SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les services du Premier ministre : I. - Services généraux (à l'exclusion des
crédits relatifs à la fonction publique, à la presse, à l'audiovisuel et au
Conseil supérieur de l'audiovisuel).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. François Marc,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des services généraux du
Premier ministre n'est pas un petit budget : il atteint en effet, cette année,
plus d'un milliard d'euros, soit plus de 6,5 milliards de francs, et il
représente un effectif de près de 1 800 personnes. Il pèse donc plus lourd que
le budget de l'environnement ou celui de l'aménagement du territoire.
Succinctement, je rappellerai que le budget des services généraux du Premier
ministre regroupe les crédits de trois ministres - le Premier ministre, le
ministre chargé des relations avec le Parlement et le ministre chargé de la
fonction publique et de la réforme de l'Etat - de divers organismes et des
fameux « fonds secrets ».
Je rappelle, toutefois, qu'une partie de ces crédits doit être présentée
demain par notre collègue Claude Belot, au titre des crédits de la
communication audiovisuelle, et qu'une autre partie sera présentée mercredi
prochain par notre collègue Gérard Braun, au titre des crédits de la fonction
publique.
La croissance de ce budget - 3,8 % cette année - est due essentiellement à
l'augmentation des crédits de la dotation en faveur des victimes des
législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation et des crédits du
Médiateur de la République.
Je m'en tiendrai là pour la présentation des crédits - vous en retrouverez le
détail dans mon rapport écrit - pour concentrer mon propos sur les principales
observations que m'a inspirées l'examen de ce budget.
Compte tenu de l'actualité, je limiterai mes propos à la réforme des fonds
secrets.
Permettez-moi, mes chers collègues, de citer Gustave Flaubert. Dans son
Dictionnaire des idées reçues,
celui-ci définit les fonds secrets comme
des « sommes incalculables » contre lesquelles il est de bon ton de «
s'indigner ».
On a, en réalité, souvent tendance à exagérer l'importance des fonds secrets.
On peut rappeler qu'ils ne s'élèvent qu'à 60 millions d'euros, soit, environ,
400 millions de francs, ce qui correspond à 0,02 % du budget de l'Etat.
Par ailleurs, leur utilisation répond à des besoins essentiels de l'Etat. En
effet, la moitié des fonds secrets sert à financer la DGSE, c'est-à-dire les
services secrets. Seuls 20 % de ces fonds permettent d'attribuer des primes aux
membres des cabinets ministériels. Le reste se répartit entre le fonctionnement
de l'Hôtel Matignon, l'Elysée, le ministère des affaires étrangères et les
actions en faveur des droits de l'homme.
Les fonds secrets, sous leur forme actuelle, me semblent poser un triple
problème.
Tout d'abord, les fonds secrets, que l'on nous présente chaque année en
parfaite stabilité dans le projet de loi de finances, sont systématiquement
abondés en cours d'année par des décrets pour dépenses accidentelles, lesquels
décrets ne sont pas publiés au
Journal officiel
alors qu'ils portent sur
des montants représentant entre 15 % et 40 %, selon les années, des dotations
initiales inscrites au titre des fonds secrets.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d'Etat, la commission s'est
interrogée sur le point de savoir si les crédits prévus pour les fonds spéciaux
dans le texte transmis au Sénat au titre du présent exercice budgétaire, à
savoir 37 millions d'euros, seront suffisants pour mener les actions définies
au titre de l'année 2002.
Les deux autres problèmes posés par les fonds spéciaux, sous leur forme
actuelle, sont ceux de leur périmètre et de leur contrôle, problèmes qui ont
justifié la démarche réformatrice du Gouvernement.
