SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 21. - I. - L'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du
30 décembre 1998) est ainsi modifié :
« 1° Au I, les mots : "Pour chacune des années 1999, 2000 et 2001" sont
remplacés par les mots : "Pour chacune des années 1999, 2000, 2001 et 2002" et
les mots : "et 33 % en 2001" sont remplacés par les mots : "et 33 % en 2001 et
2002" ;
« 2° Au II, les mots : "projets de loi de finances pour 2000 et 2001" sont
remplacés par les mots : "projets de loi de finances pour 2000, 2001 et
2002".
« II. - Au onzième alinéa du IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987
(n° 86-1317 du 30 décembre 1986), les mots : "Pour chacune des années 1999,
2000 et 2001" sont remplacés par les mots : "Pour chacune des années 1999,
2000, 2001 et 2002". »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, avant d'entamer l'examen
des amendements à cet article, je souhaite exprimer une interrogation.
Nous nous apprêtons à débattre du contrat de croissance et de solidarité, de
sa prolongation et de son indexation, mais la discussion ne porte pas sur son
utilité et sur ce que nous recherchons à travers ce contrat.
Nous vivons encore, il faut le rappeler, sur les principes dégagés au moment
de la création du pacte de stabilité, en 1996. A cette époque, l'enveloppe
normée était conçue comme ayant une double vocation : d'une part, faire
participer les collectivités locales à l'effort de maîtrise des finances
publiques en fixant un plafond à l'évolution des concours que l'Etat leur
apporte ; d'autre part, permettre aux collectivités locales de disposer d'une
meilleure prévisibilité de l'évolution de leurs ressources en fixant le taux
d'évolution de l'enveloppe pour une période triennale.
Aujourd'hui, madame le secrétaire d'Etat, force est de constater qu'aucun de
ces deux objectifs n'est atteint.
Pour le premier, on constate que les économies réalisées par l'Etat par le
biais de la réduction de la DCTP sont sans commune mesure avec l'accroissement
des dépenses de l'Etat résultant de la compensation des réductions ou
suppressions d'impôts locaux, qu'il s'agisse de la taxe professionnelle, de la
part régionale de la taxe d'habitation, des droits de mutation et de la
vignette.
J'ai eu l'occasion, lors de mon intervention dans la discussion générale de
cette partie de la loi de finances, de mettre l'accent sur l'envol de ces
compensations et du coût qu'elles représentent pour l'Etat. J'ajoute que
l'existence du contrat de croissance est sans conséquence sur l'évolution de
douze des treize dotations qui composent l'enveloppe puisqu'elles continuent
d'évoluer selon leur propre mode d'indexation.
Pour ce qui est du second objectif, force est de constater, là encore, que la
prévisibilité pour les élus locaux est nulle, car, compte tenu des abondements
annuels dont font l'objet les différentes dotations, il faut attendre la
discussion des lois de finances pour savoir si ces abondements seront
reconduits. Par ailleurs, en décidant de prolonger d'un an le contrat de
croissance, vous rompez avec le principe des enveloppes triennales.
La question que je pose, croyez-le bien, madame le secrétaire d'Etat, ne
reflète aucune intention polémique. Bien entendu, les abondements dont font
l'objet les dotations sont les bienvenus, car ils permettent de renforcer les
mécanismes de solidarité ; bien entendu, le système, même s'il était appliqué
dans toute sa pureté initiale, ne serait pas parfait, car il est évident que
l'on ne peut pas savoir, trois ans à l'avance, ce que sera l'évolution du
produit intérieur brut au titre d'une année donnée.
Ma question porte donc plutôt sur la doctrine et constitue une invitation à la
réflexion pour l'avenir : madame le secrétaire d'Etat, à quoi sert, dans votre
esprit, le contrat de croissance et de solidarité ? Veuillez nous éclairer sur
ce point.
M. Jacques Oudin.
Excellente question !
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-38 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° I-115 est présenté par MM. Murat, Delevoye, Oudin, Besse,
Demuynck, Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Gournac, Hamel,
Lardeux, Lassourd, César, Doublet, Goulet, Ginésy, Leclerc, Vasselle, Braye, de
Broissia, Doligé et Karoutchi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« I. - A la fin du 1° du I de l'article 21, remplacer les mots : "et 33 % en
2001 et 2002", par les mots : ", 33 % en 2001 et 50 % en 2002".
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus,
insérer après le I de l'article 21 un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la fixation à 50 % de
la croissance du produit intérieur brut de l'indexation du contrat de
croissance et de solidarité sont compensées par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-38.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour la quatrième année consécutive, le Sénat demande
une prise en compte à hauteur de 50 % du taux de croissance du PIB dans le
dispositif d'indexation du contrat de croissance et de solidarité.
Tout à l'heure, certains collègues, dont je tairai les noms, ont feint de
croire que les positions de la majorité sénatoriale seraient motivées par des
considérations liées au calendrier...
(Exclamations amusées sur les travées
socialistes.)
