SEANCE DU 23 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 2. - I. - Le I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Au 1, les sommes : "26 600 francs", "52 320 francs", "92 090 francs",
"149 110 francs", "242 620 francs" et "299 200 francs" sont respectivement
remplacées par les sommes : "4 121 euros", "8 104 euros", "14 264 euros", "23
096 euros", "37 579 euros" et "46 343 euros" ;
« 2° Au 2, les sommes : "13 020 francs", "22 530 francs", "6 220 francs" et "3
680 francs" sont remplacées respectivement par les sommes : "2 017 euros", "3
490 euros", "964 euros" et "570 euros" ;
« 3° Au 4, la somme : "2 450 francs" est remplacée par la somme : "380
euros".
« II. - Au deuxième alinéa de l'article 196 B du même code, la somme : "24 680
francs" est remplacée par la somme : "3 824 euros".
« III. - 1. Le 3° de l'article 83 du même code est ainsi modifié :
«
a)
Au deuxième alinéa, les mots : "54 770 francs pour l'imposition
des rémunérations perçues en 1984" sont remplacés par les mots : "12 229 euros
pour l'imposition des rémunérations perçues en 2001" ;
«
b)
Au cinquième alinéa, les sommes : "2 000 francs" et "5 000 francs"
sont respectivement remplacées par les sommes : "364 euros" et "797 euros".
« 2. Le
a
du 5 de l'article 158 du même code est ainsi modifié :
«
a)
Au deuxième alinéa, la somme : "20 000 francs" est remplacée par
la somme : "3 160 euros" ;
«
b)
Dans la première et la troisième phrases du troisième alinéa, la
somme : "1 800 francs" est remplacée par la somme : "323 euros" ;
«
c)
Au cinquième alinéa, les mots : "460 000 francs pour l'imposition
des revenus de 1982 et 1983" sont remplacés par les mots : "111 900 euros pour
l'imposition des revenus de 2001" ;
«
d)
Au sixième alinéa, la dernière phrase est ainsi rédigée :
« Le montant obtenu est arrondi, s'il y a lieu, à la centaine d'euros
supérieure. »
Sur l'article, la parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'article 2 du présent projet de loi de finances consacre, pour l'année 2002,
la réforme de l'impôt sur le revenu que nous avions engagée l'an dernier.
C'est sur le caractère de cette réforme que je veux revenir.
Pour l'essentiel, l'évolution qui affecte aujourd'hui l'impôt sur le revenu
consiste à atténuer progressivement les taux d'imposition des diverses tranches
du barème.
Le souci de préserver une certaine forme de progressivité demeure dans le
cadre de ce barème refondu, puisque le mouvement de réduction des taux
d'imposition est relativement plus important pour les tranches les plus faibles
que pour les tranches les plus élevées. Le seul problème dans cette affaire,
c'est que la réduction est plus sensible en valeur absolue dès que l'on s'élève
dans le barème !
Dans les faits, ce sont donc les revenus les plus élevés qui, unitairement,
profitent de la réduction la plus sensible du montant de leur imposition.
En définitive, la question essentielle est la suivante : la réforme prévue par
cet article permet-elle, ou non, de viser l'objectif de justice sociale qui
devrait la guider ?
Deux éléments nous laissent penser que ce n'est pas tout à fait le cas.
Premier élément : le Gouvernement s'est trouvé en quelque sorte dans
l'obligation de définir d'autres voies de réduction de l'impôt, en particulier
en concevant la prime pour l'emploi.
Second élément : agir sur les seuls taux d'imposition du barème ne suffit
évidemment pas pour motiver et opérer une réforme de l'impôt sur le revenu.
C'est même escamoter un peu rapidement la question principale : celle de
l'existence d'une assiette de l'impôt progressif insuffisamment large, laissant
de côté nombre de composantes du revenu des ménages, singulièrement les revenus
du capital et du patrimoine, aujourd'hui encore largement exonérés de toute
application du barème progressif.
