SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le budget annexe des Journaux officiels.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Thierry Foucaud,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, mes chers
collègues, si je m'écoutais, je limiterais mon propos à une seule question à
l'intention de Mme la secrétaire d'Etat : quel avenir préparez-vous pour les
Journaux officiels ? En d'autres termes, comment devrait évoluer cette
direction et que deviendrait son personnel ?
A l'Assemblée nationale, madame la secrétaire d'Etat, vous avez indiqué qu'une
réflexion était en cours et qu'elle devait se poursuivre dans la concertation.
Soit ! Mais qu'en est-il vraiment ? Le Parlement est en droit d'être informé,
et je vous sais sensible à cet égard.
Le budget annexe pour 2002 est en baisse de 12 % et s'établit à 169 millions
d'euros. Globalement, les crédits destinés aux dépenses d'exploitation
augmentent de 4,4 %, tandis que les recettes diminuent de plus de 11 %.
Ce budget m'inspire trois observations.
La première porte sur des éléments qui étaient attendus. En 2002, les recettes
retirées des annonces légales régressent. Je rappelle que le Gouvernement a
décidé la gratuité des annonces relatives à la création d'entreprise. Par
ailleurs, les annonces publiées au
Bulletin officiel des marchés publics
marquent une baisse particulièrement sensible, pour deux raisons : d'une
part, les annonceurs qui saisissent directement leurs annonces via Internet
bénéficient d'une remise ; d'autre part, la réforme du code des marchés
publics, qui a abouti à un relèvement des seuils, entraînera, ce qui est
mathématique, une baisse du nombre des annonces.
La diminution des tarifs semble légitime : la loi oblige les annonceurs à
recourir aux services des Journaux officiels. L'Etat n'a pas de raisons
objectives d'en retirer un profit sans rapport avec le coût supporté !
Toutefois, afin de compenser la perte de recettes, la direction des Journaux
officiels, la DJO, devrait développer sa politique commerciale.
Ma seconde observation est une constatation. La direction des Journaux
officiels a mis en oeuvre avec succès le programme d'action gouvernemental pour
la société de l'information, annoncé par M. le Premier ministre le 2 octobre
2001.
En effet, en 2002, le citoyen pourra accéder gratuitement aux données
publiques via Internet. C'est ainsi que naît un véritable service public
gratuit d'accès au droit. La commission des finances, qui avait milité depuis
de nombreuses années en faveur de cette avancée démocratique, ne peut que s'en
féliciter.
Ma troisième observation est une question d'ordre plus général : dans quel
cadre, mes chers collègues, souhaitons-nous voir s'exercer les activités des
Journaux officiels ?
Comme cela avait été annnoncé l'an dernier, un audit a été effectué par la
Cour des comptes. Celle-ci critique, entre autres éléments, la gestion de la
direction des Journaux officiels et les retards dans la mise en place de la
saisie à la source. La Cour doit mener à nouveau un contrôle très
prochainement.
Une étude, confiée par le Gouvernement à Mme Bergeal, conseillère d'Etat,
conclut à la nécessité d'une réorganisation des relations entre la direction
des Journaux officiels et la Société anonyme de composition et d'impression des
Journaux officiels, entreprise chargée exclusivement des travaux du
Journal
officiel.
L'organisation juridique actuelle serait, selon elle, contraire
au droit européen. En complément de mon rapport écrit, je souhaite informer le
Sénat que de nouvelles études juridiques effectuées tout récemment par des
experts privés n'ont pas confirmé cette analyse. Nous savons que M. Dieudonné
Mandelkern, conseiller d'Etat honoraire, s'est vu confier une mission de «
facilitateur », pour reprendre la terminologie employée, entre l'Etat, la
direction des Journaux officiels et la SACIJO, afin de trouver une solution.
Quoi qu'il arrive, nous serons très vigilants quant au sort qui sera réservé au
personnel.
De plus, à moyen terme, la nouvelle loi organique relative aux lois de
finances devrait vous le savez, entraîner la disparition du budget annexe. A
mon sens, quelle que soit la nouvelle entité ou la nouvelle organisation
administrative qui sera mise en place, la responsabilité de la publication des
actes de l'autorité publique et des débats parlementaires ne doit en aucun cas
échapper à la puissance publique. Le Parlement est directement concerné,
puisque ses débats sont publiés au
Journal officiel
, conformément à
l'article 33 de la Constitution, qui dispose : « Les séances des deux
assemblées sont publiques. Le compte rendu intégral des débats est publié au
Journal officiel
. »
Madame la secrétaire d'Etat, je réitère ma question : à qui la confection et
la diffusion du
Journal officiel
seront-elles confiées ?
Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose au Sénat
d'adopter le budget annexe des Journaux officiels.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le
temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
voudrais d'abord remercier le rapporteur spécial, M. Thierry Foucaud, de la
qualité de son travail, qui nous permet de bien prendre conscience de la
situation des Journaux officiels et des incertitudes qui pèsent sur leur
avenir.
Pour les salariés des Journaux officiels, l'heure est en effet à l'inquiétude
s'agissant de la pérennité de cette entreprise qui est essentielle au bon
fonctionnement de la République.
Certes, la rumeur insistante de délocalisation de l'usine située dans le XVe
arrondissement de Paris s'est estompée. Mais les salariés, qui savent que la
délocalisation serait synonyme de menace pour l'existence même de l'entreprise,
attendent toujours un démenti formel et définitif de la part de la direction et
du Gouvernement.
Le projet de budget pour 2002 n'apaise pas toutes les inquiétudes.
Il prévoit, par exemple, une chute prévisionnelle des deux tiers du montant de
l'excédent brut d'exploitation. M. le rapporteur spécial en a rappelé les
raisons principales.
Cette évolution n'en est pas moins préoccupante. Ne risque-t-elle pas de faire
apparaître une moindre rentabilité de cette entreprise de service public ? Elle
pose en tout cas avec encore plus d'acuité la question de l'opportunité du
reversement intégral de cet excédent au budget de l'Etat, comme nous le disons
lors de chaque discussion budgétaire. Le développement des activités appelle,
en effet, d'importants investissements auxquels pourrait être consacrée cette
marge d'autofinancement.
Le niveau de l'investissement prévu pour 2002, en baisse de 70 %, paraît
justement en deçà des besoins de financement, qui ne manquent pas.
La diminution tendancielle des abonnements, si elle est logique étant donné le
développement d'Internet, devrait toutefois rester modérée et l'activité
d'impression n'est en rien condamnée à péricliter. L'excellence du savoir-faire
des ouvriers des Journaux officiels est, au contraire, un atout considérable
pour étendre les activités papier dans le cadre des missions de service public.
La richesse actuelle du catalogue des publications des Journaux officiels donne
déjà une idée des possibilités.
La modernisation et le maintien à son niveau d'excellence de l'outil de
travail d'impression doit bien être une priorité.
En ce qui concerne l'informatique et Internet, l'augmentation des crédits
correspondant au renouvellement de cent postes de travail, nécessaire, reste
loin des besoins.
Il est temps que l'accès à toutes les données juridiques devienne gratuit. Ce
sera chose faite en 2002. Tant mieux !
Mais pourquoi continuer d'avoir recours à un sous-traitant privé pour ces
activités, Or-Télématique, ou ORT ?
L'intérêt du service public est clairement que ce soit le site des Journaux
officiels, entièrement réalisé par le personnel de ces derniers, qui reprenne
et améliore les sites « Légifrance » et « Jurifrance » pour le moment
sous-traités à ORT. Pourquoi ne pas aller dans ce sens alors que les capacités
de financement existent ?
Par ailleurs, le projet de budget provisionne 33 millions de francs pour le
départ anticipé de 160 salariés qu'il n'est pas prévu de tous remplacés. Cette
perspective de réduction des effectifs est de mauvais augure. Elle va dans le
sens d'une dégradation des conditions de travail et d'une réduction
d'activité.
Ce projet de budget pour 2002 nous apparaît, vous le voyez bien, un peu trop
restrictif. Il ne mise pas assez sur le développement des activités des
Journaux officiels pour mieux accomplir leurs missions de service public. Il ne
réfute pas suffisamment les spéculations autour d'une perspective de
démantèlement, voire de privatisation, des activités des Journaux officiels.
C'est regrettable dans un contexte où est de plus en plus évoquée la
tranformation du statut de l'entreprise en établissement public à caractère
industriel ou commercial, impliquant la fin d'une structure coopérative qui a
pourtant fait ses preuves depuis 1945, et où l'adoption de la nouvelle loi
organique relative aux lois de finances risque d'entraîner la fin du budget
annexe.
C'est donc conscients des insuffisances et des ambiguïtés du projet de budget
qui nous est présenté face aux incertitudes qui pèsent sur l'avenir de ce
service public essentiel au bon fonctionnement de notre République et
indispensable à notre indépendance nationale que nous voterons les crédits qui
nous sont proposés.
(Mme Didier applaudit.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de
remercier M. Thierry Foucaud de la grande qualité de son rapport.
Ce projet de budget de la Direction des Journaux officiels pour 2002 se fonde
sur une diminution, comme cela a été dit, de 11,9 % des recettes et sur une
progression de 1,1 % des dépenses totales par rapport aux montants qui figurent
dans la loi de finances pour 2001.
