SEANCE DU 1ER AOUT 2002
LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 386,
2001-2002) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances
rectificative pour 2002.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons
participé à la première commission mixte paritaire de cette législature sur un
texte financier en gardant en mémoire la frustration qui était souvent celle
des délégations du Sénat les années précédentes.
Nous avons aujourd'hui, mes chers collègues, la possibilité de faire état d'un
accord et de vous présenter un texte commun à l'Assemblée nationale et au
Sénat, texte adopté à l'unanimité moins deux abstentions.
C'est, pour la commission des finances du Sénat, un facteur de satisfaction
que d'observer une telle convergence de vues entre nos deux assemblées.
Comme vous le savez mes chers collègues, le projet de loi de finances
rectificative était, dans son état initial, un texte bref composé de dix
articles, dont six purement techniques. L'Assemblée nationale n'avait pas
procédé à des modifications substantielles ; vous vous souvenez du souci
qu'elle avait manifesté d'engager dans toutes les directions les économies
nécessaires et d'en apporter le témoignage par un amendement à l'article
d'équilibre. Le Sénat, pour sa part, n'avait pas estimé devoir modifier cette
disposition, en partageant l'orientation.
Lors de l'examen auquel nous nous sommes livrés lundi dernier, nous avons
rappelé le contexte économique dans lequel s'inscrit ce premier texte financier
de la nouvelle législature. Nous avons eu des échanges utiles, nourris et
substantiels sur la nouvelle politique économique, ses enjeux et ses objectifs.
Nous avons tâché de positionner ce collectif budgétaire à la fois comme
conséquence de la gestion passée et comme préambule de la gestion à venir ;
c'est un texte charnière en quelque sorte.
Toutes les conclusions nécessaires ont été tirées de l'audit des finances
publiques réalisé une seconde fois par MM. Nasse et Bonnet. Grâce à une mesure
particulièrement bienvenue, la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu...
M. Claude Estier.
Pour les riches !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Pour l'ensemble des contribuables à l'impôt sur le revenu
!
Nous nous sommes, je crois, suffisamment expliqués sur ce sujet, monsieur
Estier.
Par cette mesure, disais-je, la majorité sénatoriale comme celle de
l'Assemblée nationale ont voulu montrer qu'après cinq années d'une politique
sanctionnée à la vérité tant par les électrices et les électeurs que par les
auditeurs, une autre politique est souhaitable et possible. Le signe qui en est
donné, c'est précisément, dans le cadre de la volonté d'abaisser les
prélèvements obligatoires, cette mesure relative à l'impôt sur le revenu.
Mes chers collègues, le Sénat, vous vous en souvenez, a adopté conformes dix
des onze articles qui lui étaient parvenus. Nous nous sommes limités à une
précision rédactionnelle à l'article 10 portant sur les conditions de transfert
aux communes des réseaux gaziers.
Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous avions trois autres
articles à examiner.
Pour ce qui est des articles 12 et 13 concernant, l'un, le rapport annuel de
la commission des comptes des transports de la nation et l'autre la suppression
de la redevance cynégétique due par les chasseurs de gibier d'eau, la
convergence a été entre nous, je crois pouvoir le dire, une évidence.
L'article 14 a fait l'objet d'une discussion à laquelle ont pris part
plusieurs des membres de la commission mixte paritaire émanant des différents
groupes politiques.
La rédaction qui vous est à présent soumise diffère sur le plan technique de
celle qui avait été adoptée par le Sénat sur l'initiative de notre collègue
Michel Charasse. Mais, si elle en diffère sur le plan technique, elle aboutit à
des résultats tout à fait voisins.
La raison essentielle qui nous a conduits à nous rallier à la proposition
faite par M. Gilles Carrez, rapporteur général de l'Assemblée nationale, a été
le respect de la séparation des pouvoirs. En effet, à la réflexion, il ne nous
est pas apparu conforme au principe de la séparation des pouvoirs de déterminer
les éléments de calcul des rémunérations des ministres partiellement par
rapport à un élément variable fixé par les bureaux des deux assemblées. Par
conséquent, la suggestion de mon homologue de l'Assemblée nationale consistant
à reprendre, dans l'ordonnance de 1958, la définition des bases mêmes de
l'indemnité parlementaire nous a semblé présenter les caractéristiques
nécessaires de simplicité, de transparence. Aussi, nous y sommes-nous bien
volontiers ralliés.