J'ai entendu au moins deux orateurs de l'opposition sénatoriale s'exprimer en
ce sens.
M. Michel Charasse.
Il n'y a qu'en cas de dissolution qu'on ne conteste pas le calendrier !
(Rires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Or, mes chers collègues, notre attitude témoigne non
pas de notre entêtement, mais tout simplement de notre conviction. Pour la
quatrième année consécutive, j'ai donc l'honneur de présenter le même
amendement !
Retenir, pour l'indexation de l'enveloppe normée, un taux inférieur à celui de
la DGF, qui représente les deux tiers du total de cette enveloppe, c'est
reconnaître que le contrat de croissance et de solidarité a pour seul effet
d'aboutir à la disparition de la DCTP. En revanche, aligner le taux de
croissance de l'enveloppe sur celui de la DGF permettrait à cette dernière de
jouer pleinement son rôle, à savoir contenir un dérapage de l'évolution des
concours financiers de l'Etat dans le cadre d'une politique de maîtrise des
dépenses publiques à laquelle nous sommes attachés, sans systématiquement
ponctionner la variable d'ajustement.
En 2002, la prise en compte à hauteur de 50 % du taux de croissance du PIB
pour l'indexation se justifie d'autant plus qu'elle s'inscrit dans la logique
du contrat de croissance et de solidarité, qui a consisté, jusqu'à présent, à
prendre en compte une part toujours plus grande du taux de croissance du PIB :
20 % en 1999, 25 % en 2000 et 33 % en 2001.
Madame le secrétaire d'Etat, sachant que, en 2002, la croissance ne sera pas,
hélas ! du même ordre de grandeur que les années précédentes, la prise en
compte de 50 % du taux de croissance du PIB ne représenterait pas, à la vérité,
un immense sacrifice, mais, sur le plan des principes, il s'agirait d'un réel
progrès.
Je préciserai enfin que cet amendement a pour objet, je tiens à le rappeler,
non pas d'accroître les ressources des collectivités locales, mais d'éviter une
baisse automatique du montant de la DCTP.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-115.
M. Jacques Oudin.
L'indexation du contrat de croissance et de solidarité sur l'évolution des
prix et sur la croissance à hauteur de 33 % de celle-ci ne permet pas d'assurer
aux collectivités locales une progression de leurs dotations qui soit en
rapport avec le rôle qu'elles jouent dans l'économie nationale. Cet amendement
prévoit donc de porter de 33 % à 50 % la part de la croissance du PIB prise en
compte dans le dispositif d'indexation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s I-38 et
I-115 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je crois utile, pour la bonne information de la Haute
Assemblée et puisque M. le rapporteur général en appelle souvent aux principes
ainsi qu'au réalisme, de préciser les conséquences, du point de vue budgétaire,
de l'adoption par le Sénat de différents amendements.
Ainsi, les deux amendements relatifs au FNPTP déposés par M. Mercier
représentent un coût de 680 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 140 millions
d'euros au titre de l'amendement de M. le rapporteur général visant le
contentieux impliquant la ville de Pantin et 250 millions d'euros pour un
amendement concernant France Télécom. De plus, si la Haute Assemblée les
votait, les autres amendements de la commission entraîneraient une dépense de
630 millions d'euros, soit un total de 1 700 millions d'euros, ou 11 milliards
de francs !
M. Michel Charasse.
Voilà, c'est concret !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Par conséquent, monsieur le rapporteur général, j'en
appelle moi aussi à un certain réalisme.
M. Dominique Braye.
Ce n'est rien par rapport aux 35 heures !
M. Jacques Oudin.
Oui, 120 milliards de francs !
M. Patrick Lassourd.
Les 35 heures et le reste !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Avant d'en venir aux amendements n°s I-38 et I-115, je
voudrais compléter le rappel utile de M. le rapporteur général sur les
principes qui avaient guidé les concepteurs du pacte « Juppé », c'est-à-dire,
d'une part, le respect des équilibres budgétaires - mais l'on voit que cette
question est plutôt passée au second plan - et, d'autre part, la prévisibilité,
sur laquelle nous nous sommes exprimés les uns et les autres cet après-midi.
Il est un troisième objectif que le Gouvernement a cherché à atteindre, ce qui
n'était pas nécessairement le cas du gouvernement précédent, à savoir
l'association des collectivités locales aux fruits de la croissance.
(Murmures sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Gérard Braun.
Cessez de toujours comparer avec le précédent gouvernement ! Ce n'est pas
sérieux !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je souhaite que nous
puissions poursuivre dans cette voie, voire approfondir la démarche, sans
préjuger d'une future réforme de l'enveloppe normée, s'agissant de la DGF et
des concours de l'Etat aux collectivités locales.
Sur ce point, M. le rapporteur général va vite, puisqu'il s'agirait de faire
passer immédiatement de 33 % à 50 % la part du taux de croissance prise en
compte pour l'indexation, alors que ce pourcentage était nul au cours de la
période 1997-1999.
