SEANCE DU 8 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à M. de Richemont, auteur de la question n° 1206, adressée à M.
le ministre de l'éducation nationale.
M. Henri de Richemont.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation
nationale, mais je ne doute pas que M. le secrétaire d'Etat m'apportera la
réponse précise que nous attendons.
Cette question vise l'envoi en cours de 1 500 courriers du Centre français de
la copie privée, le CFC, aux maires des communes de plus de 10 000 habitants -
de plus de 5 000 habitants en région parisienne, ... et le maire d'une petite
commune rurale que je suis s'attend à recevoir une lettre du même genre - les
mettant en demeure d'acquitter un droit annuel de 10 francs par élève pour se
mettre en conformité avec la loi du 3 janvier 1995 complétant le code de la
propriété intellectuelle.
Cette loi, vous le savez, prévoit que toute reproduction par reprographie
d'une oeuvre protégée est soumise à autorisation préalable et repose sur la
gestion collective de ce droit par des sociétés, agréées par le ministère de la
culture, de perception et de répartition des droits d'auteur.
L'éducation nationale est une grande consommatrice de reproductions d'oeuvres
à destination des élèves et des étudiants. La question s'est donc posée de
savoir si se secteur était ou non exclu du champ d'application de la loi
précitée.
Depuis plusieurs années, des contacts entre le CFC et les universités puis les
lycées et les collèges ont été engagés. Ils ont abouti à la signature de
conventions visant à facturer un montant de dix francs par élève et par an,
avec un plafond de 180 copies annuelles. Aux termes de ces conventions, le
règlement de ces sommes est pris en charge par l'éducation nationale.
A la suite de cet accord, le Centre français de la copie privée a lancé une
campagne en adressant les lettres dont j'ai fait état tout à l'heure à toutes
les communes, responsables de l'enseignement primaire. Il les mettait en
demeure - je pèse mes mots, car il s'agit d'un véritable racket - de payer
elles aussi une redevance. « Si vous ne signez pas cette convention comme l'ont
fait les collèges, les lycées et les universités, vous serez en infraction avec
la loi », leur écrivait-on !
Comme je l'ai indiqué, le ministère de l'éducation nationale a pris à sa
charge les coûts de reprographie pour les collèges et les lycées, mais il n'est
nullement prévu qu'il en fasse de même pour les écoles primaires. Les maires se
sont bien entendu inquiétés de cette situation et l'Association des maires de
France, l'AMF, a saisi le ministre de l'éducation nationale de ce problème. A
ce jour, aucune réponse n'a été apportée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vois vraiment pas pourquoi les communes
devraient, à la différence des départements et des régions, supporter les coûts
de reprographie, car si elles doivent, certes, assumer la location et
l'entretien des bâtiments et l'acquisition du mobilier scolaire, les modalités
de mise en oeuvre de l'enseignement primaire ne relèvent absolument pas de
leurs compétences. Si cette nouvelle contrainte devait leur être imposée, les
communes se verraient dans l'obligation de renoncer à acheter des
photocopieurs, afin de ne pas avoir à acquitter des charges supplémentaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'heure où le Gouvernement s'attache, à juste
titre, à faire disparaître le racket dans les écoles, nous considérons qu'il
s'agit précisément, en l'occurrence, d'un véritable racket exercé aux dépens
des communes. C'est la raison pour laquelle je vous demande de donner une
réponse claire à la question suivante : l'Etat est-il oui ou non d'accord pour
s'engager à supporter cette dépense de dix francs par élève des écoles
primaires, comme il le fait pour les collèges et les lycées ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre de l'éducation
nationale sur le lancement par le Centre français d'exploitation du droit de
copie, le CFC, d'une campagne de mise en conformité de l'enseignement primaire
au regard des dispositions du code de la propriété intellectuelle.
M. Lang vous prie de bien vouloir excuser son absence et m'a chargé de vous
communiquer la réponse suivante.
La question de l'acquittement d'un droit de reprographie pour la reproduction
d'oeuvres protégées, prévu par la loi du 3 janvier 1995 complétant le code de
la propriété intellectuelle et relative à la gestion collective du droit de
reproduction par reprographie, se pose en des termes différents pour
l'enseignement supérieur, pour l'enseignement du second degré et pour celui du
premier degré. Elle a été réglée de façon satisfaisante pour les universités et
les établissements d'enseignement secondaire.