L'excédent d'exploitation s'établirait, dans cette hypothèse, à 12,9 millions
d'euros, reversés au budget général, à comparer à un excédent de 279,2 millions
de francs, soit 42,5 millions d'euros, en 2001.
L'activité des annonces, qui est la principale source de recettes de la
Direction des Journaux officiels, reste toujours soutenue, mais la diminution
des recettes du
Bulletin officiel des annonces des marchés publics
est
estimée à près de 15 % pour 2002, compte tenu de la réforme, intervenue
récemment, du code des marchés publics.
Les Journaux officiels ont aussi pris en compte les conséquences de
l'instauration, au cours de cette année, de la gratuité des annonces portant
création des entreprises publiées au
Bulletin officiel des annonces civiles
et commerciales.
Par ailleurs, les Journaux officiels continuent à intégrer les nouvelles
technologies de la communication dans tous les secteurs de leur activité afin
de les mettre en oeuvre au profit de nos concitoyens.
Le site Internet de la Direction des Journaux officiels, qui a accueilli plus
de 1 920 000 visiteurs au cours des neuf premiers mois de 2001, offre un accès
gratuit au fichier d'annonces du
Bulletin officiel des annonces des marchés
publics
ainsi qu'au
Bulletin des annonces légales obligatoires
et
Associations
. De plus, les personnes publiques peuvent saisir
directement en ligne leurs annonces de marchés publics, ce que font dorénavant
6 % d'entre elles.
L'ensemble de ces dispositions, souhaitées par le Gouvernement pour encourager
les accès en ligne, a eu un effet sur les recettes de diffusion de la Direction
des Journaux officiels qui, de fait, sont en recul de 1 % sur les neuf premiers
mois de 2001.
Cette évolution vers la communication électronique conduit la Direction des
Journaux officiels à accomplir un effort permanent d'amélioration et de
diversification de ses produits sur papier.
Afin de mieux faire connaître ces différents outils d'accès à la norme
juridique, la Direction des Journaux officiels conduira d'importantes
opérations de communi-cation.
En regard, les dépenses d'exploitation augmentent modérément, de l'ordre de
4,4 %, témoignant de la volonté d'une maîtrise des coûts dans un contexte
d'augmentation de la masse salariale due aux accords sur la réduction du temps
de travail dans la presse parisienne.
Les dépenses d'investissement traduisent, quant à elles, la préoccupation de
moderniser l'outil de production afin de faire face au nouveau contexte dans
lequel doivent être associées la production papier et la production
électronique, l'amélioration de la qualité des produits constituant la
résultante des progrès technologiques et de l'élévation du niveau de
compétences des personnels.
Enfin, à travers le budget 2002 est transcrit l'engagement d'un projet
important dont la réalisation a été confiée à la Direction des Journaux
officiels : la reprise en régie du service public de diffusion des données
juridiques. Ce nouveau service sera ouvert au cours de l'été 2002.
J'ai bien noté l'interrogation réitérée à plusieurs reprises par M. le
rapporteur spécial sur l'avenir des Journaux officiels. Pour ma part, je n'ai
aucune inquiétude à cet égard. Ainsi que vous l'avez indiqué, monsieur Foucaud,
une réflexion est en cours sous l'égide de M. Dieudonné Mandelkern. Elle porte
sur une éventuelle évolution de la convention entre l'Etat et la Société de
composition et d'impression des Journaux officiels. Cette réflexion se fait en
concertation avec l'ensemble des représentants du personnel, dans un climat
jusqu'à présent tout à fait constructif et apaisé.
Avant de conclure, je tiens à vous affirmer, madame Beaudeau, que vous n'avez
pas d'inquiétude particulière à avoir ni sur le plan de l'évolution des
effectifs ni quant à d'éventuelles délocalisations. Je tenais à vous rassurer
sur ces deux points.
Ainsi, dans un contexte toujours très évolutif, la Direction des Journaux
officiels poursuit son action avec détermination, guidée par le souci d'adapter
ses méthodes et sa production aux impératifs d'une politique au service du
citoyen, tout en rationalisant sa gestion, ce qui, je crois, est une
préoccupation qui nous est commune. Ce qui est certain, c'est que c'est bien à
la Direction des Journaux officiels que la mission de diffusion des Journaux
officiels restera confiée.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget
annexe des Journaux officiels et figurant aux articles 33 et 34 du projet de
loi.
Services votés
M. le président.
« Crédits : 145 108 290 EUR. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 33 au titre des services
votés.
(Ces crédits sont adoptés.
)
Mesures nouvelles
M. le président.
« I. - Autorisations de programme : 5 030 000 EUR ;
« II. - Crédits : 24 739 429 EUR. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 34 au titre des mesures
nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le budget annexe des Journaux officiels.
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