SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 13. - I. - L'article 28 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001
relative à la sécurité intérieure est abrogé.
« II. - Après l'article 17 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation
et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un article 17-1 ainsi
rédigé :
«
Art. 17-1
. - Les décisions administratives de recrutement,
d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des
dispositions législatives ou réglementaires, concernant soit les emplois
publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat, soit
les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la
défense, soit l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y
exerce, soit l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère
dangereux, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à
vérifier que le comportement des intéressés n'est pas incompatible avec
l'exercice des fonctions ou des missions envisagées.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des emplois et fonctions pour
lesquels l'enquête administrative peut donner lieu à la consultation des
traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 9 de la
loi n° du pour la sécurité intérieure, y compris pour les données
portant sur des procédures judiciaires en cours, dans la stricte mesure exigée
par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts
fondamentaux de la nation.
« Il peut être également procédé à cette consultation pour l'instruction des
demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de
renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers, ainsi
que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux.
« Cette consultation est faite par des agents de la police et de la
gendarmerie nationales spécialement habilités à cet effet. Dans des conditions
déterminées par décret en Conseil d'Etat, notamment pour l'application du
troisième alinéa du présent article, elle peut également être effectuée par des
personnels investis de missions de police administrative désignés selon les
mêmes procédures.
« La consultation des traitements automatisés de données personnelles
mentionnés à l'article 9 de la loi n° du pour la sécurité intérieure
peut également être effectuée pour l'exercice de missions ou d'interventions
lorsque la nature de celles-ci ou les circonstances particulières dans
lesquelles elles doivent se dérouler comportent des risques d'atteinte à
l'ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens, ainsi qu'au titre
des mesures de protection ou de défense prises dans les secteurs de sécurité
des installations prioritaires de défense visés à l'article 17 de l'ordonnance
n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 142, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 274, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour
l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de
programmation relative à la sécurité, après les mots : "relevant du domaine de
la sécurité ou de la défense", insérer les mots : "soit les emplois privés
relevant des domaines des jeux, paris et courses,". »
L'amendement n° 180, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes André et Blandin,
MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les
membres du Groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer les quatre derniers alinéas du texte proposé par le II de cet
article pour l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation
et de programmation relative à la sécurité. »
L'amendement n° 181, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et
Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et
les membres du Groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Remplacer les quatre derniers alinéas du texte proposé par le II de cet
article pour l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation
et de programmation relative à la sécurité par trois alinéas ainsi rédigés :
« Un décret en Conseil d'Etat, pris sur avis de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés, fixe la liste des emplois et fonctions pour
lesquels les auteurs d'une enquête administrative peuvent demander au procureur
de la République qu'il leur communique, sous sa responsabilité, des données
personnelles mentionnées à l'article 9 de la loi n° du .
« a) pour la sécurité intérieure, y compris pour les données portant sur des
procédures judiciaires en cours, dans la stricte mesure exigée par la
protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux
de la nation ;
« b) pour l'exercice de missions ou d'interventions lorsque la nature de
celles-ci ou les circonstances particulières dans lesquelles elles doivent se
dérouler comportent des risques d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité
des personnes et des biens, ainsi qu'au titre des mesures de protection ou de
défense prises dans les secteurs de sécurité des installations prioritaires de
défense visés à l'article 17 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959
portant organisation générale de la défense. »
L'amendement n° 182 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André
et Blandin, MM. Estier, Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz,Peyronnet,
Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le
II de cet article pour l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995
d'orientation et de programmation relative à la sécurité : « Elle peut
également être effectuée par des personnels investis de missions de police
administrative désignés selon les mêmes procédures dans des conditions
déterminées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission
nationale de l'informatique et des libertés. »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 142.
M. Robert Bret.
Cet article prévoit que les décisions de recrutement ou d'agrément relatives à
des emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de
l'Etat ou des emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité
pourraient être précédées d'enquêtes administratives afin de s'assurer que la
personne n'a pas eu, dans le passé, un comportement incompatible avec
l'exercice de ses nouvelles fonctions.
A cet effet, il serait possible de consulter les traitements automatisés de
données personnelles mentionnés à l'article 9.