Tout d'abord, l'idée que le périmètre des fonds secrets est trop large fait
l'objet d'un consensus. En effet, si l'on comprend pourquoi les dépenses de la
DGSE sont financées par des fonds secrets, ce point de vue est discutable dans
le cas, par exemple, des primes de cabinet. Le Gouvernement a donc proposé
plusieurs amendements, adoptés par l'Assemblée nationale, qui ne laissent, au
sein du chapitre « fonds secrets », qu'un peu plus de la moitié de ces crédits,
le reste étant réparti entre d'autres budgets ou redéployé au sein du budget
des services généraux du Premier ministre. La commission des finances approuve,
bien entendu, cette orientation.
Ensuite, les fonds secrets devront être mieux contrôlés.
Les fonds secrets autres que ceux qui sont affectés à la DGSE ne sont
actuellement pas contrôlés du tout, les obligations prévues par la loi n'ayant
jamais été appliquées.
Il convient cependant de souligner que les fonds finançant la DGSE sont
contrôlés par une commission spéciale, présidée par un membre de la Cour des
comptes. Pourtant, ce contrôle est insuffisant. C'est pourquoi le Gouvernement
a proposé un amendement, adopté par l'Assemblée nationale, tendant à réformer
le dispositif en insérant dans le projet de loi de finances pour 2002 un nouvel
article, l'article 77, qui instaurerait une nouvelle commission comportant,
notamment, des parlementaires.
La commission des finances approuve ces orientations. Elle estime cependant
que le dispositif envisagé pourrait être amélioré et a déposé quelques
amendements en ce sens, que je vous présenterai tout à l'heure.
Je souhaiterais cependant demander à Mme la secrétaire d'Etat de préciser un
point. L'article 77, sous sa forme actuelle, ne fait aucune référence à un
recours éventuel par les membres de la commission de vérification à des
collaborateurs extérieurs. Faut-il comprendre, madame la secretaire d'Etat,
qu'un membre de la commission qui communiquerait à de proches collaborateurs
des informations couvertes par le secret de la défense nationale serait
passible de sept ans de prison et de 700 000 francs d'amende ?
C'est en fonction des observations que nous présentera demain prochain notre
collègue Claude Belot au sujet des crédits de la communication audiovisuelle et
de celles que formulera mercredi prochain notre collègue Gérard Braun sur les
crédits de la fonction publique qu'il sera proposé au Sénat de rejeter les
crédits des services généraux du Premier ministre pour 2002. Cette position ne
résulte donc pas d'une opposition au projet de réforme des fonds spéciaux
proposé par le Gouvernement, réforme dont la commission des finances, ainsi que
je l'ai indiqué, approuve les grandes orientations.
(Applaudissements sur
les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
crédits dévolus aux services généraux connaissent cette année une évolution
caractérisée par deux phénomènes essentiels.
Le premier est fondé sur l'intégration des crédits destinés au financement de
la réparation des crimes antisémites commis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Nous ne manquerons pas de souligner ici qu'il était plus que temps de tirer les
conclusions de la mission Mattéoli : la légitime réparation des actes perpétrés
à cette époque à l'encontre d'une partie importante de la population n'a que
trop tardé.
Nul doute que le travail qui attend ceux qui traiteront ces dossiers complexes
doit être salué, car il constitue un travail de mémoire significatif pour
l'ensemble de la communauté nationale.
C'est là l'origine de l'essentiel de la progression des crédits du département
ministériel.
Le second élément important, c'est évidemment l'article 77 relatif au
traitement des fonds spéciaux.
Nous approuvons sans réserve la volonté de clarification qui sous-tend cet
article, qui lève un voile sur une partie du mystère qui entoure parfois
l'action publique. Cette volonté de transparence n'est pas discutable au fond,
et nous la partagerons.
Cependant, au-delà de l'aspect quelque peu conjoncturel du débat, nous sommes
tentés d'apporter un élément supplémentaire à la réflexion.
Le terme même de « fonds spéciaux » et le débat que ces fonds ont suscité
illustrent bien le rapport que nos concitoyens entretiennent avec le monde
politique. C'est pourquoi il s'agit, de notre point de vue, d'une question
essentielle.
