SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 5. - I. - L'article 23 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001
relative à la sécurité quotidienne est abrogé.
« II. - Il est créé, après l'article 78-2-1 du code de procédure pénale, un
article 78-2-2 ainsi rédigé :
«
Art. 78-2-2
. - Sur réquisitions écrites du procureur de la
République aux fins de recherche et de poursuite des actes de terrorisme visés
par les articles 421-1 à 421-5 du code pénal des infractions en matière d'armes
et d'explosifs visées par l'article 3 de la loi du 19 juin 1871 abrogeant le
décret du 4 septembre 1870 sur la fabrication des armes de guerre et par les
articles 20, 31 et 32 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels
de guerre, armes et munitions, des infractions de vol visées par les articles
311-3 à 311-11 du code pénal, de recel visées par les articles 321-1 et 321-2
du code pénal ou des faits de trafic de stupéfiants visés par les articles
222-34 à 222-38 du code pénal, les officiers de police judiciaire, assistés, le
cas échéant, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire
adjoints mentionnés aux 1°, 1°
bis
et 1°
ter
de l'article 21,
peuvent, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine
et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse
selon la même procédure, procéder non seulement aux contrôles d'identité prévus
au sixième alinéa de l'article 78-2 mais aussi à la visite des véhicules
circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux
accessibles au public.
« Pour l'application des dispositions du présent article, les véhicules en
circulation ne peuvent être immobilisés que le temps strictement nécessaire au
déroulement de la visite qui doit avoir lieu en présence du conducteur.
Lorsqu'elle porte sur un véhicule à l'arrêt ou en stationnement, la visite se
déroule en présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule ou, à défaut,
d'une personne requise à cet effet par l'officier ou l'agent de police
judiciaire et qui ne relève pas de son autorité administrative. La présence
d'une personne extérieure n'est toutefois pas requise si la visite comporte des
risques particuliers.
« En cas de découverte d'une infraction ou si le conducteur ou le propriétaire
du véhicule le demande ainsi que dans le cas où la visite se déroule en leur
absence, il est établi un procès-verbal mentionnant le lieu et les dates et
heures du début et de la fin de ces opérations. Un exemplaire en est remis à
l'intéressé et un autre est transmis sans délai au procureur de la
République.
« Toutefois, la visite des caravanes, roulottes, maisons mobiles ou
transportables et des véhicules spécialement aménagés pour le séjour ne peut
être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et
visites domiciliaires lorsqu'ils sont en stationnement et sont utilisés comme
résidence effective.
« Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées
dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause
de nullité des procédures incidentes. »
La parole est à M. Robert Bret, sur l'article.
M. Robert Bret.
Cet article 5 traite de la possibilité de procéder non seulement à des
contrôles d'identité, mais aussi à des fouilles de véhicules. Il s'agit là d'un
sujet particulièrement sensible qui mérite de s'y attarder un instant.
En effet, comme l'a très justement précisé ma collègue Nicole Borvo, en
défendant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité sur ce
projet de loi, monsieur le ministre, la fouille des véhicules, telle que vous
la concevez, constitue une atteinte à la liberté individuelle, protégée par
l'article 66 de la Constitution.
Si nous comprenons parfaitement la nécessité de donner à la police les moyens
d'accomplir ses missions, en revanche nous estimons que cela ne peut se faire
que dans le respect de la loi et des principes fondamentaux.
En l'occurrence, nous estimons que les cas dans lesquels les officiers de
police judiciaire et les agents de police judiciaire peuvent exercer leurs
pouvoirs sont trop généraux, tout comme la portée des contrôles susceptibles de
s'ensuivre est trop imprécise. Or, mes chers collègues, la liberté individuelle
ne saurait se satisfaire de pouvoirs généraux et imprécis.
Par ailleurs, alors que c'est le juge judiciaire qui est le garant de la
liberté individuelle, le fait de rendre possible des fouilles de véhicules en
cas de recherche d'infractions est ambigu et ouvre la voie aux confusions.
En effet, la recherche de ces actes ne veut pas dire qu'ils ont déjà été
commis. Il s'agirait donc de fouilles à titre préventif. Dans ce cas, c'est la
police administrative qui est compétente pour agir.
On le voit bien, il y a ici confusion entre la police administrative et la
police judiciaire.
Par conséquent, la protection de la liberté individuelle n'est alors plus
garantie par le juge judiciaire, en violation de nos principes
constitutionnels.
Pour toutes ces raisons, l'article 5 du projet de loi ainsi que les articles 6
et 7 portent à notre avis atteinte au droit et au respect de la vie privée.