En effet, pour ce qui concerne les universités, un protocole d'accord a été
conclu en novembre 1998 entre la conférence des présidents d'université, le CFC
et la Société des éditeurs et des auteurs de musique, la SEAM. Le versement de
la redevance due en contrepartie des photocopies réalisées à des fins
pédagogiques est assumée par les budgets des universités.
S'agissant de l'enseignement secondaire, un protocole d'accord a été signé le
17 novembre 1999 par le ministère de l'éducation nationale, le CFC et la SEAM.
En application de ce protocole, les établissements publics locaux
d'enseignement ont, pour la quasi-totalité d'entre eux, conclu un contrat avec
le CFC et la SEAM, aux termes duquel le versement d'une redevance de dix francs
par élève les autorise à effectuer un maximum de cent quatre-vingts copies par
élève et par an. Il s'agit là d'une dépense pédagogique à la charge de l'Etat,
comme l'a établi le Conseil d'Etat dans un avis rendu le 25 mai 1999. En 2001,
le ministère a délégué à ce titre 46 millions de francs aux établissements
publics locaux d'enseignement, ainsi que 11,5 millions de francs aux
établissements privés sous contrat.
L'Etat a donc, dans ces deux cas, rempli sans tergiverser les obligations qui
lui incombent.
La situation des établissements du premier degré est différente, et il
apparaît que la solution retenue pour le second degré ne leur est pas
transposable.
En effet, à la différence des établissements du second degré, les écoles
élémentaires ne sont pas des établissements publics dotés de la personnalité
morale. Elles ne peuvent donc conclure par elles-mêmes un contrat avec le
CFC.
Mais, surtout, la répartition des compétences entre l'Etat et les communes
pour l'enseignement primaire n'est pas identique, en droit, à celle qui est
organisée entre l'Etat, d'une part, et les départements et les régions, d'autre
part, pour l'enseignement secondaire.
Dans ce dernier cas, la loi met explicitement à la charge de l'Etat les
dépenses pédagogiques des collèges et des lycées, en vertu de l'article L.
211-8 du code de l'éducation. Pour le primaire, en revanche, la loi met à la
charge des communes l'ensemble des dépenses de fonctionnement des écoles, sans
réserver un sort particulier aux dépenses à caractère pédagogique. Ainsi, les
communes supportent ordinairement la charge liée à l'acquisition des manuels
scolaires.
Saisi récemment de ce problème par l'association des maires de France, le
ministère a apporté une réponse identique à celle qui est faite aujourd'hui :
en droit, rien ne semble justifier une intervention de l'Etat dans cette
négociation, ni une prise en charge financière par ses soins de la dépense en
question.
M. Henri de Richemont.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont.
Je suis profondément déçu de cette réponse, monsieur le secrétaire d'Etat,
même si je comprends l'argumentation tout à fait juridique, mais aussi quelque
peu jésuitique, qui la sous-tend.
Dans cette affaire, le Gouvernement nous dit que les collèges et les lycées
relèvent de collectivités territoriales dotées de la personnalité morale et qui
peuvent donc passer une convention avec le CFC, ce qui n'est pas le cas des
communes. Pour cette raison, l'Etat refuse de prendre en charge, pour le
premier degré, des coûts qu'il assume pour le second degré : ceux-ci, dans le
premier cas, feraient partie des dépenses de fonctionnement entendues de
manière globale.
Pourtant, si ma mémoire est bonne, monsieur le secrétaire d'Etat,
l'acquisition des livres scolaires constitue bien une dépense à caractère
pédagogique, financée par l'Etat pour les collèges. Je trouve donc absolument
anormal que l'on restreigne, pour les élèves des écoles primaires, où débute
l'éducation, l'accès aux photocopies et, par là même, à la littérature ou à
l'art. Cela me paraît tout à fait dommageable pour ces enfants, et je ne
comprends pas comment l'Etat peut ne pas aider les écoles primaires, comme il
le fait déjà pour les collèges et les lycées, à financer cette dépense qui
relève, à mon avis, de sa compétence.
SITUATION DE L'INSTITUT UNIVERSITAIRE
DE TECHNOLOGIE DE VILLE-D'AVRAY