Le Sénat - vous vous en souvenez, mes chers collègues avait sur ce sujet,
certes délicat, considéré que deux principes simples et de bon sens ont tout
lieu de s'appliquer : le principe d'indépendance et le principe de
transparence.
Pour mieux illustrer cela, je ne trouve pas de meilleure citation que celle de
l'article VI de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen
du 26 août 1789 selon lequel : « La loi est l'expression de la volonté
générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par
leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse. » Les mots suivants nous paraissent
importants en ce moment précis : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux,
sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon
leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs
talents. »
C'est bien sur la base de ces principes qu'en 1848 l'indemnité parlementaire a
été créée, et c'est sur la base de ces principes que le Parlement, dans le
cadre des responsabilités qui sont les siennes, rappelle que les membres du
Gouvernement doivent être décemment et correctement traités dans le souci de la
transparence, quelle que soit leur situation individuelle de fortune ou de
revenus autres que résultant de missions publiques.
M. Roland Muzeau.
On aurait dû appliquer ces principes pour le SMIC !
M. Jean Chérioux.
C'est ridicule !
M. Henri de Raincourt.
Changez de disque ! C'est lamentable, c'est indigne !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Vous pourrez vous exprimer tout à l'heure, monsieur Muzeau ;
il y aura très certainement des explications de vote.
Avant votre interruption, je voulais dire que les commentaires que nous avons
entendus jusqu'ici, tant au sein de la commission des finances du Sénat qu'en
séance, puis en commission mixte paritaire, étaient, en règle générale,
mesurés, dignes et responsables. Permettez-moi de souhaiter qu'il en soit de
même ici cet après-midi.
Le Gouvernement de la République, qui a devant lui une tâche si difficile à
entreprendre, mérite d'être traité dans le respect des principes d'indépendance
et de transparence. Nous pensons, mes chers collègues, en tant que
responsables, grâce à votre confiance au sein de cette assemblée, que le Sénat
a joué tout son rôle - comme M. Jean Arthuis l'a fait valoir tant en commission
qu'en séance lundi dernier -, que l'Assemblée nationale a joué tout son rôle
également et que la commission mixte paritaire s'est efforcée d'aboutir à une
solution raisonnable et transparente. Nous pensons véritablement, en
conscience, avoir agi dans le respect des institutions de la Ve République et
avoir tout simplement agi pour la République et le service de l'intérêt
général.
(MM. Jean Chérioux et Henri de Raincourt applaudissent.)
Mes chers collègues, ces quelques indications me paraissent être un
commentaire suffisant du texte de la commission mixte paritaire tel qu'il vous
est soumis en cette fin de session extraordinaire.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs. Avec cette lecture des conclusions de la
commission mixte paritaire, nous achevons le processus d'adoption du projet de
loi de finances rectificative pour 2002.
Vous voudrez bien, tout d'abord, excuser M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie et M. le ministre délégué au budget et à la réforme
budgétaire qui sont, l'un et l'autre, actuellement retenus par le processus
d'arbitrage budgétaire du projet de loi de finances pour 2003, que nous devons
mener à bien dans des délais, dont vous savez, monsieur le président de la
commission des finances et monsieur le rapporteur général, combien ils sont
cette année particulièrement tendus.
Je voudrais, d'emblée, saluer l'importance du travail qui a été accompli, dans
des délais extrêmement brefs, par votre commission des finances et par la
commission mixte paritaire. Vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs,
la cause de ces délais tendus.
Le 26 juin, le Gouvernement prend connaissance des résultats de l'audit
réalisé par MM. Bonnet et Nasse. La traduction de cet audit requiert le dépôt
d'un collectif budgétaire, en raison de l'ampleur des écarts constatés par
rapport à la loi de finances initiale. Au début du mois de juillet, le
Gouvernement saisit le Conseil d'Etat. Le 10 juillet, enfin, le conseil des
ministres adopte le collectif. Trois semaines plus tard, il est désormais
possible pour le Sénat d'adopter définitivement ce collectif budgétaire.
