SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 21. - Après l'article L. 126-2 du code de la construction et de l'habitation, il est créé un article L. 126-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 126-3 . - Les voies de fait ou la menace de commettre des violences contre une personne, ou l'entrave apportée, de manière délibérée, à l'accès et à la libre circulation des personnes, ou au bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté, lorsqu'elles sont commises en réunion de plusieurs auteurs ou complices, dans les entrées, cages d'escaliers ou autres parties communes d'immeubles collectifs d'habitation, sont punies de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. »
La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'intervention que je vais faire au nom de mon groupe sur cet article 21 se situe dans le droit-fil de celles que j'ai formulées antérieurement à propos, notamment, des gens du voyage.
Nous estimons que le code pénal offre de larges possibilités de poursuites contre les auteurs de voies de fait - c'est l'objet de l'article 20 que nous venons d'examiner -, de menaces de commettre des violences ou de mettre en danger la vie d'autrui.
Donc, le problème, c'est que la police et surtout la justice, dans un second temps, puissent user pleinement des droits légitimes et nécessaires qui leur sont dévolus par les codes.
Il me vient à l'esprit une réflexion du Grenoblois Antoine Barnave qui s'élevait contre l'inflation des lois, en disant qu'en matière législative c'était comme en matière monétaire : à trop faire de lois, la confusion s'installe, et elles perdent de leur efficacité.
Depuis hier soir, l'opposition n'est pas entre, d'un côté, ceux qui voudraient rétablir la sécurité, protéger les forces de l'ordre, les citoyens et tous les détenteurs de l'autorité, et, de l'autre, ceux qui diraient : « Ce n'est pas possible ; nous baissons les bras ; cela ne nous intéresse pas ; nous ne le ferons pas. »
Pour notre part, nous n'avons pas la même analyse que vous sur la façon d'assurer mieux la sécurité et il est normal que le débat le fasse nettement apparaître.
Evidemment, nous pourrions pratiquer la politique du pire, laisser faire et dire : « Allez-y ! que le Gouvernement fasse de la répression à tour de bras et on verra les résultats. »
Mais nous ne pratiquons pas la politique du pire parce que nous pensons qu'il faut éviter absolument le « tout répressif », avec les dérives qui peuvent s'ensuivre.
Nous faisons attention parce que, si vous faites trop de répression, il y a risque d'exaspération, et ceux qui ont besoin de protection, qui ont droit à la protection seront davantage en danger.
C'est là que réside la différence entre les décisions que le Gouvernement s'apprête à prendre et l'analyse que nous faisons des faits.
Incontestablement, la lutte contre l'occupation indue des halls d'immeubles est une préoccupation pour les habitants de nombreuses communes, pour les élus et pour les parlementaires unanimes.
Sous la précédente législature, le gouvernement s'était d'ailleurs donné les moyens législatifs pour commencer à répondre à ce phénomène et permettre la dispersion des rassemblements les plus ostentatoires, les plus agressifs.
Ainsi, la loi du 15 novembre 2001 - je préfère l'appeler ainsi plutôt que « loi Vaillant » parce que notre ancien collègue M. Mazeaud, remarquable juriste, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel, se mettait toujours en colère lorsqu'on affublait une loi du nom du ministre qui l'avait défendue et fait voter, et je crois que, de ce point de vue, il avait raison ; cela dit, si l'on parle de la loi Vaillant, on s'y retrouve, alors que si l'on dit loi du 15 novembre 2001, il faut un temps d'adaptation : vous ne m'en voudrez donc pas d'avoir rappelé le nom de M. Vaillant - la loi relative à la sécurité quotidienne, disai-je, avait ainsi pris en compte ce problème en insérant dans le code de la construction et de l'habitation des dispositions permettant effectivement la dispersion des rassemblements.
Et l'article 21 du projet de loi est, à notre sens, critiquable à deux titres : d'une part, il concourt à l'inflation législative et, d'autre part, je ne suis pas sûr qu'il soit vraiment inefficace car il est excessif.
En effet, deux mois de prison - même si c'est le maximum - et 3 750 euros d'amende, ce n'est pas proportionné aux faits incriminés, dès lors que l'on n'est pas en présence de menaces graves, etc. S'il s'agit simplement d'une entrave, comme on dit, ou d'incivilités - même si c'est intolérable, M. le ministre l'a dit à plusieurs reprises -, il n'est pas acceptable que nos concitoyens qui vivent dans des quartiers dits sociaux soient soumis à de tels traitements.
Enfin, par cette disposition, on risque d'entretenir une vision apocalyptique de l'insécurité dans le logement social. Or, heureusement, ces phénomènes ne se produisent pas partout. Le logement et ses proches alentours ne sont pas toujours vécus - Dieu merci ! - comme des lieux d'insécurité. En revanche, il est vrai que certaines caves ou certains parkings méritent aujourd'hui toute notre attention.
Mais, sans pour autant faire de l'angélisme, il faut aussi s'interroger sur les causes et, dans ce domaine également, comme je le disais sur un autre sujet, il faut développer au maximum la prévention, l'action sociale, la prévention sociale, ce qui représente un travail de très longue haleine.
Il ne suffit pas de faire partir les jeunes des cages d'escaliers, il faut se demander dans quelle situation sociale ils sont. Sont-ils victimes de discriminations ? Qu'a-t-on fait, par exemple, pour contrebalancer tout ce qui n'a pas été fait sur le plan familial ou dans telle ou telle municipalité ?