Je ne voudrais pas alourdir encore le montant des dépenses que j'ai indiqué
voilà quelques instants,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vais vous répondre.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... et, au nom du principe de réalisme, je
souhaiterais donc que les deux amendements soient retirés.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous ne comprendriez pas, madame le secrétaire
d'Etat, que je ne vous réponde point. Votre apostrophe était certainement faite
pour m'en donner l'occasion, ce dont je vous remercie vivement.
Tout d'abord, madame le secrétaire d'Etat, contesteriez-vous à l'une des deux
chambres du Parlement le droit d'indiquer, notamment lorsqu'il s'agit du Sénat
et des finances locales, les priorités qui lui semblent être les bonnes ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Certainement pas !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Contesteriez-vous à cette assemblée le droit de
critiquer la politique menée par le Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Non !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La situation dans laquelle nous nous trouvons résulte
des responsabilités qui ont été prises au cours des dernières années. La
politique qui a été menée a reposé - M. Lambert et un certain nombre
d'intervenants, dont je me suis efforcé d'être, ont tâché de le montrer - sur
un remplacement d'éléments de fiscalité locale par des dotations budgétaires
versées par l'Etat.
Or, madame le secrétaire d'Etat, la politique que vous assumez a conduit, à
l'occasion du passage de l'année 2001 à l'année 2002, à faire croître les
dotations budgétaires de l'Etat de 20,4 milliards de francs, soit 3,1 milliards
d'euros. Toutes ces réformes décidées par le Gouvernement et qui ont consisté à
faire des cadeaux aux contribuables locaux aux dépends de la fiscalité locale
et à remplacer, imparfaitement d'ailleurs, ces ressources fiscales par des
dotations de l'Etat se traduisent pour celui-ci par un surcroît de dépenses
atteignant plus de 20 milliards de francs !
M. Dominique Braye.
Exactement !
M. Gérard Braun.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est bien cela qui a été voulu par l'actuel
gouvernement - permettez-moi de le dénoncer une nouvelle fois, mes chers
collègues - en ce qui concerne tant la réduction de l'autonomie fiscale,
c'est-à-dire de la capacité de décision des collectivités locales, que la
croissance déraisonnable, non réaliste, des charges de l'Etat.
En outre, quand on examine les budgets locaux, il faut être honnête et
considérer à la fois les ressources et les dépenses. Cela a été dit et redit,
et c'est la vérité des choses ! Or les charges transférées aux collectivités
locales représentent des sommes extrêmement importantes : le coût de
l'allocation personnalisée d'autonomie atteint 5,5 milliards de francs,...
M. Michel Mercier.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... le financement des services départementaux
d'incendie et de secours, les SDIS, s'élève à 4 milliards de francs...
M. Michel Mercier.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et la transcription des décisions prises par
l'Etat quant à la rémunération des agents de la fonction publique territoriale
représente un transfert de charges de 15 milliards de francs depuis 1998.
En regard, madame le secrétaire d'Etat, le montant de la DGF inscrite dans ce
projet de loi de finances est en augmentation de 827 millions d'euros. La
moitié de cette somme est déjà absorbée, cela a été souligné, par le coût des
accords salariaux dans la fonction publique, qui pèse plus lourdement sur les
collectivités locales que sur l'Etat, ces dernières employant,
proportionnellement, davantage d'agents de catégorie C.
M. Michel Mercier.
Exactement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est forts de notre expérience concrète de la
gestion des budgets des collectivités locales que nous évoquons ces sujets,
madame le secrétaire d'Etat. Ce n'est pas faire preuve d'hostilité à votre
égard que de vous dire que, chacun ayant son histoire propre, vous ne vivez pas
les problèmes de la même façon que nous !
Vous les étudiez sous un angle macroéconomique et macrobudgétaire, vous nous
parlez de généralités, mais, pardonnez-moi de vous le dire, celles et ceux qui
vous font face ont les pieds dans la boue ! Ils traitent les problèmes concrets
posés par la gestion des budgets locaux. Nombre d'entre nous le font, hélas !
depuis longtemps, voire depuis beaucoup trop longtemps !
(Sourires.)
Par conséquent, lorsque nous mettons en question les choix de l'Etat, c'est,
croyez-le, parce que c'est notre mission de le faire !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
C'est notre devoir !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela semble susciter votre ironie, madame le
secrétaire d'Etat,
(Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation. - « Mais non ! » sur
les travées socialistes)
et j'ai vraiment de la peine à le concevoir,
compte tenu de la qualité habituelle de nos relations. Il existe véritablement
un décalage entre les technostructures de l'Etat, dont vous êtes l'une des
brillantes expressions
(Rires),...
M. Michel Mercier.
Et la réalité !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et les réalités que nous vivons.
Quand vous nous parlez de péréquation, nous nous efforçons de vous apporter
des idées concrètes permettant d'aller dans ce sens : nous l'avons démontré
tout à l'heure.