J'aurai l'occasion d'y revenir lorsque je défendrai les amendements déposés au
nom des sénateurs communistes.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
L'article 5 du projet de loi étend la faculté conférée aux policiers et aux
gendarmes de procéder à la visite de véhicules en pérennisant le dispositif
introduit dans la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2002.
Le paragraphe I de l'article 5 réécrit le premier alinéa de l'article 78-2-2
du code de procédure pénale relatif à la fouille des véhicules. Cet article
avait été introduit à l'occasion de l'examen au Sénat, en nouvelle lecture, du
projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
En effet, à la suite des attentats survenus aux Etats-Unis, le 11 septembre
2001, le Gouvernement avait souhaité disposer des moyens impérieusement
nécessaires à la lutte contre le terrorisme, alimenté par le trafic de
stupéfiants et les trafics d'armes, et qui peut s'appuyer sur l'utilisation des
nouvelles technologies de l'information et de la communication. A cette fin, il
avait saisi l'opportunité de l'examen par le Sénat, en nouvelle lecture, du
projet de loi relatif à la sécurité quotidienne pour déposer, le 17 octobre
2001, toute une série de dispositions renforçant la lutte contre le terrorisme
afin de prévenir de nouveaux actes terroristes et de faciliter la recherche des
auteurs de ceux qui ont été commis.
Aussi avait-il proposé d'insérer dans le code de procédure pénale un article
78-2-2 - c'est l'article 23 du projet de loi - autorisant les officiers de
police judiciaire et, le cas échéant, les agents et les adjoints de police
judiciaire, y compris les adjoints de sécurité, à procéder, sur réquisitions
écrites du procureur de la République, aux fins de recherche et de poursuite
des actes de terrorisme, des infractions à la législation sur les armes et les
explosifs ou de certains faits de trafic de stupéfiants, dans les lieux et pour
la durée déterminés par le procureur, « aux contrôles d'identité... mais aussi
à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie
publique ou dans des lieux accessibles au public ».
L'article 5 du projet de loi doit être apprécié à l'aune de deux
observations.
En premier lieu, l'article 78-2-2, dans sa rédaction initiale, était assorti
d'une condition d'application temporaire. Le Gouvernement a souhaité conférer à
l'ensemble de son dispositif de lutte contre le terrorisme et le trafic de
stupéfiants un caractère provisoire en précisant que les dispositions adoptées
cesseraient de s'appliquer le 31 décembre 2003 au plus tard. Il s'agissait -
j'insiste sur ce point - d'un engagement du Gouvernement.
Le Gouvernement avait également accompagné cette réserve dans le temps de
l'annonce du dépôt d'un rapport d'évaluation sur l'application de ces
dispositions devant le Parlement afin que celui-ci puisse mesurer leur
efficacité et apprécier, le cas échéant, l'opportunité de les reconduire.
En second lieu, l'article 5 du projet de loi, dans la paragraphe I, abroge
l'article 78-2-2 du code de procédure pénale en vigueur et, dans le paragraphe
II, propose une nouvelle rédaction de l'article 78-2-2 afin non seulement de
pérenniser le dispositif de fouille des véhicules mais également d'en étendre
le champ d'application. Aux actes de terrorisme, infractions en matière d'armes
et d'explosifs et de trafic de stupéfiants, il ajoute - et cela me paraît
inadmissible - les infractions de vol et de recel.
Dans ces conditions, nous ne sommes plus dans le cadre qui justifiait à
l'époque l'acceptation d'une telle mesure. Celle-ci devient pérenne sans que le
Parlement ait été consulté et que le rapport attendu sur l'application de ce
dispositif ait été déposé pour que la représentation nationale soit
correctement informée.
Quant à la motivation d'une telle mesure, celle-ci s'en trouve dénaturée.
L'objet ne consiste plus dans la recherche et la poursuite exclusive des actes
de terrorisme et des infractions qui l'alimentent, tels les infractions à la
législation sur les armes et les explosifs, le trafic de stupéfiants.
Le Gouvernement est en train de faire d'une législation d'exception une règle
de droit commun alors que les faits incriminés ne sont pas de même nature et de
même importance. Il s'agit d'une dérive préoccupante. D'ailleurs, la question
générale de l'opportunité d'un certain nombre de dispositions prévues par le
projet de loi mérite d'être posées. Les objectifs de lutte contre la
délinquance sur lesquels le Gouvernement s'est engagé ne peuvent pas être
justifiés au même degré que ceux qui sont mis en oeuvre au service de la lutte
contre la menace terroriste.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'y a rien à ajouter à ce qui vient d'être dit,...
Plusieurs sénateurs du RPR.
Alors pourquoi intervenir ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... hormis une observation.