Le problème est le suivant : désormais, il est fait usage de ce fichier de
façon systématique, depuis que presque toute personne peut y figurer, alors que
le casier judiciaire joue déjà ce rôle quand il s'agit de recruter quelqu'un
pour des missions sensibles et que l'on veut connaître son passé judiciaire.
En effet, au-delà des cas de communication obligatoires prévus par la loi, les
mentions portées au casier judiciaire peuvent être communiquées sous la forme
de bulletins dont le contenu varie selon la qualité du demandeur.
Le bulletin n° 1 est le bulletin le plus complet et il ne peut être délivré
qu'à l'autorité judiciaire.
Le bulletin n° 2 est moins complet et ne comporte pas, par exemple, les
condamnations pour contraventions, les condamnations à des peines alternatives
ou à des peines complémentaires prononcées à titre principal à l'issue d'un
délai de cinq ans. C'est ce bulletin qui pourrait être utilisé, plutôt que
d'étendre encore davantage l'usage de votre fichier, monsieur le ministre.
Ainsi, l'article R. 79 du code de procédure pénale prévoit une longue liste,
quelque peu désordonnée et hétéroclite, d'administrations publiques,
d'organismes et autorités ayant le privilège, pour l'exercice de leurs
fonctions ou de leurs missions, d'obtenir la délivrance du bulletin n° 2 du
casier judiciaire.
Nous estimons donc que l'article 13 est inutile et que ses dispositions sont
en totale contradiction avec les mécanismes traditionnels de production de
preuve de capacité d'exercer certaines fonctions par production de ce bulletin
n° 2 du casier judiciaire.
C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet
amendement.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 274.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Il s'agit de réparer un oubli. Notre amendement vise à
permettre la consultation du fichier STIC et du fichier JUDEX par les autorités
administratives pour l'agrément de tous les personnels qui travaillent dans les
courses et dans les jeux. Nous avions oublié de le noter quand nous avons
présenté le texte.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter les amendements n°s
180, 181 et 182 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'amendement n° 180 n'a plus d'objet, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 180 n'a effectivement plus d'objet.
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'amendement n° 181 concerne les auteurs d'une enquête administrative,
question qui, me semble-t-il, ne fait pas l'objet de l'article 9 que nous avons
adopté.
Je le reconnais : c'est un peu compliqué. Je ne crois pas que nous ayons
encore évoqué ce que peuvent faire les auteurs d'une enquête administrative,
mais vous pourrez me démentir, monsieur le rapporteur.
Par cet amendement, nous proposons de remplacer les quatre derniers alinéas du
texte proposé par le II de l'article 13 par les trois alinéas suivants :
« Un décret en Conseil d'Etat, pris sur avis de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés, fixe la liste des emplois et fonctions pour
lesquels les auteurs d'une enquête administrative peuvent demander au procureur
de la République qu'il leur communique, sous sa responsabilité, des données
personnelles mentionnées à l'article 9 de la loi n° du :
« a) pour la sécurité intérieure, y compris pour les données portant sur des
procédures judiciaires en cours, dans la stricte mesure exigée par la
protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux
de la nation ;
« b) pour l'exercice de missions ou d'interventions lorsque la nature de
celles-ci ou les circonstances particulières dans lesquelles elles doivent se
dérouler comportent des risques d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité
des personnes et des biens, ainsi qu'au titre des mesures de protection ou de
défense prises dans les secteurs de sécurité des installations prioritaires de
défense visés à l'article 17 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959
portant organisation générale de la défense. »
L'article 13 prévoit la consultation des données que nous avons énumérées tout
à l'heure, à savoir les délits, les crimes et certaines contraventions de
cinquième classe. Il prévoit également des choses très graves, à savoir la
consultation des données portant sur des procédures judiciaires en cours, dans
la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la
défense des intérêts fondamentaux de la nation. Il prévoit encore - et c'est ce
que notre amendement vise à supprimer - la consultation pour l'instruction des
demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de
renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers.
Cela signifie que, grâce à l'enquête de préfecture qui a duré longtemps, même
si on possède d'excellents renseignements sur la personne qui demande sa
naturalisation ou un titre de séjour, on vérifiera qu'elle ne vient pas de
faire l'objet d'une contravention de cinquième classe.