Tout ce qui peut contribuer à plus de transparence dans les rapports entre les
citoyens et les centres du pouvoir doit être encouragé. Nous souffrons en effet
suffisamment de l'éloignement du pouvoir et des limites de la démocratie
représentative pour que tout soit mis en oeuvre pour faire reculer ces limites,
à défaut de les faire totalement disparaître.
Si l'article 77 permet d'atteindre cet objectif, il faut l'adopter et espérer
qu'il « survivra » à une quelconque alternance... Il s'agit, finalement, de
l'une des formes que peut prendre aujourd'hui la réforme de l'Etat.
Je tenais à présenter ces quelques observations à l'occasion de l'examen des
crédits de ce département ministériel.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Permettez-moi, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, de commencer cette intervention sur les fonds spéciaux par une scène
des
Mémoires d'outre-tombe
.
Le 26 mai 1833, à Prague, Chateaubriand évoquait avec un Charles X en exil
l'heureux temps où ils étaient tous deux aux affaires. « Je suis si bête,
confiait au roi l'écrivain ancien ministre, qu'en entrant aux affaires
étrangères je ne voulus pas prendre les 25 000 francs de frais
d'établissements, et qu'en sortant je dédaignai d'escamoter les fonds secrets.
»
On le voit, le problème ne date pas d'hier ! Il est probable que bien des
ministres n'ont pas eu le désintéressement, ou l'étourderie, de Chateaubriand
!
A l'instar de Flaubert, cité par notre rapporteur spécial dans son rapport
écrit, bien des bonnes âmes se sont indignées de cette pratique plus ancienne
que la République : dans nos débats budgétaires, il était d'usage de dénoncer
l'opacité de la gestion des crédits demandés par le Gouvernement sur le
chapitre 37-91. Montants insincères, dépassements importants, circulation
d'enveloppes que le chef de cabinet du ministre allait chercher à Matignon et
dont le ministre faisait ce qu'il voulait, entre sa propre part et celles de
ses collaborateurs plus ou moins bien traités qui n'a connu cela avec un peu
d'expérience de l'exécutif ?
Mais les sociétés évoluent : ce qui, hier, était admis devient emploi fictif,
abus de bien social, évasion fiscale... C'est un processus dérangeant, mais
qui, après tout, comporte des aspects positifs.
C'est ainsi que, depuis plusieurs années, nos rapporteurs spéciaux successifs
dénonçaient l'opacité de la gestion des crédits demandés par le Gouvernement
sur le chapitre 37-91.
A vrai dire, ces critiques portaient plus sur l'article 10 du chapitre,
relatif aux fonds spéciaux du Gouvernement, que sur l'article 20, concernant
les fonds spéciaux à destination particulière, comprenant, entre autres, des
dépenses de la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE : ces
fonds spéciaux-là, tout le monde convient qu'ils sont indispensables pour la
défense intérieure de l'Etat, donc de notre démocratie.
Sans revenir sur la nature de l'ensemble de ces crédits, qui a été présentée
par M. le rapporteur spécial, on peut regretter la façon dont se sont déroulées
les différentes étapes qui ont amené la réforme annoncée par le Premier
ministre durant l'été. Force est de reconnaître que le Parlement n'y a pas été
particulièrement associé, en amont des amendements présentés par le
Gouvernement à l'Assemblée nationale.
Ce manque de coopération a d'ailleurs été analysé par M. François Logerot,
Premier président de la Cour des comptes, qui a remis au Premier ministre un
rapport relatif aux fonds spéciaux. Il était donc particulièrement difficile
aux commissions des finances des deux chambres de connaître la ventilation au
sein du chapitre 37-91 des autres crédits alloués aux dépenses de
fonctionnement courant et à la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat.