Il s'agit d'un chantier immense et le Gouvernement s'honorerait à faire beaucoup plus - et surtout pas moins - que ses prédécesseurs, car, je l'ai déjà dit, la suppression des surveillants et des aides éducateurs dans les collèges, la suppression des emplois-jeunes risquent d'aggraver la crise sociale, donc l'insécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Ce débat est légitime et peut-être n'en avons-nous pas assez parlé auparavant ; mais, de grâce, monsieur le ministre, ne vous en prenez pas aux intellectuels ! Dans les assemblées ou au Gouvernement le nombre de parlementaires ou de ministres issus des milieux populaires est tellement faible ! C'est peut-être dans mon groupe qu'il y a...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le moins d'intellectuels ? (Sourires.)
Mme Nicole Borvo. ... le plus d'élus issus des milieux populaires.
Monsieur le ministre, attention, donc, à l'anathème à l'égard des intellectuels !
Je le dis d'emblée : nous ne voulons pas que nos concitoyens les plus modestes - car chacun sait que ce n'est ni à Neuilly, ni dans les 8e et 16e arrondissements que ces problèmes se posent le plus -, que nos concitoyens qui habitent dans certains quartiers et logements sociaux continuent à vivre dans des conditions dont personne ne voudrait. Ils n'en veulent plus et, ici, personne n'en voudrait !
Il est inadmissible que des cités, des immeubles soient délabrés, que les services publics de proximité aient été supprimés, que les commerces aient déserté, que les ascenseurs ne soient pas entretenus. L'actualité nous a, hélas ! montré récemment que ces défaillances étaient la cause de plusieurs décès.
Il n'est pas davantage admissible que, dans ces mêmes lieux, le fait de rentrer chez soi devienne une crainte permanente, que les médecins, les pompiers ne puissent accéder, et que l'occupation des halls d'immeuble par des jeunes désoeuvrés rende la vie des habitants insupportable.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Bravo !
Mme Nicole Borvo. Mais nous savons - et vous aussi - qu'on ne peut apporter une réponse à ces problèmes uniquement sous l'angle pénal.
Et les responsabilités ne datent pas d'aujourd'hui. J'en veux pour preuve l'urbanisme des pauvres (Murmures sur les travées du RPR) - oui, l'urbanisme des pauvres ! - qui a sévi pendant des dizaines d'années, l'absence d'entretien des immeubles, la « ghettoïsation » des cités.
J'aurais bien aimé que le débat sur Paris ait lieu, ce Paris dirigé par l'Etat, puis par des maires qui, depuis trente ans, ont envoyé les pauvres ailleurs.
M. Jean Chérioux. C'est absolument faux !
Mme Nicole Borvo. Et aujourd'hui, pour trouver dans Paris des endroits où construire des logements sociaux, il faut se lever de bonne heure ! Voilà la réalité !
M. Jean Chérioux. C'est totalement inexact !
M. Marcel Debarge. Mais si, c'est exact !
Mme Nicole Borvo. N'engageons pas le débat sur Paris, mais, de grâce, messieurs, ne faites pas de démagogie sur les quartiers de Paris et sur l'accueil des couches populaires.
M. Jacques Dominati. Il n'y en a jamais eu autant dans Paris !
Mme Nicole Borvo. Parmi les causes du malaise actuel, il faut, bien entendu, mentionner aussi les politiques économiques et sociales qui produisent chômage et mal-vivre.
Pour ma part, je n'ai jamais cessé de critiquer ces politiques. Mais, le moins que l'on puisse dire, c'est que, en matière de politique économique et sociale, mesdames, messieurs de la majorité, vous avez votre part de responsabilité.
Pourtant, aujourd'hui, vous proposez encore d'aggraver la situation !
Quand on met en parallèle votre politique fiscale et économique avec ses choix budgétaires, la remise en cause des efforts entrepris avec la loi SRU pour « déghettoïser » le logement social, ce qui revient à un quasi-enterrement du logement social lui-même, comment peut-il en être autrement ?
Les solutions durables passent par une prise en compte globale des problèmes des quartiers : réhabilitations, implantations économiques, services publics, présence effective et permanente des gardiens d'immeuble - ils ont été peu à peu supprimés -, présence de policiers de proximité, de travailleurs sociaux, lutte contre l'économie parallèle, la drogue, etc. J'aurais aimé dresser une liste plus exhaustive, mais je ne souhaite pas lasser votre attention.
Incontestablement, la distension du lien social a livré une partie de la jeunesse aux pires difficultés quotidiennes, issues du mariage redoutable entre échec scolaire, échec dans l'insertion professionnelle et problèmes familiaux.
Après mon collègue M. Mermaz, je ne peux que rappeler que les actions de prévention sont nécessaires, qu'il s'agisse des clubs de prévention comme de toutes les interventions, y compris dans le cadre associatif. Il faut soutenir ces actions qui aident la jeunesse de ce pays à trouver sa place dans la vie économique, dans la vie sociale et dans la cité, qui lui permettent de vivre normalement, autrement qu'en empêchant les autres de vivre.
Le recours au soutien scolaire, la coopération institutionnelle dès que les jeunes sont en situation de vulnérabilité sont des solutions autrement plus adaptées que les sanctions pour remédier aux occupations de parties communes d'immeubles.
J'entends déjà vos objections !
M. Roger Karoutchi. On n'a rien dit !
Mme Nicole Borvo. On ne peut certes pas attendre les effets de ces changements pour répondre à l'exaspération des habitants des cités. Certes, mais je le dis catégoriquement, on ne peut pas faire croire que l'article 21 tient lieu de réponse.
M. le président. Madame Borvo, je suis obligé de vous demander de conclure.
Mme Nicole Borvo. Je conclus, monsieur le président, et je ne prendrai pas la parole sur le premier amendement que nous avons déposé sur cet article.
Notre législation contient déjà tout un arsenal de dispositions destinées à sanctionner les atteintes à la tranquillité publique, qu'il s'agisse des dispositions relatives au tapage nocturne ou de bien d'autres. Il en est ainsi de l'article 222-17 du code pénal, qui prévoit six mois d'emprisonnement pour toute menace envers un particulier, de l'article 431-3, qui porte sur les sanctions encourues en cas d'attroupement illégal. Il n'est pas besoin d'en ajouter avec des peines de prison et des amendes !
Et si les agents de l'ordre public ne peuvent pas mettre les pieds dans certains quartiers, sauf en faisant des descentes à la cow-boy , il faut effectivement prendre à bras-le-corps tous les problèmes que j'ai évoqués.
Pendant un certain temps peut-être, vous allez faire de l'affichage. Mais, en agissant ainsi, vous allez rendre les jeunes de ces quartiers enragés, et l'on sera pris dans l'engrenage de la violence ! Tel sera le résultat !
M. Robert Bret. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Madame Borvo, je n'ai pas pris votre discours pour moi ! En effet, avec ces articles, nous n'inventons absolument rien ! J'en veux pour preuve une disposition de la « loi Vaillant », si je puis dire ! (Sourires.) Selon cette loi, en cas d'occupation des espaces communs du bâti par des personnes qui entravent l'accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux, les propriétaires peuvent faire appel à la police.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà ! Oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est donc pas moi qui l'ait inventé !
M. Jacques Mahéas. On est d'accord !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, monsieur Mermaz, monsieur Dreyfus-Schmidt, et vous aussi madame Borvo, vous avez tous pris soin de me dire que l'occupation des halls d'immeubles, notamment des immeubles sociaux, posait des problèmes. Vous l'avez tous dit, nous sommes donc bien d'accord sur le constat : nos compatriotes les plus modestes, ceux qui vivent dans les immeubles sociaux, sont confrontés à un problème car depuis quelques années déjà, les halls sont souvent occupés par des gens qui font du bruit, qui empêchent les autres de dormir, qui les empêchent de rentrer chez eux et qui les menacent par leur seule présence. Tout le monde est d'accord sur ce point ! De quoi parlons-nous alors ?
Nous parlons des conséquences que nous devons en tirer. En tant que ministre de l'intérieur, de la sécurité et des libertés, si l'on me dit, à gauche comme à droite, qu'il y a un problème, je vais essayer d'y apporter une solution. Or vous prétendez qu'il ne faut pas en trouver, vous ne proposez que des solutions sociales ou économiques et vous défendez des amendements de suppression de l'article 21.
Plutôt que de friser le ridicule en faisant intervenir la police pour réprimer une infraction que mon prédécesseur avait certes définie, mais sans prévoir de sanctions, je propose quelque chose. Connaissez-vous en effet, mes chers collègues, beaucoup d'infractions dont la peine n'est pas prévue ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Hypocrisie !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui, c'est parfaitement hypocrite ! Vous avez raison, monsieur Dreyfus-Schmidt !
On dit que la police doit faire dégager les halls d'immeuble parce que ce n'est pas bien, mais on n'en tire aucune conclusion ! Pour ma part, je propose une sanction de deux mois d'emprisonnement maximum.
Quant à la proportionnalité des peines, monsieur Mermaz, faites donc confiance aux magistrats dont parle si souvent M. Dreyfus-Schmidt ! Ce sont eux qui devront juger dans ce nouveau cadre si la peine d'emprisonnement doit être fixée à deux mois ou à deux jours, si elle doit être prononcée avec sursis ou s'il s'agit d'une peine ferme.
La seule chose que l'on ne puisse pas faire, c'est ne pas tirer de conclusion. Mais si c'est la durée de la peine retenue, à savoir deux mois, qui vous gêne, le Gouvernement vous propose de la ramener à un mois.
Lorsque la police est requise, nous voulons qu'elle puisse dire : « Si vous continuez, vous serez sanctionnés. » Sinon, on ne pourra jamais mettre fin à ces occupations de halls d'immeuble.
Il est très important que, sur toutes les travées de cette assemblée, nous donnions le sentiment que nous sommes capables de nous mettre d'accord après avoir suivi le même raisonnement, fait la même analyse et tiré la même conclusion.
Si ce sont les deux mois qui vous gênent et qu'un mois vous va mieux, va pour un mois ! Comment le Gouvernement peut-il mieux témoigner de sa bonne foi ? Telle est la proposition que je voulais vous faire. J'attends avec intérêt votre réponse. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 156 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
L'amendement n° 214 est présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 115, présenté par M. Peyrat, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation, après le mot : "commises", insérer les mots : "seul ou". »
Madame Borvo, puis-je considérer que vous avez déjà défendu votre amendement n° 156 ?
Mme Nicole Borvo. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 214.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La vérité vraie,...
M. Gérard Cornu. Et la vérité fausse ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... c'est qu'il s'agit d'un effet d'annonce. Le Gouvernement veut que l'on sache qu'il fait quelque chose contre les attroupements dans les immeubles. Nous savons que cela gêne, tout le monde est d'accord sur ce point, on l'a suffisamment dit. Mais, monsieur le ministre, l'article 21 du projet de loi n'ajoute rien au dispositif existant ; bien au contraire, il l'affaiblit !
Pour réprimer les voies de fait ou la menace de commettre des violences contre une personne, vous avez des textes. Nul besoin d'en rajouter ! Le code pénal ne punit-il pas d'ores et déjà les voies de fait ?
