SEANCE DU 23 JANVIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 594, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 227-9 du code de l'aviation civile, il est inséré un
nouvel article L. 227-10 ainsi rédigé :
«
Art. L. 227-10. -
Pour les aérodromes mentionnés au 3 de l'article
266
septies
du code des douanes, la modification de la circulation
aérienne de départ et d'approche aux instruments, en dessous d'une altitude
fixée par décret en Conseil d'Etat, fait l'objet d'une enquête publique
préalable organisée par l'autorité administrative, dans les conditions prévues
au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement.
« Les modifications à prendre en compte sont celles revêtant un caractère
permanent et ayant pour effet de modifier, de manière significative, les
conditions de survol.
« Le bilan de l'enquête publique est porté à la connaissance de la commission
consultative de l'environnement et de l'Autorité de contrôle des nuisances
sonores aéroportuaires qui en délibèrent spécifiquement dans le cadre de l'avis
qu'elles doivent formuler sur la modification concernée.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent
article. »
Le sous-amendement n° 726, présenté par M. Lassourd, est ainsi libellé :
« I. - Après les mots : "décret en Conseil d'Etat", rédiger comme suit la fin
du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 594 pour l'article L.
227-10 du code de l'aviation civile : "fait l'objet d'un avis de la commission
consultative de l'environnement concernée et d'un avis conforme de l'Autorité
de régulation des nuisances sonores aéroportuaires".
« II. - En conséquence, supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par
l'amendement n° 594 pour l'article L. 227-10 du code de l'aviation civile. »
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 594.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le 15
novembre dernier, le Gouvernement a présenté une communication sur sa politique
aéroportuaire, notamment en ce qui concerne l'éventualité d'une nouvelle
plate-forme aéroportuaire internationale en France. Il a souhaité, par
ailleurs, que le public soit associé à l'élaboration des projets de
modification des procédures de circulation aérienne - départ et approche -
au-delà des consultations prévues par les commissions consultatives de
l'environnement ou des propositions de l'ACNUSA, l'Autorité de contrôle des
nuisances sonores aéroportuaires, mise en place il y a deux ans.
La mesure que nous proposons par cet amendement visant à insérer un article
additionnel après l'article 48 consiste donc à soumettre les modifications de
circulation aérienne, de départ et d'approche, à une enquête dont traite le
titre IV - une enquête Bouchardeau - après une concertation préalable qui
serait conduite par l'administration.
Le dossier soumis à l'enquête comporterait une étude qui ferait apparaître
l'impact du projet sur l'environnement, notamment - nos concitoyens y sont de
plus en plus sensibles - quant aux nuisances sonores et à la pollution de
l'air.
Le rapport du commissaire enquêteur serait communiqué à la commission
consultative locale de l'environnement de l'aéroport ou de l'aérodrome
concerné, ainsi, bien sûr, qu'à l'ACNUSA. Ces deux entités se prononceraient
avant la décision du ministre chargé de l'aviation civile.
Nous avons vu récemment en Ile-de-France, notamment dans l'Essonne, des gens
de toutes tendances s'insurger contre les nuisances liées aux aéroports. Comme
disait l'un de vos collègues parlementaires : les bruits ou la pollution ne
sont, je crois, ni de droite ni de gauche ! Tout le monde y est sensible.
Cet amendement a donc pour objet d'élargir la possibilité de débattre des
modifications de trajectoire aériennes à nos concitoyens.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, pour présenter le sous-amendement n° 726.
M. Patrick Lassourd.
L'amendement du Gouvernement, qui a été déposé tardivement, impose qu'une
enquête publique ait lieu lors de la modification des voies de circulation
aérienne.
Jusqu'à présent, le Gouvernement, avec la direction générale de l'aviation
civile, était seul décideur en la matière. Toutefois, lors de la récente
réorganisation de la circulation aérienne en région parisienne, et compte tenu
de l'émotion suscitée notamment dans les communes de Seine-et-Marne, le
Gouvernement a pris l'initiative de confier à l'organisme Eurocontrol une
mission d'expertise sur les modifications envisagées.