Chacun sait qu'une partie de ces crédits servait au financement des cabinets
ministériels, les lignes budgétaires « indemnités de cabinets » ne représentant
qu'une partie du financement réel de ceux-ci.
Une autre partie de ces crédits complète les crédits des pouvoirs publics. Les
informations communiquées au mois de juillet dernier par les services du
Premier ministre ont confirmé les dires du Président de la République selon
lesquels Matignon reçoit 95 % des fonds spéciaux et l'Elysée moins de 5 % ».
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Yann Gaillard.
Il existe désormais un consensus sur les primes versées aux membres des
cabinets ministériels, qui, naguère versées en liquide, échappaient à la fois à
l'impôt et aux cotisations sociales.
Pourtant, aucune réforme d'ensemble de la nomenclature budgétaire n'est
initiée par le Gouvernement. Qu'est-ce qui empêchera le Premier ministre ou un
ministre d'utiliser les fonds spéciaux à d'autres fins que celles sur
lesquelles le Parlement se sera prononcé en loi de finances initiale ? La seule
réforme véritablement identifiable porte sur les modalités de rémunération.
Mais l'opacité demeure ailleurs.
A cette réforme souhaitable de la nomenclature, il conviendrait d'en ajouter
deux autres.
D'une part, une revalorisation des rémunérations des ministres, car leur
montant est inférieur à celui dont bénéficient, indemnités comprises, les plus
hauts fonctionnaires ou les dirigeants d'entreprises publiques.
D'autre part, les cabinets ministériels devraient subir une cure
d'amaigrissement. N'est-ce pas d'ailleurs un voeu pieux sous tous les
gouvernements ? Le nombre des collaborateurs de ces cabinets est difficile à
cerner. On peut légitimement s'étonner des différences entre le « jaune »
budgétaire annexé au projet de loi de finances et le
Bottin
administratif
! Pour ce dernier, la source d'information ne pouvant venir,
il est vrai, que des ministères eux-mêmes, cela en relativise considérablement
la qualité. Il y donc encore des efforts à faire pour atteindre la transparence
que nous appelons tous de nos voeux.
Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale apportent un certain
nombre de réponses intéressantes aux problèmes posés.
Tout d'abord, les crédits non liés à des opérations de sécurité sont supprimés
et réinscrits dans le budget de l'Etat pour chaque ministère : il s'agit de
crédits d'indemnité et de crédits de fonctionnement.
Les primes de cabinet seront donc versées, à compter du 1er janvier 2002, par
virement et donneront effectivement lieu à une fiche de paie. De ce fait, elles
seront soumises à l'impôt et assujetties aux cotisations sociales.
Pour ce qui est du régime des rémunérations des ministres, le Gouvernement a
annoncé que le dispositif choisi le sera avant la fin de l'année 2001. Il
convient que le Parlement soit totalement informé des modalités finalement
retenues.
J'en viens au second volet de cette réforme en devenir, les crédits
nécessaires aux activités des services secrets.
La commission de vérification instituée par l'article 77 du projet de loi de
finances pour 2002 pose plusieurs problèmes.
Au premier chef, il y a le problème du secret, et même du « très secret », car
le contrôle des fonds secrets doit lui-même être suffisamment secret.
(Sourires.)
La commission de contrôle des fonds des services secrets instituée en 1947
était composée de deux magistrats et d'un haut fonctionnaire, dont les noms
n'étaient jamais publiés. Dans l'instance de contrôle créée par l'Assemblée
nationale, les noms de tous les membres parlementaires et des magistrats seront
publiés, ce qui ne va pas sans créer un risque majeur de pression sur ces
personnes.
Confier la présidence de cette commission de vérification à l'un des membres
parlementaires soulève aussi des problèmes de stabilité liés au renouvellement
de leur mandat. La commission qui siège depuis 1947 a, pour sa part, connu un
nombre assez faible de présidents, ce qui a contribué à sa stabilité.