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ! Cela devient n'importe quoi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr que si ! Les peines pour dégradations et atteintes au bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté existent déjà dans le code pénal !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Eh bien ce sera deux mois !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que reste-t-il ? L'entrave.
S'agissant de l'entrave, vous avez de nouveau traité votre prédécesseur d'hypocrite puisqu'il n'avait pas prévu de sanction...
M. Gérard Cornu. C'est vous qui le dites !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et vous êtes bien ingrat à son égard !
M. Michel Charasse. C'est le groupe socialiste qui n'avait pas voulu à l'Assemblée nationale ! Ce n'est pas pareil ! (Approbations sur les travées du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Votre prédécesseur avait prévu, dans la loi du 15 novembre 2001, qu'il puisse être fait appel à la police ou à la gendarmerie nationale pour rétablir la jouissance paisible de tels lieux. Cela a-t-il été fait ? Avez-vous, monsieur le ministre, déjà envoyé des policiers en nombre suffisant ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voulez-vous encore des statistiques !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elles seraient en effet éclairantes ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Vous êtes prêt, avez-vous dit, à baisser la peine d'emprisonnement de deux mois à un mois. Il est curieux, d'ailleurs, que vous n'ayez pas prévu une peine qui vous permette de faire passer les intéressés en comparution immédiate...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est lamentable ! (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'insurge. ) Pas vous ! Votre argumentation.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous laisse le droit de juger, mais je ne vous permets pas d'injurier vos interlocuteurs, ce que vous faites. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pas vous ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Moi, j'ai bien le droit de trouver lamentables des effets d'annonce comme celui-là, qui ne changeront strictement rien...
Mme Nelly Olin. Vous êtes bien placés en matière d'effets d'annonce !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... tant que vous n'enverrez pas des policiers en nombre suffisant !
Il faut bien que ces jeunes gens, qui vivent - il faut tout de même en tenir compte - dans des quartiers difficiles et qui n'ont pas de travail se tiennent quelque part ! Où peuvent-ils aller ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas possible !
Mme Nelly Olin. Cinq ans d'effets d'annonce !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'ils gênent véritablement les colocataires, alors oui, il faut envoyer des policiers et les envoyer en nombre. (Exclamations sur les travées du RPR.) C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 21, qui n'ajoute rien au code pénal. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 115 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, si vous me le permettez, avant de donner l'avis de la commission, je voudrais rendre hommage à mon collègue Jean-Pierre Schosteck, qui, le premier, lors de la discussion de la loi Vaillant, s'est battu pour inscrire cette infraction dans la loi, ce qui lui a d'ailleurs été refusé. Aujourd'hui, je suis très heureux, avec mes amis du RPR, de lui rendre cet hommage.
Il est évident que nous ne pouvons qu'être défavorables aux amendements n°s 156 et 214, qui suppriment l'incrimination. A partir du moment où il y infraction, il faut bien évidemment qu'il y ait sanction !
Telle est la position de la commision.
Mme Nelly Olin. Du moins, elle est claire !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 156 et 214.
M. Michel Charasse. Je veux juste poser une question, monsieur le président, sur la peine d'emprisonnement, que M. le ministre - il l'a dit tout à l'heure, et c'est important - est prêt à réduire de deux mois à un mois.
A ma connaissance, aucun amendement n'ayant été déposé en ce sens, M. le ministre envisage-t-il ou non de le faire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Charasse, le Gouvernement est tout à fait prêt à déposer un amendement mais, à l'appel au dialogue et au consensus qu'il a lancé, M. Dreyfus-Schmidt a répondu par une intervention d'une fermeture totale - ce qui est tout à fait son droit -, considérant qu'il fallait maintenir l'amendement de suppression.
Si M. Charasse et un certain nombre de parlementaires de l'opposition souhaitent s'associer...
M. Michel Charasse. Le délai limite est dépassé ! Nous ne pouvons plus déposer d'amendements !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais je suis prêt, pour ma part, à le faire si un certain nombre de parlementaires de l'opposition s'associent à la majorité pour donner plus de force à la mesure. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Monsieur Charasse, ma réponse est donc très claire : le dépôt de cet amendement par le Gouvernement dépend de l'attitude de l'opposition !
Mme Nelly Olin. Responsable ou non !
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Bien entendu, je maintiens ce que j'ai dit, car c'est un véritable piège qui nous est tendu...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est vrai ! (Rires.)
M. Louis Mermaz. ... par vous !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il est tendu à nous tous !
M. Louis Mermaz. J'étais étonné que vous acquiesciez ! Je comprends pourquoi !
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. C'est bien joué !
M. Louis Mermaz. Ce que je vous reproche depuis le début - je ne suis pas le seul dans l'opposition -, c'est de cibler la disposition sur certaines catégories de personnes. En effet, on dit pudiquement : les jeunes qui occupent les halls... Après, ce sera les mendiants.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Où est-ce écrit ?
M. Louis Mermaz. Laissez-moi développer mon idée ! Ensuite, je vous écouterai avec beaucoup d'intérêt, monsieur le ministre. Si nous parlons ensemble, on ne va rien y comprendre ! Cela va faire un choeur, mais ce sera de la cacophonie et pas de la polyphonie !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le sénateur ?
M. Louis Mermaz. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Dans le texte, le mot : « jeune » n'apparaît pas. Je vous demande de m'en donner acte, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Mermaz.
M. Louis Mermaz. Je vous donne acte, monsieur le ministre, qu'il n'apparaît pas, mais tout le monde y pense ! (Exclamations amusées sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard Cornu. C'est vous qui le dites !