Les commissions consultatives de l'environnement concernées et l'Autorité de
contrôle des nuisances sonores aéroportuaires ont également été consultées.
Avec l'amendement n° 594, le Gouvernement propose de franchir un pas
supplémentaire et de soumettre les principales réorganisations de la
circulation aérienne à une enquête publique préalable, puis à un avis des
commissions consultatives de l'environnement et, enfin, à l'ACNUSA.
Il me semble que l'on passe d'un extrême à l'autre et que l'on prend un
marteau-pilon pour écraser une mouche, si je puis dire.
L'ACNUSA est une autorité jeune, mise en place en 1999 sur proposition du
Gouvernement. Au Sénat, avec M. Jean-François Le Grand, alors rapporteur, nous
avions soutenu sa création.
Pourquoi empiéter aujourd'hui sur le champ de compétences de cet organisme en
créant une procédure d'enquête publique, alors qu'il vient de faire la preuve
de sa capacité à organiser la concertation et le dialogue entre tous les
partenaires concernés ?
Je rappelle que cette structure est pleinement indépendante et que figurent
dans son collège des acousticiens, des spécialistes de l'aéronautique, ainsi
que des représentants des intérêts environnementaux. Pourquoi, par conséquent,
ne pas lui faire confiance ?
Ce sous-amendement a donc pour objet d'instaurer, via un avis conforme de
l'ACNUSA, une réponse adaptée au besoin de concertation qui se fait sentir
s'agissant de la définition des couloirs aériens. Au lieu d'un système de
représailles massives, je propose une riposte graduée qui m'apparaît plus
adaptée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 594 et sur le
sous-amendement n° 726 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La commission est favorable à l'amendement n° 594, à
condition qu'il soit modifié par le sous-amendement n° 726.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 726 ?
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'admets
que ce sous-amendement traduit un souci d'efficacité et le désir d'accélérer
les choses. Cependant, il ne correspond pas à notre volonté de répondre à la
demande aussi bien des élus que des admnistrés telle que l'ont exprimée nos
concitoyens lors des concertations qui ont eu lieu sur le dossier des
trajectoires aériennes, notamment en région parisienne.
Nous souhaitons instaurer une plus grande transparence afin que ceux qui
subissent des nuisances sur le terrain puissent être associés directement aux
consultations. Nous voulons donc recueillir leurs observations et soumettre à
enquête publique les modifications de circulation aérienne.
Comme on l'a dit et comme il est proposé dans l'amendement n° 594, le rapport
d'enquête sera porté à la connaissance à la fois de la commission consultative
de l'environnement concernée par l'aéroport en question et de l'ACNUSA. Il est
cependant indispensable de le soumettre aussi directement à la population parce
que, si l'on s'en tenait à l'avis conforme de l'ACNUSA, comme vous le proposez
dans le sous-amendement, l'Etat pourrait suivre cet avis conforme ou ne pas y
donner suite, ce qui bloquerait d'une certaine manière le débat démocratique
plus participatif que nous souhaitons.
De plus, cela donnerait à cet organisme auquel nous tenons, comme tous les
parlementaires, des missions qui ne sont pas celles qui ont été prévues lors de
sa création. En principe, l'ACNUSA est en effet une autorité de contrôle, comme
son titre lui-même l'indique, et non pas une autorité de régulation des
nuisances sonores, comme le mentionne le sous-amendement n° 726. Le
Gouvernement est donc défavorable à ce sous-amendement.
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Convaincu par le rapporteur de la
commission des lois et par M. Lassourd, je demande, au nom de la commission, un
scrutin public sur le sous-amendement n° 726 et sur l'amendement n° 594.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 726.
M. Alain Gournac.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Le président d'un comité contre les nuisances sonores aériennes, qui est
également sénateur des Yvelines, tient à faire part de son point de vue.