Je connais, certes, une partie de la réponse à cette question : l'existence de
la contribution sociale généralisée et de son appendice, la contribution pour
le remboursement de la dette sociale, suffirait, compte tenu des assiettes
respectives de ces deux contributions, pour considérer que les revenus
concernés sont suffisamment imposés.
Cela ne dédouane cependant pas de réfléchir à une véritable intégration de ces
revenus dans l'assiette de l'impôt sur le revenu, afin de soumettre enfin
effectivement l'ensemble des éléments du revenu des ménages à l'impôt
progressif.
Cet objectif, c'est évidemment le nôtre depuis plusieurs années, et nous
défendrons cette année encore toute proposition allant dans le sens d'une plus
grande égalité de traitement des revenus.
Ce sont là quelques éléments qu'il me paraissait utile de rappeler, au nom de
mon groupe, à l'occasion de l'examen de l'article 2.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-213, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 1° du texte proposé par le I de l'article 2 pour
modifier le I de l'article 197 du code général des impôts :
« 1° Au 1, pour l'imposition des revenus de 2001, les taux : "46,75 %" et
"52,75 %" sont respectivement remplacés par les taux : "48 % " et "54 %". »
L'amendement n° I-155, présenté par MM. Joyandet, Oudin, Besse, Demuynck et
Duvernois, Mmes Olin, Michaux-Chevry, Brisepierre et Rozier, MM. Cazalet,
Calmejane, Gournac, Hamel, Lardeux, de Richemont, Gruillot, Lassourd, César,
Doublet, Goulet, Murat, François, Ostermann, Fournier, Ginésy, Leclerc, Rispat,
Vasselle, Braye, de Broissia et Doligé, est ainsi libellé :
« A. - Compléter le 1° du texte proposé par le I de l'article 2 pour modifier
le I de l'article 197 du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé
:
« Les taux "7,5 %", "21 %", "31 %", "41 %", "46,75 %" et "52,75 %" sont
remplacés par les taux : "5 %", "19 %", "29 %", "39 %", "45 %" et "50 %". »
« B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus,
compléter l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la baisse des taux
applicables aux tranches du barème de l'impôt sur le revenu est compensée, à
due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts et aux articles 265 et
suivants du code des douanes. »
La parole est à M. Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-213.
M. Thierry Foucaud.
Pour une fois, nous présentons un amendement générateur de nouvelles recettes
pour les comptes publics !
Notre souci, en proposant de geler la réduction des deux tranches d'imposition
les plus fortement taxées au titre de l'impôt sur le revenu, est de renforcer
clairement le caractère équitable de la progressivité du barème de l'impôt.
Nous proposons en fait de rendre son sens à l'un des articles essentiels de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : chacun doit contribuer à la
charge publique à concurrence de ses facultés.
Geler le taux d'imposition des deux tranches les plus élevées permet en effet
de renforcer la progressivité, donc d'atteindre plus aisément l'objectif de
justice sociale qui fonde notre impôt.
Cela appelle évidemment quelques observations complémentaires.
Un reproche peut, bien sûr, nous être fait : celui d'alourdir inconsidérément
l'imposition des ménages qui disposent du plus grand volume de ressources. Nous
pensons cependant que cette situation doit être examinée sous le bon angle.
Si les deux tiers du produit de l'impôt sont concentrés sur les contribuables
dont le revenu entre dans les dernières tranches du barème, faut-il en conclure
que l'imposition présente un caractère spoliateur ou que les revenus sont
tellement inégalement répartis dans notre pays qu'ils se concentrent en grande
partie dans les mains de ces contribuables ?
Sous de nombreux aspects, c'est en effet l'insuffisance des revenus d'un grand
nombre de ménages qui est la cause de leur non-imposition et c'est,
a
contrario,
la concentration des revenus en haut de l'échelle qui est à la
source d'un important produit fiscal. Il convient toutefois de ne pas exagérer
inconsidérément ce produit, dans la mesure où il n'a finalement guère évolué
ces dernières années, rapporté au revenu disponible des ménages.