S'agissant de la taxe professionnelle acquittée par France Télécom,
franchement, ne croyez-vous pas que ce problème aurait dû être traité et réglé
voilà quatre ou cinq ans, que c'eût été vraiment à l'honneur de la République
et de son gouvernement ? Comment peut-on se laisser pousser dans les cordes par
la Commission européenne, tarder à remettre un rapport promis pour le mois de
juin dernier ? Comment traitez-vous le monde des élus locaux ? Franchement, ce
n'est pas convenable, madame le secrétaire d'Etat !
Alors, oui, c'est vrai, j'ai dû, monsieur le président de la commission des
finances, écorner le principe de rigueur
(Exclamations ironiques sur de
nombreuses travées)
et, fort des instructions de la commission, parlant en
son nom, j'ai accepté, en première partie de la loi de finances, des
amendements dont la note est lourde. J'en conviens !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela étant, madame le secrétaire d'Etat, la portée de
notre appel est d'autant plus solennelle que les exceptions dont il s'agit -
vous avez pu l'observer puisque vous êtes présente dans cet hémicycle depuis le
tout début de la discussion des articles - sont extrêmement rares.
L'année dernière, nous avions voté, en première partie, un certain nombre
d'amendements que nos collègues ont bien voulu, cette année, par discipline,
avoir la gentillesse de retirer pour les redéposer en deuxième partie. Nous
l'avons fait sur tout ce qui concerne la TVA, en particulier, alors que nous
avions des positions dont les fondements étaient tout à fait réels et que nous
avons l'intention de continuer à les défendre. Mais nous l'avons fait sur
beaucoup d'autres sujets aussi !
S'agissant des finances locales, le Sénat a une mission particulière et nous
voulons, quitte à écorner les principes auxquels nous sommes très attachés,
vous le montrer de façon tout à fait solennelle.
Au demeurant, madame le secrétaire d'Etat, il suffirait de compenser ces
efforts par des économies de dépenses qui seraient tout à fait accessibles !
(Marques d'approbation sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées socialistes et sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ah ! Voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Et nous le ferons le moment venu, madame la
secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je vous attends !
M. Louis Souvet.
Il faudra bien le faire un jour, c'est une question de courage !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est très simple,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Oui, c'est facile !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... il suffit de ne pas faire comme vous !
Tout à l'heure, notre collègue Jacques Oudin a évoqué un exemple qui me semble
très bien choisi. Là aussi, c'est une affaire de volonté, et cela fait des
années que nous en parlons, non seulement dans cette maison mais aussi au
Palais-Bourbon : je veux parler de la redevance audiovisuelle.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ah !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cette redevance doit-elle continuer à exister
ad
vitam aeternam
, ainsi que le service administratif qui sert à la liquider
et à la contrôler ?
M. Jacques Oudin.
Elle ne sert à rien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Même s'il ne s'agit pas de faire les choses dans
l'instant et immédiatement, oui ou non une vision responsable ne
consisterait-elle pas à reconnaître qu'il va falloir progressivement réformer
cette administration et faire disparaître la redevance ? Une attitude de ce
genre ne serait-elle pas conforme aux exigences de réforme de l'Etat et
porteuse d'économies tout à fait réelles à court et à moyen terme ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-38 et I-115.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre les amendements.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je me sens un peu mal à l'aise dans ce débat, dont les aspects me paraissent
contradictoires. Le Gouvernement est pourtant dans son rôle, et le Sénat aussi.
Néanmoins, nous devrions pouvoir nous entendre sur quelque chose de commun qui
ressemblerait, me semble-t-il, au minimum de ce que nous pouvons considérer
comme représentant l'intérêt national.
Monsieur le rapporteur général, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et
je n'étais pas loin de partager - sinon dans le détail, du moins globalement -
les considérations que vous avez développées sur la dépense publique.
Cela étant, mes chers collègues, faut-il tous les ans - et notre collègue
Michel Mercier le disait très bien cet après-midi - que nous cherchions à
augmenter les ressources des collectivités locales sans jamais nous poser la
question de leurs dépenses ?
M. Michel Mercier.
En effet !
M. Michel Charasse.
Du point de vue des recettes, les années 2001 et 2002 ont été excellentes
grâce à la croissance, personne ne peut dire le contraire : cela n'a d'ailleurs
pas constitué le débat majeur cette année, ni même, comme cela avait été le cas
les années précédentes, au congrès des maires de France, dont nous sortons à
peine.
Tout le monde sait que nous devons aussi respecter un certain nombre de
contraintes, et M. le rapporteur général avait vraisemblablement cela en tête
lorsqu'il parlait de discipline tout à l'heure. Et, parmi ces contraintes, il y
a la discipline budgétaire, l'Europe, etc., je ne developpe pas.