Le rapporteur de la commission des finances proposera une série d'amendements
tendant à renforcer la légitimité de la commission de vérification et à en
améliorer le fonctionnement. Cette démarche va dans le bon sens et nous y
apporterons notre soutien. La commission des finances y a travaillé hier
encore. Le souci de tous ses membres, quelle que soit leur appartenance
politique, est, dans un domaine dont dépend la sécurité nationale, de préserver
l'autonomie de l'exécutif... et d'éviter les fuites !
Un mot quand même -
in cauda venenum
- sur les effectifs des services
généraux du Premier ministre.
Depuis 1997, les services centraux ont vu le nombre de leurs personnels
augmenter de 37 %. Que peut bien justifier une telle progression alors que ces
effectifs étaient restés stables lors de la législature précédente ?
De plus, cette augmentation s'accompagne d'une progression des crédits
correspondant aux « rémunérations des personnels », « autres rémunérations » et
« indemnités et allocations diverses » de 18 millions d'euros durant la
législature, ce qui est considérable.
Il n'y a pas eu, à notre connaissance, de modifications substantielles des
compétences des services du Premier ministre depuis 1997 pouvant justifier des
recrutements aussi pléthoriques. Dans ces conditions, le Gouvernement pourra
peut-être éclairer le Sénat sur les raisons pouvant justifier de telles
progressions.
Le groupe du Rassemblement pour la République suivra les préconisations de la
commission des finances et votera contre les crédits des services généraux du
Premier ministre, avec l'appréciation suivante : « pourrait mieux faire » ou,
plutôt, « aurait pu mieux faire ».
Puisque j'ai commencé par Chateaubriand, pourquoi, une fois n'est pas coutume,
ne pas terminer sur un autre auteur, devenu classique de nos jours, le marquis
de Sade. Il s'écriait dans un libelle célèbre : « Français, encore un effort si
vous voulez être républicains ! »
(Sourires et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord
remercier M. François Marc de la qualité de son rapport. Comme celui-ci est
très complet, je ne rappellerai que brièvement les évolutions les plus
significatives pour apporter quelques éclaircissements sur les points soulevés
par votre commission.
La progression de 3,8 % du budget des services généraux du Premier ministre
s'explique, pour l'essentiel, par l'évolution des crédits qui relèvent des
agrégats « administration générale » et « autorités administratives
indépendantes ».
Les crédits consacrés à l'agrégat « administration générale » passent de 262,8
millions d'euros à 301,1 millions d'euros, ce qui représente une augmentation,
à structure constante, de 12 %.
Les crédits du titre III progressent, à structure constante, de 1,96 %.
Cette augmentation permet notamment de financer le renforcement en personnels
des services, avec neuf emplois, les autres emplois budgétaires étant destinés,
monsieur Gaillard, à remplacer les personnels militaires du contingent affectés
dans les services du Premier ministre, ce qui correspond à dix-huit emplois
budgétaires et explique, pour l'essentiel, l'évolution, dont vous avez contesté
la légitimité, au cours de la législature. En effet, la suppression du service
national a nécessairement des conséquences sur les emplois affectés aux
services du Premier ministre ; d'autres départements ministériels sont
d'ailleurs concernés, mais l'incidence de cette réforme est le plus marquée
pour les services du Premier ministre et la présidence de la République.
Par ailleurs, vingt-six emplois sont prévus pour contribuer à la résorption de
l'emploi précaire.
Le titre III du budget des services généraux du Premier ministre bénéficie
également de plusieurs mesures de transfert de crédits en provenance d'autres
départements ministériels, pour 6,6 millions d'euros.
Les crédits du titre III englobent des mesures intéressant la situation du
personnel. Je voudrais souligner à cet égard que, dans l'optique de la mise en
oeuvre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, un protocole
d'accord a été conclu avec les organisations syndicales le 26 octobre
dernier.
La croissance la plus importante concerne cependant le titre IV, dont les
crédits progressent de 34,7 millions d'euros, soit d'un peu plus de 108 %.