De plus, comme nous l'avons déjà souligné, les possibilités d'optimisation
fiscale étant d'autant plus importantes que la surface financière de départ est
importante, les contribuables les plus imposés ont souvent entre les mains tous
les outils permettant de réduire, parfois sensiblement, la valeur relative de
leur imposition finale.
L'amendement que nous vous proposons d'adopter n'apporte donc qu'une
correction minime à une situation qui appelle dans les faits des modifications
plus sensibles.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-155.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement vise à abaisser les taux applicables aux six tranches du barème
de l'impôt sur le revenu d'une façon à peu près homogène, de manière à tenir
compte de l'évolution de l'inflation et de la nécessité de réduire les
prélèvements obligatoires.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-213 et I-155 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Ces deux amendements reposent sur
des raisonnements complètement opposés, et la majorité de la commission des
finances souscrit bien entendu davantage à l'approche de M. Oudin qu'à celle de
M. Foucaud.
M. Paul Loridant.
Hélas !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je voudrais faire remarquer à ce dernier et aux
membres de son groupe que des taux marginaux très élevés d'imposition sur le
revenu peuvent entraîner toutes sortes de conséquences en termes de
démotivation de celles et de ceux qui peuvent, à certains égards, contribuer le
plus à la création de richesses et d'incitation à choisir d'autres territoires
que celui de la France pour poursuivre une activité économique. Ce ne sont pas
des risques théoriques : bien des travaux l'ont démontré.
Je suis, pour ma part, assez surpris de constater que certains de nos
collègues restent vraiment prisonniers de schémas marxistes - nous en verrons
d'autres effets dans la suite de la discussion des articles - selon lesquels,
pour que le bonheur devienne accessible, il suffirait d'appauvrir suffisamment
les riches... Bien des expériences, dans l'histoire du xxe siècle, ont montré
que ces façons de raisonner sont totalement dénuées d'efficacité et que si l'on
persévère dans cette logique, on aboutit assez vite à des degrés de contrainte
susceptibles de trouver d'autres traductions.
S'agissant de l'amendement n° I-213, l'avis de la commission est donc
évidemment défavorable.
Pour ce qui est de l'amendement n° I-155, je crois qu'il a le mérite, ainsi
que d'autres propositions qui vont nous être faites, d'inciter à réfléchir à
l'impôt sur le revenu. Que doit devenir celui-ci ? Quels objectifs vise-t-on ?
Comment parvenir à le redimensionner à l'intérieur d'un système fiscal rénové ?
Ce sont autant de questions qui, bien souvent, ont été traitées dans cet
hémicycle. Elles ne sont pas sans relation avec la contribution sociale
généralisée, le mode de perception de l'impôt sur le revenu ou bien d'autres
aspects de notre système fiscal.
Exprimer de telles préoccupations me semble légitime, mais il serait
préférable, à mon sens, de le faire à l'occasion de l'examen de la seconde
partie du projet de loi de finances, car nous savons, mes chers collègues, que
l'équation budgétaire qui nous est soumise pour l'année 2002 est extrêmement
difficile.
A cet égard, je ne reprendrai pas, lors de la discussion d'autres amendements
qui nous seront présentés, le commentaire que je vais maintenant faire et qui
sera, en quelque sorte, placé en facteur commun.
Il est tout à fait clair que, au cours de l'année 2002, qui sera marquée par
un ralentissement de la croissance, en dépit des hypothèses optimistes qui nous
ont été présentées et dont nous avons débattu hier, et qui verra une
progression préoccupante du déficit public et du recours à l'endettement de
l'Etat, les marges de manoeuvre seront réduites. De ce fait, la commission des
finances doit demander à nos collègues de bien vouloir tenir compte de cette
réalité et les appeler, en quelque sorte, au sens des responsabilités et au
sens de l'Etat. En effet, il y a bien des choses qu'il faudrait faire, que l'on
aurait pu faire depuis 1997, lorsque l'on disposait des marges de manoeuvre
indispensables, mais qu'il ne sera pas envisageable de réaliser en 2002, année
grevée d'un très grand nombre d'incertitudes, tant économiques que politiques,
que chacun ici a présentes à l'esprit.