Beaucoup de gens, qui appartiennent en particulier à la majorité, nous
expliquent : « Cela ne me gêne pas qu'on fouille ma voiture ; je trouve cela
normal. » Mais il faut tout de même se mettre à la place de celui qui, pour une
quelconque raison, plausible ou non, car il n'y aura aucune explication à
donner, sera éventuellement invité à ouvrir son coffre dix fois par jour. Cela
pourra arriver !
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Il faut voir les choses en face ! Il est évident que les vieilles voitures
seront sans doute contrôlées plus souvent que les cylindrées d'âge moyen. Quant
aux très belles voitures, tout le monde le sait, elles appartiennent à des
criminels ou à des gens du voyage !
(Nouvelles exclamations sur les mêmes
travées.)
M. Jean Chérioux.
N'importe quoi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout dépendra aussi - c'est bien évident - de la tête du chauffeur et de son
aspect physique.
(Mais non ! sur les mêmes travées.)
Mais vous le savez bien que c'est ainsi que cela se passera ! Et c'est
pourquoi il est essentiel de veiller au respect de la liberté d'aller et
venir.
On pourrait imaginer, monsieur le ministre, lors du premier contrôle, que les
policiers délivrent une sorte d'attestation. Cela rendrait les contrôles
suivants plus rapides !
Voilà les raisons pour lesquelles de telles mesures ne doivent être ni
pérennisées ni étendues. Là encore, vous pourriez vous dire qu'il ne convient
pas de changer ce qui a été fait aussi récemment. Mais non ! Vous n'hésitez pas
à le changer !
J'aimerais que vous admettiez de bonne foi - nous sommes là, nous l'avons
suffisamment dit, pour essayer de nous comprendre : le débat est fait pour ça -
qu'il puisse y avoir des excès et que nous recherchions peut-être les moyens de
les éviter. Or le meilleur moyen pour ce faire consistait précisément à rendre
ces mesures provisoires de manière qu'elle puissent être à tout moment
réétudiées, voire remises en cause, car la liberté d'aller et venir est au
moins aussi précieuse que l'est le droit à la sécurité.
M. Jean Chérioux.
Et la vie des gens ?
M. Jacques Mahéas.
Il faudrait faire une évaluation !
M. le président.
La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, si je vous ai bien compris, vous voudriez que,
lorsqu'un véhicule a été contrôlé une fois dans la journée, un papier le
signalant soit apposé sur son pare-brise.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Au moins pour la journée !
M. Robert Del Picchia.
Mais alors, tous les terroristes vont se faire contrôler à huit heures du
matin ! Ils auront toute la journée entière pour embarquer dans leur véhicule
toutes les armes qu'ils veulent !
M. Jean Chérioux.
C'est enfantin !
M. le président.
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 132, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 133, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour
l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, après les mots : "armes et
munitions", supprimer les mots : ", des infractions de vol visées par les
articles 311-3 à 311-11 du code pénal, de recel visées par les articles 321-1
et 321-2 du code pénal". »
L'amendement n° 134, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour
l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, après les mots : "vingt-quatre
heures", supprimer les mots : ", renouvelables sur décision expresse selon la
même procédure,". »
L'amendement n° 167, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes André et Blandin,
MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les
membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour
l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, après les mots : "qui ne peut
excéder 24 heures, renouvelables sur décision expresse", insérer les mots : "et
motivée". »
L'amendement n° 135, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Au début du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour
l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "En cas de
découverte d'une infraction ou si le conducteur ou le propriétaire du véhicule
le demande ainsi que dans le cas où la visite se déroule en leur absence,".
»
L'amendement n° 136, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet
article pour l'article 78-2-2 du code de procédure pénale :
« Les visites de véhicules ne peuvent avoir lieu dans les caravanes, maisons
mobiles ou transportables ainsi que dans tous les véhicules spécialement
aménagés et utilisés aux fins d'y habiter. »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter les amendements n°s 132, 133 et
134.
M. Robert Bret.
L'article 5 crée un article 78-2-2 qui définit les conditions dans lesquelles
peuvent s'exercer les visites de véhicules et les contrôles d'identité.
Comme l'a rappelé notre collègue M. Mahéas, une disposition proche a été
introduite dans le code de procédure pénale par la loi sur la sécurité
quotidienne, promulguée il y a tout juste un an, le 15 novembre 2001.
Elle avait été en effet proposée par le gouvernement de l'époque dans le cadre
de son dispositif provisoire de lutte contre le terrorisme, après les tragiques
attentats survenus le 11 septembre 2001.
