SEANCE DU 9 JANVIER 2002
M. le président.
La séance est reprise.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, au terme de quelque sept heures de discussion générale et après
avoir entendu tous les orateurs des groupes du Sénat, je veux vous faire part
de mon sentiment et de mes réactions, mais brièvement. En effet, nous aurons
l'occasion de revenir sur ces points tout au long de l'examen des 677
amendements.
Je ne m'étendrai pas sur les interventions ou les parties d'intervention que
j'ai trouvées quelque peu excessives, mais je prends acte d'un certain nombre
de critiques ou de suggestions, surtout lorsqu'elles sont constructives.
Je veux faire preuve du plus grand pragmatisme. A ceux qui considèrent que la
réflexion et la concertation ont été insuffisantes, je rappelle que ce projet
de loi a été envoyé aux principaux acteurs, y compris aux commissions et à la
présidence du Sénat, en mars dernier, après avoir été largement détaillé dans
les interventions du Premier ministre et dans les miennes au mois de janvier
dernier. Depuis, j'ai également rencontré les présidents d'associations
d'élus.
Aujourd'hui, 9 janvier 2002, est soumis à votre examen un projet de loi qui
comprend 124 articles. Toutes ces dispositions sont connues depuis au moins six
mois, d'autres depuis plus longtemps. Certaines ont été adoptées par le Sénat
sous cette forme ou sous une forme proche, qu'elles émanent du Sénat, de
l'Assemblée nationale ou du Gouvernement.
Je rappelle, à ce sujet, que trois propositions de loi d'origine
parlementaire, sénatoriale en fait, votées ces derniers mois concernaient au
premier chef les collectivités locales : la loi sur les sociétés d'économie
mixte, la loi sur les établissements publics de coopération culturelle, et
celle, à peine plus ancienne, concernant les conseillers d'arrondissement de
Lyon, Marseille et Paris.
Nombre d'entre vous, la quasi-totalité même, ont relevé les dispositions
positives et attendues de ce projet de loi. Les députés également puisque ce
texte, je le rappelle, a été adopté par l'Assemblée nationale.
Ces dispositions sont, pour l'essentiel, liées les unes aux autres, dans un
souci de cohérence, cette cohérence que j'ai rappelée dans mon discours initial
et qui souligne l'équilibre nécessaire de ce texte entre approfondissement
indispensable de la démocratie participative et renforcement de la démocratie
représentative, ce dernier passant également par une décentralisation de
compétences.
Le noyau dur peut certainement être amélioré, et plusieurs des 677 amendements
d'origine sénatoriale, notamment, bien sûr, ceux qui sont présentés par vos
commissions, pourront y contribuer, mais il n'est pas sécable. S'il l'était,
cela ne lui conférerait d'ailleurs pas la cohérence que beaucoup d'entre vous
appellent de leurs voeux.
La loi est indispensable - ce n'est pas à vous que je vais le dire - non
seulement pour fournir un cadre général, mais aussi pour permettre à tous de
bénéficier des mêmes droits. Il faut le dire : tout ne se passe pas partout
aussi bien que peuvent le laisser entendre certains des témoignages entendus
ici.
Quant aux transferts de compétences proposés, nous souhaitons, bien sûr, tous
aller au-delà, et je l'ai déjà dit, mais ce n'est pas si simple ; pour s'en
convaincre, il suffit de se référer au compte rendu des débats dans vos
commissions.
Les transferts simples et consensuels proposés par le Gouvernement répondent
d'ailleurs à des demandes, parfois anciennes, de l'Assemblée des régions de
France, notamment, et, même s'ils peuvent être améliorés sur le plan technique,
ils ne sont pas ou sont peut contestés en tant que tels. Pour aller plus loin,
l'expertise et la concertation sont indispensables dans ce domaine qui concerne
plusieurs niveaux de collectivités, parfois concurrents, les personnels des
services transférés et dont les conséquences financières sont loin d'être
neutres.
S'agissant des services départementaux d'incendie et de secours, de nombreux
intervenants, vos commissions elles-mêmes ont rappelé l'inadaptation de
certaines dispositions de la loi de 1996 visant à départementaliser les SDIS.
Les dispositions proposées par le Gouvernement, celles qui sont présentées par
la commission des lois, notamment, vont dans le sens d'une amélioration et
règlent les problèmes existants, tout en conservant un lien indispensable entre
les maires, le conseil général, et les conditions d'exercice des secours comme
leur financement.
En ce qui concerne certains points précis sur lesquels plusieurs orateurs
m'ont interrogé, je rappellerai mes prises de positions sur l'intercommunalité
et l'avenir des communes, sous le contrôle des membres de l'Association des
maires de France, l'AMF, ici présents et, particulièrement, du vice-président
de cette association chargé d'animer la table ronde du congrès de l'AMF
consacrée à cette question. Je me suis également exprimé dans les mêmes termes
au congrès de l'Association des petites villes de France comme aux rencontres
des grandes agglomérations. Quant au Premier ministre, devant l'AMF, il s'est
prononcé dans le même sens.
