforme à l'intérêt général.
J'espère, mes chers collègues, vous avoir convaincus et j'espère que vous
voterez cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 220.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 27, modifié.
(L'article 27 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 28