Bien que la loi du 15 novembre 2001 ait encadré ces fouilles et ces contrôles,
nous nous étions néanmoins abstenus sur leur extension.
Cette loi ne les autorisait que pour des infractions strictement définies,
visant des faits de terrorisme, de trafic d'armes ou de stupéfiants, dans des
lieux et pour une période de temps strictement limités sous le contrôle d'un
magistrat.
Que nous propose aujourd'hui l'actuel gouvernement ? Rien de moins que
d'étendre les possibilités de visite des véhicules et de contrôle d'identité
aux recherches d'infractions de vol et de recel, et ce pour une période pouvant
aller jusqu'à vingt-quatre heures, renouvelables.
De plus, en extrayant ces dispositions de celles qui ont été prises à titre
provisoire dans la loi relative à la sécurité quotidienne pour renforcer la
lutte contre le terrorisme, on mélange tout : la lutte contre l'insécurité
quotidienne que subissent les Français et la lutte contre le terrorisme, qui
relève d'un tout autre registre.
Procéder de la sorte revient à sous-entendre que ceux qui volent les
autoradios sont les mêmes que ceux qui posent les bombes ! Ce genre d'amalgame
est très dangereux. Nous l'avions d'ailleurs dénoncé lors de l'examen de la loi
sur la sécurité quotidienne et nous avions alors été les seuls à le faire.
Nous persistons d'autant plus aujourd'hui que l'efficacité d'un tel dispositif
n'a pas été démontrée. Nous estimons que, avant d'étendre et de pérenniser de
la sorte un dispositif à l'origine provisoire, il aurait fallu procéder à son
évaluation, tant avant qu'après l'entrée en vigueur de la loi du 15 novembre
2001.
Or, vous vous contentez de renforcer ces dispositions entrées en vigueur il y
a un an. Qu'est-ce qui justifie, monsieur le ministre, aujourd'hui plus
qu'hier, la mise en oeuvre de telles dispositions, si ce n'est la volonté
d'exercer un contrôle permanent sur tous les citoyens, au mépris du respect de
la liberté individuelle, énoncée à l'article 66 de notre Constitution ?
(Mme
Nelly Olin s'esclaffe.)
Alors que le gouvernement précédent avait prévu de donner un caractère
exceptionnel et provisoire au dispositif anti-terrorisme, en ne le maintenant
que jusqu'au 31 décembre 2003, vous le rendez permanent.
Vous comprendrez que, nous étant abstenus hier sur des dispositions pourtant
limitées dans le temps, nous nous opposions aujourd'hui à l'article 5, qui les
pérennise. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Robert Bret.
Les autres amendements que nous avons déposés sur cet article constituent des
amendements de repli.
L'amendement n° 133 vise à supprimer la possibilité donnée aux officiers de
police judiciaire de procéder aux fouilles et contrôles ici visés pour les
actes de vol et de recel. En effet, une telle extension apparaît d'autant moins
justifiée que, en matière de lutte contre le terrorisme, de trafic d'armes et
de stupéfiants, ces fouilles et contrôles, qui sont autorisés depuis près d'un
an, n'ont pas, jusqu'à présent, fait la preuve de leur efficacité.
De même, avec l'amendement n° 134, nous nous opposons à une extension de la
durée pendant laquelle les pouvoirs de police peuvent s'exercer en matière de
contrôles d'identité et de visites de véhicule, extension telle que cette durée
ne serait pas expressément définie par la loi. La durée prévue dans cet article
est trop imprécise, monsieur le ministre, dans la mesure où on ne sait pas
combien de fois les vingt-quatre heures sont renouvelables.
Dans ces conditions, il est préférable de fixer cette durée de manière
clairement limitative dans la loi, afin d'éviter tout risque d'abus ou
d'arbitraire.
Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs reconnu qu'il y avait bien atteinte à
la liberté individuelle lorsque la période pendant laquelle il peut être
procédé à des fouilles de véhicules n'est pas précisément limitée dans le
temps.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n°
167.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La loi relative à la sécurité quotidienne a prévu que l'autorisation du
procureur de la République est nécessaire pour pouvoir procéder à la fouille
des véhicules. Certes, le procureur de la République n'est tenu à aucune limite
dans le temps mais on imagine mal qu'il puisse délivrer son autorisation pour
six mois ou,
a fortiori,
un an.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, vous avez jugé qu'il convenait de
préciser que l'autorisation était renouvelable, mais sans dire combien de fois.
Elle peut donc être renouvelée éternellement. Nous nous trouvons dans la même
situation que celle que vous prétendez corriger !
Vous savez combien nous sommes hostiles à l'article 5 lui-même, et cela doit
être dit d'autant plus qu'il y a de l'hypocrisie, je le dis, et excusez-moi du
terme,...