Je ne suis pas partisan de la supracommunalité. L'élection au suffrage
universel des délégués communautaires, introduite par amendement parlementaire
dans ce projet de loi, ne peut donc, à mon sens, se concevoir que dans une
circonscription communale, le même jour et sur une même liste.
Mais le débat reste ouvert et je n'avais aucune raison de m'opposer en
première lecture, à l'Assemblée nationale, à un amendement qui rappelait un
principe, en renvoyant à une loi ultérieure pour en définir les modalités.
Plusieurs orateurs, sans remettre en cause le principe de la revalorisation de
l'indemnité des maires et adjoints, ont posé le problème de son financement
pour les plus petites communes. C'est une question qui mérite attention, en
effet. Elle me paraît pouvoir trouver sa place dans la réflexion sur la réforme
des finances locales.
En ce qui concerne la question posée par M. Jean-Paul Delevoye sur les
nouvelles modalités de recensement, je puis dire que ce nouveau recensement,
plus juste que les recensements décennaux, fera l'objet, bien sûr, d'un groupe
de travail avec les associations d'élus pour toutes les conséquences qui en
découlent. Je crois savoir qu'il y a d'ailleurs déjà eu des réunions de cet
ordre entre les services de l'INSEE, ceux du ministère de l'intérieur et ceux
de l'AMF, notamment.
En conclusion de cette intervention et, quoi qu'on en dise, avant les
prochaines étapes qui permettront d'aller plus loin encore dans la
décentralisation, ce projet de loi a deux vertus fondamentales.
D'abord, comme l'a dit Pierre Mauroy, hier soir, il innove et approfondit la
démocratie locale ; à cet égard, il ne faut pas se laisser aller à des craintes
injustifiées et, pour tout dire, peut-être à une certaine résistance au
changement. Comme Pierre Mauroy l'a rappelé, souvent, ceux qui résistent au
changement n'y résistent pas longtemps et deviennent finalement des adeptes
dudit changement ! Bien sûr, il évoquait là les lois de décentralisation de
1982, maintenant revendiquées par tout le monde. Il en ira peut-être aussi
ainsi de cette nouvelle étape, avant d'autres.
Par ailleurs, le présent projet de loi apporte un grand nombre de solutions
concrètes aux problèmes que tous les élus connaissent quotidiennement, et nous
avons le moyen de répondre à l'attente de ces derniers en adoptant ce texte
dans des délais compatibles avec la fin de la session parlementaire. C'est
d'ailleurs, me semble-t-il, l'opinion constructive exprimée par la commission
des lois, comme par les trois autres commissions saisies pour avis, et leurs
rapporteurs respectifs, Daniel Hoeffel, Michel Mercier, Patrick Lassourd et
Xavier Darcos, que je remercie.
Ces dispositions, vous le savez, sont très attendues par les élus et par la
population qu'ils représentent. Vous avez les moyens de répondre aux
préoccupations de ces derniers, et je vous ai rappelé les éléments fondamentaux
auxquels le Gouvernement tient, notamment les liens étroits entre les
différents titres du projet de loi.
N'attendons pas le ou les grands soirs, n'attendons pas des réformes de la
Constitution, qui prennent forcément du temps. N'attendons pas des transferts
de compétences ambitieux et souvent légitimes, certes, mais pas encore
maîtrisés à ce jour dans leurs modalités. N'attendons pas des « réformes
d'ensemble », termes, qui, je m'en souviens, avaient fait réagir la commission
des finances lorsque je les avais employés en présentant le processus pour la
prochaine réforme des finances locales.
Il m'avait alors été rétorqué : « Oh, quand nous entendons "réforme
d'ensemble", nous estimons qu'il s'agit d'un moyen pour ne pas faire de simples
réformes ». Je ne suis pas sûr de partager cette analyse mais, puisque c'est
celle de la commission des finances, je l'entends volontiers aujourd'hui !
(Sourires.)
Prenons nos responsabilités. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont pris
les leurs. Que chacun les prenne à l'égard des élus locaux et de la population,
qui, au-delà de ce débat devant la Haute Assemblée, attendent des avancées en
matière de démocratie locale, de démocratie de proximité et de
décentralisation.
J'espère donc que le débat que nous allons maintenant entamer article par
article, amendement par amendement, permettra de répondre à cette attente. En
tout cas, c'est le souhait du Gouvernement, et je veux croire que, finalement,
vous voudrez bien, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, le partager.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE. - M. Bret applaudit également.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er