Dans ces conditions, faut-il que nous soyons toujours à la recherche de
ressources nouvelles sans arriver un jour à nous poser, avec le Gouvernement
mais aussi entre nous, la question des dépenses ? M. Mercier le disait très
bien cet après-midi : ce qui nous intéresse, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, ce ne sont pas les recettes, c'est de savoir si nous
arriverons à obtenir un jour l'adéquation normale entre nos recettes et nos
dépenses, étant entendu que s'il y a, dans nos dépenses, un certain nombre de
dépenses qui nous sont imposées par l'Etat - puisqu'on a renoué depuis de
nombreuses années avec les transferts de charges que nous avions essayé
d'éradiquer au moment de la mise en place de la décentralisation - il y a aussi
des choses que nous nous ingénions nous-mêmes à ajouter, et je pense en
particulier à ces horribles contrats de plan que, personnellement, je n'ai
jamais approuvés et qui nous conduisent les uns et les autres à « faire la
manche », l'Etat de son côté et les collectivités locales du leur, pour
toujours « charger la barque ».
J'ajoute, monsieur le rapporteur général, que le pacte dont nous parlons n'est
pas une invention du gouvernement actuel : c'est une invention de M. Juppé. Je
dois dire, d'ailleurs, que nous étions alors tous d'accord puisque M. Juppé
avait, à l'époque, proposé un pacte de stabilité...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
... afin que, pendant trois ans, on sache à peu près à quoi s'en tenir. Et la
croissance dont il avait assorti son pacte était beaucoup moins favorable que
celle qui a présidé aux pactes que j'appellerai Sautter ou Strauss-Kahn, par
facilité, puisqu'elle était égale à zéro !
La DCTP, madame la secrétaire d'Etat, représente un vrai problème, mais vous
n'avez fait que reconduire dans le pacte Jospin une invention du pacte Juppé
que je considérais comme diabolique. Nous l'avions d'ailleurs unanimement
dénoncée à l'époque au comité des finances locales.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
Alors, je crois que nous devrions avoir, dans cette assemblée qui est tout de
même une assemblée de bonne foi et qui est peuplée de gens d'expérience, un
minimum d'honnêteté intellectuelle pour tout mettre à plat.
Je note d'ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, chère Florence, que, dans ce
qui constitue les orientations du Gouvernement sur la réforme des finances
locales, dont le comité des finances locales a été saisi voilà peu de temps, il
manque le volet « dépenses » !
Moi, je veux bien que le Gouvernement nous rappelle constamment - et je suis
prêt à le suivre, d'autant que je ne suis pas d'un naturel dépensier - qu'il
faut faire attention à la dépense, mais aurons-nous un jour un vrai débat sur
la dépense des collectivités locales ?
N'est-ce pas accepter d'entrer dans la mécanique inéluctable de la dépense
qui, au final, à force de s'accumuler et de s'empiler, est mortelle, aussi bien
pour l'Etat que pour les collectivités locales, que de se contenter, tous les
ans, de réclamer des rallonges de recettes pour les collectivités locales ?
Personnellement, je pense, mes chers collègues, que, les amendements qui nous
sont présentés, quand on les replace dans leur contexte général, incitent à la
dépense. Etant donné que cette maison passe son temps - sans doute à juste
titre dans un certain nombre de domaines - à trouver que la dépense publique
devrait être globalement un peu mieux maîtrisée, je ne suivrai donc pas la
démarche qui consiste à dire : « Laissons tranquillement filer les dépenses
locales et, tous les ans, donnons-nous la facilité d'ajuster les recettes !
»
Telle est, monsieur le président, la raison pour laquelle je ne voterai pas
ces amendements, non pas que je ne souhaite pas comme vous tous accroître les
recettes des collectivités locales, mais je préférerais que la commission des
finances s'emploie un jour, avec l'excellent rapporteur spécial qu'est notre
collègue M. Mercier et avec M. le rapporteur général, qui est très qualifié, à
dresser un bilan. En effet, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues,
depuis la décentralisation, on ne l'a pratiquement plus jamais fait. On
raisonne en grandes masses et en masse globale et, dans cet ensemble, il y en a
pour tout le monde : il y a ce que l'Etat nous « colle » et ce que nous nous «
collons », nous aussi, volontairement.
J'ai pris l'exemple des contrats de plan, mais je pourrais en citer d'autres !
(M. Braye proteste.)
Quoi qu'il en soit, ma position est très simple : je suis contre
l'accroissement des dépenses des collectivités locales, en raison d'un certain
nombre de raisons qui dépendent de nous mais aussi de beaucoup d'autres
phénomènes que nous ne maîtrisons pas. C'est parce que je ne veux pas apporter
ma pierre à ce mouvement, que je considère comme mortel, que je ne voterai pas
ces amendements.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Quand on parle des recettes et des dépenses des collectivités locales,
certaines choses me gênent un peu.
Les collectivités seraient dépensières et elles demanderaient des recettes
supplémentaires, nous dit-on. Or, si les collectivités locales, qu'elles soient
de gauche ou de droite, demandent des recettes supplémentaires, c'est pour
satisfaire les besoins des populations ! Les élus que nous sommes tous
souhaitent, en effet, répondre à ces besoins, et certains problèmes sociétaux
entraînent aujourd'hui des difficultés nouvelles !
Ainsi, cela fait quelques années déjà que nous réclamons des moyens
supplémentaires pour nos collectivités. La question de l'insécurité a notamment
fait l'objet, à maintes reprises, de débats au sein de cette assemblée, car les
collectivités locales doivent prendre en charge les dépenses liées aux polices
municipales, qu'il s'agisse des personnels ou des matériels.
Il en est de même pour les 35 heures : nous sommes totalement favorables au
principe, mais plus réservés sur son application. Si l'on sait que, dans une
commune de 11 000 ou de 12 000 habitants, la mise en place de la mesure
coûterait environ 3 millions de francs, on peut se poser la question de son
financement !
M. Louis Souvet.
Il ne fallait pas la voter !
M. Thierry Foucaud.
Devrons-nous réduire nos investissements à hauteur de 3 millions de francs,
alors qu'ils sont destinés à satisfaire les besoins des populations, ou
augmenter en conséquence l'impôt sur les ménages, toujours à hauteur de 3
millions de francs, alors que nous sommes tous d'accord pour dire que les
ménages payent déjà trop de charges ?
Et je n'oublie pas les retards à rattraper : aujourd'hui, on parle beaucoup
des risques industriels, des situations de type Seveso, dans de nombreux sites
en France. Or l'activité sociale et économique est bloquée, avec les
conséquences que cela entraîne, dans ces zones à risque, car les DRIRE
interdisent - ce que nous comprenons - le développement de ces zones, qui ont
déjà été sinistrées ces dernières années avec les plans de licenciement qui se
sont succédé, faisant ainsi perdre énormément de taxe professionnelle et de
recettes à nos collectivités.
Je pourrais donner beaucoup d'autres exemples, mais je m'arrêterai là.
Avec l'amendement n° I-38, la commission des finances nous propose une prise
en compte de 50 % du PIB dans l'évolution de l'enveloppe normée.
Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis longtemps, nous formulons une demande
similaire : nous l'avons même fait bien avant la mise en place du contrat de
croissance et de solidarité.
Nous avions notamment déposé des amendements en ce sens lorsque les dotations
évoluaient dans le cadre du pacte de stabilité du gouvernement Juppé.
Il était d'autant plus nécessaire, pour nous, à l'époque, de défendre cette
proposition que les indices d'évolution que vous aviez retenus étaient on ne
peut plus défavorables pour les finances des collectivités locales.
Vous persistiez pourtant dans la logique d'une norme de dépenses qui s'impose
aux collectivités, et vous n'avez jamais, à cette époque, entendu notre
demande. Aujourd'hui, d'une certaine manière, vous nous donnez raison.
Vous considérez que les dotations n'évoluent pas selon un indice suffisant, et
qu'il faut effectivement que les collectivités bénéficient plus largement des
fruits de la croissance.
Mais votre proposition n'est pas complète, dans la mesure où il faut aussi, si
l'objectif est de défendre les finances des collectivités, sortir de la norme
des dépenses et ne plus faire jouer à la DCTP le rôle de variable d'ajustement.
Si tel n'est pas le cas, on reste dans une logique qui, pour habiller Pierre,
déshabille Paul.
Dans le cadre de la concertation actuellement en oeuvre, dont l'objectif est
de réformer en profondeur le système financier local, nous défendons l'idée
qu'il faut sortir de l'enveloppe normée et fixer une indexation qui prenne
largement en compte l'évolution du PIB.
Il nous semble surtout que le Gouvernement ne peut s'engager dans un nouveau
contrat de croissance s'échelonnant sur trois ans, dans la mesure où cette
concertation est en oeuvre. Vous le comprenez fort bien, mais ne voulez pas
l'entendre.
Vous ne voulez pas vous engager dans cette concertation ni, surtout - c'est le
point de vue des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen -
dévoiler votre projet pour les collectivités locales.
Voilà pourquoi nous ne voterons pas l'amendement de la commission.
M. Gérard Miquel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Par cet amendement, M. le rapporteur général nous propose d'indexer le contrat
de croissance et de solidarité sur l'inflation et de faire passer de 33 % à 50
% pour 2002 le taux d'indexation sur le PIB.
Personne, dans cet hémicycle, n'ignore que le pacte de stabilité de M. Juppé
était indexé sur la seule inflation, mais il est utile de le rappeler pour
nourrir le débat et éviter qu'il ne soit biaisé. En effet, avec ce petit retour
en arrière, chacun est mieux à même d'apprécier l'effort qu'effectue le
Gouvernement en faveur des collectivités locales et, dès lors, de s'interroger
sur la légitimité de cet amendement.
M. le rapporteur général nous propose son amendement depuis déjà quelques
années,...
M. Alain Lambert.
président de la commission des finances.
Avec une grande constance !
M. Gérard Miquel.
... avec une détermination sans faille. Mais ce qu'il appelle de ses voeux, le
Gouvernement actuel l'a concrètement réalisé, à hauteur de 66 % - 33 % de 50 %
-
(Sourires)
, alors que M. Juppé en était resté à 0 %. Les voeux pieux
n'ont jamais fait une politique, mes chers collègues ! Seuls les faits et les
chiffres comptent.
De plus, cet amendement n'est pas des plus opportuns pour l'intérêt général -
peut-être l'est-il plus en vue d'une campagne future ! En effet, mes chers
collègues de la majorité, à l'heure où le solde du budget de l'Etat est malmené
par le ralentissement de la croissance,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par la mauvaise gestion de ces dernières années !
M. Gérard Miquel.
... il est regrettable que M. le rapporteur général manifeste un sens des
responsabilités aussi limité.
Cet amendement met bien à mal l'image de sage économe des deniers publics
qu'il tente de se donner et entame sa crédibilité en la matière.
Le groupe socialiste est favorable à une maîtrise des dépenses publiques aussi
bien pour l'Etat que pour les collectivités locales,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il vaut mieux entendre cela que d'être sourd !
M. Gérard Miquel.
... car les dépenses de l'Etat ne sont pas moins utiles à la collectivité
nationale que les dépenses des collectivités locales, et vice versa.
M. Michel Charasse.
Il y a de mauvaises dépenses partout !
M. Gérard Miquel.
Michel Charasse nous a en effet expliqué qu'il y avait des mauvaises dépenses
partout mais il est un domaine où je ne le suivrai pas, même si je le suis sur
un grand nombre de ses analyses. C'est celui des contrats de plan.
Les contrats de plan ont en effet permis, depuis leur mise en oeuvre, la
réalisation d'investissements restructurants indispensables dans toutes nos
régions, dans tous nos départements. Je crois qu'aujourd'hui la preuve est
faite de leur intérêt.
M. Michel Mercier.
Parlons des transferts de charges.
M. Gérard Miquel.
Bref, mes chers collègues, si cet amendement devait être appliqué, soit l'Etat
ne serait plus capable d'assurer ses missions, y compris ses missions
régaliennes de justice et de police, soit le déficit flamberait, aujourd'hui ;
alors que les collectivités locales bénéficient, toujours, d'un financement qui
nous paraît convenable.
En conséquence, le groupe socialiste votera contre cet amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quel godillot !
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
J'ai décidé de prendre la parole alors que je ne souhaitais pas le faire,
n'étant pas spécialiste du budget, mais mon éminent collègue Michel Charasse
m'y a poussé et Gérard Miquel m'a conforté dans cette intention.
On ne peut pas, malgré toute l'habileté, le talent et le charisme de notre
collègue M. Charasse, laisser penser à ceux qui suivraient nos débats d'un peu
loin qu'il y aurait effectivement de mauvaises dépenses parmi celles
qu'engagent les collectivités locales, et que tout le monde en serait également
responsable.
Je voudrais demander à M. le rapporteur général, qui est un bien plus grand
spécialiste que moi en la matière, ce qui, dans cette augmentation des dépenses
des collectivités locales correspond aux transferts de charges dont on a parlé
et ce qui correspond aux charges nouvelles supportées par les départements ; je
pense, notamment, à l'APA et aux SDIS, qui ont été prédécemment évoqués.
Ainsi, pourrait-on chiffrer ce qui relève des collectivités locales et ce qui
est de la responsabilité de l'Etat, car on ne peut pas laisser penser à nos
concitoyens, je le répète, qu'il y a égalité de responsabilité dans
l'augmentation de ces dépenses ?
Mon cher collègue Miquel, il y a bien longtemps que les Français savent que
les missions de police et de justice, missions éminemment régaliennes de
l'Etat, ne sont plus assurées dans notre pays.
Si l'on comparait les budgets de la police urbaine et de la justice aux sommes
qui sont consacrées aux 35 heures, par exemple, on trouverait matière à un vrai
débat politique, à un vrai débat sur les priorités fixées par le Gouvernement,
priorités dont il doit assurer le financement aujourd'hui.
Vous me faites penser à des personnes qui, après avoir joué la cigale et tout
dépensé, ne savent plus quoi faire ni où trouver l'argent pour nourrir leurs
enfants.
Pour en revenir aux dépenses des collectivités locales par rapport à celles de
l'Etat, j'aimerais que M. le rapporteur général rappelle ce qui, dans ces
dépenses, est consacré à l'investissement et à ce qui fait tourner l'économie
de notre pays et, à titre de comparaison, qu'il décrive la manière dont l'Etat
fait face à ses obligations en matière d'investissement, obligations qu'il ne
remplit plus et qu'il transfère aussi aux collectivités locales. Voilà le sujet
d'un vrai débat qui mériterait d'être conduit, mais il faudrait qu'il le soit
clairement !
En tout cas, mon cher Michel Charasse, il ne faut pas laisser penser à ceux
qui suivent nos débats et qui ne sont pas des spécialistes qu'il y a une
coresponsabilité Etat-collectivités locales depuis 1997.