Vous comprendrez que, dans ce contexte, le Gouvernement adresse un hommage
tout particulier au président de votre commission des finances, M. Jean
Arthuis, et à son rapporteur général, M. Philippe Marini. Vous avez, monsieur
le président, monsieur le rapporteur général, formulé des demandes et exprimé
des souhaits lors de ces débats. Le Gouvernement les a entendus, je vous
l'assure, et j'y reviendrai dans un instant.
Deux enjeux majeurs s'attachent à ce texte : la baisse immédiate de 5 % de
l'impôt sur le revenu des Français et la traduction, dans la loi de finances,
des résultats de l'audit.
Ces deux points ont été longuement débattus, tant à l'Assemblée nationale
qu'au Sénat, et ils n'ont d'ailleurs pas fait l'objet de modifications lors des
débats parlementaires. Je me bornerai donc à en rappeler très brièvement le
contenu.
Tout d'abord, la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu s'opérera par le biais
d'un dispositif d'une extrême simplicité. Elle sera effective dès cet automne
et profitera à 16 millions de foyers fiscaux. Grâce au vote favorable que je
sollicite de votre assemblée, les Français vont pouvoir constater que nos
engagements sont tenus et immédiatement tenus.
Ensuite, la traduction de l'audit redonne au budget de 2002 sa sincérité. Cet
exercice, pour reprendre les termes mêmes de M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie devant votre assemblée, est un acte non pas de
création politique, mais de constatation. Afin de ne pas dégrader le déficit,
le financement de nos priorités a été entièrement remis au projet de loi de
finances pour 2003, qui est actuellement en cours d'élaboration. Ce projet sera
soumis au conseil des ministres le 18 septembre et sera ensuite immédiatement
présenté à votre commission des finances. Il comportera un effort important en
faveur de la sécurité et de la justice, traduisant ainsi les lois d'orientation
dont vous débattez au cours de la session extraordinaire. Conformément à la
lettre de cadrage du Premier ministre, dont votre commission a eu connaissance,
il prévoira également une augmentation de notre aide publique au développement
et une remise à niveau des crédits d'équipement militaire.
En outre, ce projet de budget pour 2003 répondra également à la demande
d'économies exprimée par votre commission des finances lors des débats. Comme
l'a indiqué M. le Premier ministre, ce travail d'économies comprendra les
mesures nécessaires pour limiter nos déficits publics. Il n'affectera pas, en
revanche, les dépenses utiles aux Français.
Au-delà des dispositions prévues initialement par le Gouvernement, les deux
assemblées ont apporté des améliorations à ce texte.
Le Sénat a notamment souhaité que les informations relatives au coût des
transports soient plus précises et a, en outre, dans un souci de
simplification, supprimé la redevance « gibier d'eau ».
Ces améliorations ont reçu l'accord des deux assemblées. A la suite des
travaux issus de la commission mixte paritaire, il en est de même pour la
question du traitement des membres du Gouvernement.
A ce propos, je souhaite faire quelques observations.
Le 14 novembre 2001, Mme Parly déclarait devant l'Assemblée nationale : «
Comme l'a annoncé le Premier ministre, le régime de rémunération des ministres
sera clarifié. Plusieurs références sont envisageables : nos voisins allemands
appliquent un coefficient multiplicateur à la rémunération du fonctionnaire
placé au sommet de la hiérarchie administrative ; on peut aussi retenir comme
référence les émoluments des parlementaires, nombre de ministres étant choisis
dans leurs rangs. Les décisions en ce domaine seront annoncées avant le 1er
janvier 2002. »
Le gouvernement précédent n'a pas donné suite à ces intentions.
Un parlementaire de l'opposition a pris l'initiative de déposer un amendement
faisant référence aux émoluments des parlementaires, amendement que la
commission mixte paritaire a modifié en retenant la référence à la rémunération
des fonctionnaires placés au sommet de la hiérarchie. M. le rapporteur l'a
rappelé tout à l'heure.
Le Gouvernement, en cette affaire, n'était pas demandeur, d'autant que cela ne
correspondait pas, pour lui, à une priorité immédiate.
Il reste que la question était pendante : le Parlement a souhaité s'en saisir.