Mme Nelly Olin. Où vivez-vous, monsieur Mermaz ?
M. Louis Mermaz. Qui occupe les halls d'immeubles ? Ce ne sont pas les grands-pères et les grand-mères ! (Sourires.) Ce sont bien évidemment les jeunes ! C'est de la casuistique ! On n'est plus légistes, là ! La Compagnie de Jésus est une très grande compagnie.
M. Michel Charasse. Non !
M. Louis Mermaz. ... mais, ici, on est au Sénat !
Je sais bien, monsieur Charasse, que, de ce point de vue, vous avez des idées particulières. Vade retro Satanas , mon fils ! (Houlala ! sur les travées du RPR.) Il faut bien rire un peu, même si le débat est très sérieux ! Michel Charasse et moi, on se connaît depuis longtemps.
J'en reviens à des choses sérieuses. Vous ciblez la disposition sur un type de population. Même s'il n'est pas nommé, tout le monde sait bien de qui il s'agit ! Compte tenu de l'état des prisons et en l'absence de traitement particulier pour les mineurs, dans quel état ressortiraient ces derniers si les juges décidaient une peine de prison même d'un mois ! Je connais des exemples précis de jeunes qui sont devenus de véritables petits caïds faute d'un traitement social, à leur sortie de prison, où ils avaient été envoyés parce qu'ils avaient fait, c'est vrai, des bêtises. Si c'est cela que vous voulez, moi, je ne le veux pas, et donc je refuse cette proposition ! (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Mme Nelly Olin. Il fallait faire autre chose !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Beaucoup se sont exprimés ici. Je crois que je n'ai pas grand-chose à apprendre de l'ambiance des cages d'escalier. A Roubaix, comme ailleurs, nous connaissons le poids de l'inquiétude des habitants et de leur vécu quotidien. Mais il faut être très précis et juste.
Monsieur le ministre, vous avez parlé des « jeunes qui les menacent par leur seule présence ».
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non !
Mme Marie-Christine Blandin. Vous ne l'avez peut-être pas écrit, mais vous l'avez dit !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quand ai-je dit cela ?
Mme Marie-Christine Blandin. C'est ce type d'erreur qui est à l'origine de la réponse qu'ils nous font : « On a la haine ! » Les jeunes font peut-être peur par leur seule présence, mais ce n'est pas leur présence qui est menaçante, c'est seulement le comportement de certains d'entre eux. L'objet de mon intervention est donc une alerte très pragmatique.
Ces jeunes qui « ont la haine » ne sont pas tous excusables, je vous en donne acte, mais ils nous disent souvent qu'on ne les respecte pas, qu'ils subissent et que, ce n'est pas juste !
La vraie question est précisément la justesse de la punition. Vous pouvez toujours demander une descente des forces de police pour embarquer les jeunes et les faire condamner, mais si vous êtes incapable de le faire de façon juste et exhaustive, vous grandirez ce sentiment d'injustice. Certains échapperont à la punition, d'autres non - c'est la roulette russe ! - ce qui n'arrangera pas les choses. Je vous alerte sur ce point, sur vos effectifs et sur votre façon de faire en la matière.
M. Philippe Nogrix. On ne fait rien, on attend !
Mme Marie-Christine Blandin. Pour conclure, monsieur le ministre, j'ai été très surprise de votre ton à l'issue de la discussion générale. Néanmoins, je vous autorise à me répondre...
Mme Nelly Olin. Vous autorisez le ministre à répondre ? Ça alors !
Mme Marie-Christine Blandin. ... comme à une femme ou comme à un homme, mais ici, je suis avant tout parlementaire, et c'est cela qui compte. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
Mme Nelly Olin. C'est bien, le ministre est autorisé à répondre !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. On pourrait poursuivre ce débat indéfiniment, parce que, en l'état actuel des choses, on ne peut pas se comprendre.
Monsieur le ministre, vous êtes ministre de l'intérieur depuis six mois maintenant. Il y aurait effectivement matière à s'interroger sur les mesures relatives à la sécurité si l'on procédait à une évaluation. Le code pénal prévoit un certain nombre de sanctions, qui sont insuffisantes.
Je souscris à ce que vient de dire M. Mermaz : la prison n'est pas une solution, en particulier pour les jeunes. Ceux qui ont participé à la commission d'enquête sur les prisons étaient unanimes pour le dire dans un bel élan de générosité, mais vous semblez l'avoir oublié aujourd'hui. En tout cas, moi, je ne l'ai pas oublié !
Le problème, c'est qu'il faudrait prendre parallèlement d'autres mesures. Je voudrais entendre le Gouvernement nous annoncer de façon tout aussi talentueuse les mesures qu'il prendra dans les domaines économique et social, scolaire, éducatif, etc., mais il ne l'a pas fait !
Il faudrait ensuite trouver des méthodes de redéploiement des forces de police, des façons plus adaptées de faire respecter la loi dans les cages d'escalier par ceux, jeunes ou moins jeunes, qui ne la respectent pas et, au bout d'un certain temps, faire une évaluation pour voir s'il s'agit d'une mission impossible. Je crains d'ailleurs qu'elle le devienne sous la menace du bâton, c'est-à-dire par un renforcement des peines, qui me paraît vraiment inefficace !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Nous sommes partisans d'une attitude de fermeté s'agissant de l'occupation des halls d'immeubles. (Rires sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Cornu. Ça s'est vu !