M. Jean Chérioux.
C'est de l'autocritique ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... dans votre démarche. Au terrorisme, vous ajoutez le vol et le recel.
Or, le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 78-2-2 dispose : « Le
fait que les opérations révèlent d'autres infractions que celles visées dans
les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de
nullité des procédures incidentes. »
Cela signifie que, avec le texte tel qu'il était, il était déjà possible, sous
prétexte de terrorisme, de fouiller les voitures et de poursuivre pour
n'importe quel délit, y compris vol et recel, voire pour n'importe quelle
contravention.
Autrement dit, la disposition que vous ajoutez ne rime pas à grand-chose,
sinon à rendre la disposition définitive. Même si, en France, il arrive que le
provisoire dure longtemps !
Je précise d'ailleurs que, contrairement à ce que certains affirment, aucun
d'entre nous, au sein du groupe socialiste, n'a voté contre la loi relative à
la sécurité quotidienne, j'avais, certes, en particulier, émis l'espoir -
c'était sans doute très utopique, je le reconnais - qu'on puisse renoncer à ces
mesures avant le 31 décembre 2003 et ajouté qu'il n'y avait donc pas de raison
de prévoir une limite quelconque à l'application de la loi. Mais nous n'avons
pas voté contre le dispositif. Pour autant, nous estimons que ce n'est pas la
peine d'en « rajouter » comme vous le faites, monsieur le ministre.
Compte tenu de notre hostilité de principe, notre amendement ne peut être que
tout à fait subsidiaire : il s'agit de demander que le renouvellement prononcé
par le procureur soit au moins motivé, de manière qu'un contrôle soit
possible.
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret, pour défendre les amendements n°s 135 et
136.
M. Robert Bret.
L'article 5 prévoit la possibilité, pour le propriétaire du véhicule, de
demander un procès-verbal en cas de visite de son véhicule. Or, il est fort à
craindre que le propriétaire du véhicule fouillé ne soit en réalité quasiment
jamais informé de ce droit. Cette disposition ne présente donc aucun intérêt
pratique.
C'est pourquoi nous estimons nécessaire que la loi impose de dresser
systématiquement procès-verbal des opérations. Tel est le sens de l'amendement
n° 135.
J'en viens à l'amendement n° 136.
Contrairement à ce qui est affirmé dans l'exposé des motifs, en excluant
notamment du champ de visite des véhicules les véhicules à usage d'habitation,
l'article 5 ne renforce pas plus qu'il ne conserve les garanties pour les
libertés individuelles apportées par la loi sur la sécurité quotidienne.
Je considère que l'exclusion des visites de véhicules servant au domicile doit
être générale ; sinon, cela revient à vider de leur sens les dispositions
relatives aux perquisitions domiciliaires régies par les articles 56 à 59 et 76
du code de procédure pénale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
L'amendement n° 132 tend à supprimer l'article 5, qui
autorise des visites de véhicules pour la recherche de certaines infractions.
Cet article reprend un texte qui a été introduit par la loi relative à la
sécurité quotidienne, votée lors de la précédente législature.
L'article 78-2-2 du code de procédure pénale est particulièrement utile
puisqu'il permet les visites de véhicules pour la recherche d'infractions
terroristes. Il faut rappeler que ces visites ne sont possibles qu'après
réquisitions écrites du procureur de la République.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l'amendement n° 133, il s'agit de refuser les visites de véhicules
pour la recherche d'infractions de vol et de recel.
La commission estime, au contraire, que cette extension est utile. Je rappelle
que les garanties entourant la procédure sont importantes : il faut des
réquisitions écrites du procureur de la République ; les visites de véhicules
servant effectivement de domicile ne sont pas possibles.
La commission rejette donc également cet amendement.
L'amendement n° 134 vise à limiter à vingt-quatre heures la période pendant
laquelle les officiers de police judiciaire peuvent procéder à des visites de
véhicules. Une telle restriction serait trop rigide.
Il convient de souligner que le projet de loi apporte des garanties
supplémentaires par rapport au texte actuel issu de la loi relative à la
sécurité quotidienne. Actuellement, le procureur fixe la durée qu'il veut. Avec
le projet de loi, la situation sera réexaminée toutes les vingt-quatre
heures.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 167 de M. Dreyfus-Schmidt prévoit que le renouvellement des
réquisitions du procureur permettant des visites de véhicules devra être
motivé. Il s'agit d'une garantie intéressante et utile. La commission a donc
émis un avis favorable.