Dans ces conditions, marquer le cap est utile, réfléchir à une refonte de
l'impôt sur le revenu s'impose, mais il n'est pas possible, à l'occasion de
l'examen de la première partie du projet de loi de finances, d'alourdir un
déficit déjà trop élevé de plusieurs milliards de francs.
En conséquence, tout en reconnaissant la justesse des remarques formulées par
notre collègue Jacques Oudin, je demande à celui-ci, au nom de la commission,
de bien vouloir envisager, après que nous aurons entendu l'avis de Mme le
secrétaire d'Etat, de déposer de nouveau son amendement lors de la discussion
de la seconde partie du projet de loi de finances, afin qu'il serve de
signal.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-213 et I-155 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
S'agissant de l'amendement n° I-213, M.
Foucaud sait que le Gouvernement s'est fixé pour objectif, depuis deux ans, de
baisser les impôts pour tous les Français. Si je comprends très bien les
préoccupations qui ont amené le dépôt de cet amendement, je crois donc juste
que l'ensemble des Français bénéficient d'une diminution du taux marginal de
l'impôt sur le revenu qu'ils acquittent.
Le dispositif qui a été adopté l'année dernière me semble équilibré, dans la
mesure où il favorise les contribuables les moins aisés, non seulement par une
baisse des taux plus prononcée pour les premières tranches du barème, mais
également par une amélioration du processus de la décote au bénéfice des
contribuables les plus jeunes et les plus modestes.
Je ne pense donc pas qu'il serait bon, ni pour les Français ni pour
l'économie, de remettre en cause ce dispositif, voté pour deux années et
planifié sur trois. Il apporte de la visibilité, ce qui est en soi positif.
Par ailleurs, ainsi que cela a été souligné hier après-midi, on voit bien que,
dans les circonstances économiques actuelles, les baisses d'impôt constituent
l'un des principaux soutiens de la consommation, et donc de la croissance. Par
conséquent, la remise en cause du dispositif ne me paraît décidément pas
opportune.
Je rappelle également que le projet de loi de finances pour 2002 prévoit le
doublement de la prime pour l'emploi - nous y viendrons dans un instant -, ce
qui traduit clairement la volonté du Gouvernement d'améliorer la situation des
plus défavorisés, tout en les incitant à retrouver un emploi. En conclusion, je
souhaite le retrait de l'amendement n° I-213.
En ce qui concerne maintenant l'amendement n° I-155, je dois dire que je
comprends les observations de M. le rapporteur général, dans la mesure où
adopter cet amendement, comme le Sénat a certainement l'intention de le faire,
à l'occasion de l'examen de la première partie du projet de loi de finances
aurait effectivement quelques conséquences pour le prix des cigarettes !
L'année dernière, le Sénat avait majoré les droits afférents au tabac à hauteur
de 130 milliards de francs pour résoudre l'équation financière globale.
Ici, le coût de la mesure serait de 40 milliards de francs : nous entamons la
discussion de manière très rapide et ambitieuse !...
Je ne puis donc être favorable à l'amendement n° I-155, pour des raisons à la
fois de procédure et de fond.
En effet, cet amendement tend à réduire de 2,5 points le taux de la première
tranche, de 2 points celui des trois tranches suivantes, mais de 2,75 points le
taux de la tranche la plus élevée. Cela va à l'encontre de notre objectif, que
j'ai rappelé tout à l'heure, d'alléger la charge fiscale pour tous les
contribuables, tout en recherchant une plus grande justice et en faisant
bénéficier prioritairement de cette mesure les foyers les plus modestes.
Pour ces raisons, je ne peux que préconiser le rejet de cet amendement, qu'il
s'agisse de la première ou de la seconde partie du projet de loi de
finances.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-213 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
Oui, monsieur le président.
Certes, je ne nie pas les efforts consentis par le Gouvernement, et que l'on
ne se méprenne pas sur ce point : il ne s'agit nullement pour nous de prétendre
que l'action du Gouvernement ne profiterait qu'aux riches.