Comme l'a souligné de manière très opportune M. Foucaud, il s'agit avant tout
de crédits visant à assurer l'indemnisation des orphelins de la déportation et
celle des victimes des spoliations. Cet ajustement à hauteur de 33,5 millions
d'euros est rendu nécessaire par le nombre des dossiers instruits au cours de
l'année 2001, ainsi que par les projections que l'on peut établir, en termes de
dépenses, pour l'année 2002.
En ce qui concerne le titre V, les crédits de paiement alloués pour le gros
entretien immobilier des services du Premier ministre sont reconduits à leur
niveau de 2001.
S'agissant de l'entretien des cités administratives, je voudrais apaiser une
crainte qui est exprimée dans le rapport de la commission des finances : la
réduction de 7,2 millions d'euros des crédits de paiement et de 3,2 millions
d'euros des autorisations de programme ne traduit nullement un désengagement de
l'Etat à l'égard des charges et obligations qui lui sont imparties en sa
qualité de propriétaire, elle résulte simplement de l'existence d'un montant de
reports de l'ordre de 40 millions à 45 millions d'euros sur l'exercice 2002.
Par conséquent, à cette dotation du projet de loi de finances pour 2002 viendra
s'ajouter le montant des reports, ce qui implique que des moyens très
significatifs seront disponibles pour assurer la poursuite des travaux
d'entretien. Une étude visant à établir un diagnostic sur l'état des cités
administratives vient d'ailleurs d'être lancée ; les résultats obtenus
constitueront un instrument important pour la programmation des investissements
de l'Etat.
En ce qui concerne les crédits de l'agrégat « autorités administratives
indépendantes », ceux-ci augmentent de 8,01 %.
La croissance la plus significative concerne le Médiateur, avec près de 47 %
de hausse. Ces moyens supplémentaires, que le précédent rapporteur de ce projet
de budget avait appelés de ses voeux, permettront en particulier le financement
de la poursuite de l'exécution du plan de recrutement des délégués du Médiateur
et des frais de fonctionnement induits, selon les modalités prévues par le
comité interministériel des villes du 14 novembre 1999. Ils permettront aussi
d'assurer le financement d'une augmentation programmée des loyers.
J'en viens maintenant, monsieur le rapporteur spécial, à la question,
importante cette année, des fonds spéciaux.
Le Parlement a déjà réformé, voilà quelques mois, l'ordonnance de 1959
relative aux lois de finances. Bien entendu, la réforme des fonds spéciaux et
celle de l'ordonnance organique de 1959 n'ont pas la même portée. Néanmoins, je
leur vois deux points communs.
Tout d'abord, elles sont la manifestation d'un souci de transparence des
comptes publics ; ensuite, elles sont aussi le signe du renforcement du
contrôle parlementaire sur l'action de l'exécutif. Ces évolutions, dont je me
réjouis, sont, à mon sens, la preuve d'une plus grande maturité du débat
démocratique.
Je ne rappellerai pas les multiples évocations des pratiques liées aux fonds
spéciaux : nous les retrouvons dans la littérature, et M. Gaillard a abordé ce
thème dans son propos liminaire, en rappelant la vie des morts illustres.
(
Sourires.
) Mais nous connaissons aussi des témoignages plus récents à
cet égard.
Ces pratiques critiquables étaient, en quelque sorte, enracinées dans notre
histoire, et c'est une conjonction de circonstances et d'interventions qui a
amené le Gouvernement à conclure qu'il fallait mettre fin à un système
archaïque, peu compatible avec la légitime demande de transparence de nos
concitoyens.
La réforme adoptée par l'Assemblée nationale comporte deux volets.
Elle prévoit, en premier lieu, une ventilation des crédits qui ne sont en rien
liés au financement des opérations de sécurité. Il s'agit en effet de crédits
d'indemnités et de fonctionnement. Par conséquent, il sera mis fin, dès le 1er
janvier 2002, à l'archaïsme que constituait le versement de primes en liquide.