L'amendement n° 135 prévoit un procès-verbal systématique en cas de visite de
véhicule. On ne voit pas l'intérêt de dresser procès-verbal lorsqu'une personne
accepte spontanément la visite de son véhicule. La commission a donc émis un
avis défavorable.
L'amendement n° 136 vise à interdire de manière plus large que ne le prévoit
le projet de loi les visites de véhicules servant de domicile.
Actuellement, rien dans l'article 78-2-2 du code de procédure pénale
n'interdit les visites de véhicules servant à l'habitation. Or ce texte est
issu de la loi relative à la sécurité quotidienne. A l'époque, il n'y avait pas
eu d'amendement pour interdire les visites de véhicules servant à l'habitation.
Le projet de loi marque un progrès important et l'on ne voit guère l'apport de
cet amendement.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission s'agissant des
amendements présentés par M. Bret, au nom du groupe CRC.
En revanche, le Gouvernement est tout à fait prêt à donner un avis favorable à
l'amendement présenté par M. Dreyfus-Schmidt. Celui-ci aura ainsi l'occasion de
voter un article très important
(M. Michel Dreyfus-Schmidt fait un signe de dénégation),
car il serait
curieux que le Gouvernement acceptât un amendement de M. Dreyfus-Schmidt et
qu'en réponse M. Dreyfus-Schmidt décidât de ne pas voter l'article.
(Sourires.)
C'est une décision très importante qui mettra fin à une jurisprudence que
personne ne comprenait. La question de la fouille des véhicules a suscité de
vastes débats et chacun doit mesurer l'importance du vote qu'il va émettre sur
ce sujet.
J'ajoute, monsieur Dreyfus-Schmidt, que c'est pour moi l'occasion de faire
droit à une demande qui m'a été présentée, à la suite des nombreuses
concertations qui ont eu lieu, par le Barreau de Paris, par la Conférence
nationale des bâtonniers et par le Conseil national des barreaux de France.
Vous voyez que je n'ai pas totalement oublié mes origines.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur
l'amendement n° 132.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je saisis cette occasion de répondre à M. le garde des sceaux...
M. Michel Charasse.
Non, il n'est pas là !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ah, pardon ! Et cette fois-ci, je ne l'ai pas fait exprès !
(Sourires.)
Je voudrais donc répondre à M. le ministre de l'intérieur qu'il est trop
vieux parlementaire - en tous cas, il l'a été suffisamment longtemps - pour
ignorer que l'acceptation d'un amendement subsidiaire par le Gouvernement et sa
majorité.
M. Jean Chérioux.
N'essayez pas de vous justifier !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... ne nous impose nullement d'adopter l'ensemble de l'article que nous
condamnons et ne nous empêche pas davantage de dire pourquoi nous le
condamnons.
Nous sommes évidemment entièrement favorables à cet amendement du groupe CRC,
que nous voterons des deux mains !
Cela étant, je vous fais remarquer que, demain, la loi sur la sécurité
quotidienne aura un an d'existence. Puisqu'elle est en application depuis un an
- elle l'est donc aussi depuis que vous êtes personnellement au Gouvernement,
monsieur le ministre -, vous devriez donc être capable de nous rendre compte du
bilan de cette application. Peut-être pourrions-nous, vous comme nous, en tirer
quelques enseignements. J'espère que vous voudrez bien nous donner ces
précisions. Dans le cas contraire, nous en tirerons les conséquences qui
s'imposent.
En tout état de cause, nous voterons avec empressement l'amendement n° 132 de
nos collègues communistes, républicains et citoyens.
M. le président.
La parole est à M. FrançoisZocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto.
On a l'impression que deux conceptions s'opposent. D'un côté, il y a ceux qui
considèrent que la voiture est un attribut de la personne humaine, qui vont
jusqu'à la sacraliser...
Mme Nicole Borvo.
Oh, quelle exagération !
M. François Zocchetto.
... et, de l'autre, il y a ceux qui considèrent que c'est un bien matériel.
En matière de défense des libertés publiques, il faut savoir ce que l'on veut
défendre. Veut-on défendre l'individu en tant que tel et, accessoirement, son
domicile, ou veut-on défendre des biens matériels ? Je vous fais toutefois
remarquer que les mesures qui nous sont proposées visent à pérenniser un
dispositif sur lequel nous étions tous d'accord. S'agissant du vol et du recel,
le dispositif est là aussi très encadré. C'est la raison pour laquelle je ne
vois aucune raison de ne pas voter l'article tel qu'il nous est présenté.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas.
Nous avons apprécié que M. le ministre fasse un pas dans notre direction en
acceptant la modulation de la durée. Qu'il ait pris en compte les demandes de
M. Dreyfus-Schmidt est positif.
M. Jean Chérioux.
Merci pour cette bonne note !