Dans son texte, il a voulu créer une situation transparente : le nouveau
dispositif a le mérite de permettre le total contrôle du Parlement. Les mesures
d'application de la loi feront l'objet, dans la clarté, d'une consultation de
M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes, déjà associé à
cette démarche par le gouvernement précédent.
Dans cet esprit, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Parlement.
Au terme de cette brève intervention, je vous demande, mesdames, messieurs les
sénateurs, de bien vouloir adopter les conclusions de la commission mixte
paritaire et, par là même, le projet de loi de finances rectificative pour
2002.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
collectif budgétaire dont nous achevons la discussion aujourd'hui est d'abord
l'occasion pour le Gouvernement d'afficher ses orientations et d'affirmer des
choix politiques mis en oeuvre dès le lendemain des élections.
Dans un premier temps, on ne peut manquer de souligner que la session
extraordinaire, qui s'est déroulée sur un délai très court, restera marquée par
un recours systématique à la procédure d'urgence.
Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice n'est pas
encore voté que, déjà, vient d'être publié le projet de loi organique sur la
justice de proximité.
Pour ce collectif, il en est de même : nous continuons d'en débattre au
moment où, dans les cabinets ministériels de Bercy, se rédigent déjà les
arrêtés d'annulation, de transfert ou de répartition de crédits budgétaires que
nous serons amenés à « constater » dans le collectif de fin d'année.
Sur le fond, on ne peut oublier que le mois de juillet fut marqué par
l'absence de coup de pouce au SMIC, par des hausses des tarifs publics et des
prix à la consommation, notamment dans le domaine de l'alimentaire et des
produits frais en général. On peut parler également de la hausse du prix de
l'essence.
Rappelons, à propos du projet de loi de finances rectificative, que
l'essentiel ne faisait d'ailleurs plus l'objet de la réunion de la commission
mixte paritaire, les neuf premiers articles du texte ayant été adoptés
conformes par notre Haute Assemblée.
Qu'en restera-t-il ? Une mesure de réduction de l'impôt sur le revenu qui ne
profitera qu'à ceux qui le paient et, singulièrement, à ceux qui acquittent une
cotisation importante,...
M. Jean Chérioux.
C'est purement mathématique !
M. Henri de Raincourt.
C'est lamentable !
Mme Evelyne Didier.
... mesure que nous avons combattue, car elle illustre un choix idéologique
clair et favorable aux plus riches de nos concitoyens.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Avec cette mesure, non seulement vous vous attaquez à l'impôt le plus
progressif de notre système fiscal, mais surtout vous privilégiez
considérablement les plus hauts revenus : 70 % de l'argent qui y est consacré
ira à 10 % de la population.
Une baisse de la TVA, comme nous vous l'avons proposée, concernerait tous les
ménages et soutiendrait le pouvoir d'achat.
Vous avez refusé cette mesure de justice fiscale, alors que la croissance
pâtit d'un tassement de la consommation.
Vous nous faites emprunter une pente dangereuse pour l'économie : recul du
pouvoir d'achat du plus grand nombre, hausse de la capacité d'épargne des plus
riches, place privilégiée pour l'économie financière, recul et démantèlement
des services publics. Ainsi, la mesure phare de ce collectif ampute le budget
de l'Etat de 2,55 milliards d'euros.
La seconde mesure qui a fait débat concerne l'équilibre du budget annexe des
prestations sociales agricoles obtenu par des prélèvements plus ou moins
autoritaires et mêlant reversement de taxe parafiscale, confiscation de
réserves et subvention du budget général.
Voilà pourtant des dépenses utiles qu'il faut assumer, et vous proposez une
solution ponctuelle, vécue comme autoritaire par les organismes que vous
ponctionnez.
Nous vous avons demandé la suppression de cet article.
Dans la suite des débats, nous avons été particulièrement attentifs aux propos
de M. Lambert relatifs à la régularisation positive de la dotation globale de
fonctionnement pour 2001. Nous souhaitons que cette régularisation s'effectue
dès la rentrée prochaine, comme le souhaite la majorité des collectivités.
Par ailleurs, nous vous avons dit notre inquiétude face aux nombreuses
annulations de crédits actuellement en oeuvre. Quelles dépenses seront
sacrifiées ? Les routes ? Le logement ? Le nombre de classes dans les écoles ?
La recherche ?
Vous avez annoncé la fin des emplois-jeunes, une réforme de l'allocation
personnalisée d'autonomie, l'APA, et une réduction du nombre de fonctionnaires.
Ces économies-là, c'est le recul du service public et de la solidarité.
Vous avez également annoncé de nouveaux transferts de compétences : prise en
charge des hôpitaux par les régions, des locaux de police et de gendarmerie par
les communes...
En définitive, le texte de ce collectif budgétaire de l'été illustre
effectivement les choix de ce Gouvernement.
C'est donc tout naturellement que les sénatrices et sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen rejetteront les conclusions de la commission
mixte paritaire et le texte de la loi de finances rectificative qui en
ressort.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier.
Le groupe socialiste n'a approuvé ni le texte issu des travaux de l'Assemblée
nationale ni celui que le Sénat a adopté. C'est donc en toute logique qu'il
s'oppose au texte adopté en commission mixte paritaire qui concilie ces deux
textes.
Les griefs sont les mêmes : les évaluations de recettes et de dépenses de ce
collectif budgétaire ne sont pas sincères ; elles aboutissent à dégrader le
solde du budget de l'Etat, dégradation que le Gouvernement tente par ailleurs
de présenter comme l'héritage de la gestion précédente.
M. Dominique Braye.
Eh oui !
M. Claude Estier.
Mais je vous mets en garde, mes chers collègues : c'est un argument qui ne
pourra pas servir éternellement !
D'ores et déjà, le Premier ministre annonce des coupes sévères dans le budget
pour 2003. Vous venez de répéter, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces coupes
n'affecteront pas les dépenses utiles aux Français. Faut-il en conclure que les
autres dépenses telles que la recherche, les routes ou les écoles sont des
dépenses inutiles ?
La mesure phare de ce collectif concerne la réduction de 5 % de l'impôt sur le
revenu acquitté en 2002, selon des modalités dont nous avons - et nous ne
sommes pas les seuls - dénoncé, ne vous en déplaise, monsieur le rapporteur
général, la grave injustice. En effet, pouvez-vous contester que 1 % des
Français bénéficieront de 30 % de l'allégement de l'impôt et 30 % de 70 % de
cet allégement ? Enfin, la moitié des Français, les moins aisés évidemment, ne
retireront absolument rien de cette mesure fiscale.
MM. Jean Chérioux et Dominique Braye.
Ils ne paient pas d'impôt !
M. Claude Estier.
Ils ne paient pas d'impôt, mais ils ne retireront aucun bénéfice de cet
allégement.
M. Dominique Braye.
C'est normal !
M. Claude Estier.
C'est bien la confirmation que bénéficieront de cette mesure uniquement ceux
qui paient beaucoup d'impôt.
(M. Dominique Braye s'exclame.)
Nous avons entendu ici même M. Francis Mer, ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie, déclarer, pour justifier cette injustice, qu'il
s'agissait d'aider ceux qui travaillent. Ce sont ses propres mots !
M. Dominique Braye.
Non, il n'a pas dit cela !
M. Claude Estier.
Vous pouvez consulter le
Journal officiel !
Les salariés qui gagnent
trop peu pour être contribuables apprécieront !
S'agissant de l'article 14 relatif à la rémunération des membres du
Gouvernement, le groupe socialiste du Sénat, vous vous en souvenez sans doute,
n'avait pas voté l'amendement proposé par notre collègue Michel Charasse et
repris, après son retrait, par la commission des finances. Nous adoptons la
même position pour le texte adopté par la commission mixte paritaire.
En définitive, le groupe socialiste votera donc à nouveau contre l'ensemble de
ce projet de loi de finances rectificative qui, je le répète, est un texte
d'affichage et de régression.
(Applaudissements sur les travées socialistes
et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Emmanuel Hamel.
C'est un texte de progrès et d'avancée !
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat.