A l'évidence, il s'agit d'une atteinte au principe de la présomption
d'innocence. Jusqu'à présent, il y avait le casier judiciaire et le fichier et
on s'en contentait. Avec les dispositions de l'article 13, on va beaucoup plus
loin. En effet, il ne s'agit plus désormais de traquer des délinquants, des
terroristes, des voleurs ou des receleurs, il s'agit, je le répète, de porter
atteinte au principe de la présomption d'innocence. Nous ne sommes pas d'accord
!
Il en est de même pour la nomination et la promotion dans les ordres
nationaux. Autoriser à ce titre la consultation des traitements automatisés de
données nous paraît être - on l'a déjà dit - une plaisanterie. Là aussi, des
dossiers sont constitués par les Renseignements généraux. Est-il utile
d'inscrire les personnes concernées dans ce fichier ? Sûrement pas !
J'en viens à l'amendement n° 182 rectifié.
L'article 13 prévoit que la consultation est faite par des agents de la police
et de la gendarmerie nationale habilités à cet effet. Il prévoit aussi,
notamment pour l'application du troisième alinéa, qu'elle peut également être
effectuée par des personnels investis des missions de police administrative
désignés selon les mêmes procédures. Là aussi, nous demandons que le décret en
Conseil d'Etat soit pris après avis de la CNIL. En effet, cet article accroît
considérablement le nombre de catégories de personnes autorisées à consulter
les fichiers. Il convient de s'assurer qu'une telle extension, sur laquelle la
CNIL n'a pas été saisie, n'est pas contraire aux principes généraux de la
protection des données personnelles, et en particulier de la loi du 6 janvier
1978. Vous avez admis cette extension notamment pour les services de police et
de gendarmerie. Mais est-il nécessaire d'étendre le dispositif à la police
administrative ? Ne convient-il pas, au moins ici, que la CNIL soit consultée
pour veiller à ce qu'il n'y ait pas d'excès ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
L'amendement n° 142 tend à supprimer l'article 13, qui permet
des enquêtes administratives avant le recrutement de personnes chargées de
missions de sécurité et la consultation des fichiers de police judiciaire dans
le cadre de ces enquêtes. Cet article est directement repris de la loi relative
à la sécurité quotidienne. A l'époque, il n'avait pas suscité d'amendement de
suppression. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n° 274 vise à compléter la liste des emplois ou fonctions qui
pourront donner lieu à des enquêtes administratives avant recrutement ou
affectation pour viser les emplois privés relevant des domaines des jeux, paris
et courses. Une telle précision est tout à fait utile. La commission émet donc
un avis favorable.
L'amendement n° 181 tend à limiter considérablement la consultation des
fichiers de police à des fins administratives. Les dispositions du projet de
loi sur cette question ont pourtant une grande utilité. Il peut être important
de savoir si une personne qui entre sur notre territoire a des antécédents
judiciaires dans notre pays. La commission émet donc un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 182 rectifié, il prévoit une consultation de la CNIL
pour l'adoption du décret définissant la liste des enquêtes pouvant donner lieu
à consultation des fichiers. En pratique, l'essentiel est que la CNIL soit
consultée sur la constitution des fichiers et leur contenu. Un nouvel avis de
la CNIL surchargerait les procédures. Aussi, la commission émet un avis
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Même avis que la commission !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 142.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux vois l'amendement n° 274.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur
l'amendement n° 181.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. le rapporteur nous a expliqué que, lorsqu'une personne entre en France, il
faut bien que l'on connaisse sa situation. Mais ce n'est pas du tout le contenu
de l'amendement !
Le troisième alinéa du texte proposé par l'article 13 pour l'article 17-1 de
la loi de 1995 dispose : « Il peut être également procédé à cette consultation
pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de
délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des
étrangers [...]. » Il ne concerne pas du tout les nouveaux arrivants : il vise
ceux qui sont déjà là et qui ont un titre de séjour !
Nous persistons donc à demander que l'on ne commette pas d'atteinte à la
présomption d'innocence et, plus que jamais, nous maintenons notre
amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 181.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 182 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14