Monsieur le ministre, je ne peux pas accepter que vous ne parliez que des
nuisances liées aux atterrissages et aux décollages des avions. Il y en a tant
d'autres, monsieur le ministre ! Quand les avions n'ont pas l'autorisation
d'atterrir ou de décoller, ils attendent en tournant au-dessus des communes des
Yvelines, du Val-d'Oise ou de l'Essonne, par exemple, ce qui provoque également
des nuisances.
Il faut donc cesser de ne parler que des nuisances sonores, certes réelles,
subies par les populations résidant à proximité des aéroports.
Les dernières décisions concernant un nouveau couloir sur Orly créeront,
elles aussi, de nouvelles nuisances !
Par ailleurs, vous savez fort bien, monsieur le ministre, que, dans notre
pays, contrairement aux Etats-Unis, les avions descendent beaucoup trop tôt
pour aller au point ILS. Au lieu de rester à une certaine hauteur et de
n'entraîner ainsi aucune nuisance sonore, les avions descendent trop rapidement
au-dessus des habitations. Le point ILS est d'ailleurs beaucoup trop près de
l'aéroport.
Le président d'un comité de défense contre les nuisances sonores que je suis
est pour l'avion et pour le développement du transport aérien. Mais nous
pourrions faire preuve de plus d'intelligence pour que notre pays connaisse
moins de nuisances lors de l'atterrissage, du décollage, voire de l'attente.
Monsieur le ministre, si vous voulez bien me faire ce plaisir, je vous
inviterai un jour,...
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Volontiers
!
M. Alain Gournac.
... et vous verrez alors la noria d'avions en attente ! Aussi, cessons de
parler uniquement de l'arrivée et du départ des avions !
M. Patrick Lassourd.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
L'amendement n° 594, monsieur le ministre, vise à régler les modalités
d'application de l'enquête publique par un décret. Or, je me fais l'écho des
interrogations et des préoccupations de notre ami M. Gournac : nous ne
connaissons pas le plafond en deçà duquel vous ferez jouer l'enquête publique,
sachant qu'à 3 000 pieds les nuisances sonores sont relativement faibles.
C'est certainement pour clarifier le débat que M. le président de la
commission des lois a demandé un scrutin public.
Pour que les choses soient plus claires encore, je souhaite rectifier mon
sous-amendement et remplacer l'expression « l'autorité de régulation » par
l'expression « l'autorité de contrôle ».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 726 rectifié, présenté par M.
Lassourd, et ainsi libellé :
« I. - Après les mots : "décret en Conseil d'Etat," rédiger comme suit la fin
du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 594 pour l'article L.
227-10 du code de l'aviation civile : "fait l'objet d'un avis de la commission
consultative de l'environnement concernée et d'un avis conforme de l'Autorité
de contrôle des nuisances aéroportuaires."
« II. - En conséquence, supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par
l'amendement n° 594 pour l'article L. 227-10 du code de l'aviation civile. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement rectifié ?
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Cette
rectification ne change en rien l'avis défavorable du Gouvernement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 726 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je souhaite expliquer le vote du groupe socialiste.
Nous voterons l'amendement n° 594 du Gouvernement, car nous pensons qu'il est
important qu'une enquête publique soit diligentée dans le cas d'une
modification substantielle des conditions de survol, d'atterrissage, de
décollage, etc. qui changent véritablement les conditions de vie de l'ensemble
des riverains.
En revanche, nous voterons contre le sous-amendement n° 726 rectifié, car nous
considérons qu'il tend à supprimer la notion même d'enquête publique au
bénéfice de l'avis d'une autorité, certes très compétente, mais qui ne saurait
se substituer à l'enquête publique, qui apparaît en effet nécessaire dans ce
cas de modification des conditions de survol.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 726, rectifié, accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 112 |
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 594, accepté par la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46:
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 206 |
Contre | 105 |
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 48.
Article 49 (priorité)