SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Robert Calmejane.
(Applaudissements sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Robert Calmejane.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation
nationale et de la recherche.
Monsieur le ministre, l'enseignement professionnel souffre depuis trop
longtemps d'une dépréciation fâcheuse.
La voie classique de l'enseignement général, illustrée notamment par le
collège unique, veut naïvement que chacun ait le même parcours et soit formé
sur le même moule.
Malheureusement, parce que cette voie est trop souvent qualifiée de « normale
», celle de l'enseignement professionnel et technique est, elle, reléguée au
rang d'ultime recours vers lequel se tournent des élèves en situation d'échec
scolaire.
Il faut aujourd'hui, contrairement au gouvernement précédent, valoriser la
voie professionnelle...
M. Jacques Mahéas.
C'est nous qui avons créé les bacs professionnels !
M. Robert Calmejane.
... afin qu'elle retrouve dans les perceptions des élèves, des parents et des
professeurs la place qu'elle n'aurait jamais dû quitter, c'est-à-dire celle
d'une réelle possibilité d'orientation tout aussi intéressante et prometteuse
que les autres.
Quel dysfonctionnement majeur de notre éducation nationale a pu nous faire
arriver au point de considérer qu'il valait mieux être un chômeur diplômé qu'un
artisan ou un ouvrier de qualité ?
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelles mesures vous
comptez prendre pour que la voie de la professionnalisation ne soit pas choisie
par défaut, mais bien au contraire de manière motivée.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Monsieur le sénateur, non seulement l'enseignement professionnel est
aujourd'hui trop souvent choisi par défaut - vous avez raison de le dire -
mais, dans l'état actuel de notre collège - c'est cela le véritable problème,
et il faut avoir le courage de le dire -, il ne peut pas en aller autrement.
Depuis trente ans, j'entends parler de la revalorisation de la voie
professionnelle, mais les véritables raisons de l'insuccès des différentes
tentatives d'y parvenir ne sont pas analysées.
Il faut refaire là aussi très rapidement un tout petit peu d'histoire : si,
aujourd'hui, les jeunes sont obligés de choisir l'enseignement professionnel
par défaut, c'est en raison de deux réformes qui sont en elles-mêmes
excellentes, mais dont le croisement est, hélas ! fâcheux pour l'enseignement
professionnel : tout d'abord, la réforme Berthoin a porté, en 1959, l'âge des
études obligatoires à seize ans, ce qui est très bien. Par ailleurs, la réforme
Haby, intervenue en 1975 à prévu que cette scolarité obligatoire jusqu'à seize
ans se déroulerait dans le cadre du collège unique et, par conséquent, de la
voie générale. De plus, les classes de quatrième et de troisième technologiques
ont été supprimées.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Par conséquent, nos enfants sont obligés de suivre leur scolarité jusqu'à
seize ans dans la voie générale. Or, cette année - et le problème est là -,
cela a conduit à un échec pour 158 000 d'entre eux. Environ 160 000 jeunes
sortent chaque année de notre système scolaire sans diplôme ou sans
qualification.
Par conséquent, que faire ? Je vous ferai part de trois mesures tout à fait
concrètes et à mes yeux essentielles, même si d'autres peuvent être
envisagées.
Tout d'abord, il faut travailler en amont du lycée professionnel et permettre
aux enfants, tout en suivant un enseignement général au sein du collège -
l'idéal de l'enseignement général est donc maintenu -, de découvrir, quand ils
le souhaitent et bien évidemment avec l'accord des familles, les métiers plus
tôt, notamment grâce à des stages en lycée professionnel.
Mme Hélène Luc.
Il faut avant tout qu'ils réussissent à l'école primaire !
Mme Nicole Borvo.
On les orientera vers un métier à l'école maternelle !
M. Luc Ferry,
ministre.
Par ailleurs, il faut montrer non seulement qu'on peut choisir
l'enseignement professionnel avant d'être en situation d'échec dans
l'enseignement général, mais aussi montrer que cet enseignement professionnel
peut être - et vous le disiez tout à fait justement, monsieur le sénateur -,
une voie d'excellence.
M. René-Pierre Signé.
Pour les pauvres !
M. Luc Ferry,
ministre.
Ce qui permet d'atteindre ce but, c'est notamment le lycée des
métiers, dont il faut régler le problème de la labellisation. Le lycée des
métiers permet aux enfants qui y entrent de voir que toute la hiérarchie des
titres et des diplômes y est présente : on peut y passer un CAP, un BEP, un bac
professionnel, mais également un BTS, un DUT et - pourquoi pas ? - une licence
professionnelle. Il apparaît donc clairement aux yeux des enfants que les
lycées des métiers peuvent constituer une voie d'excellence comme les autres.
Il est par conséquent essentiel de régler le problème de la labellisation du
lycée professionnel.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Enfin - c'est la troisième mesure -, mes collègues de l'enseignement général
ignorent la réalité du lycée professionnel d'aujourd'hui, qui n'est plus le
lycée de mon enfance. Aujourd'hui, le lycée professionnel est souvent très bien
équipé. Il y règne une ambiance chaleureuse, intéressante, parfois un peu
familiale. Quand on visite les lycées professionnels, on s'aperçoit qu'on y
fait des choses très intéressantes.
M. René-Pierre Signé.
Grâce à Mélenchon !
M. Luc Ferry,
ministre.
Mais les professeurs exerçant dans l'enseignement général ne le
savent pas !
Je propose donc, entre autres mesures, que tous les professeurs stagiaires
d'IUFM fassent au moins une semaine de stage dans les lycées professionnels.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Gérard Cornu.
Cela nous change !
M. René-Pierre Signé.
Mais ça, ce n'est pas pour les gosses de riches !
INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES