SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'industrie (et La Poste).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Clouet,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je
souhaite commencer mon propos comme un conte de fée : « Il était une fois... »
Il était une fois, dans la structure gouvernementale française, un ministère
parmi les plus importants. Ce ministère a eu comme ministres des hommes
remarquables et il comptait, comme débouché, pour l'un des plus grands corps de
l'Etat. Ce ministère, nous le cherchons en vain de nos jours : c'était celui de
l'industrie. Mais il a été progressivement phagocyté par le ministère des
finances. Il n'a donc plus ni budget ni, en dépit des qualités des hommes qui
en ont la charge, le même prestige qu'autrefois. De ce fait, ses services
risquent de devenir moins attirants.
J'ai noté cette perte d'expertise, que vous semblez en voie de combler, si mes
informations sont exactes, en créant un nombre important de postes d'ingénieurs
des mines, qui devraient donc en renforcer la capacité technique. Par ailleurs,
un Conseil de développement économique et de stratégie industrielle vient
d'être créé - mais il n'a pas encore fait ses premières armes - auprès du
secrétaire d'Etat à l'industrie et du secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises. Nous verrons ce qu'il en adviendra !
En l'absence du budget, il est difficile d'avoir un rapporteur du budget : il
y a donc des chasseurs d'agrégats.
On va à la chasse aux agrégats dans le budget du ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie, et l'on trouve quatre agrégats spécifiques à
l'industrie. Cette année, cependant, un cinquième agrégat apparaît, qui n'est
pas spécifiquement industriel puisqu'il est partagé avec les PMI et
l'environnement : c'est celui qui finance les directions régionales de
l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE.
Si je mets de côté ce demi-agrégat, en quelque sorte, par rapport à l'année
dernière, les quatre agrégats spécifiques sont en recul d'environ 3,6 %, ce qui
en soi n'est pas considérable et, de surcroît, n'a guère de signification,
notamment parce que les reports de crédits sont particulièrement importants.
Même dans le cas de l'Agence nationale de valorisation de la recherche,
l'ANVAR, on a pu constater qu'ils représentaient, avec le produit du
remboursement des avances, à peu près autant que les crédits prévus pour cette
année.
On constate donc d'importants reports et - vous nous éclairerez sans doute à
cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat - des transferts du budget de la
défense en cours d'exercice. Ces transferts ne sont pas chiffrés, mais ils
atteindraient 150 millions à 160 millions d'euros.
De surcroît, ces agrégats sont extrêmement évolutifs en cours d'année et, par
rapport à l'année dernière, ils ont un périmètre « déformable ». On a vu ainsi
apparaître un médiateur de La Poste : je n'ai rien contre les médiateurs ni
contre La Poste, mais je me demande en quoi c'est un problème industriel.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
C'est à la mode !
M. Jean Clouet,
rapporteur spécial.
Ensuite, en matière de sûreté nucléaire et de
radioprotection, des transferts de crédits ont été opérés en provenance du
budget de la défense, et le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes
entreprises a reçu des crédits de l'Agence pour la création d'entreprises.
Alors, que reste-t-il dans ces agrégats ? Naturellement, le rapport écrit en
donne des tableaux tout à fait complets, mais il est frappant de constater que
les crédits sont consacrés plutôt à l'apurement du passé qu'à la construction
du futur. En effet, la seule subvention octroyée aux Charbonnages de France
atteint un quart du total des crédits, qui s'établit à 16 milliards de
francs.
Par ailleurs, certains crédits ne concernent pas vraiment l'industrie : je ne
comprends pas pourquoi on s'obstine à vous faire financer les transports de
presse pour une somme relativement importante, puisqu'elle doit approcher les
300 millions d'euros.
En conclusion - et ce n'est pas une surprise, nous en avons déjà parlé - les
crédits du secrétariat d'Etat à l'industrie m'apparaissent comme une sorte de
tirelire d'appoint circonstancielle : on y importe des crédits venus
d'ailleurs, par exemple de la défense, et on en exporte d'autres, de sorte
qu'il est très difficile, à partir de ces quatre agrégats, de se faire une idée
de la politique industrielle de la France et de la façon dont elle est
financée. Je me répète d'une année sur l'autre, mais peut-être un jour
aurons-nous vraiment connaissance du total de la participation publique à la
politique industrielle. C'est une lacune que vous comblerez certainement,
monsieur le secrétaire d'Etat, et je vous en remercie.
M. le président.
La parole est à M. Grignon, rapporteur pour avis.
M. Francis Grignon,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour
l'industrie.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, malgré l'optimisme de M. le secrétaire d'Etat, les crédits
demandés au titre de l'industrie dans le projet de loi de finances pour 2002,
qui s'établissent à 1 958 millions d'euros, sont en baisse de 4,9 %.
Comme l'an dernier, on nous annonce des reports en cours d'exercice pour
préserver les capacités d'engagement de l'Etat. Cette argumentation me laisse
personnellement sceptique, la présence de ces reports montrant davantage
l'incapacité de l'Etat à mettre en oeuvre des politiques efficaces pour
consommer les crédits budgétaires que la conduite d'une véritable stratégie
industrielle. Pourtant, les sombres perspectives pour 2002 s'agissant de
l'industrie manufacturière incitent moins que jamais à baisser les bras.
J'aimerais insister sur l'importance des masses budgétaires dont nous
discutons. Parmi celles-ci figurent les crédits « offensifs » de soutien à
l'innovation, comme ceux de l'ANVAR, qui voit sa dotation budgétaire stagner ;
ou encore les crédits « défensifs » de réindustrialisation, particulièrement
vitaux pour les territoires actuellement touchés par les restructurations
industrielles : je pense non seulement au cas Moulinex, aux salariés et au
département concernés, auxquels je m'associe, mais aussi à l'hémorragie
silencieuse de certains secteurs industriels comme le textile, l'habillement et
la chaussure.
Avec la mise en oeuvre des accords de Marrakech et l'accord envisagé avec le
Pakistan, le phénomène de délocalisation observé dans ce secteur risque de
s'amplifier. La commission des affaires économiques s'inquiète d'ailleurs
vivement de la perte d'attractivité économique du territoire français, constat
désormais partagé dans tous les rangs, des rapports du Sénat au rapport
Charzat.
Dans la construction navale, fragilisée par le dumping sud coréen, quelle
position défendra le Gouvernement lors du prochain Conseil « industrie » sur le
mécanisme défensif temporaire proposé pour la construction navale française et
européenne ?
Dans le secteur automobile, à l'échéance de septembre 2002, le système actuel
de distribution sera réformé, le règlement européen arrivant à échéance. La
Commission européenne entend distendre les liens entre la vente et
l'après-vente automobile, car elle estime qu'il en résulte des entraves
concurrentielles sur le marché automobile européen. La France est
particulièrement concernée, car, sans parler de la construction automobile, la
distribution automobile y représente 4 200 concessionnaires et 15 000 agents,
soit 230 000 emplois, largement répartis sur le territoire. Le Gouvernement
entend-il défendre à Bruxelles le lien entre la vente et l'après-vente
automobile ?
Pour conclure, permettez-moi d'évoquer la mise en place du brevet
communautaire et la réforme du brevet européen.
La France souffre d'un déficit en matière de brevets, qui est désormais
reconnu. La commission des affaires économiques s'est prononcée pour la réforme
linguistique du brevet européen et pour la création d'un brevet communautaire.
Ces réformes n'auront cependant d'effet que si elles sont accompagnées d'un
vaste plan national de sensibilisation des chercheurs, des industriels et des
juridictions à l'importance de la propriété industrielle.
Au-delà de la mise en musique technique, qui est du ressort de l'Institut
national de la propriété industrielle, l'INPI, de l'ensemble de ces mesures,
c'est sur l'élan politique de ce « plan brevets » - un plan que nous appelons
de nos voeux - que j'aimerais vous entendre, monsieur le secrétaire d'Etat.
Quels sont vos projets et quelle est votre détermination ?
Peu convaincue par ce budget, la commission des affaires économiques a émis un
avis défavorable à l'adoption des crédits de l'industrie inscrits dans le
projet de loi de finances pour 2002.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Besson, rapporteur pour avis.
M. Jean Besson,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour
l'énergie.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, la commission des affaires économiques du Sénat s'est toujours
montrée soucieuse d'une ouverture raisonnée des marchés de l'énergie, dans
l'intérêt des consommateurs. C'est compte tenu de cette orientation générale
que j'ai, en son nom, examiné le budget qui nous est soumis.
A titre personnel, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, je l'approuve
sans réserve.
Dans cette courte intervention, je souhaite vous faire part de quelques-unes
des préoccupations de notre commission qui concernent les principales sources
d'énergie consommées par les Français : l'électricité, le gaz, le pétrole et
les énergies renouvelables.
S'agissant du secteur électrique, notre attention s'est portée cette année sur
la nécessité de voir fonctionner rapidement le fonds du service public de la
production d'électricité. Ce fonds doit servir à compenser les surcoûts qui
résultent, pour l'opérateur historique, de l'obligation d'achat prévue par la
loi de février 2000. Cette question est d'autant plus importante qu'un récent
décret a fixé un prix de rachat très favorable pour l'électricité d'origine
éolienne.
Notre commission souhaite que ce fonds fonctionne dès que possible. J'ai
relevé avec intérêt que, devant la commission de la production et des échanges
de l'Assemblée nationale, vous aviez, monsieur le secrétaire d'Etat, évoqué la
possibilité de faire figurer sur les factures adressées aux consommateurs le
coût exact qui leur est imputé au titre du développement des énergies
renouvelables. Cette innovation pourrait-elle entrer en vigueur prochainement
?
Un autre grand chantier est également ouvert dans le secteur électrique,
celui de la « mise à plat » des relations entre les collectivités concédantes
et le réseau de transport d'électricité. Comme vous le savez, les autorités
concédantes ont quelque peine à obtenir l'inventaire des réseaux qui leur
appartiennent puisque Electricité de France considérait jusqu'à récemment
encore que les lignes concédées étaient sa propriété. Que comptez-vous faire,
monsieur le secrétaire d'Etat, pour soutenir les légitimes revendications des
communes et des collectivités concédantes ?
Dans le secteur pétrolier, c'est principalement la desserte de notre pays en
carburants qui nous préoccupe. Nous observons, en effet, une diminution du
nombre de stations-service. Je vous le demande solennellement, au nom de notre
commission, les fonds dont dispose le comité professionnel de la distribution
des carburants sont-ils suffisants pour enrayer une évolution que d'aucuns
considèrent comme inéluctable ?
Permettez-moi, enfin, d'évoquer le secteur des énergies renouvelables.
Notre attention a été appelée par le rapport d'activité de la Commission de
régulation de l'électricité, la CRE, sur l'intérêt du système dit des «
certificats verts ». Ces certificats permettent de payer plus cher de
l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables. Envisagez-vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, de recourir en France à ce système plus
transparent que les mécanismes en vigueur ?
Nous souhaitons également que les pouvoirs publics prennent en compte la
nécessité de combler le retard qui commence à se creuser, en France et à
l'étranger, dans le secteur de la pile à combustible. L'office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a présenté récemment,
sur ce point, des conclusions fort éclairantes que nous nous devions d'évoquer
à l'occasion de la discussion de ce budget.
Enfin, s'agissant des éoliennes, je tiens à vous faire part d'interrogations
exprimées par plusieurs de nos collègues. La construction de fermes éoliennes
s'accélère, souvent sans être souhaitée par la population, qui trouve à redire
lorsqu'elle se trouve dans leur voisinage. Ces machines seraient bruyantes et
dangereuses pour les oiseaux. Ne conviendrait-il pas, en conséquence, de revoir
les conditions dans lesquelles il est loisible de les construire, le cas
échéant après une enquête publique ?
En conclusion, permettez-moi de préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, que,
contrairement à la proposition de son rapporteur pour avis, la majorité de la
commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des
crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour
les technologies de l'information et La Poste.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits consacrés à La
Poste et aux technologies de l'information s'élèvent à 438 millions d'euros, en
hausse de 2,2 %, auxquels il faut ajouter 4 milliards d'euros de prise en
charge - en totalité pour France Télécom et en partie pour La Poste - des
retraites. On y cherche en vain les 500 millions de francs que l'Etat, lors du
comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire
qui s'est tenu à Limoges, le 9 juillet dernier, a annoncé vouloir affecter à la
couverture du territoire en téléphonie mobile !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Oh !
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Les crédits demandés pour l'Autorité de régulation
des télécommunications, l'ART ; soit 16 millions d'euros, classent la France au
dernier rang européen. Il en coûte, en France, pour la régulation des
télécommunications, 1,75 franc par an et par habitant, contre 2,25 francs en
Espagne, 2,95 francs en Italie, et 3,51 francs en Grande-Bretagne, soit deux
fois plus.
Je souligne, au passage, monsieur le secrétaire d'Etat, que la question de la
retraite des membres du collège de l'ART, maintes fois soulevée auprès de la
direction du budget, n'est toujours pas réglée.
Or le besoin de régulation est croissant, qu'il s'agisse du « dégroupage » de
la boucle locale, confiné aux grandes villes faute de tarifs attractifs malgré
de nombreux effets de manche, ou des forfaits d'accès illimité à Internet, pour
ne citer que les deux cas les plus voyants.
Dans le secteur postal, attendons-nous, en 2001 et en 2002, à une forte
dégradation des résultats de l'opérateur, à l'image du véritable effondrement
du résultat d'exploitation - moins 29 % - et du résultat net - moins 38 % - en
2000. Quelle est la cause de ces résultats ? C'est le coût du passage aux 35
heures !
Il faut aussi noter, en prime, des indicateurs de qualité de distribution du
courrier dégradés : 73 % seulement à J + 1, contre un objectif de 80 %.
Quels artifices, quels « événements exceptionnels » allez-vous trouver, en
2001 et en 2002, pour maquiller la déconfiture des comptes postaux ? A coup
sûr, vous allez mettre en avant la vente de l'immobilier postal, sur l'air de
Tout va très bien, madame la marquise,
avec l'objectif d'atteindre les
180 millions d'euros de résultats déclenchant le mécanisme d'intéressement
signé avec les personnels. Belle avancée sociale, mais gare aux risques de
conflit si le mécanisme venait à s'enrayer !
Sur le même air du « tout va très bien », l'ouverture à la concurrence, que
vous auriez si bien négociée à Bruxelles, réduira, au-delà de 2006, le monopole
au courrier de 50 grammes, une « étape décisive » de libéralisation étant
prévue en 2009, ce qui signifie, pour beaucoup d'Etats membres, une ouverture
totale à la concurrence. Il est vrai que, d'ici là, les échéances seront
passées... A résister trop obstinément, la France a dû lâcher prise plus qu'il
n'aurait été souhaitable. Que cela serve de leçon pour le gaz !
Ma question est simple : qu'avez-vous fait et que comptez-vous faire pour
préparer La Poste ?
Je ne cite plus que pour le compte rendu officiel de nos travaux la loi
postale « virtuelle », à la discussion de laquelle vous vous étiez, un temps,
engagé dans cet hémicycle : c'était en février 1999.
Quant à nous, nous avons pris nos responsabilités et fait nos propres
propositions dans plusieurs rapports et propositions de loi. Je rappellerai,
notamment, le rapport du sénateur Gérard Larcher, que vous aviez taxé de
vouloir privatiser La Poste, monsieur le secrétaire d'Etat, alors qu'il n'en
est pas question, en tout cas dans ce rapport.
L'immobilisme condamne La Poste. Les charges de retraites sont une véritable
bombe à retardement puisque, à compter de 2010, le rapport retraités sur actifs
égalera puis dépassera 1 ; le tabou de la sociétisation et de la filialisation
des services financiers condamne l'opérateur à une solitude fatale ;
l'aménagement postal du territoire fait peser sur lui et, de plus et plus, sur
les communes, 3,5 milliards de francs de surcoût par an, alors que le besoin
d'adaptation du réseau est patent : 2 000 bureaux ont moins d'une heure
d'activité par jour, alors que les zones urbaines et périurbaines sont mal
couvertes par le réseau postal.
Pourquoi refuser obstinément la fixation du prix du timbre à 50 centimes
d'euro ? Ce serait une mesure de simplification pour les consommateurs et une
bouffée d'oxygène pour La Poste qui en a le plus grand besoin ? Il va de soi
que la marge de manoeuvre dégagée devrait, à mon sens, être affectée au
financement de l'aménagement postal du territoire.
Quant au secteur des technologies de l'information, il est affecté par
l'éclatement de la « bulle Internet ».
Les conditions d'introduction de l'UMTS en Europe ont une lourde
responsabilité dans ce marasme. Je ne reviendrai pas sur le prix des licences
en France, que nous avons modifié avant hier, dans cet hémicycle, dans une
optique d'aménagement du territoire et de solidarité.
L'expérience de la téléphonie mobile de deuxième génération nous montre que
des zones d'ombre subsistent, même à maturité du marché, puisque, aujourd'hui,
ce sont au moins 1 500 communes, soit 8,2 % du territoire, qui ne sont pas
couvertes. Je ne parle pas en termes de population, car nous ne pouvons mettre
en parallèle des populations sédentaires et une téléphonie mobile.
Les mesures réelles, réalisées par l'ART, font apparaître, d'ailleurs, un taux
inférieur : 20 % environ du territoire ne seraients pas couverts.
Vous avez pris la liberté d'annoncer, le 9 juillet dernier, 500 millions de
francs de financement des collectivités locales pour parfaire cette couverture.
C'est de la péréquation inversée : les collectivités les plus riches ont eu le
GSM immédiatement, et sans débourser un sou ; les départements ruraux devront
attendre, et payer !
Vous avez, depuis, précisé, monsieur le secrétaire d'Etat, que les opérateurs
s'étaient engagés à payer plus, et à alléger d'autant la facture pour les
collectivités. Oui, mais... seuls deux opérateurs sur trois auraient, selon nos
informations, pris de tels engagements, et encore s'appliquent-ils, selon eux,
non pas exclusivement à la couverture des zones d'ombre, mais bien à
l'amélioration du réseau en général. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, qui
a raison, qui a tort ? Où se situe la vérité ? Que contiennent ces fameuses
lettres des opérateurs, dont le Gouvernement semble si friand ces derniers
temps ?
Vous comprendrez, dans ces conditions, que la commission des affaires
économiques et du Plan ait émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de
La Poste et des technologies de l'information.
(M. le rapporteur spécial
applaudit.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'évoquerai moins les chiffres de ce budget que des préoccupations concernant
des aspects de la tutelle du secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, le potentiel des écoles qui dépendent de votre département
ministériel, monsieur le secrétaire d'Etat, est-il suffisamment connu et
reconnu ? Il s'agit, en effet, des écoles des Télécom, réunies dans le cadre du
groupe des écoles des télécommunications, le GET, et des écoles des Mines, qui
constituent ensemble, probablement, le fleuron de l'enseignement supérieur
français et dont la capacité et les qualités sont universellement connues, tant
du point de vue pédagogique que du point de vue de la recherche. Leur
compétence, dans ce domaine, est probablement plus large que leur nom ne le
laisse deviner puisqu'elle s'étend, notamment, à toutes les nouvelles
technologies de l'information et de la communication et à des domaines aussi
prioritaires que celui des matériaux. Même si cela paraît un petit peu « rétro
» de le souligner, ces matériaux sont indispensables : on ne fait rien sans
matériaux, en particulier les ordinateurs, les puces et autres.
On peut citer également le domaine de l'environnement, notamment
industriel.
Pourtant, et malgré une stratégie de création d'entreprises et de
développement de l'innovation largement reconnue, le taux d'augmentation de
leur budget est nettement inférieur, d'après ce que nous en savons, à celui,
par exemple, qui est consacré, dans le budget pour 2002, à l'enseignement
supérieur universitaire au titre de la recherche : le taux d'augmentation
serait, là, de l'ordre de 10 %. Il y a là une anomalie.
Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, pourrait-on compenser d'une certaine
façon cette anomalie en ménageant un lien plus fort, avec, par exemple,
l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME : ses
crédits ont été fortement augmentés, mais les rapporteurs, dans leurs rapports
écrits, font part d'une incertitude quant à la capacité de l'Agence à utiliser
valablement cette augmentation de crédits. Il y a là une synergie possible, qui
pourrait, de surcroît, nous garantir la qualité de l'emploi de ces moyens.
Pour ma part, je me félicite de constater que des organismes oeuvrant dans des
domaines aussi essentiels que le développement durable, question qui nous
concerne au premier chef, ont les moyens de leur action.
Ma deuxième remarque porte sur la stagnation des crédits de la recherche
industrielle et de l'innovation. De ce point de vue, l'évolution du chapitre
66-01 est inquiétante, car ses crédits, qui passent de 279 millions à 282
millions de francs, enregistrent une augmentation bien moindre que l'inflation.
C'est d'autant plus préoccupant que l'innovation reste la pierre angulaire de
touche du processus qui pourra nous faire rebondir vers une dynamique
industrielle, donc vers des créations d'emplois.
M. Jean Clouet,
rapporteur spécial.
Nous en avons vraiment besoin !
M. Pierre Laffitte.
Or celle-ci est actuellement fort menacée, cela a été rappelé tout à l'heure,
par l'éclatement de la « bulle Internet » et par la timidité d'un certain
nombre de fonds de capital-risque.
L'innovation en France a donc besoin d'être soutenue. A cet égard, monsieur le
secrétaire d'Etat, je m'inquiète de constater que les crédits de l'ANVAR, eux
aussi, restent stables.
Or, grâce notamment à la loi sur l'innovation et la recherche, pour laquelle
le Sénat a beaucoup fait - nous avions même arrêté la pendule en fin de session
pour pouvoir l'adopter conforme, malgré nos réserves sur des points comme le
manque de percée dans le domaine des stock-options - nous assistons
actuellement, Dieu merci ! à un indiscutable changement de climat, et c'est
très important !
Nous observons désormais, dans les milieux de la recherche et de l'innovation,
un mouvement assez fort. Les jeunes générations manifestent la volonté de créer
des entreprises et, par conséquent, ont le besoin d'être appuyées, y compris du
point de vue de la recherche industrielle. C'est là une préoccupation majeure !
Or l'ANVAR - entreprise publique que la plupart des pays européens nous envient
et commencent à imiter - est fondamentale dans le système mis en place.
C'est donc avec plaisir que je constate que vous êtes favorable à la création
de bons de souscription en actions de l'ANVAR, qui permettront à cet organisme
d'assurer une forme de « capital-amorçage ». Et c'est bien ce qui manque le
plus cruellement aux jeunes entreprises. Comme l'ANVAR a des compétences
d'ordre beaucoup plus scientifique, technique et industriel que financier,
cette forme de structure financière d'appui aux entreprises nous engage, j'en
suis convaincu, dans la bonne voie.
Cependant, le budget reste en stagnation. Je sais bien que des avances
remboursables arrivent à échéance, et c'est tant mieux, mais il me paraît
positif que celles-ci puissent également devenir des sources de profits
considérables pour l'Agence : cela incitera ses cadres à se montrer plus
incisifs, et probablement à prendre davantage de risques lorsque se dessinera
la perspective de recettes élevées. C'est donc une très bonne formule.
J'en viens à la gestion des licences UMTS. Je tiens tout d'abord à féliciter
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'avoir largement
étalé dans le temps les prélèvements en matière d'UMTS, contre lesquels, à
cette même tribune, je m'élevais voilà exactement un an. Il a eu raison de
faire marche arrière -
perseverare diabolicum,
même si
errare humanum
est
- et le Sénat, notamment par la voix de M. Hérisson, est d'accord sur
ce point.
Pourtant, il faudrait aller plus loin encore dans la gestion des fréquences.
J'avais souhaité que nous ayons une vision globale dans ce domaine et que cette
question fasse l'objet d'un débat.
Je n'ignore pas que nous ferons pousser des cris d'orfraie à certains si nous
leur expliquons que, pour utiliser la télévision numérique hertzienne
terrestre, il faudra payer les fréquences, surtout si l'on ajoute que les prix
varieront selon qu'il s'agira de consacrer ces fréquences aux
télécommunications ou à de nouvelles chaînes destinées éventuellement à faire
s'exprimer davantage de baladins. Il ne me paraîtrait pas normal, en tout cas,
de ne pas demander un paiement ; ce point mérite réflexion.
Dans cette perspective, j'organise à Sophia-Antipolis, le 17 décembre
prochain, une grande réunion internationale sur le spectre. Il sera bon que
l'ensemble des régulateurs réfléchissent, à l'échelon européen, aux solutions
que l'on peut apporter à ce problème des fréquences.
Je conclus, parce que mon temps est limité, mais je voudrais tout de même
insister sur le fait que les points que j'ai évoqués, même s'ils sont
relativement mineurs en termes budgétaires, ne sont pas négligeables.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
La parole est à M. Marest.
M. Max Marest.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
quelle est notre ambition industrielle ? Telle est la question qui se pose tout
naturellement à travers le projet de loi de finances pour 2002.
L'industrie est l'un des piliers majeurs de notre économie. En effet, ce
secteur représente une part importante du produit intérieur et, en termes
d'emplois directs, occupe 18 % de la population active.
Le budget que vous nous présentez aujourd'hui, en baisse pour la première fois
depuis quatre ans, manque d'ambition et reflète le caractère essentiellement
défensif de la politique industrielle française, alors même que notre industrie
est désormais entrée dans une zone d'incertitude liée au ralentissement
économique.
Ce ralentissement a été illustré récemment par les difficultés d'entreprises
appartenant à de grands groupes, tels Danone et Bata, mais aussi de bien
d'autres entreprises plus modestes ; il est lié au prix de la main-d'oeuvre non
qualifiée.
Sur ce point précis, le commissaire européen chargé des affaires économiques
reconnaît que la période actuelle « est l'une des plus incertaines que l'on ait
connue au cours des trente dernières années ». Or la France affronte le
ralentissement économique sans aucune réserve ni aucun degré de liberté.
Pour 2002, le Gouvernement a retenu trois priorités pour le secteur de
l'industrie : la préparation de l'avenir par le soutien des programmes de
recherche ; la modernisation dans l'accompagnement des mutations industrielles
et de la formation des PMI ; la mise en oeuvre d'une politique énergétique
indépendante, équilibrée et transparente.
Mais ces priorités affichées, louables sur le fond, sont dotées de moyens
budgétaires en diminution. On notera par exemple que, en matière de recherche
et d'innovation, véritables moteurs de la compétitivité de notre industrie,
l'effort consenti est très insuffisant. En effet, il semble que, au motif d'une
sous-utilisation des crédits de 2001 - due à la non-utilisation des crédits
destinés à l'innovation et au développement industriel local, non-utilisation
dont il serait intéressant de connaître les raisons - la dotation en crédits de
paiement diminue de 9,68 %.
Par ailleurs, au-delà de l'effort réel en faveur de la formation des nouveaux
ingénieurs dont la France manque cruellement - effort que nous ne pouvons que
saluer, monsieur le secrétaire d'Etat -, les crédits de l'industrie semblent
plus généreusement tournés vers l'accompagnement des conséquences des mutations
industrielles.
Plus particulièrement, dans le domaine énergétique, malgré la priorité
affichée, les objectifs du Gouvernement sont de moins en moins lisibles : alors
qu'il est primordial de mener et de développer une politique cohérente dans ce
domaine, l'attentisme du Gouvernement apparaît de plus en plus
irresponsable.
En effet, dans le contexte actuel d'accroissement des coûts énergétiques, la
politique énergétique de la France doit permettre aux entreprises et aux
citoyens d'accéder à l'énergie la plus sûre et la plus compétitive possible.
Cet objectif peut être en partie atteint - nous le savons - grâce au recours à
l'énergie nucléaire, véritable pilier de l'indépendance énergétique de la
France, qui respecte les impératifs de l'écologie en permettant notamment de
réduire chaque année, en Europe, les émissions de gaz à effet de serre de
quelque 700 millions de tonnes.
Dans ce contexte, l'attentisme du Gouvernement, accentué par les réticences
affichées au sein de sa majorité sur ce dossier, est plus que contestable. En
effet, aucune action n'a été menée pour exporter notre savoir-faire dans ce
domaine, et aucune mesure n'a été prise pour le lancement du prototype de l'EPR
-
European Pressurized Reactor
-, plus sûr et produisant moins de
déchets, et ce malgré les perspectives favorables en Europe du Nord ou en
Asie.
De plus, les ambiguïtés, les contradictions du Gouvernement fragilisent la
position française sur les questions énergétiques au sein de l'Union
européenne, notamment en raison du retard pris par notre pays pour libéraliser
le marché du gaz.
Or la France ne peut continuer à faire cavalier seul dans un marché mondial
énergétique en pleine ébullition, marqué par de fortes évolutions structurelles
et commerciales chez les acteurs du secteur, lesquelles rendent indispensables
les fusions-acquisitions et, éventuellement, les extensions d'activités.
Vous me permettrez également de dire quelques mots sur l'industrie textile,
qu'a évoquée M. Grignon tout à l'heure et qui est vitale en termes d'emplois et
particulièrement fragilisée par la concurrence de pays bénéficiant d'un moindre
coût du travail. En effet, un grand nombre d'entreprises de la filière ont
disparu du territoire français depuis 1998, et ce phénomène de délocalisation,
dénoncé par le Sénat depuis plusieurs années, s'est poursuivi ces derniers mois
par le recours à une production située au Maghreb, en Europe de l'Est et en
Turquie.
Ces difficultés sont aujourd'hui accentuées par les évolutions parfois
inquiétantes de la conjoncture internationale. Ainsi, la conférence
ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, qui s'est déroulée à Doha
du 9 au 13 novembre, a vu la conclusion d'un accord textile, certes spécifique,
avec le Pakistan - accord qui s'inscrit dans le contexte géopolitique actuel -
et l'adhésion formelle de la Chine à l'OMC. Ces deux éléments vont renforcer la
concurrence internationale de manière significative.
Face à de telles évolutions, il est primordial que notre pays rétablisse la
compétitivité et l'attractivité du site « France ». En effet, depuis ces deux
dernières années, certaines analyses ont pu montrer une dégradation de la
compétitivité relative du territoire français pour l'accueil des
investissements, notamment industriels.
Cette dégradation de l'attractivité du territoire français a également été
mise en lumière par un sondage effectué l'année dernière pour le MEDEF auprès
d'un échantillon de 350 dirigeants de filiales françaises de groupes
internationaux, représentant tous les types d'entreprises.
Les atouts de la France tiennent aux caractéristiques structurelles du marché
français. Mais, en termes d'image, la France recueille un solde d'opinions
négatives plus important que celui des opinions positives, contrairement à ses
voisins européens. Ainsi, les principaux handicaps identifiés sont le poids des
prélèvements obligatoires, les rigidités sociales et les 35 heures, cités par
plus de 85 % des personnes interrogées.
Cette étude montre que les deux tiers des chefs d'entreprise ne choisiraient
pas la France si leur entreprise avait à faire aujourd'hui le choix d'une
implantation en Europe, et que 44 % des personnes interrogées envisagent une
délocalisation d'une partie des activités françaises de leur groupe.
Cette analyse a été également reprise dans de nombreux travaux du Sénat, non
seulement dans le rapport sur « la fuite des cerveaux, mythe ou réalité » ou
dans le rapport d'information sur la mondialisation, mais aussi et surtout dans
le rapport sur l'attractivité du territoire français de Michel Charzat,...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Excellent rapport !
M. Max Marest.
... parlementaire socialiste, qui liste les faiblesses de la France, en
particulier en matière d'attractivité économique, et propose quelques solutions
pour y remédier, solutions auxquelles nous adhérons.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Moi aussi ! Je suis d'ailleurs le seul membre du
Gouvernement à y adhérer !
M. Max Marest.
Hélas, monsieur le secrétaire d'Etat !
Que chacun d'entre nous se reporte ne serait-ce qu'au résumé de ce rapport
!
Tous ces travaux ont permis d'élaborer une multitude de propositions, dont la
plupart sont restées lettre morte.
Force est de constater qu'il est aujourd'hui devenu essentiel de tenir compte
de toutes ces évolutions et de les anticiper en améliorant notre environnement
juridique, fiscal et économique.
En effet, aucune mesure fiscale n'est prise pour renforcer la compétitivité de
la France. Pourtant, le ministre des finances lui-même a rappelé ces derniers
temps, à juste titre, que « ce sont les entreprises qui créent les emplois et
qu'il faut donc, dans notre politique générale, les inciter et non les
dissuader ».
Le projet de budget de votre secrétariat d'Etat ne retranscrit pas les
recommandations préconisées et dissuade en quelque sorte les entreprises, que
ce soient les grands groupes ou les PMI.
Les dépenses publiques s'accélèrent et le déficit s'accroît. Les dernières
informations diffusées ce matin par la presse et la radio le confirment, le
chômage progresse. Les moteurs de la croissance sont éteints et le recul des
investissements est patent.
En conclusion, votre ambition pour l'industrie nous paraît plus que modeste :
vous n'incitez pas, monsieur le secrétaire d'Etat.
Quelle ambition industrielle pour la France ? « D'une part, consolider
l'enracinement national de nos entreprises. D'autre part, renforcer la vocation
mondiale de la France ; cela signifie en faire un lieu d'accueil attractif pour
les investisseurs étrangers à la recherche d'une implantation durable,
créatrice d'emplois et de richesses. » Je viens de citer M. Charzat, monsieur
le secrétaire d'Etat : c'est lui qui, dans son rapport, écrit ces lignes sous
le titre « Améliorer notre image et la promouvoir ».
Vous n'incitez pas : c'est une des raisons essentielles pour lesquelles le
groupe du RPR ne votera pas ce budget.
(M. le rapporteur spécial et M.
Chérioux applaudissent.)
M. le président.
La parole est à M. Coquelle.
M. Yves Coquelle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget de l'industrie pour 2002, hors La Poste et les
télécommunications, enregistre une baisse de 3,6 % par rapport à celui de 2001.
Ce repli accuse le caractère restrictif des crédits consacrés à un secteur
d'activités qui représente, pourtant, 17 % de la population active et 21 % de
la valeur ajoutée brute.
Cette faiblesse des moyens, qui vous contraint, monsieur le secrétaire d'Etat,
à vous limiter à quelques priorités, réduit le champ d'intervention de la
politique de l'Etat.
Soulignons à cet égard la hausse de 3,7 % des autorisations de programme en
faveur de la reconversion des bassins miniers et sidérurgiques à travers le
fonds d'industrialisation des bassins miniers et le comité de pilotage de
l'industrie, qui favorisent l'implantation de nouvelles industries, la création
de centres de transferts technologiques et la promotion de programmes de
formation dans les zones fortement sinistrées.
Toutefois, on ne peut que regretter la diminution du soutien public en
direction de la construction navale, conséquence de l'interdiction des aides à
la commande à l'intérieur de l'Union européenne.
En matière de construction navale, la France et d'autres pays européens
disposent de capacités de production importantes et d'une main-d'oeuvre
qualifiée, capable de concevoir, comme sur les chantiers de Saint-Nazaire, des
pétroliers et des chimiquiers de type E3, c'est-à-dire économiques, écologiques
et européens.
Ces pays sont soumis à une concurrence déloyale des Etats-Unis, du Japon, de
la Corée, voire de la Norvège, qui continuent à financer directement leurs
propres chantiers navals et, ainsi, à soutenir l'emploi.
Seule une véritable politique industrielle menée en collaboration avec
d'autres pays européens permettrait de faire face à cette concurrence. C'est
d'autant plus nécessaire qu'il est urgent de renouveler une partie de la flotte
afin de sécuriser nos océans et d'éviter de nouvelles catastrophes maritimes
ainsi que de nouveaux drames écologiques, comme ceux qui ont été causés par le
naufrage de l'
Erika
.
Au rang des priorités - et nous nous en félicitons -, figurent la formation
ainsi que la recherche industrielle, l'innovation et les nouvelles technologies
de communication. Ce sont autant d'actions de nature à améliorer la
compétitivité des entreprises et, indirectement, à favoriser l'emploi.
Il n'en demeure pas moins que ces mesures principalement incitatives ne
peuvent se substituer à une véritable politique industrielle capable, par les
moyens de régulation appropriés, de conforter notre industrie. Le secteur de
l'énergie, comme celui de La Poste et des télécommunications, est révélateur
d'une orientation politique qui, loin d'être contrainte par le mouvement actuel
de libéralisation des économies, semble, au contraire, en épouser la
logique.
La loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité
du 10 février 2000 ne laisse pas au seul marché le soin de réguler un secteur
aussi stratégique, mais elle n'est pas respectée. Elle nous donne pourtant,
dans un contexte dominé par l'idéologie libérale, quelques moyens permettant,
aussi limités soient-ils, de préserver un service public de l'électricité. Nous
attendons ainsi toujours la mise en place d'une tarification spéciale à
destination des foyers les plus modestes.
L'échec californien de la libéralisation du secteur de l'électricité devrait
pourtant nous inciter à plus de prudence et à reconnaître la nécessité de
préserver le statut public d'EDF.
Nous ne nions pas que, dans le contexte actuel, le développement international
d'EDF soit une nécessité. Encore faut-il que l'ouverture du marché de
l'électricité ne débouche pas sur une impitoyable guerre des prix ! Or, malgré
les baisses de tarifs qu'elle leur a consenties, EDF a encore perdu de nombreux
gros clients industriels cette année.
Les conséquences en termes de diminution des recettes de cette situation ne
doivent pas être négligées : entrave à la programmation des investissements et
accroissement de la facture d'électricité des petits consommateurs.
Ces remarques resteraient également pertinentes appliquées à d'autres secteurs
comme celui du gaz ou de La Poste et des télécommunications. Je n'ai
malheureusement pas le temps de m'y attarder aujourd'hui.
Nous attendons toujours que soit entrepris le programme de construction de
l'EPR, le réacteur de nouvelle génération, qui conforterait notre indépendance
énergétique. Ce serait là une mesure forte et concrète !
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la mesure où la conjoncture économique
donne des signes d'essoufflement inquiétant, où les plans sociaux se
multiplient, où l'emploi industriel se détériore, où les industriels révisent à
la baisse leurs investissements pour 2002, nous aurions besoin d'un réel
volontarisme politique s'appuyant sur un budget suffisant pour soutenir la
croissance et développer l'emploi. Le présent projet de budget n'est pas
suffisant, et le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra donc.
(Mme Terrade applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous abordons l'examen du dernier projet de budget de l'industrie, de La Poste
et des télécommunications de la légistature. C'est la raison pour laquelle il
ne m'apparaît pas pertinent de nous limiter à discuter des crédits qui leurs
sont affectés pour l'exercice 2002.
D'une part, ceux-ci témoignent, en réalité, du maintien des capacités du
secrétariat d'Etat à poursuivre les orientations prioritaires d'une politique
industrielle ambitieuse pour la France ; d'autre part, à l'heure du bilan, il
convient de mettre toute évaluation en perspective sur l'ensemble des cinq
années de ce gouvernement.
A ce titre, monsieur le secrétaire d'Etat, je l'affirme, votre bilan est
bon.
De 1997 à 2002, les crédits consacrés à l'industrie ont augmenté de plus de
3,5 % sur la période quand, à périmètre comparable, ils diminuaient de plus de
5 % lors de la législature précédente. D'ailleurs, le résultat est là : la
courbe de l'emploi industriel, après plusieurs années de déstructuration, s'est
inversée à partir de 1999. Elle demeure positive avec, par exemple, un solde de
plus de 70 000 emplois salariés en 2000, hors BTP et agroalimentaire, ce qui
est sans précédent depuis 1974.
Pour autant, nous déplorons encore récurremment de grandes restructurations
industrielles. Leur traitement social autant qu'économique doit retenir toute
notre attention.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quatre axes ont constitué l'armature de votre
politique : l'économie et l'innovation, qui orientent résolument l'industrie
française vers l'avenir et la mettent en situation de relever les défis de la
modernité et d'une compétition internationale toujours plus vive ; un Etat plus
proche, comme en témoignent les contrats de plan Etat-régions ; une énergie
moins chère et plus diversifiée ; des services publics pour tous, et je tiens à
dire que vous avez assuré avec énergie leur défense et leur adaptation au
niveau européen, dans le sens d'un véritable ressourcement des principes qui
les animent
Nous notons avec satisfaction que votre projet de budget pour 2002 comporte 33
millions d'euros de mesures nouvelles en dotations ordinaires et crédits de
paiement, correspondant à vos quatre priorités pour cette année : la formation,
l'innovation, la restructuration et la sécurité.
La croissance et l'emploi sont les priorités affirmées du gouvernement de
Lionel Jospin depuis 1997.
A ce titre, l'innovation a constitué et constitue encore le fer de lance de
votre politique industrielle. Vous parlez à cet égard, avec raison, de «
bataille de l'innovation ». Seule l'innovation, en effet, permet de créer
l'environnement le plus favorable à l'initiative, à l'investissement, au
développement des compétences et des qualifications de ceux et de celles qui
entreprennent et réussissent, de ceux et de celles qui contribuent à
l'avènement d'une « société de l'intelligence ».
Nous ne pouvons qu'approuver une telle politique, tournée vers l'avenir et qui
intègre une réflexion stratégique globale, notamment sur les technologies clés
de demain, en se préoccupant de leur transposition aux niveaux régional et
microéconomique.
Dans le projet de budget pour 2002, je me félicite donc que le soutien à
l'innovation soit maintenu, particulièrement en ce qui concerne les PME et les
PMI. Les crédits publics représentent 12 % de l'effort d'innovation de notre
pays et se situent largement en « amont », c'est-à-dire là où les financements
externes sont plus difficilement mobilisables. L'ANVAR, dont on parle beaucoup
ce matin, disposera à cet égard d'une capacité d'engagement accrue.
Peut-être serait-il néanmoins opportun de reprendre la réflexion sur la
possibilité d'instituer un crédit d'impôt innovation, sur le modèle du crédit
d'impôt recherche, qui existe depuis 1982 et dont nous connaissons le
succès.
M. Pierre Laffitte.
Tout à fait !
M. Pierre-Yvon Trémel.
La formation des ingénieurs, qui est une autre de vos priorités, participe
naturellement du soutien à l'innovation. La hausse de 12,5 % des subventions à
Supélec, celle de 13 % au groupement des écoles de télécommunications comme
l'augmentation des bourses dans les écoles des mines vont dans le bon sens.
Votre politique énergétique, monsieur le secrétaire d'Etat, pourrait être
qualifiée de « complète ». Elle est basée sur la diversification et la maîtrise
de l'énergie, ce qui constitue une stratégie sage, même si les cours mondiaux
ont retrouvé un niveau supportable. Le nucléaire conserve une place importante
dans notre production électrique.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Tant mieux !
M. Pierre-Yvon Trémel.
A ce titre, nous nous devons de saluer la restructuration intervenue avec la
naissance, cette année, d'un pôle français à dimension mondiale, AREVA,
regroupant Framatome, la Gogema et CEA-Industrie.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Pierre-Yvon Trémel.
Il n'en demeure pas moins que l'accent doit être mis sur les énergies
renouvelables afin d'atteindre l'objectif de 12 % de la consommation
énergétique totale de l'Union européenne. Nous n'en sommes encore qu'à 2 % en
France !
Je veux soulever deux questions relatives au gaz, et tout d'abord celle de la
desserte gazière.
L'amélioration de la desserte gazière est un enjeu d'aménagement du
territoire, notamment pour les communes rurales. La loi du 2 juillet 1998 a
institué un plan triennal visant à parfaire le raccordement en gaz naturel des
communes non encore desservies et qui en font la demande.
Lors de l'examen de ce texte, notre groupe avait fait adopter un amendement
invitant le Gouvernement à remettre chaque année au Parlement un rapport sur
l'état de la desserte du territoire en gaz. A défaut de rapport, pourriez-vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, nous dresser un premier bilan sur ce point ?
Le Gouvernement a préparé un projet de loi relatif à la modernisation du
service public du gaz naturel dont l'objectif est de transposer la directive
gazière. Ce texte traduit bien l'ambition de conjuguer une ouverture maîtrisée
à la concurrence et un service public performant et de qualité. Toutefois, le
Gouvernement a choisi d'introduire d'ores et déjà certaines dispositions de ce
texte concernant la cession du réseau de transport dans le projet de loi de
finances rectificative. Pourriez-vous nous indiquer l'architecture qui vous
semble devoir être retenue à ce stade ?
J'en viens à présent au budget de La Poste et des télécommunications, dont les
dotations augmentent de 2,2 %, nouvelle hausse qui intervient, rappelons-le,
après celles qui avaient été décidées en 2000 et en 2001 et qui atteignaient
respectivement 4,6 % et 1,6 %.
Je saluerai tout d'abord l'accord politique intervenu lors du Conseil européen
des ministres du 15 octobre dernier sur la directive postale, qui constitue un
compromis au regard des impératifs croisés que nous avons de progresser
raisonnablement sur le volet de la libéralisation, afin de faire face aux
contraintes internationales tout en maintenant un service universel et un
service public de qualité. Nous devons pour une grande part à votre pugnacité,
monsieur le secrétaire d'Etat, que la programmation du « tout libéral » dans le
secteur postal ait été écartée, de même que la libéralisation totale et
immédiate des nouveaux services.
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est pourtant plus libéral !
M. Pierre-Yvon Trémel.
A la place, nous avons obtenu une ouverture progressive et maîtrisée du marché
postal, qui permet le maintien d'un service de qualité en termes tant de
prestations fournies aux usagers que de présence territoriale. Ainsi ont été
préservés un niveau et un périmètre de services réservés compatibles avec le
maintien d'une péréquation tarifaire suffisante pour assurer la sauvegarde du
service public.
La position commune adoptée à Bruxelles doit maintenant être soumise au
Conseil de l'Union européenne, puis au Parlement européen. Je suis certain que
vous tiendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, à nous fournir ce matin des
éléments sur les suites à attendre, à court et à moyen termes, de cette donne
nouvelle.
Bien entendu, l'accord obtenu ne saurait nous faire oublier la nécessité de
chercher à améliorer toujours davantage la qualité de notre service public.
C'est l'une de vos préoccupations constantes.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
En effet !
(Sourires.)
M. Pierre-Yvon Trémel.
L'été dernier, certains dysfonctionnements locaux ont été constatés,...
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Oh oui !
M. Pierre-Yvon Trémel.
... mais ils restent fort heureusement ponctuels au regard de l'ensemble.
Or que nous révèle cet ensemble ? La Poste, qui couvre trois métiers -
courrier, colis et logistique, services financiers - a réalisé d'importants
efforts d'adaptation et d'innovation. Elle est devenue le premier opérateur
postal européen pour le trafic et le deuxième pour le chiffre d'affaires, ce
dernier ayant augmenté de 5 % par an entre 1996 et 2000.
Par ailleurs, depuis 1997, La Poste n'a pas, fait rarissime ! relevé ses
tarifs de base.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Vous laissez cette initiative à d'autres !
M. Pierre-Yvon Trémel.
Sous votre tutelle, monsieur le secrétaire d'Etat, le prix du timbre est resté
inchangé, quand il avait augmenté de 7 % entre 1993 et 1996.
En outre, La Poste a embauché 4 000 agents supplémentaires, elle résorbe
l'emploi précaire, elle a assuré l'instauration de la réduction du temps de
travail sans aide de l'Etat, elle entretient sur notre territoire un maillage
exceptionnel de 17 000 points de contact, elle a ouvert de nouveaux bureaux
dans les zones urbaines sensibles et, enfin, elle apporte ses services à deux
millions de titulaires de revenus sociaux.
Au total, le contrat d'objectifs et de progrès 1998-2001 passé entre La Poste
et l'Etat, dont l'exécution arrive maintenant à son terme, débouche sur un
bilan positif.
Certes, et je suis d'accord sur ce point avec M. le rapporteur pour avis, la
situation financière de La Poste appelle la vigilance et la contrainte
extérieure est très prégnante.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Absolument !
M. Pierre-Yvon Trémel.
Le rôle de l'Etat est donc bien de continuer à veiller à ce que La Poste reste
à la pointe de l'innovation dans un climat international qui restera
difficile.
Nous devrons aussi nous interroger sur la nouvelle relation qui s'établira
entre l'Etat et La Poste dans l'optique du contrat d'objectifs et de progrès
qui est actuellement en préparation. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat,
que vous avez souhaité procéder à une large consultation à propos de ce futur
contrat, mais j'aimerais que vous nous présentiez d'ores et déjà quelques
grandes orientations, tant les questions touchant aux retraites, à l'aide à la
presse ou à la présence territoriale méritent de faire l'objet d'un débat.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Bonne remarque !
M. Pierre-Yvon Trémel.
En ce qui concerne les télécommunications, monsieur le secrétaire d'Etat, je
voudrais vous dire tout l'intérêt que nous portons au problème de l'égalité des
territoires devant l'internet à haut débit et la couverture en relais de
téléphonie mobile. Le thème a déjà été évoqué ici à de nombreuses reprises :
pourriez-vous nous dire, à la suite des annonces faites par deux des opérateurs
concernés, de quelle manière l'Etat entend prendre en considération la donne
nouvelle et répartir le financement, s'agissant notamment des collectivités
locales ?
En ce qui concerne le développement commercial de l'internet à haut débit pour
les particuliers, celui-ci passe par l'accès forfaitaire illimité, qui fait
l'objet d'une demande insistante. Pouvons-nous espérer apporter très bientôt
une solution à cette question, monsieur le secrétaire d'Etat ? Ne serait-il pas
possible, par exemple, d'envisager de mettre en place un forfait d'un coût
inférieur à deux cents francs ?
Je conclurai mon intervention en évoquant les équipementiers. Ces derniers se
trouvent actuellement dans une situation très difficile. Ainsi, hier encore, de
nouvelles suppressions d'emplois ont été annoncées dans le département des
Côtes-d'Armor. Vous avez organisé une table ronde sur ce sujet voilà quelques
jours, monsieur le secrétaire d'Etat : pourriez-vous nous en présenter les
conclusions ?
Enfin, j'aimerais que vous m'indiquiez si vous entendez rechercher une
solution pour remédier à la situation de blocage que connaissent certains
fonctionnaires de France Télécom ayant choisi de conserver leur grade de
reclassement en 1993. Ce problème ne peut perdurer et je souhaiterais donc que
nous puissions le résoudre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous portons un jugement positif sur le projet
de budget que vous nous présentez. Le groupe socialiste le votera, car les
orientations que vous avez défendues au cours de ces dernières années et que
vous défendrez encore en 2002 permettront, nous en sommes convaincus, de
conclure la législature sur un bon bilan pour l'industrie, La Poste et les
télécommunications françaises.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
voudrais indiquer en préambule que j'approuve entièrement le travail de qualité
qui a été présenté par nos rapporteurs, MM. Clouet, Grignon et Hérisson.
MM. Francis Grignon, Jean Clouet,
rapporteur spécial
et
Pierre Hérisson,
rapporteurs pour avis.
Merci !
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'estime que deux mots sont insuffisamment pris en compte dans votre projet de
budget, monsieur le secrétaire d'Etat : « territoire » et « création ».
En ce qui concerne le territoire, je voudrais dire que, en tant qu'élu de
terrain, je vois évoluer notre économie de manière préoccupante.
Voilà quelques années, quand je souhaitais me pencher sur les perspectives de
l'emploi en Poitou-Charentes, je demandais aux responsables des grands groupes
quelle était leur stratégie pour leurs établissements situés dans ma région.
Aujourd'hui, de très grandes unités y sont implantées, mais je n'en connais
pas les actionnaires. Certaines d'entre elles sont à vendre et cherchent à
rejoindre un autre groupe ; nous rencontrons beaucoup de difficultés pour
enraciner dans notre région un certain nombre d'activités économiques, sociales
et industrielles.
Cette nouvelle donne fait qu'il est de plus en plus nécessaire de construire
des réseaux territoriaux autour de nos grosses PMI, lesquelles sont, en
réalité, le moteur de notre croissance régionale. Or, de ce point de vue, je
crois que l'on sous-estime le rôle des chambres de commerce et d'industrie. Il
conviendrait, à mon sens, d'orienter leur action et de les aider à se
développer, afin qu'elles puissent être des têtes de réseau pour nos PME, tant
il est vrai que leur vocation et leur enracinement territoriaux sont plus
affirmés que ceux des organisations professionnelles.
De plus, le réseau des chambres de commerce et d'industrie est performant
quand il s'agit d'aider les PME à se tourner vers l'international, à se
moderniser et à former leur personnel. Nous devons donc lui permettre de se
renforcer et de s'adapter aux évolutions.
Or, pour la cinquième année consécutive, l'encadrement du budget des chambres
de commerce et d'industrie aboutira, par la stabilisation du niveau de l'impôt
additionnel à la taxe professionnelle, à une réduction de leurs moyens
d'action. Comment peut-on leur demander de jouer leur rôle quand elles ont à
supporter les conséquences du passage aux 35 heures et l'augmentation de leurs
charges ?
En effet, leurs recettes stagnent mais leurs charges sont de plus en plus
lourdes ! Cela entraîne une asphyxie, et je crains beaucoup que les PME ne
perdent le bénéfice d'un réseau de compétences important et bien ancré dans la
région. Je tenais, monsieur le secrétaire d'Etat, à attirer votre attention sur
ce sujet.
S'agissant encore du territoire, je voudrais, à la suite de l'un des orateurs
qui m'ont précédé à cette tribune, demander que La Poste prenne davantage en
considération les élus locaux. Trop souvent, des maires ne sont informés d'un
changement dans les activités postales exercées sur le territoire de leur
commune que le jour même où celui-ci intervient. Que l'on respecte ces
représentants de la République, qui se trouvent en première ligne ! Certes, je
comprends que la modernisation ait ses exigences, mais adopter une attitude
d'ouverture et de concertation s'impose.
En ce qui concerne maintenant la création, ce point a été fort bien développé
par M. Laffitte tout à l'heure. Dans ce domaine, on voit bien quelle peut être
aujourd'hui la stratégie de la France dans l'optique de la mondialisation : au
rebours de la banalisation, de la standardisation, de la globalisation, du
gigantisme auquel la taille de notre marché intérieur ne nous destine pas, nous
devons miser sur l'intelligence, l'innovation, la création, la valeur ajoutée.
Si l'on veut que la France puisse exister dans cette économie qui est en train
de muer, il convient de jouer la carte de l'intelligence, de l'innovation, et
de tous nous mobiliser !
(M. Hérisson, rapporteur pour avis, ainsi que M. Pelletier
applaudissent.)
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Comment accepter que, en période de croissance, le taux de création
d'entreprises baisse dans ce pays ? Les derniers chiffres sont encore
catastrophiques à cet égard ! Les créateurs sont démotivés, démobilisés. Nos
universités ne sont pas en mesure aujourd'hui d'attirer les créateurs du monde
entier qui pourraient choisir la France comme lieu où s'incarne la société de
l'intelligence. Dans l'histoire, lorsque notre pays a été rayonnant, cela a
toujours tenu à la force des idées, à la promotion de l'intelligence !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous trouvez au coeur d'une stratégie
d'une importance essentielle, qui doit viser à faire en sorte que la création
dans le domaine industriel soit, pour la France, un vecteur de développement.
Nous pourrons, je le crois, remobiliser les créateurs et les forces vives de
l'économie, mais ce sera en offrant un horizon, en fondant, sur ces valeurs de
l'humanisme qui rassemblent les habitants de notre pays, un dynamisme plus
créateur qui permettra aux individus de se libérer, d'entreprendre !
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Pour cela, la recherche et l'innovation doivent vraiment apparaître comme des
priorités pour l'avenir dans notre stratégie nationale.
Par conséquent, le rôle que vous avez à jouer, monsieur le secrétaire d'Etat -
même si je souhaite que ce soit pour une durée limitée
(Sourires)
- est très important.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous examinons pour la dernière fois de cette législature le budget de
l'entreprise publique La Poste, et il serait tentant d'esquisser un bilan.
Le résultat serait contrasté. A l'actif figureraient une progression
importante du chiffre d'affaires, particulièrement au titre des services
financiers, un repositionnement de l'entreprise à l'échelle européenne et
mondiale grâce à des rachats, notamment dans le domaine du colis et de
l'express, des accords de partenariat commercial noués avec quelques grands
opérateurs publics et privés, et pas seulement en Europe du Sud. Bref, La Poste
est une entreprise exerçant de nombreux métiers et qui a conquis des parts de
marché dans un univers très concurrentiel où le néerlandais TPG et l'allemand
Deutsche Post cherchent à évincer leurs rivaux.
Une entreprise, ai-je dit ; mais, s'agissant de l'entreprise publique, celle
qui est chargée par la loi de 1990 d'assumer des missions de service public, le
bilan est moins flatteur.
Tout se passe comme si la tension entre les deux logiques de cette entreprise
« mixte » qu'est La Poste ne cessait de miner l'accomplissement des missions
d'aménagement du territoire et de cohésion sociale dont elle demeure chargée.
Cela commence à provoquer un véritable malaise non seulement parmi les
postiers, mais aussi parmi les élus locaux, sans parler des usagers...
Pour l'heure, contentons-nous d'un rapide constat. Comme je l'avais annoncé au
Sénat, la mise en place de la réduction du temps de travail à moyens constants
- c'était inique ! - a dégradé les conditions de travail des salariés et
amplifié un recul significatif de l'offre de services aux usagers :
transformation d'agences postales en agences communales croupions, qui demain
seront entièrement à la charge des communes les plus pauvres ; regroupement des
bureaux de plein exercice, avec disparition de la fonction de receveur ;
réduction drastique de l'amplitude des horaires d'ouverture des bureaux en
milieu rural, et même parfois en ville ; fermeture inopinée de bureaux
centraux, notamment à Toulouse ; multiplication des tournées « à découvert »,
c'est-à-dire non effectuées, pour employer un langage plus commun.
Le signe le plus tangible de cette dégradation du service, c'est bien sûr la
baisse de qualité inquiétante que subit de façon accélérée l'acheminement du
courrier. Durant l'été, un épisode a cristallisé le mécontentement : la
fermeture brutale, annoncée le 28 juillet, de plusieurs centaines d'agences
postales au mois d'août est apparue aux élus comme la confirmation d'une
volonté affichée de désengagement. Il paraît que tel n'était pas le cas. Dont
acte, mais rien de concret, depuis, n'a prouvé le contraire...
Simultanément, l'annonce du projet d'alliance entre la Caisse des dépôts et
consignations et les caisses d'épargne a obscurci l'avenir de La Poste. Malgré
mes demandes et vos paroles rassurantes, monsieur le secrétaire d'Etat, je
n'ai, pas plus que mes collègues parlementaires, pu me faire une idée, fût-elle
succincte, de ce que veulent vraiment les promoteurs de l'initiative et le
Gouvernement.
Tout d'abord, je ne comprends pas comment on peut vouloir renforcer un « pôle
financier public » en créant une société privée cotée en bourse qui absorberait
une grande partie des avoirs et de l'autonomie des caisses régionales
d'épargne. Sans doute mon incompréhension est-elle due au fait que je suis mal
informé ! Il est clair, en revanche, que ce projet met La Poste dans une
position très délicate. En effet, l'entreprise publique semble n'avoir le choix
qu'entre une marginalisation de ses services financiers et une fuite en avant
vers la création d'une banque postale, ce que le secteur bancaire n'acceptera
pas. Que veut, sur ce point, le Gouvernement ?
Je pensais pouvoir trouver une réponse à cette question dans le contrat qui
devait être conclu entre l'Etat et La Poste pour la fin de l'année, mais il
semble que cette échéance soit repoussée. Jusqu'à quand ? Vous me le direz sans
doute, monsieur le secrétaire d'Etat...
Reste, bien sûr, l'accord que vous avez signé sur le projet de directive
européenne et que le Parlement européen doit confirmer avant son adoption
définitive. Je me suis exprimé abondamment sur ce sujet au moment de la
négociation. Disons, simplement, que mon appréciation sur le résultat est moins
optimiste que la vôtre. Mais je prends cette signature comme une donnée de
fait, et c'est la raison majeure pour laquelle je dis que, désormais, pour le
service public postal, l'échéance et là. Et bien avant 2009, à mon sens !
Je n'en tire d'ailleurs aucune conclusion défaitiste. La Poste est une
entreprise en progression, même si elle est fragile, je l'ai dit au début de
mon propos. L'attachement que lui porte la nation demeure considérable et
constitue un atout décisif dans la préservation par La Poste de son marché
intérieur, l'un des plus importants au monde.
Les postiers ont une formidable aptitude à faire évoluer leur métier et à agir
dans le secteur concurrentiel, sans perdre leur culture de service public. Mais
il appartient aux pouvoirs publics - Gouvernement et Parlement - de prendre le
temps d'évaluer la nouvelle donne - je ne suis pas le premier à utiliser cette
formule à cette tribune aujourd'hui - et de proposer un autre équilibre pour
maintenir un service public postal de proximité dans le contexte européen. Je
ne puis, ici, me livrer à cet exercice, car le temps m'est compté. Cependant,
je le ferai avant même les échéances électorales et j'espère que vous
accepterez alors, monsieur le secrétaire d'Etat, mon invitation à venir
éclairer ce débat de façon décisive et avec votre expérience irremplaçable.
Aujourd'hui, je vous écouterai avec une attention soutenue, tant les questions
ici évoquées sont celles que se posent les usagers, les postiers et les élus
locaux.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Rinchet.
M. Roger Rinchet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu du temps très court qui m'a été
imparti, je ne dirai que quelques mots sur l'ensemble de votre projet de budget
pour 2002, mais aussi sur votre bilan, que je trouve très bon et inspiré par le
modernisme.
Vous avez su soutenir la recherche ainsi que l'innovation et encourager le
développement industriel. Jamais, depuis plus de vingt-cinq ans, nous n'avions
connu une période aussi riche en création d'entreprises et d'emplois et, même
si, aujourd'hui, nous ressentons un léger fléchissement, notre industrie
résiste bien. De plus, vous avez eu la volonté de relancer la politique des
énergies renouvelables, un moment délaissée, parfois dénigrée, et même traitée
de folklorique par certains. C'est ce point que je souhaiterais développer
aujourd'hui.
Le sujet des énergies renouvelables étant lui-même très vaste, je me
contenterai de faire quelques remarques sur l'une de ces énergies, le solaire,
sous ses deux aspects, thermique et photovoltaïque.
Le solaire, il est vrai, n'en est qu'à ses débuts, même si, sur le plan
thermique, il est utilisé empiriquement depuis que l'homme existe sur terre.
Certes, les résultats en la matière sont encore très modestes, mais il faut
savoir que nous ne sommes qu'au début d'une très grande aventure qui, grâce au
développement de la technique et à la volonté des hommes, devrait nous conduire
vers des résultats bienfaisants pour la planète et infiniment plus intéressants
que ceux que nous connaissons aujourd'hui.
Vous avez eu le mérite, monsieur le secrétaire d'Etat, de donner des signes
forts de votre volonté de faire progresser l'énergie solaire, pour laquelle, il
faut bien le reconnaître, nous avons un énorme retard par rapport à tous nos
voisins européens, et ce malgré un ensoleillement moyen supérieur aux pays de
l'Europe centrale ou septentrionale. Il faut accentuer notre effort, même si
cette voie est difficile, car les résultats ne peuvent s'évaluer à l'année à
l'intérieur d'un budget qui, bien entendu, est annuel.
Il faut admettre et faire comprendre à tous ceux qui, par intérêt immédiat ou
dans un esprit de conservatisme, s'en tiennent aux énergies classiques qu'en
matière d'énergie solaire plus qu'ailleurs entre les semailles et la moisson
s'écoule un certain temps qui, aux yeux des impatients, peut paraître très
long.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut continuer à soutenir
l'action de l'ADEME, injustement critiquée dans certains médias et qui est
l'élément moteur du développement des énergies renouvelables dans notre pays.
C'est, en particulier, grâce à l'aide de l'ADEME que les collectivités locales
peuvent bénéficier des aides de l'Union européenne, aides qui, souvent, sont
prolongées par les régions.
Pour que le solaire photovoltaïque décolle, il faut s'inspirer de ce qui se
fait dans des pays comme l'Allemagne en ce qui concerne l'obligation de rachat
par EDF de l'électricité photovoltaïque à des tarifs incitatifs. Cela n'aura
pas beaucoup d'incidence sur le budget d'EDF, mais ce sera un très grand
encouragement pour tous ceux qui oseront produire de l'électricité solaire.
Les communes et les particuliers qui s'investissent dans le solaire doivent
nécessairement être aidés pour s'équiper. Si cette aide est maintenue, les
vocations naîtront et l'augmentation sensible des commandes fera rapidement
baisser le prix de revient des capteurs et de tous les appareils spécifiques en
matière d'énergie solaire, de sorte qu'après un certain temps l'aide ne sera
plus nécessaire.
Votre rôle, comme le nôtre, est également de communiquer sur les vraies
énergies renouvelables et propres, comme l'est, par excellence, le solaire.
Personnellement, je vais de colloque en symposium à travers l'Europe pour
expliquer ce que nous pouvons faire dans une petite commune de 4 000 habitants
et pour essayer de démontrer que le solaire, tout comme le développement
durable, est l'affaire de tous, y compris de ceux qui n'ont pas de gros
moyens.
Je ne prendrai que deux exemples. Un toit solaire installé voilà dix-huit ans
déjà sur notre centre sportif et nautique nous a permis de réduire de 75 % la
note énergétique et d'économiser ainsi plus de 2 millions de francs nets,
c'est-à-dire investissements déduits. Dès 2002, l'installation d'un toit
solaire photovoltaïque de 250 mètres carrés sur le bâtiment de nos services
techniques permettra de fournir l'électricité nécessaire au bâtiment et à
l'alimentation de trois véhicules électriques. Tout cela n'est pas du folklore
!
J'ai calculé que, si chaque commune de France faisait le même effort, au
demeurant très modeste puisque nous comptons bien le doubler ou le tripler dans
les années à venir, ce sont au moins 6 milliards de kilowattheures solaires que
nous pourrions produire dans notre pays et, annuellement, 1 500 000 tonnes de
gaz carbonique que nous ne rejetterions pas dans l'atmosphère, soit plus de 10
% de l'effort national nécessaire pour respecter le protocole de Kyoto.
Je vous remercie de m'avoir permis de chanter mon credo car je suis de ceux
qui considèrent que l'avenir de la planète est l'un des sujets les plus
préoccupants des décennies futures, mais aussi l'une des tâches les plus nobles
des responsables politiques que nous sommes.
Nous devons, pour reprendre un mot de Paul Delouvrier, « voir plus loin pour
voir plus juste ». C'est en effet à la planète qu'habiteront nos petits-enfants
que nous devons penser.
J'ajouterai, enfin, quelques mots. Le solaire, c'est l'énergie de demain pour
de multiples raisons.
Ecologique, d'abord, car, c'est l'énergie la plus propre et la plus pérenne.
Le soleil brillera encore pendant un certain nombre de milliers d'années et
nous n'avons donc pas lieu d'être inquiets à cet égard.
Economique, ensuite, car, lorsque la technologie, qui évolue chaque jour, aura
encore progressé, ce sera une énergie très bon marché, et sera alors créée une
véritable industrie du solaire créatrice d'emplois.
Politique, en outre, car plus aucun pays n'aura son destin entre les mains de
quelques pays producteurs d'énergie fossile ou nucléaire.
Humaine, car c'est le solaire qui libérera les peuples - je pense à nos amis
africains, pourtant comblés par la présence du soleil - qui n'ont pas accès,
faute de moyens, aux énergies classiques.
Ma petite commune étant jumelée avec un village tchadien, nous avons envoyé
aux habitants de celui-ci quelques mètres carrés de capteurs. C'est la première
fois que, dans cette région, l'électricité est produite ainsi. Ce modeste
exemple est un symbole ! C'est aussi et surtout pour cela que nous devons mener
le combat pour l'énergie solaire.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
discussion du projet de loi de finances pour 2002 nous offre l'occasion de nous
intéresser à l'actualité du marché de l'énergie et à la politique que mène le
Gouvernement dans ce secteur essentiel pour la compétitivité de notre économie
et le bien-être de nos concitoyens.
Au Sénat, nous sommes frappés du manque de réactivité de la politique conduite
par la majorité plurielle. Si l'immobilisme peut tenir lieu de volonté
politique, alors, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes dans le vrai. Si
l'ambition, le courage et la détermination sont des vertus à cultiver, vous
vous trouvez, je le crains, dans l'erreur, et je vais m'efforcer de le
démontrer, comme je l'ai fait à plusieurs reprises ici même ainsi que lors de
votre audition en commission.
J'illustrerai mon propos avec l'exemple offert par votre incapacité à prendre
des décisions qui sont urgentes pour le secteur gazier français. Cette
impuissance se manifeste dans deux dossiers clés : d'une part, la transposition
de la directive gazière de 1998 et, d'autre part, le dossier de l'adaptation du
statut de GDF. Cette impuissance est d'autant moins excusable que ces deux
sujets pouvaient être traités séparément et que vous les avez associés afin de
justifier, je le crains, grâce au retard pris sur l'un, votre incapacité à
résoudre l'autre.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la France aurait dû transposer la
directive de 1998 portant libéralisation - très progressive ! - du marché
gazier avant le mois d'août 2000 : je dis bien « 2000 ». Le Gouvernement a,
comme il l'avait fait pour le secteur de l'électricité, choisi de déposer, le
17 mai 2000, un projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale, à titre
de « pierre d'attente ». Ce texte, vous n'en serez pas surpris, est resté sur
le bureau de l'Assemblée nationale et il est fort à parier qu'il y demeurera
quelque temps et que la « pierre d'attente » ne deviendra pas une clef de voûte
de sitôt.
Je crois, pour ma part, que la transposition de cette directive aurait, au
contraire, permis de clarifier un certain nombre de questions graves, à
l'instar du sort des contrats à long terme dont chacun connaît l'importance sur
le marché gazier. Nous assistons bel et bien à une démission de l'exécutif - et
je pèse mes mots, monsieur le secrétaire d'Etat -, à qui il revient de procéder
à l'inscription de cette transposition à l'ordre du jour du Parlement.
Mais il s'y refuse obstinément, malgré nos appels réitérés. De ce fait, la
directive est juridiquement applicable, sans que l'on sache exactement ce qui
est d'application directe et ce qui ne l'est pas. On s'en remet à Gaz de France
pour établir un tarif provisoire de l'accès au réseau, un « provisoire » qui
tend d'ailleurs à s'éterniser, notez-le bien, puisqu'il dure depuis près d'un
an et demi. On navigue un peu à vue, en attendant les élections.
Bref, le Gouvernement « fait le mort » et ne souhaite qu'une chose : c'est que
la Commission européenne le menace afin de pouvoir dire à sa majorité
plurielle, ou tout au moins à certains des membres de celle-ci, qu'il n'y est
pour rien et que c'est contraint et forcé qu'il procède à cette
transposition.
Certes, la Commission européenne ne dit rien car d'aucuns sont encore plus en
retard que nous en Europe : tant mieux, et pourvu que ça dure encore un peu.
Mais, je vous le demande, où est le courage politique, où se trouve l'ambition
pour la France dans cette attitude où la crainte le dispute à la duplicité ? Au
demeurant, cette politique a déjà eu un effet néfaste sur Gaz de France puisque
l'Espagne, qui, elle, a procédé à une transposition plus effective, a usé -
vous l'avez lu dans la presse - de son pouvoir de rétorsion pour interdire à
notre opérateur historique d'étendre ses activités au-delà des Pyrénées.
J'observe en outre que, lorsque le Gouvernement veut, il peut parfaitement !
La meilleure preuve en est que le projet de loi de finances rectificative
prévoit le transfert de l'Etat à Gaz de France de la propriété du réseau
gazier, moyennant un acompte de 180 millions d'euros. Permettez-moi de
considérer, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette réforme tend davantage à
permettre au Gouvernement d'empocher une coquette recette supplémentaire en ces
temps de baisse des rentrées fiscales qu'à donner les moyens à Gaz de France de
mener à bien une stratégie industrielle cohérente. J'observe d'ailleurs que nul
ne sait avec précision quel sera le solde de cette opération pour Gaz de France
: on verra plus part, sans doute !
Vous vous apprêtez à utiliser ici ce que, lors de l'examen d'un texte portant
transposition de diverses directives, j'avais déjà appelé la « législation par
appartements » et le tronçonnage des textes. Hélas ! les problèmes demeurent
posés dans leur globalité, même si vous tentez d'en résoudre une partie en
fonction de l'intérêt du Gouvernement et au détour d'un texte portant diverses
dispositions.
J'en termine, mes chers collègues, avec la question de la transposition de la
directive de 1998, en soulignant que, du train où vont les choses, les Quinze
auront adopté une nouvelle directive de libéralisation avant que celle-ci n'ait
été transposée, puisque l'expérience prouve que le Gouvernement est libéral à
Bruxelles, tout comme nous, et malthusien à Paris, tout comme sa majorité
plurielle ! Qu'y aurons-nous gagné, sinon d'avoir perdu trois, voire quatre ans
?
Venons-en à l'adaptation du capital de Gaz de France aux ambitions qui sont
les siennes. Ses ambitions, nous les connaissons : tout comme Electricité de
France, Gaz de France souhaite accroître ses activités sur les marchés
étrangers. Cette entreprise veut servir 15 millions de clients dans le monde en
2005 et doubler de taille en nouant des partenariats aussi bien en amont qu'en
aval de son activité de distribution gazière.
Le personnel de Gaz de France est déjà à pied d'oeuvre. Les prises de
participation en Amérique du Sud, - au Mexique, en Argentine et en Uruguay -
sont très importantes. En Europe, l'entreprise participera à la privatisation
de l'opérateur historique de Lituanie, comme nous venons de l'apprendre par la
presse.
Pour mener cette politique, Gaz de France doit réaliser des investissements
colossaux. Songez que, sur le 1,9 miliard d'euros investi en 2000, près du
quart l'a été en prises de participations à l'étranger et en créations de
filiales.
Pour renforcer ses positions, Gaz de France doit accroître ses réserves et sa
production et ne plus être quasi exclusivement un vendeur. Bref, Gaz de France
doit se diversifier.
C'est précisément pour cette raison que se pose la question des moyens dont
l'Etat dotera Gaz de France pour parvenir à ses fins. Lui permettra-t-on
d'émettre des quasi-fonds propres tels que des titres participatifs ?
Procédera-t-on à sa sociétisation, c'est-à-dire à sa transformation en société
à capitaux publics ? Telles sont les questions auxquelles nous souhaiterions
obtenir des réponses claires si possible.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Aujourd'hui ?
M. Ladislas Poniatowski.
Comme vous le voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, notre propos n'est
nullement empreint d'idéologie. Nous ne vous demandons pas plus la
privatisation de Gaz de France que nous n'avions souhaité, voilà trois ans, la
privatisation d'Electricité de France !
Non, le Sénat est parfaitement conscient des enjeux humains et industriels qui
conditionnent le développement futur de Gaz de France. C'est ce développement
qui permettra, peut-être, demain, de payer les retraites de ses agents ! Le
dogmatisme, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est pas de ce côté de l'hémicycle,
il est chez certains de vos amis pour lesquels le marché et le profit sont, par
essence, des mots tabous !
Permettez-moi de conclure mon propos sur une ultime observation.
Lorsque nous interrogeons les dirigeants des grands établissements publics
français du secteur de l'énergie, nous les sentons tous prêts à partir à la
conquête des marchés étrangers. Monsieur le secrétaire d'Etat, fiez-vous plus à
leur sens des affaires qu'aux vieilles lunes qui ont votre oreille et qui ne
contribueront à rien d'autre qu'à rendre précaire un avenir qui pourrait être
florissant pour cette entreprise nationale et pour notre pays.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, pour répondre à vos interventions, et en particulier à
celles des excellents rapporteurs MM. Clouet et Grignon, mon ami Jean Besson et
M. Hérisson, je structurerai mon propos autour de deux points essentiels.
Tout d'abord, ce projet de budget est au service d'une compétitivité
économique que la France a déjà conquise et qu'elle doit conforter.
Ensuite, nous menons effectivement une politique de stratégies industrielles,
contrairement à ce qu'ont affirmé à cette tribune les détracteurs de cette
réalité.
Bref, je crois, pour reprendre l'expression excellente de M. Trémel, que je
vous présente un bon bilan, un bilan inspiré par le modernisme, comme l'a
souligné M. Rinchet.
Ce budget est au service de la compétitivité économique.
Il intègre tout d'abord des mesures nouvelles importantes qui s'élèvent - ces
chiffres n'ont pas été cités à la tribune, et je le regrette - à plus de 33
millions d'euros en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, et qui
correspondent à quatre priorités caractérisant notre stratégie industrielle :
formation, innovation, reconversion et sécurité.
La première priorité concerne la formation.
Former les ingénieurs qui contribueront de manière décisive à la compétitivité
de l'industrie française est une nécessité ; M. Laffitte l'a souligné avec
brio, comme à son habitude. La France s'enorgueillit d'un réseau d'écoles
d'ingénieurs de très bon niveau. Mais il faut former plus d'ingénieurs, les
former aux technologies nouvelles - à celles de l'information et de la
communication, et aux biotechnologies, notamment - et les former aussi beaucoup
plus clairement à l'entreprenariat et à la prise de risques dans la société
économique.
A cet objectif essentiel qui prépare ô combien l'avenir, le projet de budget
apporte une réponse d'envergure : les crédits consacrés à la formation des
ingénieurs augmenteront de 7,8 % en 2002.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Au total, mesdames, messieurs les sénateurs, les
crédits pour la formation des ingénieurs auront augmenté, depuis 1997, soit en
cinq ans - écoutez ce chiffre, car il est très significatif -, de 37 %.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
J'en viens à la deuxième priorité qu'est l'innovation.
A l'évidence, l'innovation devient de plus en plus le facteur clé de notre
compétitivité industrielle. Les crédits publics représentent 11,2 % du
financement de l'innovation des entreprises, soit la deuxième source de
financement, la part de l'autofinancement se situant aux alentours de 73 ou 74
%.
Messieurs Grignon, Laffitte et Marest, j'ai pu mesurer le rôle déclencheur et
structurant de ces crédits au regard de la concurrence internationale lors de
la conférence de presse que j'y ai consacrée cette semaine, conjointement avec
les présidents d'un certain nombre d'entreprises concernées. A cette occasion,
ces derniers ont pu confirmer le rôle décisif de ces crédits tant dans le passé
que pour l'avenir, en vue de les encourager à innover, à se lancer dans une
stratégie très offensive de politique industrielle, bref, à vouloir être les
meilleurs, les
leaders
mondiaux dans leurs créneaux.
Le présent projet de budget consolide l'action volontariste entreprise depuis
1997.
La capacité d'engagement de l'ANVAR est accrue à 235 millions d'euros au
total. Elle intègre évidemment les remboursements d'avances, remboursables en
cas de succès, et la mobilisation des reports.
M. Clouet a souligné combien ce projet de budget était en effet aussi
l'expression d'un rattrapage des reports de crédits qui sont indispensables et
qui démontrent bien notre action volontaire. En effet, s'il y a report, c'est
que nous n'avions pas pu, malgré nos efforts, mettre en oeuvre sur les
exercices précédents les crédits abondants d'une politique industrielle
d'ensemble forte et ambitieuse.
Les autorisations de programme sur le chapitre essentiel 66-01 sont portées à
282 millions d'euros, soit 1 850 millions de francs. C'est la première fois
qu'un tel chiffre est atteint ! Lors de mon arrivée au secrétariat d'Etat à
l'industrie, en 1997, elles s'élevaient en effet à 1 500 millions de francs
seulement ! On ne peut donc pas donner de leçons à cet égard à ce gouvernement,
qui a porté en cinq ans les crédits de l'innovation industrielle et des
encouragements à l'innovation industrielle de 1 500 millions de francs à 1 850
millions de francs, et qui a ainsi montré le chemin d'une véritable politique
d'avant-garde - une politique d'« en-avant », dirais-je, si je m'exprimais en
termes militaires - en ce qui concerne l'encouragement à l'innovation
industrielle.
Ces dotations d'un niveau jamais atteint permettront de poursuivre la réforme
engagée depuis 1998, d'une part, pour faire émerger de façon collective avec
les chercheurs et les entreprises les priorités de l'innovation grâce aux
quatorze réseaux nationaux de recherche mis en place - le premier, le réseau
national de recherche en télécommunications a été mis en place en mars 1998 -
et, d'autre part, pour renouveler les entreprises bénéficiaires en mettant
l'accent sur les entreprises petites et médianes. En effet, nous constatons
que, par rapport à ce qui se passe chez certains de nos partenaires de l'Union
européenne, et notamment chez notre voisin et principal concurrent qu'est
l'Allemagne, les entreprises médianes ne sont pas assez nombreuses en
France.
Cette démarche porte d'ailleurs ses fruits : en 2000, 200 millions de francs
de plus qu'en 1999 ont été engagés sur le chapitre 66-01. Nous engageons donc
beaucoup mieux les crédits, par ailleurs beaucoup plus abondants. Dès
maintenant, les petites et moyennes industries disposent de 30 % des aides dès
notification, ce qui répond à l'une des demandes qui avait été formulée à cette
tribune par les sénateurs, monsieur le rapporteur général.
La troisième priorité concerne les restructurations.
Pour 2002, je vous propose d'augmenter la capacité d'intervention au titre des
restructurations de 3,7 % et de la porter à 43,5 millions d'euros, au profit
des crédits de politique industrielle hors CIRI, le comité interministériel de
restructuration industrielle, et du Fonds d'industrialisation des bassins
miniers, le FIBM, auquel tant de sénateurs sont à juste titre attachés.
Je viens de mettre en place un nouveau dispositif dédié à la reconversion
industrielle qui trouvera sa première application en région Basse-Normandie.
Les sociétés chargées de la réindustrialisation rendront compte en toute
transparence aux services de l'Etat et aux élus, donc aux sénateurs. Le
Gouvernement s'est doté d'une gamme complète de moyens permettant de coordonner
les interventions nécessaires à la revitalisation des bassins d'emploi touchés
par des fermetures d'établissement, en associant les entreprises concernées.
La quatrième priorité est celle de la sécurité.
Le nouvel inventaire de référence des déchets radioactifs par l'Agence
nationale des déchets radioactifs est financé en totalité dans le projet de
budget pour 2002. C'était bien nécessaire étant donné la multiplicité des
sources radioactives dans l'industrie, le secteur médical, les professions
libérales - que sais-je encore ?
Le laboratoire national d'essais regroupera et développera d'ici à 2003 les
moyens de la métrologie française, qui est une des priorités du ministère de
l'industrie depuis cinq ans.
Le souci de la sécurité s'illustre tout particulièrement - j'en ai discuté
hier et ce matin même avec M. Jean-Pierre Masseret, et M. Yves Coquelle l'a
évoqué - dans l'accentuation de l'effort engagé depuis trois ans pour
accompagner la mise en oeuvre des dispositions nouvelles du code minier,
dispositions que je vous avais soumises voilà deux ans et que vous avez votées,
à l'unanimité, mesdames, messieurs les sénateurs. Ainsi, les crédits de
paiement pour la sécurité dans les mines sont multipliés par deux.
S'agissant de l'ennoyage du bassin ARBED, j'ai tenu, hier, une réunion très
positive et productive. Elle a été vécue comme telle par les élus locaux et les
élus nationaux concernés, ainsi que par les associations représentant la
population. Cette réunion a permis d'avancer, dans la mesure où a été fixé un
délai de trois ans avant tout ennoyage pour répondre aux enjeux de sécurité
publique et pour étudier la poursuite des pompages par les collectivités.
Je veux réaffirmer ici que c'est la sécurité des personnes et des biens qui,
aux yeux du Gouvernement, prime sur toute autre considération, notamment de
coût et de budget. La sécurité sous le contrôle des experts est pour nous un
absolu ; je le dis tout particulièrement à l'intention des sénateurs
concernés.
Naturellement, l'ensemble des recommandations des experts, et notamment celles
qui concernent la sécurité des personnes et des biens, seront mises en oeuvre
pendant ce délai de trois ans que j'ai décidé d'accorder hier, pour trouver une
solution au problème humain et économique grave auquel nous sommes confrontés
depuis des années.
Toutes les solutions, y compris le comblement, seront étudiées pour le
traitement des zones à risque. Les décisions seront toujours prises, comme je
l'ai fait depuis 1997, en concertation permanente avec les élus concernés, sur
des bases objectives relevant, la plupart du temps, de l'expertise technique
internationale ou nationale, de manière que tout ce que nous ferons soit guidé
par l'objectivité et le souci, je le répète, d'assurer la sécurité.
Outre ces mesures nouvelles importantes, mon budget est marqué par une gestion
attentive de l'ensemble des crédits. Des baisses de crédits sont ainsi prévues
sur cinq chapitres ciblés, en raison de l'existence de reports ou de nouvelles
réalités.
Concernant la construction navale, monsieur Grignon, si la réintroduction d'un
mécanisme d'aide spécifique devait être décidée à l'échelon communautaire,
cette aide devrait concerner également les méthaniers. C'est ce que j'ai fait
valoir aux commissaires européens concernés.
Par ailleurs, monsieur Grignon, nous sommes conscients de l'importance du lien
entre vente et après-vente pour l'ensemble des acteurs de la filière automobile
et pour les questions de sécurité. J'ai clairement indiqué à la Commission
européenne que le Gouvernement ne saurait accepter une remise en cause de ce
principe. Je l'ai fait en concertation permanente avec les constructeurs
automobiles français.
L'une des plus belles industries françaises, toujours en croissance en 2001,
l'industrie automobile, mérite que l'on se batte pour elle, et j'attends les
propositions qui seront formulées par la Commission au début de 2002. Mais j'ai
bien cadré le débat : pour le Gouvernement français, il ne s'agit en aucun cas
de renoncer à ce que vous avez, à juste titre, défendu dans votre
intervention.
Au total, pour 2002, les crédits de l'industrie s'élèveront à 730 millions
d'euros en autorisations de programme ; ils sont donc stables. Ils atteindront
2 295 millions d'euros - moins 3,6 % - en dépenses ordinaires et en crédits de
paiement. Ils participent ainsi à la réduction des prélèvements, élément de
compétitivité des entreprises, tant demandée dans cette enceinte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre politique est une politique de
stratégie industrielle, structurée autour de quatre axes.
Le premier est l'économie de l'innovation. C'est - je le disais au début de
mon propos - la clé de la compétitivité d'aujourd'hui et des emplois de demain
dans tous les secteurs.
Dans le textile, par exemple, monsieur Grignon, nous ne surmonterons la
concurrence des pays émergents que par un effort accru d'innovation et de
montée en gamme. Je vous annonce d'ailleurs que je mettrai en place un
quinzième réseau national d'innovation, le réseau d'innovation sur le textile
habillement. Je l'installerai officiellement, avec son comité d'orientation,
dès le mois de janvier prochain, montrant ainsi que je crois à l'avenir d'un
secteur que l'on aurait tort de considérer comme un secteur traditionnel, voire
comme un secteur du passé. Au contraire, bien des actions innovantes peuvent
être menées dans ce secteur ; nous en discuterons avec ses représentants.
Par ailleurs, comme le Premier ministre vient de le rappeler, nous avons
réalisé, en quatre ans, des évolutions décisives, qui doivent être poursuivies,
pour faire de la France l'économie numérique la plus dynamique d'Europe.
Dans l'appropriation des technologies de l'information et de la communication
par les entreprises, les territoires et les particuliers, nous accusions un
retard très important. Ce retard est très largement derrière nous : les
technologies de l'information et de la communication représentent aujourd'hui 6
% de notre produit intérieur brut.
Les entreprises se sentent partie prenante dans l'économie numérique. La part
de la France dans le commerce électronique a doublé : d'après une étude très
récente menée par le SESI, le service statistique du ministère de l'industrie,
50 % des Français se sentent concernés par le numérique dans leur vie
quotidienne.
Le projet de loi sur la société de l'information, que j'ai présenté en conseil
des ministres le 13 juin dernier, définit un cadre clair et précis, un
véritable cadre de confiance du développement des technologies de l'information
et de la communication.
Ces évolutions se sont appuyées sur l'action continue et déterminée que j'ai
conduite pour faire baisser les tarifs d'accès à Internet, à la téléphonie fixe
et mobile.
Nous sommes maintenant parmi les pays les moins chers d'Europe pour l'accès à
Internet. Nous allons poursuivre dans cette voie pour que, rapidement, puisse
entrer en vigueur un tarif forfaitaire d'accès illimité inférieur à deux cents
francs par mois. Nous montrerons ainsi que nous restons le pays le moins cher
s'agissant de l'accès massif et populaire à cette forme de diffusion de la
culture, et nous ferons de cet accès facile au Net par les petites et moyennes
entreprises un instrument offensif de notre vie économique.
A M. Poniatowski, qui s'inquiétait de nos résultats en la matière, je
répondrai que la table ronde que j'ai tenue mardi avec les opérateurs a permis
de confirmer - de l'avis même des industriels, opérateurs et fabricants de
terminaux - les atouts dont la France dispose et d'ouvrir les bases d'une
démarche partenariale pour les préserver.
J'ai annoncé ce matin même, mesdames, messieurs les sénateurs, la signature de
l'accord que j'ai négocié avec les trois opérateurs mobiles et qui va permettre
d'accélérer le programme prévu cet été, à Limoges, lors du comité
interministériel d'aménagement du territoire, pour le système GSM.
J'ai, par ailleurs, annoncé ce matin une réduction de la participation
publique et des collectivités locales et de l'Etat. Ces derniers n'auront plus
désormais, grâce à cet accord scellé depuis quelques heures, qu'à financer les
pylônes nécessaires à la diffusion et à l'achèvement de la couverture des 1 480
communes identifiées comme non couvertes lors du comité interministériel
d'aménagement du territoire. Ils n'auront donc à débourser qu'une somme de 400
millions à 500 millions de francs au lieu du milliard de francs prévu dans
l'esquisse précédente ; j'ai ainsi réduit de moitié la participation publique.
Par ailleurs, les opérateurs Orange et SFR se sont engagés à financer les
équipements actifs pour 500 millions de francs chacun.
En deux ans - et non pas trois, comme cela avait été envisagé voilà quelques
semaines - les 1 480 communes concernées seront ainsi couvertes par au moins un
opérateur et, pour la moitié d'entre elles, par deux opérateurs.
Voilà un progrès très significatif, qui témoigne de ce partenariat qui s'est
instauré avec les opérateurs et les industriels, partenariat fructueux qui
augure bien de l'avenir de toutes ces technologies.
Je suis également très confiant dans l'avenir de l'UMTS. Je crois que, grâce à
la politique très sage en matière de prix des licences que nous avons définie
M. Fabius et moi-même, la France devrait se placer au premier rang des pays
d'Europe qui doteront leurs entreprises - notamment les PME et les PMI - et les
particuliers de la capacité d'utiliser ces moyens. La compétitivité des
premières s'en trouvera accrue, tandis que les seconds en bénéficieront dans
leur vie quotidienne en termes de communication et d'accès à la culture.
Je crois pouvoir dire que, grâce à cette politique, qui contraste avec la
position adoptée par certains de nos partenaires européens, nous avons pris les
moyens d'être les premiers et les meilleurs, lorsque la technologie le
permettra, au cours des toutes prochaines années.
Monsieur Laffitte, sachez que j'ai engagé, depuis près de cinq ans, un effort
vigoureux en faveur des biotechnologies, effort qui se traduira, en 2002,
conformément à une décision prise par M. Fabius et par moi-même, par un
financement supplémentaire de 500 millions d'euros en faveur des entreprises de
ce secteur grâce à la mobilisation de 100 millions d'euros par l'Etat. M.
Schwartzenberg a évidemment participé à ce mouvement positif en faveur des
biotechnologies.
Notre ambition est de placer les biotechnologies françaises à la première
place européenne d'ici à cinq ans. Je sais que vous souscrivez à cet
objectif.
S'agissant des brevets, monsieur Grignon, je vous répète combien je partage
les conclusions de l'excellent rapport que vous m'avez transmis voilà quelques
mois. Vous connaissez l'action déterminée que je mène depuis quatre ans dans ce
domaine et vous avez approuvé les accords de Londres à cet égard. Il faut
maintenant que nous transformions ensemble l'essai à l'échelon européen en
renforçant, sans accepter ce que l'on appelle la « nationalisation » du
problème par les différents Etats membres, le rôle de l'office européen des
brevets et en modernisant son fonctionnement, c'est-à-dire en le rendant plus
rapide dans ses décisions.
Il nous faut poursuivre dans cette voie. A titre personnel, je pense,
mesdames, messieurs les sénateurs, que le rapport Charzat constitue une
excellente feuille de route pour l'action gouvernementale dans les mois et les
années à venir, centrée sur une politique favorable à l'initiative
entrepreneuriale, à la simplification, aux encouragements fiscaux
indispensables et à la reconnaissance des succès des créateurs et des
innovateurs.
Cette politique permettra, je le pense, aux entreprises spécialisées dans les
technologies nouvelles de trouver la voie de la croissance. Elle permettra
également d'encourager les chefs d'entreprise à prendre des risques. Une
économie moderne de croissance, favorable à l'emploi, doit aller dans ce sens
de manière très claire.
Notre deuxième stratégie, c'est un Etat plus proche.
C'est un Etat à l'écoute des élus, des partenaires sociaux et des entreprises.
J'y suis évidemment très attentif.
C'est un Etat plus proche des entreprises en région. Les engagements ambitieux
pris dans le cadre des contrats de plan - FDPMI et ATOUT, procédures bien
connues - sont entièrement respectés à travers une dotation de près de 110
millions d'euros en autorisations de programme.
Depuis 1997, dans ce domaine, les crédits ont progressé de 6,4 %, et 5
milliards de francs permettront d'assurer la dynamique régionale des
technologies clés définies par plus de six cents experts indépendants. Il
s'agit, en quelque sorte, de l'armature de la prospective active dans nos
entreprises. Cela concerne notamment les régions en mutation.
M. Raffarin a évoqué le rôle des chambres de commerce et d'industrie, que nous
essayons de dynamiser. Après quelques vicissitudes, il faut le reconnaître,
elles devraient présenter prochainement un projet de portail économique.
Les ressources des CCI sont considérables : 21 milliards de francs par an,
dont 6,3 milliards de francs provenant de l'impôt additionnel à la taxe
professionnelle. Ce sont donc 6,3 milliards de francs de charges pesant sur les
entreprises. Cette somme doit être réellement mobilisée, utilisée
intelligemment. Beaucoup a déjà été fait, mais beaucoup reste à faire, par
exemple dans l'
e-business
, dans l'encouragement à la mise en réseau des
entreprises, dans la formation, dans l'organisation de la sous-traitance, que
sais-je encore...
Naturellement, je compte sur les chambres de commerce et d'industrie pour
aller dans le sens d'un plus grand dynamisme à cet égard, grâce aux fonds
importants dont elles disposent. A titre de comparaison, 6 milliards de francs,
cela correspond aux crédits publics qui, sous forme de crédit d'impôt ou de
crédits budgétaires, sont consacrés à l'innovation en France. Les chambres de
commerce disposent donc, en fait, d'une force de frappe qui équivaut à l'action
de l'Etat en matière d'innovation. Elles doivent utiliser ces fonds avec toute
la conscience que leur importance justifie.
Troisième stratégie : une énergie moins chère et plus respectueuse de
l'environnement, thème qu'a brillamment évoqué M. Jean Besson, rapporteur pour
avis.
Avec le nucléaire, la France dispose - M. Besson l'a souligné avec une
conviction que nous partageons - d'une énergie qui est parmi les moins chères
du monde et qui rejette beaucoup moins de gaz à effet de serre. Nous avons
conforté cet acquis, et M. Marest l'a reconnu : le CEA bénéficiera d'une
subvention globale de 923,6 millions d'euros, consolidant l'effort intervenu en
2001.
Notre avance technologique ne pourra d'ailleurs perdurer que si les Français
ont le sentiment qu'il s'agit de sujets pleinement inscrits dans le débat
démocratique. Je l'ai dit et je le répète : loin de craindre la transparence,
nous l'appelons de nos voeux. C'est en ce sens que le gouvernement de M. Jospin
a toujours agi en ce qui concerne le nucléaire.
Dans le même temps, nous avons conduit une politique sans précédent en faveur
des énergies renouvelables : elles représenteront, en 2010, 21 % de notre
production, chiffre qui traduit bien notre volontarisme en ce domaine.
M. Rinchet, à juste titre, a souligné l'importance de l'énergie solaire. Elle
profitera clairement de ces engagements ambitieux, notamment d'un projet de
directive que j'ai fait accepter par nos partenaires de l'Union européenne sous
présidence française, visant à faire passer le niveau des énergies nouvelles
renouvelables en France de 15 % à 21 %.
Grâce aux tarifs d'achat très avantageux consentis par EDF en faveur de
l'énergie solaire, notre pays participera à cet effort volontariste.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
C'est un gadget !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Accrue en loi de finances rectificative, la capacité
d'intervention de l'ADEME est ainsi consolidée à hauteur de 37 millions
d'euros.
Monsieur Besson, concernant l'éolien,...
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Autre gadget !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... nous travaillons, mon excellent collègue M. Cochet
et moi-même, à une simplification et à une amélioration des procédures, avec
notamment un objectif : convaincre les populations locales - ce qui est parfois
difficile, j'en conviens - de l'utilité d'installer des machines éoliennes, en
particulier en les associant plus étroitement aux décisions qui précèdent leur
mise en place.
Quatrième stratégie : des services publics de qualité pour tous. Cela signifie
le respect de certaines exigences : droit à l'électricité, absence
d'augmentation du prix du timbre - j'y reviendrai dans un instant -, tarifs
téléphoniques particuliers pour les plus démunis, etc.
Voilà quelques exemples de ce qui a marqué l'action du gouvernement de M.
Jospin, une action solidaire, résolument favorable au développement des
services publics, conforme aux engagements politiques que nous avons pris dès
juin 1997.
Monsieur Besson, monsieur Trémel, en ce qui concerne le gaz, le Gouvernement a
choisi de transférer le réseau de transport à Gaz de France, ce qui va
conforter cette entreprise publique. Nous aurons prochainement l'occasion de
parler de ces sujets ici même.
Monsieur Trémel, le plan de desserte gazière que j'ai arrêté en avril 2000
permettra à 1 600 nouvelles communes d'être raccordées en trois ans.
Croyez-moi, les maires qui voient arriver le gaz dans leur commune sont
extrêmement satisfaits. Nous recevons d'ailleurs régulièrement des lettres
d'élus qui tiennent à nous féliciter de cette bonne décision qu'est la
programmation triennale de l'élargissement de la desserte en gaz. Nous avons
effectivement doublé le rythme de desserte gazière de nos petites communes
rurales.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Reste le problème du prix du gaz !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il faudra, monsieur Poniatowski, donner le plus vite
possible à Gaz de France les moyens d'une entreprise moderne, présente en
amont, au niveau de la production.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Et il faudra aussi baisser les tarifs !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le service public est un combat de conviction, et
c'est un combat pour des valeurs. Nous le menons, autour du Premier ministre,
auprès de nos partenaires européens, pour que l'Europe se construise sur nos
valeurs, et ce sont des valeurs élevées.
Monsieur Hérisson, nous venons de franchir une étape avec l'accord du 15
octobre dernier sur la directive postale. La libéralisation totale du secteur,
voulue par certains de nos partenaires européens, a été écartée.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Pas voulue par nous !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Vous nous avez peut-être rejoints dans cet objectif
tendant à écarter la libéralisation, après avoir été prolixes dans l'autre sens
au cours de ces dernières années !
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
C'est exactement l'inverse !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je vous invite à vous référer aux termes précis de
l'accord du 15 octobre. L'adaptabilité du service public postal est reconnue.
Au total, dans les huit années qui viennent, nous avons la garantie que moins
de 10 % du chiffre d'affaires de La Poste seront mis en concurrence.
Monsieur Trémel, nous veillerons, dans le prochain contrat d'objectifs et de
progrès en cours de négociation avec La Poste, à ce que cette entreprise
publique qui nous est si chère puisse continuer à se développer dans les
conditions actuelles, en s'appuyant sur ce qui a fait son succès, à savoir la
qualité et la proximité, auxquelles M. Delfau est particulièrement attaché.
Le Gouvernement est bien évidemment opposé à tout démantèlement de La Poste.
Il est favorable au développement de ses activités financières, dans le respect
des règles tant nationales qu'européennes de la concurrence. Ce développement
ne remettra en cause ni l'unité de La Poste ni celle du réseau.
Dès à présent, nous avons fait le choix de reconduire dans le projet de loi de
finances pour 2002 les engagements financiers de l'Etat, qui concernent en
particulier la prise en charge par celui-ci de l'évolution de l'excédent du
poids des retraites de La Poste.
Les élus nationaux et locaux seront associés, le moment venu, aux discussions
du contrat d'objectifs et de progrès de La Poste. Je l'ai dit la semaine
dernière devant l'Association des maires de France - vous étiez présent,
monsieur Hérisson - et je le répète aujourd'hui devant la Haute Assemblée, ce
qui est un honneur pour moi : je tiendrai cet engagement de la manière la plus
absolue.
Monsieur Hérisson, je n'ai pas augmenté le prix du timbre depuis 1997...
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Vous laissez à d'autres le soin de le faire !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... et je n'ai pas l'intention de le faire,
contrairement à vous.
Je trouve choquant, permettez-moi de le dire - la confiance qui règne entre
nous me permet de m'exprimer très franchement - que la majorité sénatoriale
puisse prôner publiquement, officiellement, l'augmentation du prix du timbre,
qui pèse sur les ménages,...
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Non : 90 % des envois postaux concernent les
entreprises !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... y compris donc sur les plus démunis, et qui pèse
sur le développement de ce moyen de transmission de l'information, de la pensée
et de la culture.
Non, il ne faut pas augmenter le prix du timbre si l'on veut être cohérent
avec une politique de solidarité à l'égard des ménages, notamment des plus
démunis d'entre eux,...
M. Pierre Hérisson,
rapporteur pour avis.
Démagogie !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... et je suis choqué que la majorité sénatoriale
formule une telle proposition.
J'indique à MM. Trémel et Delfau, qui m'ont interrogé sur cette question, que
le contrat d'objectifs et de progrès - la loi l'appelle « contrat de plan »
mais il me semble légitime de montrer qu'il s'agit d'un contrat de progrès -
devra répondre à trois objectifs : premièrement, conforter le développement de
La Poste sur tous ses métiers ; deuxièmement, faire en sorte que La Poste
continue à assurer et à développer les missions de service public sur tout le
territoire, évidemment sous des formes modernisées, adaptées à notre époque,
car le maintien des principes essentiels du service public sur tout le
territoire exige le dynamisme ; troisièmement, garantir - et c'est également
important compte tenu des événements de l'été dernier - le dialogue et la
concertation avec les élus mais aussi, je le souligne en tant que secrétaire
d'Etat, avec le personnel, pour lui assurer que sa situation et ses aspirations
sont pleinement prises en compte par la direction de La Poste.
Je dirai, pour conclure, que nous avons accompli un chemin très important,
décisif même, pour la compétitivité de l'industrie française au cours des cinq
dernières années. Ce chemin doit être poursuivi, car la concurrence
internationale et la mondialisation rebattent constamment et sans pitié les
cartes de l'industrie dans le monde. Il nous faut donc toujours être à la
pointe, en avant, volontaires et modernes.
A périmètre comparable, depuis 1997, et en intégrant les effets du projet de
loi de finances pour 2002, les crédits destinés à l'industrie auront progressé
de 3,5 % ; ce chiffre mérite bien d'être mentionné. Entre 1994 et 1997,
toujours en se référant à des périmètres comparables, les crédits de
l'industrie avaient baissé de plus de 5 % !
(Eh oui ! sur les travées socialistes.)
Si l'on procède à des comparaisons, allons jusqu'au bout, de manière à faire
ressortir la réalité d'une stratégie industrielle offensive, celle qu'a menée
le gouvernement de Lionel Jospin !
(Très bien ! sur les mêmes travées.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, les deux chiffres, très contrastés, que je
viens de citer montrent l'importance politique, culturelle, que le Gouvernement
attache à l'industrie, et par là même à l'innovation, ainsi qu'au service
public. Ce thème tiendra certainement une très grande place dans les débats
nationaux que nous aurons l'année prochaine, à l'occasion des deux grandes
échéances électorales à venir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons être fiers de nos entreprises
industrielles : 70 000 emplois industriels supplémentaires ont été créés dans
l'industrie en 2000. Ce chiffre est sans précédent depuis 1974 !
Ne soyons pas timorés dans le soutien que nous apportons aux efforts de notre
industrie, qui représente 20 % du produit intérieur brut pour l'industrie
sticto sensu,
et 40 à 45 % si l'on inclut les services à l'industrie.
Nous devons être fiers d'être la quatrième puissance industrielle du monde !
Nous devons être fiers du fait qu'entre juin 1997 et juin 2001, pour la
première fois depuis vingt-cinq ans, l'industrie française a créé 234 00
emplois nets !
Au cours de la période précédente, c'étaient essentiellement les services qui
créaient des emplois. Ils continuent à en créer, bien sûr, mais l'industrie,
pour la première fois depuis un quart de siècle, entre à son tour dans la
logique de la création d'emplois, sans pourtant obérer sa compétitivité
vis-à-vis de ses concurrentes mondiales.
Nous nourrissons une grande ambition pour une grande industrie. C'est pourquoi
nous poursuivons notre effort déterminé pour son développement à venir.
Comme cela a été déjà souligné à cette tribune, ces dernières années ont été
marquées par un véritable changement de climat, avec une attention très marquée
aux besoins des entreprises, à l'innovation, à la création de nouvelles unités,
à la créativité globale de notre économie industrielle.
Nous sommes désormais, s'agissant de notre industrie, résolument tournés vers
l'avenir, comme certains d'entre vous l'ont reconnu, et comme M. Raffarin
aurait pu l'admettre lorsqu'il a évoqué la création d'entreprises puisque,
contrairement à ce qu'il a indiqué un peu rapidement, le nombre des créations
d'entreprise s'est élevé, en 2000, à 176 700, contre 169 600 en 1999, soit une
progression de 4,2 % en un an.
Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, nous sommes offensifs, oui, nous
sommes confiants, oui, nous mobilisons la nation pour une industrie que nous
aimons, oui, nous sommes tournés vers l'avenir !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées socialites et sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'industrie seront mis aux
voix aujourd'hui même à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce
extérieur.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 281 480 691 EUR. »