(Applaudissement
sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Michel Mercier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Charasse lorsqu'il dit que, dans les
relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, ce qui fait
problème aujourd'hui, c'est moins les recettes que les dépenses. C'est évident
quand on considère la situation de cette année.
Comme cela a été dit tout à l'heure, les recettes augmentent. Si elles ont
augmenté un peu plus il y a deux ans, cette année l'augmentation est tout à
fait correcte : plus 4,67 % pour la DGF.
Mais le problème n'est pas là. Il est simplement dans le fait que,
parallèlement à cette augmentation, les dépenses imposées aux collectivités
locales se sont accrues dans des proportions bien supérieures. A elle seule, la
charge que représente l'APA, supportée par les départements comme dépense
nouvelle, absorbera la croissance de la DGF. Si l'on ajoute l'augmentation des
traitements, le problème des sapeurs-pompiers, les emplois imposés par Mme
Guigou dans sa circulaire inconnue de tout le monde, sauf des DRASS, le tout ne
fait que renforcer le déséquilibre entre la croissance importante des recettes
et la croissance bien plus importante des dépenses. La question est donc de
savoir à quel moment on arrête le balancier et comment on rétablit
l'équilibre.
L'amendement de M. le rapporteur général vise simplement à essayer de rétablir
un peu cet équilibre entre dépenses imposées et recettes accordées. Je crois
que nous serons tous très heureux l'année où l'on ne parlera plus des recettes
des collectivités locales mais où l'on essaiera de discuter des dépenses que
l'Etat veut imposer aux collectivités locales.
Les dépenses que les collectivités s'imposent à elles-mêmes, c'est leur
affaire ; elles en sont responsables devant les électeurs.
De tout façon, un élément va nous permettre de mesurer le phénomène : dans
quelques semaines, les collectivités locales vont commencer à voter leur
budget. On va bien voir si elles sont obligées d'augmenter leurs impôts, car je
n'ai jamais vu de maires, de présidents de conseils généraux, de présidents de
conseils régionaux augmenter les impôts par plaisir : on augmente les impôts
quand on y est obligé. Quand on voit que, dans tout le pays, des maires, des
présidents de conseils généraux, des présidents de conseils régionaux, de
toutes tendances politiques, annoncent une augmentation des impôts locaux,
c'est que l'équilibre des relations financières entre l'Etat et les
collectivités est rompu. Pour essayer de le rétablir, je voterai donc
l'amendement de la commission.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrick Lassourd.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Depuis que la séance est reprise, je trouve que vraiment, les collectivités
locales, en particulier les communes de base, en prennent « plein la figure
».
On a eu un débat sur les frais de recouvrement d'assiette ; vous avez
manifesté votre opposition à nos propositions, madame le secrétaire d'Etat.
Nous avons eu un débat sur les réfactions d'exonérations de compensations et
sur le fonds national de péréquation de taxe professionnelle, sur des crédits
qui normalement doivent revenir aux collectivités. Nous avons également parlé
de la compensation que l'Etat verse aux collectivités locales sur les
abattements au titre de la part salaires dans la taxe professionnelle ; on sait
que son indexation ne sera pas favorable aux collectivités.
Décidément, on traite les communes avec beaucoup de mépris !
J'ai parlé tout à l'heure des charges qui nous sont transférées à propos de la
sécurité. Parlons maintenant des logements sociaux, compétence d'Etat.
Connaissez-vous, mes chers collègues, une seule commune qui soit capable de
réaliser des logements sociaux sans y consacrer des fonds comparables, parfois
même supérieurs à ceux que dégage l'Etat pour réaliser ces logements sociaux ?
Voilà des transferts dont on ne parle pas et qui sont à la charge des finances
communales.
En tant que maire d'une commune de 5 000 habitants, je souhaiterais installer
une bibliothèque. Connaissez-vous le dispositif de subventions qui s'applique
en la matière, dans une commune comme la mienne ? Il est ridicule ! On est
incapable de faire quoi que ce soit dans ces conditions !
M. Michel Charasse.
Les subventions sont pompées par Paris !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voilà !
M. Patrick Lassourd.
Absolument !
En matière d'éducation, connaissez-vous le montant des dépenses qui relèvent
de la responsabilité de l'Etat et qui sont pourtant à la charge des communes
?
Et je ne parle pas des bâtiments qui abritent des administrations de l'Etat,
comme les gendarmeries et les perceptions, pour lesquels les communes en
général touchent des loyers tout à fait dérisoires.
Voilà, madame le secrétaire d'Etat, l'explication de l'augmentation des
dépenses des communes. Je suis bien d'accord avec notre collègue Mercier,
regardez bien la fiscalité des communes dans les prochains mois : elle va
augmenter partout en raison des transferts de charges de l'Etat et de la façon
dont l'Etat assume mal ses propres compétences.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-38 et I-115, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article additionnel après l'article 21