M. Jacques Mahéas.
Comme M. le ministre est dans de bonnes dispositions, je vais lui demander de
retenir simplement les mesures de la loi relative à la sécurité quotidienne
concernant la lutte contre le terrorisme et d'enlever celles qui concernent le
recel et le vol. Sous réserve d'autres explications et après que M. le ministre
nous aura fourni un certain nombre d'éléments concernant l'évaluation qui doit
être faite automatiquement - après un an d'application de la loi relative à la
sécurité quotidienne, cela me paraît tout à fait nécessaire -, nous prendrons
éventuellement des dispositions plus répressives concernant le recel et le
vol.
Dans l'état actuel des choses, nous sommes dans une société de liberté,...
Mme Nicole Borvo.
Ah oui !
M. Jacques Mahéas.
... dans une société de respect.
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Un sénateur du RPR.
C'est moins sûr !
Mme Nelly Olin.
La sécurité, vous en faites quoi ?
M. Jacques Mahéas.
Il n'y a évidemment aucune raison à la fois d'invoquer la plausibilité d'une
situation - notion quand même très délicate à manier - et de suspecter
quelqu'un d'infractions aussi graves que le recel ou le vol, en lui demandant
d'ouvrir à tout moment son coffre.
M. Hilaire Flandre.
Qu'est-ce que cela peut faire ? Que cachez-vous dans votre coffre ?
M. Jacques Mahéas.
Cela ne ferait qu'empirer des difficultés que je connais bien dans mon
quartier et dans les quartiers de la Seine-Saint-Denis où, dix fois par jour,
certains individus sont contrôlés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 132.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 133.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 134.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 167.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 135.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 136.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'article
5.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je m'abstiendrai lors du vote de cet article, parce
qu'il comporte à la fois du bon et du mauvais.
L'essentiel des dispositions qu'il comporte sont reprises, purement et
simplement, de la loi Vaillant. Par conséquent, je ne peux pas avoir voté pour
cette loi hier et, aujourd'hui, donné le sentiment, si peu que ce soit, que je
le conteste.
J'en viens aux inconvénients. Le dispositif est pérennisé...
M. Jacques Mahéas.
Eh oui !
M. Michel Charasse.
... alors que, dans le texte de la loi Vaillant, il devait s'appliquer durant
trois ans.
Depuis le vote de la loi Vaillant, le terrorisme a-t-il diminué ? Comme l'on
dirait à Bali, à Moscou et ailleurs : « Hélas non ! » Cela signifie que le
maintien de ces dispositions se justifie pour le moment. Je considère qu'il est
du devoir de l'Etat de protéger la nation, ses citoyens, ses biens et ses
intérêts.
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Michel Charasse.
Je regrette que l'on soit obligé de maintenir des mesures dures, mais
dura
lex sed lex.
La loi du monde est ainsi faite !
En ce qui concerne la durée pendant laquelle la mesure autorisant la visite
d'un véhicule peut s'appliquer, monsieur le ministre, l'article que vous
présentez est meilleur que celui de M. Vaillant, puisque ce dernier texte ne
comportait pas de délai. En prévoyant vingt-quatre heures renouvelables et
motivées, comme l'ont proposé.
M. Dreyfus-Schmidt et mes amis du groupe socialiste, précision que le Sénat a
adoptée, c'est beaucoup mieux.
Je m'abstiendrai cependant parce que je ne trouve pas, dans un article qui
concerne le terrorisme, de motifs valables pour l'ajout du recel et du vol.
En l'occurrence, monsieur le ministre, vous prenez un risque constitutionnel,
parce que, si le Conseil constitutionnel a accepté la fouille de véhicules dans
un certain nombre de cas, c'est avec une garantie judiciaire, liée à
l'intervention du procureur de la République, et j'ai peur qu'en chargeant trop
la barque vous ne menaciez cette disposition.
M. Jacques Mahéas.
Bien sûr !
M. Michel Charasse.
C'est la seule raison pour laquelle je m'abstiendrai.
Sur le fond, je ne condamne pas la mesure proposée mais elle me paraît
comporter un petit risque. Si, à l'occasion de la navette, vous pouviez mieux
qualifier le recel et le vol en précisant de quel recel et de quel vol il
s'agit, vous vous prémuniriez contre tout risque d'inconstitutionnalité.
Par ailleurs, il serait utile de connaître, et je pense que tel était l'objet
des questions, justifiées, de mes amis voilà un instant, le nombre
d'interventions qui ont été effectuées au titre de la loi Vaillant depuis un
an. Nous saurions ainsi si cette disposition a été appliquée, comment et avec
quels résultats.