M. Philippe Nogrix. Oui, on a vu les résultats !
M. Michel Charasse. Ne vous moquez pas, c'est déjà bien !
M. Jacques Mahéas. Nous l'avons d'ailleurs prouvé par le passé (Nouveaux rires sur les mêmes travées) en adoptant un certain nombre de dispositions...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oh oui !
M. Jacques Mahéas. ... qui ont été difficiles à appliquer.
Des condamnations plus importantes seront encore plus difficiles à appliquer ! (Exclamations sur les travées du RPR.) Par conséquent, si nous sommes partisans de cette grande fermeté, essayons d'utiliser les outils dont nous disposons.
Comme l'on s'en réfère toujours à sa propre expérience, je suis quand même surpris que, dans ma ville, quand nous sommes confrontés à ces difficultés, pratiquement aucune force de police ne se déplace.
Mme Nelly Olin. C'est l'héritage !
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas l'héritage !
Mme Nelly Olin. Si, c'est l'héritage !
M. Robert Bret. Cet argument ne durera pas ! Méfiez-vous ! Attention au retour de manivelle !
Mme Nicole Borvo. C'est tellement bien ce que vous avez fait hier !
M. Jacques Mahéas. Nous avons systématiquement augmenté les effectifs ! C'est donc une question d'application !
J'ose espérer que, même à droite, le fait de mettre des jeunes en prison pose quand même de sérieux problèmes.
M. Philippe Nogrix. C'est vrai !
M. Jacques Mahéas. En revanche, l'arsenal judiciaire offre la possibilité de réparer ses fautes en cas de tags, de relations extrêmement difficiles : cela s'appelle le travail d'intérêt général.
Mme Nelly Olin. Vous ne l'avez jamais développé !
M. Jacques Mahéas. Hélas ! Le travail d'intérêt général n'est pas mis en place d'une façon systématique. Le fait de repeindre une cage d'escalier ou d'être astreint à réparer telle ou telle dégradation serait peut-être plus éducatif. A titre d'anecdote, je dirai que, à Neuilly-sur-Marne, nous nous sommes pleinement engagés dans ces travaux d'intérêt général.
Mme Nelly Olin. Il n'y a pas qu'à Neuilly-sur-Marne !
M. Jacques Mahéas. Nous avons formé une cinquantaine d'employés communaux. Depuis plus de six mois, nous n'avons plus un seul travail d'intérêt général dans notre commune. Qu'allons-nous faire ?
Faute d'avoir une sanction appropriée, nous augmenterons le niveau des sanctions et nous nous orienterons vers la prison. C'est extrêmement regrettable pour les jeunes !
Mme Nelly Olin. On n'a pas parlé des jeunes ! On parle des délinquants !
M. Jacques Mahéas. Pour ma part, je propose, même si cela ne figure pas dans le texte que nous examinons, que l'on puisse dire ici au juge, d'une façon unanime, que le travail d'intérêt général est une alternative à la peine d'emprisonnement d'un mois.
M. Philippe Nogrix. Il a raison !
M. le président. Monsieur Mahéas, veuillez conclure !
M. Jacques Mahéas. Je conclus, monsieur le président ! Mais autant que ce soit dit dans la discussion !
Je demande donc à M. le ministre que soit indiquée la possibilité de recourir d'abord aux travaux d'intérêt général : ils doivent représenter une alternative à la prison. Ce n'est qu'à cette condition que nous pourrions envisager d'accepter votre amendement, monsieur le ministre, et non pas en proposant d'emblée une peine d'emprisonnement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il existait un film dont le titre était le suivant : Tout ça... pour ça !
Monsieur Mahéas, pour qu'il y ait un TIG, il faut une sanction pénale ! Dans le texte qu'avait voté votre majorité, avec mon prédécesseur, il était impossible de mettre en place les TIG puisqu'aucune sanction pénale n'était prévue. En proposant une sanction pénale, on permet le recours au TIG.
Par ailleurs, il ne revient pas au législateur d'imposer un TIG au magistrat : celui-ci a le choix entre la peine d'emprisonnement et le TIG. C'est une alternative ! Ainsi fonctionne le droit pénal français !
Vous venez de me dire, monsieur Mahéas, que vous accepteriez l'amendement du Gouvernement à la condition que les TIG soient prévus. Mais pour qu'il y ait un TIG, je le répète, il faut qu'il y ait une sanction pénale. Or je propose une sanction pénale. Par conséquent, nous sommes d'accord, monsieur Mahéas.
Vous allez un peu plus loin en demandant que le législateur impose d'abord au magistrat le recours au TIG, la peine d'emprisonnement ne devant être prononcée qu'en second lieu. Mais c'est le magistrat siégeant au tribunal correctionnel qui en décidera en fonction des antécédents du prévenu, de la gravité des actes commis et de la répétition ! (MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jacques Mahéas s'exclament.) Ce n'est pas nous qui allons le dire !
Vous voulez que ce comportement puisse être sanctionné par un TIG. Alors, il faut que vous ayez d'abord le courage de voter la possibilité pour le juge de prononcer une peine d'emprisonnement.
M. Jacques Mahéas. C'est la loi actuelle ! Ce que je demande, c'est une révision de la loi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est ce que l'on propose !
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin, pour explication de vote.
Mme Nelly Olin. Monsieur le ministre, nous vous soutiendrons.
Ce n'est pas nous qui voulons une politique de rigueur, ce sont les Français : ils souhaitent une politique de rigueur et une politique de justice. Si vous avez été sanctionnés, messieurs de l'opposition, c'est parce que vous n'avez pas voulu entendre les Français !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Très bien !