M. Hamel a tout dit !
Je répondrai d'abord à Mme Didier. A l'évidence, nous n'allons pas, cet
après-midi, rouvrir le débat que nous avons eu tout au long de la discussion de
ce collectif. Toutefois, quelques différences profondes subsistant entre nous,
je profiterai de l'occasion qui m'est donnée pour rappeler que nous sommes
convaincus, pour ce qui nous concerne, de l'effet très positif de la baisse des
prélèvements obligatoires sur l'économie française. Le choix que nous avons
fait d'une diminution de l'impôt sur le revenu, comme d'ailleurs d'une baisse
des charges sociales, en faveur, pour commencer, des plus jeunes et des moins
qualifiés de nos concitoyens, a un effet évidemment positif sur le pouvoir
d'achat, sur la consommation et, par conséquent, sur l'activité économique.
J'insiste sur ce point, car finalement nous constatons que tous les pays
occidentaux qui ont fait ce choix ont obtenu des résultats économiques bien
meilleurs que les nôtres durant ces cinq années de croissance.
M. Claude Estier.
Ce n'est pas évident en Allemagne !
M. Henri de Raincourt.
C'est pour cela qu'ils vont changer de gouvernement !
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat.
Chacun doit bien mesurer que la politique économique
et sociale que nous voulons conduire est une politique de rassemblement et non
pas, contrairement à ce que vous répétez sur tous les tons, une politique de
division.
Je suis de ceux qui considèrent que l'on ne peut pas continuer d'opposer sans
cesse les Français les uns aux autres.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat.
Il n'y a pas, d'un côté, les gentils et, de l'autre,
les méchants.
(M. Roland Muzeau s'exclame.)
Ce procès d'intention qui
consiste à dire sans cesse que la baisse d'impôt ne profite pas à tout le monde
m'oblige à rappeler qu'elle bénéficie d'abord aux contribuables. Cela ne veut
pas dire pour autant que l'on oublie ceux qui ne paient pas d'impôt. Mais, pour
chacun de nos concitoyens, sont prévues des mesures ciblées permettant de
concilier le mieux possible la prospérité de l'ensemble de notre pays et
l'avancée sociale la plus adaptée à chacun de nos concitoyens.
C'est un travail de longue haleine. Permettez-moi de vous dire, madame Didier,
que personne n'a jamais démontré qu'en augmentant les prélèvements obligatoires
on accroissait la richesse d'un pays.
M. Claude Estier.
Qui a augmenté les prélèvements obligatoires ?
M. Jean Chérioux.
Vous !
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat.
J'ajoute que cet engagement de baisser l'impôt a été
pris pendant la campagne électorale. Nos concitoyens ont donc voté en
connaissance de cause.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Jean-François Copé,
secrétaire d'Etat.
Il était tout à fait légitime que nous tenions cet
engagement ! Je veux rappeler ici qu'en un temps record ce gouvernement a été
capable de mettre en place un dispositif budgétaire permettant une baisse
simple de l'impôt sur le revenu de 5 %, qui, vous le savez, n'est qu'une
première étape.
En ce qui concerne les observations formulées par M. Estier, je voudrais dire,
là aussi, sans vouloir totalement rouvrir le débat, qu'il ne s'agit pas d'un
débat portant sur une loi de finances initiale : c'est un collectif budgétaire,
au travers duquel nous visons deux objectifs majeurs. Le premier, je l'ai dit à
l'instant en réponse à Mme Didier, concerne la baisse de l'impôt sur le revenu.
De ce point de vue, le travail que nous avons accompli en liaison avec les
parlementaires me paraît tout à fait positif. Le second objectif était de
réaliser une sorte d'arrêté de comptes, d'opération vérité, afin de rappeler
qu'il fallait remettre le compteur à son juste niveau, car certaines des
hypothèses retenues par le précédent gouvernement étaient, c'est le moins que
l'on puisse dire, très en deçà de la réalité.
Lorsque l'actuelle majorité était dans l'opposition, elle avait souligné, à
plusieurs reprises, comme l'avaient fait le président et le rapporteur général
de la commission des finances du Sénat, qu'il était complètement fou de vouloir
élaborer le budget initial de 2002 sur une hypothèse de croissance de l'ordre
de 2,5 %. Chacun sait que, hélas ! celle-ci sera probablement inférieure d'un
point à cette prévision.
