SEANCE DU 5 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 62, adressée à M. le
ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Bruno Sido.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un incident
dramatique s'est récemment produit à Chaumont, en Haute-Marne : un employé du
centre hospitalier, qui devait assurer le réapprovisionnement d'un
distributeur-échangeur de seringues mis à la diposition des toxicomanes a été
agressé et criblé, par ses racketteurs, de coups de piqûres avec des seringues
usagées.
Cette personne est actuellement sous trithérapie d'urgence. Il reste à espérer
que la victime n'a pas contracté une hépatite B ou le sida.
La question qui se pose, monsieur le ministre, est de savoir si cet incident
ne deviendrait pas un fait divers dans l'hypothèe où l'implantation de ces
distributeurs devrait se généraliser. Pour la Haute-Marne, par exemple, il
pourrait être question d'en installer dans les deux autres plus grandes villes
du département : Saint-Dizier et Langres. Le risque de voir se développer une
zone d'insécurité, voire de violence, autour d'eux n'est pas hypothétique.
Au-delà de ce type de conséquences, la question de la sécurité se pose
également en d'autres termes. Que penser, en effet, de l'impact psychologique
que peuvent avoir ces distributeurs sur les plus influençables et les plus
jeunes, en particulier par rapport à l'usage de la drogue ? N'est-ce pas mettre
leur sécurité en danger que de leur offrir ainsi une facilité, voire une
tentation à la consommation ?
Cette mise en libre-service ne signifie-t-elle pas tolérance ? Cette
banalisation de l'usage de la drogue n'est-elle pas totalement contradictoire
avec les campagnes de prévention orchestrées par votre propre ministère et ceux
de l'éducation nationale et de l'intérieur ?
On connaît trop maintenant les ravages à court et à long terme de la drogue
pour la mettre, indirectement, j'en conviens, en distributeur automatique
gratuit.
Concernant maintenant les toxicomanes à l'usage desquels ces distributeurs
sont destinés, dans un souci de protection contre des contaminations par
l'échange de seringues, je me demande si on n'assurerait pas mieux leur
protection en favorisant plutôt les points d'accueil-écoute, où un dialogue
peut être établi et une démarche de désintoxication engagée.
La population toxicomane, que l'on pourrait qualifier d'« installée »,
précisément parce qu'elle a le souci de sa protection, sait qu'elle peut y
trouver, là ou dans les pharmacies, des seringues neuves. Les psychiatres, qui
suivent cette question dans le cadre de la commission d'établissement
départementale se sont montrés très réservés.
Au fond, ces distributeurs automatiques ne sont-ils pas un aveu d'impuissance,
voire un quasi-abandon des drogués, livrés à eux-mêmes ? Ne signifient-ils pas
: « On ne peut plus rien pour vous, inutile de discuter, plus la peine de
chercher à vous connaître, à vous canaliser, à vous soigner, à vous aider »
?
Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous aurez à coeur de rompre avec
ces procédés cache-misère qui ont été très utilisés par l'ancien gouvernement,
mais qui, loin de traiter la maladie, ne peuvent que l'empirer. Je vous
remercie de me préciser vos intentions dans ce domaine, qui reste
malheureusement d'actualité.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei,
ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon attention sur l'efficacité et sur la
sécurité des installations de distributeurs-échangeurs de seringues. Comme vous
le savez, l'accès au matériel d'injection stérile est l'une des composantes de
la politique de réduction des risques en faveur des usagers de drogues.
Cette politique de réduction des risques a pour objectif principal la
prévention des contaminations par le virus du sida et par les virus des
hépatites. Elle constitue un premier palier de la prise en charge des usagers
de drogue en visant à promouvoir des comportements de prévention. Elle impose
une politique réaliste fondée sur la mise à disposition de seringues en vente
libre.
L'accès au matériel d'injection stérile passe en effet par la vente en
pharmacie, qui date de 1988 et qui constitue la plus importante source
d'approvisionnement pour ces publics, soit par la délivrance de seringues par
des automates échangeurs implantés sur la façade d'une pharmacie, sur la voie
publique ou sur le mur d'un hôpital. Dans ce dernier cas, leur gestion incombe
aux communes ou, mieux, est confiée à des associations intervenant dans le
champ de la réduction des risques. Un bilan national dressé en 2001 recensait
227 automates échangeurs installés en France.