Mme Nelly Olin. Vous avez allusion aux halls d'escalier ! Je suis maire d'une ville difficile, je connais la situation. On n'a pas parlé de jeunes, mais de ceux qui occupent les cages d'escalier, qui rackettent, qui menacent, qui agressent. Les gens ne peuvent plus le supporter !
Nous devons faire preuve d'autorité. Ce sont les braves gens qui, aujourd'hui, sont sanctionnés. Ce ne sont pas ceux qui commettent des délits ! En raison de la politique angélique vous avez menée, nos villes, nos banlieues et même nos zones rurales sont maintenant en permanence agitées.
Certes, nous ne conduisons pas la même politique, mais nous n'avons surtout pas la même notion du mot « sécurité ». Ce débat vous coûte, parce que c'est dur de perdre. Mais, si vous avez perdu, c'est parce que la politique que vous avez menée était une politique de non-sanction ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il était temps que vous arriviez !
M. le président. La parole est à M. Marcel Debarge, pour explication de vote.
M. Marcel Debarge. J'ai l'expérience d'un département - ce qui ne m'autorise pas pour autant à donner de leçon à quiconque - qui n'est pas très facile, même si je l'aime beaucoup. Je trouve d'ailleurs qu'il vaut mieux que ce que l'on en dit quelquefois. J'ai également l'expérience d'une ville, qui n'est pas facile non plus.
On évoque beaucoup l'héritage : nous l'avons évoqué ; vous l'évoquez et nous l'évoquerons bien de nouveau un jour ! C'est le jeu de l'alternance, avec tout ce que cela implique de reproches aux uns et aux autres. Si nous faisions un inventaire - mot devenu à la mode, d'ailleurs, dans certaines sphères -, on s'apercevrait que chacun a apporté quelque chose, a eu aussi beaucoup de torts, mais, comme l'a dit tout à l'heure Louis Mermaz, il y a la constatation d'un fait et l'analyse que l'on en fait après coup.
Il convient de préciser que, en ce qui concerne l'autorité de l'Etat, l'autorité des pouvoirs publics, le respect des services publics, personne ici n'est fondé à donner de leçons à d'autres : nous sommes très respectueux de ce principe dans le cadre des lois qui régissent la République, qui régissent l'Etat et toutes les collectivités territoriales.
A un moment donné, monsieur le ministre - vous êtes habile ! -, vous m'avez laissé entrevoir l'espoir qu'un accord pourrait intervenir entre nous.
J'avais cru comprendre que le ministre de l'intérieur - et cela faisait un peu, passez-moi l'expression, car je ne la veux pas injurieuse, « commissaire-priseur » - était disposé, au débotté, à faire passer de deux mois à un mois la peine de prison encourue. L'initiative semblait prise et, à la question qui a été posée concernant la méthode pour y parvenir, vous avez répondu - je ne crois pas trahir vos propos - qu'il s'agirait d'une sorte d'amendement qui serait cosigné par l'opposition et par la majorité.
Je réfléchissais à cette proposition et nous en parlions entre nous sur ces travées, monsieur le ministre, quand vous êtes revenu un peu en arrière, selon moi, par rapport à votre première suggestion. Cela ressemble trop à un coup politique ! On ne peut pas aller plus loin dans ce domaine où s'impose la réciprocité dans une volonté qui nous est commune.
Il ne s'agit pas de dire : « Je récupère d'un côté ce que je ne peux pas obtenir de l'autre ». Personnellement, je ne m'associerai pas à cela. Je tenais à vous le faire remarquer, étant entendu, encore une fois, que je ne doute pas de la volonté des uns et des autres - chacun en fonction de sa propre analyse, plus sociale chez les uns que chez les autres - de parvenir à restaurer la tranquillité.
Quant aux cages d'escalier, madame Olin, à partir du moment où l'on dit « rassemblement dans les cages d'escalier », beaucoup entendent - vous avez raison de le dire, et vous aussi, monsieur le ministre - le mot « jeunes ». L'insécurité est réelle, mais le sentiment d'insécurité prévaut beaucoup trop. Et je ne pense pas faire preuve d'angélisme en disant cela.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il faut tirer les choses au clair ! Il importe d'éviter tout amalgame à propos des jeunes, mais il est profondément absurde de dire que, parce qu'on est jeune, on ne peut pas être violent et rendre la vie impossible à ses voisins.
M. Jacques Mahéas. C'est évident !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ne nous laissons pas aller au « jeunisme » de la société française.
Par ailleurs, monsieur Debarge, vous m'avez accusé, avec courtoisie, de faire un « coup politique ». Retirez le coup, gardez la politique ! Il n'est pas anormal qu'un responsable politique fasse de la politique ! De la même façon qu'un chef d'entreprise cherche à gagner des consommateurs ou des clients, un responsable politique doit susciter la confiance de ses électeurs et, si possible, accroître leur nombre.
J'ai cru comprendre que, ce qui vous gênait, dans ma proposition, c'était la forme, mais pas le fond, qui représentait un intérêt. Je vous fais une suggestion : déposez donc un amendement et le Gouvernement s'y déclarera favorable.
M. Michel Charasse. Nous n'en avons plus le droit !
M. Jacques Mahéas. Vous connaissez le règlement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faudrait doubler les peines si ce sont des vieux qui encombrent les cages d'escalier ! (Exclamations indignées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Nelly Olin. Ce n'est pas drôle !
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Arrêtons de stigmatiser les jeunes qui sont dans les cages d'escalier ! C'est un vrai problème, mais, pour ma part, je pense à ceux qui passent par les cages d'escalier pour rentrer chez eux.