Cela a conduit M. Fabius à effectuer un formidable exercice de voltige qui a
consisté, d'un côté, à faire exploser les dépenses publiques et à surévaluer
les recettes fiscales réelles et, de l'autre côté, à donner, sans état d'âme
particulier, des leçons de bonne gestion à l'opposition de l'époque.
Nous avons pu mesurer la limite de cet exercice au travers des conclusions de
l'audit de la situation des finances publiques. Ce collectif budgétaire a pour
objet de le rappeler aux Français, avant de s'attaquer, à l'automne prochain, à
la discussion de fond sur la politique économique et budgétaire que nous
souhaitons engager au service du pays, sur la base des valeurs qui sont les
nôtres.
En conclusion, je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous remercier
de la contribution qui a été la vôtre durant ce débat très important, premier
rendez-vous budgétaire de cette législature. A cette occasion, nous avons, les
uns et les autres, commencé à poser les fondements du projet que nous voulons
mettre en oeuvre au service des Français.
Le Gouvernement conduit par Jean-Pierre Raffarin est déterminé à tenir les
engagements que le Président de la République a pris devant les Français, afin
de rappeler que le 21 avril marque le procès de l'impuissance publique et qu'il
nous faut désormais avoir à l'esprit que nous avons une obligation de résultat.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte
paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
« TITRE II
« DISPOSITIONS PERMANENTES
« Art. 10. - I. - L'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001
(n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - A compter du 30 septembre 2002, tout ouvrage de transport appartenant
à l'Etat destiné à relever du régime de la distribution publique de gaz sera,
après déclassement, transféré en pleine propriété à titre gratuit à l'autorité
concédante concernée. »
« II. - Les transferts de biens effectués en application des II, III et VI de
l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28
décembre 2001) sont exonérés des droits d'enregistrement, de la taxe de
publicité foncière et des salaires des conservateurs des hypothèques prévus à
l'article 879 du code général des impôts.
« Art. 12. - La commission des comptes des transports de la nation remet un
rapport annuel au Gouvernement et au Parlement retraçant et analysant
l'ensemble des flux économiques, budgétaires et financiers attachés au secteur
des transports.
« Ce rapport annuel :
« - récapitule les résultats socio-économiques du secteur des transports en
France, en termes notamment de production de richesse et d'emplois ;
« - retrace l'ensemble des contributions financières, fiscales et budgétaires
versées aux collectivités publiques par les opérateurs et usagers des
transports ;
« - retrace l'ensemble des financements publics en faveur des opérateurs et
usagers des transports en distinguant clairement les dépenses consacrées au
fonctionnement du secteur des transports de celles consacrées à
l'investissement ;
« - met en valeur les résultats obtenus par rapport aux moyens financiers
publics engagés ;
« - récapitule la valeur patrimoniale des infrastructures publiques de
transport en France.
« Art. 13. - La redevance cynégétique "gibier d'eau", instituée par l'article
R. 223-26 du code rural, n'est plus perçue à compter du 1er juillet 2003.
« Art. 14. - I. - Les membres du Gouvernement reçoivent un traitement brut
mensuel calculé par référence au traitement des fonctionnaires occupant les
emplois de l'Etat classés dans la catégorie dite "hors échelle". Il est au plus
égal au double de la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus
élevé de cette catégorie.
« Ce traitement est complété par une indemnité de résidence égale à 3 % de son
montant et par une indemnité de fonction égale à 25 % de la somme du traitement
brut et de l'indemnité de résidence.
« Le traitement brut mensuel, l'indemnité de résidence et l'indemnité de
fonction du Premier ministre sont égaux aux montants les plus élevés définis
aux deux alinéas ci-dessus majorés de 50 %.
« Le traitement brut mensuel et l'indemnité de résidence sont soumis aux
cotisations sociales obligatoires et imposables à l'impôt sur le revenu suivant
les règles applicables aux traitements et salaires.
« II. - L'indemnité prévue à l'article 5 de l'ordonnance n° 58-1099 du 17
novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la
Constitution est égale au total du traitement brut, de l'indemnité de résidence
et de l'indemnité de fonction définis au I du présent article. La part de cette
indemnité égale à la somme du traitement brut mensuel et de l'indemnité de
résidence est soumise aux cotisations sociales obligatoires et imposable à
l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et
salaires.
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 8
mai 2002. »
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...
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