Les primes de cabinet, dont personne ne conteste qu'elles compensent de réelles
contraintes, seront désormais versées par virement et donneront lieu à
l'établissement d'une fiche de paie. Elles seront clairement soumises à l'impôt
et aux contributions sociales.
Le versement des primes, celles des membres de cabinet et celles des
personnels de services administratifs, d'intendance, de sécurité et de
logistique directement liés à l'activité ministérielle, sera encadré par un
décret qui en constituera le fondement juridique.
Quant aux dépenses de fonctionnement, elles seront inscrites aux chapitres
correspondants de chaque ministère, et leur exécution obéira aux règles de
droit commun.
Une nouvelle répartition de crédits a donc été opérée par amendement au projet
de loi de finances à l'Assemblée nationale. M. le rapporteur spécial en ayant
donné le détail dans son rapport, je n'y reviendrai pas.
En second lieu, les dépenses liées aux actions de sécurité, qui doivent
conserver un caractère secret, resteront imputées sur le chapitre des fonds
spéciaux. A ce propos, monsieur Gaillard, permettez-moi de vous contredire : la
nomenclature interne du chapitre a bien été modifiée en conséquence, pour
distinguer les crédits de la DGSE de ceux qui seront destinés à financer
d'autres actions de sécurité.
M. Jean Chérioux.
Tant mieux !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La loi précise que les services utilisateurs des fonds
en tiennent le compte d'emploi, ce qui signifie que la procédure de la dépense
n'est pas soumise à la règle de séparation de l'ordonnateur et du comptable.
Le dispositif de contrôle résultant de dispositions législatives de 1946 et de
1947 ainsi que d'un décret de 1947 est également rénové. Au lieu d'une
commission purement administrative, est mise en place une commission comportant
deux députés, deux sénateurs et deux membres de la Cour des comptes. Ce format
permettra de faire place à une représentation de l'opposition parlementaire.
J'indique, pour répondre à la question posée par M. le rapporteur spécial,
que, s'agissant de l'article 77, il n'est en effet pas prévu de recourir à des
collaborateurs extérieurs. Si une communication d'information était faite, les
peines encourues seraient applicables. C'est la raison pour laquelle le
dispositif, tel qu'il est soumis au Sénat, prévoit la présence, au sein de
cette commission, de deux membres de la Cour des comptes, qui seront astreints
au même secret et qui pourront, en quelque sorte, apporter un appui technique
et administratif aux quatre parlementaires.
J'en terminerai sur cette question en soulignant que l'ensemble des dépenses
qui seront désormais imputées sur le chapitre des fonds spéciaux relèveront
d'un contrôle parlementaire qui, je le crois, était souhaitable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pourrez dans quelques minutes, par
votre vote, contribuer à mettre un terme à une pratique dont on peut dire
qu'elle relevait de la coutume. S'ils sont adoptés, les amendements présentés
par le Gouvernement et adoptés par l'Assemblée nationale ne remettront pas en
cause l'Etat. Ils ne bouleverseront pas non plus la Ve République, ils ne
résoudront pas les difficultés que notre pays peut connaître, en certaines
circonstances, dans son rapport au politique, mais ils établiront, à mon sens,
des règles claires pour tous. J'espère donc que vous confirmerez un choix de
transparence et de maturité démocratique.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits inscrits à la ligne « Services généraux
du Premier ministre » seront mis aux voix le mercredi 5 décembre, à la suite
des crédits relatifs à la fonction publique.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 10 540 760 EUR. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 99 775 316 EUR. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisation de programme : 44 972 000 EUR ;
« Crédits de paiement : 22 105 000 EUR. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
J'appelle en discussion l'article 77, qui est rattaché pour son examen aux
crédits affectés aux services généraux.
Article 77