Ne pensez-vous pas qu'il est de notre responsabilité d'élus d'essayer d'éviter que des jeunes ne se montent les uns contre les autres, que des jeunes n'aient peur les uns des autres ? Des mesures doivent parfois être prises.
C'est bien de se préoccuper des soi-disant victimes qui seront un jour stigmatisées, mais tous ici nous nous intéressons aux jeunes qui sont en train de se former et de découvrir que la France est une nation où il fait bon vivre, et qui ont envie d'y rester.
Mme Nelly Olin. Tout à fait !
M. Philippe Nogrix. Or ils n'y resteront que s'ils y trouvent la tranquillité, la capacité de s'exprimer et de s'épanouir.
Un rapport a été établi par le Sénat sur le nombre de jeunes cadres qui quittent la France pour aller travailler à l'étranger, parce qu'ils n'y trouvent plus leur compte, parce qu'ils ne se sentent plus en sécurité, parce qu'ils n'ont pas envie de fonder un foyer dans un pays où la sécurité n'existe plus.
Alors, comme le propose M. le ministre, prenons des premières mesures, évaluons leur efficacité et, ensuite, on verra ! Si, entre-temps, vous avez des solutions à nous proposer, on les écoutera ! Auparavant, il n'y avait pas de solution. On nous en suggère. Eh bien ! personnellement, j'y adhère ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, me serait-il possible de sous-amender l'amendement n° 214 de façon qu'au lieu de supprimer l'article 21 on y remplace simplement les mots : « deux mois » par les mots : « un mois » ?
M. le président. Monsieur Charasse, même si les auteurs des deux amendements identiques en étaient d'accord, la proposition serait bien audacieuse : je vous rappelle qu'il s'agit d'amendements de suppression et que, partant, il est impossible de les sous-amender.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vois pas comment on pourrait déposer un sous-amendement dans le cas présent : cela ne me paraît pas possible. La seule solution serait que le Gouvernement rectifie son texte, car celle qui vient d'être proposée n'est pas recevable. Vous le savez bien, un sous-amendement ne doit pas être en contradiction avec l'amendement auquel il se rapporte. Or il est clair que le sous-amendement auquel pensait notre ami Michel Charasse contredit l'amendement de suppression, et ne serait donc pas recevable.
La seule solution serait, je le répète, que le Gouvernement propose de rectifier son texte ; il n'y en a pas d'autre.
Pour le reste, et pendant que j'ai la parole, si vous le permettez, monsieur le président, ne pensez-vous pas qu'une différence doit être faite entre, d'un côté, la voie de fait, la menace, la détérioration volontaire de systèmes de sécurité et, de l'autre, l'entrave ? Manifestement, si ! Ces infractions ne sont pas de même nature ni de même gravité, et la punition ne doit donc pas être la même. Je vous livre cette réflexion...
M. le président. Mes chers collègues, il n'est pas possible de sous-amender un amendement qui tend à la suppression d'un article. Par conséquent, restons-en là, si vous le voulez bien.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. La commission est, en quelque sorte, implicitement saisie ici, puisqu'elle a la possibilité de déposer l'amendement en question.
Mais enfin, parlons sincèrement : la question ici n'est pas de choisir entre un mois ou deux mois. Non, dans cette discussion comme dans celles qui sont suscitées par la plupart des autres textes, nous sommes dans une joute verbale où chacun y va de ses effets oratoires.
Mme Nicole Borvo. Il ne s'agit pas uniquement d'effets oratoires !
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Vous savez très bien que ce sont des maxima, vous savez très bien que ce sont les juges qui apprécient et vous savez très bien que les peines ne sont pas exécutées dans leur totalité. Une fois sorties de cet hémicycle, les dispositions que nous adoptons ont une portée bien moindre que celle que nous croyons leur avoir conférée.
La proposition en question n'a donc pas de sens. Ce qui a un sens, en revanche, monsieur le ministre, vous l'avez rappelé très justement, c'est la nécessité qu'il y ait une sanction pénale pour ce genre de comportement, ce qui permettra éventuellement aux juges de prononcer des TIG, comme le réclament certains d'entre vous.
Cela n'aurait aucun sens que la commission ramène la peine de deux mois à un mois, au terme d'une sorte de marchandage. Ce qui avait un sens, un sens politique profond, c'était d'accepter l'offre de M. le ministre, et je regrette que vous ne l'ayez pas fait, chers collègues.
Si vous admettez avec nous qu'effectivement ce genre de comportement mérite une sanction pénale, parce que c'est la sanction pénale qui est la plus adaptée et qui est nécessaire, alors, la commission n'a pas à se prononcer sur un quantum au surplus théorique : il s'agit d'une question de principe.
Après M. le ministre, je veux dire que, dans ce débat où l'on exagère énormément la portée des choses, un débat mythique, en quelque sorte,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un amendement mythique !
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. ... un débat très théorique, très artificiel et, finalement, très politique - et pas au meilleur sens du terme -, un débat, qui plus est, sur des faits dont nous savons qu'il est tout à fait normal qu'ils fassent l'objet de sanctions pénales, si donc dans un tel débat nous étions capables de nous mettre d'accord pour voter un tel texte, je serais prêt, au nom de la commission, à déposer cet amendement.
La proposition qui nous a été faite, extrêmement sympathique, au demeurant, était un vrai signal politique et nous donnait l'occasion de nous trouver réunis, pour une fois, dans une démarche tout simplement normale, qui n'a rien d'excessif, qui n'a rien d'inhumain.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une démarche « normale » ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 156 et 214.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 21.

(L'article 21 est adopté.)

Article 22