Voilà les motifs pour lesquels je m'abstiendrai. Cela me ferait trop de peine
que ce texte soit annulé par le Conseil constitutionnel.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Nous venons de vivre un moment rare. Le Gouvernement tient à le
souligner afin de remercier l'orateur socialiste de cette prise de position.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas rare...
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Il vient en effet de montrer que la sécurité n'est pas le
monopole d'un courant politique.
M. Michel Charasse.
Je ne parlais pas au nom de mon groupe !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Mais vous y appartenez, monsieur Charasse, et vous en avez
toujours été fier, ce qui est parfaitement votre droit.
Lorsqu'un sénateur socialiste, surtout de votre qualité, de votre notoriété et
de votre expérience, défend avec tant de talent le texte que présente le
Gouvernement, celui-ci se doit de dire, parce que c'est l'honnêteté, que ce
texte va bien au-delà des clivages politiques partisans.
Quand M. Charasse me dit : « Je tiens tellement à votre texte, je crois
tellement à son utilité que je vous prie de ne prendre aucun risque de
l'affaiblir car, s'il était affaibli, il manquerait pour lutter contre
l'insécurité quotidienne », je dois prendre cet élément en compte. Il sera
d'ailleurs pris en compte lors des discussions que nous aurons à l'Assemblée
nationale.
Cela dit, vous ne pouvez pas imaginer une seule minute qu'un ministre de
l'intérieur, quel qu'il soit, puisse faire preuve de la moindre tolérance à
l'égard du vol et du recel.
Or, nous voyons bien ces derniers temps que, dans la lutte des services de
sécurité contre la délinquance, la question des voitures est une question
centrale. Les vols de voitures sont effectivement devenus la première marche
vers des crimes et des délits beaucoup plus importants. On ne vole plus les
voitures pour aller faire un tour au bord de la mer. On vole les voitures pour
transporter de la drogue, pour faire des attaques à la voiture bélier.
Et, chaque fois que nous faisons des prises importantes, c'est à l'occasion de
contrôles d'identité ou de contrôles de véhicules. Hier, nous avons ainsi pu
arrêter, lors du contrôle d'un véhicule, un dangereux terroriste corse qui
était recherché et qui faisait l'objet d'un mandat d'arrêt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas Colonna ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Voyons, monsieur le sénateur, c'est un sujet trop grave !
Mme Nelly Olin.
Ce n'est pas drôle !
M. Jean Chérioux.
C'est indécent !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Sur ce sujet, aucun d'entre nous ne doit polémiquer,
spécialement pas ceux qui ont soutenu le gouvernement précédent.
M. Gérard Braun.
Ils n'ont pas de quoi être fiers !
M. Michel Charasse.
Nous n'avons de raisons d'être fiers ni les uns ni les autres !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je considère qu'il est très important que l'orateur socialiste
ait apporté un soutien courageux et déterminé à cet article 5, qui est pour le
Gouvernement un article majeur.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'article
5.
M. Jacques Mahéas.
Ce n'est pas parce qu'un membre du groupe socialiste...
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Et lequel !
M. Jacques Mahéas.
... prône l'abstention, à titre personnel que vous devez sortir la brosse à
reluire
(Exclamations sur les travées du RPR)...
M. Jean Chérioux.
C'est ridicule. Arrêtez !
M. Jacques Mahéas.
... et englober dans une prise de position individuelle la prise de position
de notre groupe.
Nous rappelons qu'il existe des points communs entre ce qu'a dit M. Charasse
et ce que j'ai pu indiquer à notre assemblée.
J'ai demandé à M. le ministre, qui ne nous a d'ailleurs pas répondu, ni
positivement ni négativement, d'une part, de procéder à une évaluation puisque
la loi est en vigueur depuis un an et, d'autre part, d'envisager la possibilité
d'enlever du texte le vol et le recel.
Nous avons bien dit que, sous ces conditions, nous étions prêts à réexaminer
les choses. C'est pourquoi je parlais à l'instant de points communs dans nos
propos, même si nos conclusions ne sont pas tout à fait les mêmes. Ce n'est pas
grave, d'autant qu'il n'y a pas de contradiction dans les exposés des
motifs.
M. Jean Chérioux.
Quel embarras !
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le ministre, si vous ne répondez pas à nos questions, comment
voulez-vous que l'on avance ?
Je souhaite que vous me répondiez, même par la négative, je l'admettrai. Mais
n'essayez pas de semer la contradiction entre nous !
(Rires sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
J'attends votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
M. Jacques Mahéas.
Toujours aucune réponse de M. le ministre !
(L'article 5 est adopté.)
Article 6