Depuis la mise en place de cette politique et des outils sur lesquels elle
s'appuie, de nombreuses communes - j'en veux pour preuve mon expérience
personnelle à Marseille, où le maire Jean-Claude Gaudin m'a confié, depuis sept
ans, la lutte contre le sida et contre la toxicomanie - se sont investies dans
cette approche des usagers de drogues. La décision d'implanter un
distributeur-échangeur de matériel d'injection stérile se fait bien évidemment
sur la base d'un consensus entre les élus, les services de police, la justice,
l'éducation nationale, le conseil de l'ordre des médecins et des pharmaciens,
les associations, les services sanitaires et les comités de quartier.
Je rappelle que la stratégie de la politique de réduction des risques est une
stratégie concertée, qui repose, outre sur les automates
distributeurs-échangeurs, sur les pharmacies d'officine, sur les programmes
d'échanges de seringues mobiles, comme le bus itinérant de Médecins du monde à
Marseille, et sur les lieux d'accueil pour substitution, auxquels vous avez
fait allusion.
Cette politique doit impliquer une prise en charge permanente avec des
entretiens et une surveillance assurés, par exemple, par des associations,
comme, à Marseille, Médecins du monde et SOS Drogue International.
Il existe une évaluation annuelle de l'impact de cette politique : à
Marseille, c'est l'Observatoire régional de la santé, qui est mandaté par la
ville.
Les résultats sont largement positifs : grâce aux distributeurs-échangeurs de
seringues, une population qui, jusqu'à présent, n'avait pas accès à la filière
de soins peut désormais en bénéficier. Ces résultats sont tellement positifs
qu'ils ont fait l'objet d'une publication internationale en langue anglaise
dans une revue de médecine américaine.
L'impact de la politique de réduction des risques en termes de santé publique
a été également évalué dans plusieurs études réalisées par l'Institut de veille
sanitaire, qui publie régulièrement des indicateurs de suivi de cette
politique.
Habituellement, c'est un apport très important, à condition de savoir avec
intelligence accorder surveillance et prévention.
Enfin, l'accident qui s'est produit à Chaumont, que vous évoquez dans votre
question et qui - je le comprends - vous trouble, semble être un cas isolé, sur
lequel mes services n'ont même pas été alertés.
Monsieur le sénateur, il est vrai qu'on ne fait accepter par la population un
distributeur-échangeur de seringues que lorsque la décision de l'implanter a
été prise par l'ensemble des acteurs et que cet automate est pris en charge par
la collectivité. Dès lors - je peux vous l'assurer - la police veille aux
alentours ; mais l'automate n'est pas un piège à toxicomanes.
Par ailleurs, je précise que les associations en profitent pour nouer le
dialogue et faire entrer les toxicomanes dans la filière de soins. J'ai bien
sûr demandé à la direction générale de la santé de procéder, pour le cas
particulier que vous avez évoqué, à une enquête dont je serai très heureux,
monsieur le sénateur, de vous donner les conclusions.
M. le président.
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes les précisions que vous
venez d'apporter.
Mon intention n'était pas du tout de remettre en cause cette noble politique
de la prévention des risques engendrés par l'utilisation de seringues usagées.
Je souhaitais uniquement attirer votre intention sur l'insécurité qui peut
régner sur la place d'une gare, par exemple, loin de toute pharmacie, de tout
hôpital, à une heure du matin, surtout quand des toxicomanes veulent s'emparer
de tout le stock de seringues neuves quand le responsable les apporte.
Ainsi, à Chaumont, un employé a été sauvagement agressé et criblé de piqûres
avec des seringues usagées par des toxicomanes. J'espère qu'il n'y aura pas un
nouveau cas de sida ou d'hépatite B en France !
TRAITEMENT DES BOUES
DES STATIONS D'ÉPURATION