A mon sens, il est toutefois possible d'améliorer nos recettes, et tel est
l'objet de cet amendement, que je maintiens donc.
Par ailleurs, si le fait que M. le rapporteur général ne soit pas d'accord
avec nous ne m'étonne pas et ne me dérange nullement, car il faut bien que des
divergences s'expriment, je trouve quelque peu scandaleux qu'il puisse affirmer
en permanence que les richesses ne seraient créées que par une seule catégorie
de nos concitoyens. Cela est faux : les richesses, monsieur le rapporteur
général, sont aussi le fruit des efforts de petits contribuables.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-213.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je dois dire que cet amendement et les propos que vient de tenir M. Foucaud
ont quelque chose d'absolument extravagant ! En effet, il est totalement faux
de prétendre que M. le rapporteur général, dont nous partageons d'ailleurs le
point de vue, aurait affirmé que seuls les riches créent des richesses !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je n'ai pas dit cela !
M. Jean Chérioux.
Monsieur Foucaud, si vous acceptiez de m'écouter, cela vous amènerait
peut-être à revoir vos positions, qui me semblent quand même être marquées par
certains
a priori. (Sourires.)
La richesse est créée par les entreprises : cela ne signifie pas qu'elle
provient uniquement du capital ; elle résulte aussi du travail, ce qui est
d'ailleurs la justification de la participation. L'entreprise, c'est donc à la
fois le capital et le travail. Si vous brimez le capital à l'excès, il
s'enfuira et les entreprises et les emplois disparaîtront. C'est le fond du
problème : vous avez une vision statique des choses,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Chez Moulinex, ce n'est pas statique !
M. Jean Chérioux.
... or la richesse se crée en permanence. L'économie est vivante, et vous
voulez la tuer ! Telle est votre attitude sur le fond.
De surcroît, les arguments que vous avancez sont purement politiciens. Je n'ai
pas du tout l'intention de pleurer sur le sort des détenteurs de capitaux, mais
quand je vous entends dire que leurs revenus seraient moins imposés que ceux du
travail, cela me paraît extravagant !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais c'est vrai, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux.
Qui, parmi vos électeurs, peut croire une chose pareille ? Ce sont des
balivernes !
Vous oubliez d'ailleurs de préciser que les contribuables relevant des
tranches élevées du barème acquittent souvent aussi la CSG et l'impôt de
solidarité sur la fortune. On en arrive presque à la confiscation !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il leur en reste beaucoup !
M. Jean Chérioux.
Quel est votre objectif ? La disparition du capital ? Faites-le disparaître,
et vous verrez ce qui en résultera : l'économie sera en ruines, comme ce fut le
cas dans certains pays que vous souteniez jadis.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Chez Danone, ce n'est pas le capital qui disparaît ! Ce sont les salariés !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-213, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Monsieur Oudin, maintenez-vous l'amendement n° I-155 ?
M. Jacques Oudin.
Madame le secrétaire d'Etat, le problème n'est pas celui du prix de la
cigarette, même s'il est vrai que l'on retient traditionnellement ce gage, ce
qui rendrait très élevé le prix de ce produit si tous les amendements étaient
adoptés en l'état ! Non, le problème tient en fait à la philosophie qui
sous-tend la politique menée en matière de fiscalité, en particulier de
fiscalité sur le revenu.
Hier, nous avons longuement évoqué ce que l'on appelle d'habitude le « rapport
Charzat », alors que chacun sait que ce rapport reprenait, en fait, les
conclusions de celui qui avait été élaboré par le Sénat et dont l'auteur était
notre excellent collègue Denis Badré. Pour rendre hommage à celui-ci, je
parlerai désormais du « rapport Badré ».
M. Maurice Ulrich.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
Excellent !
M. Jacques Oudin.
M. le rapporteur général a parfaitement exposé quels sont les objectifs que
nous cherchons à atteindre.
Nous savons que l'égalité fiscale totale est impossible : ainsi, à Compiègne,
les impôts sont peut-être un peu plus élevés que dans ma commune et un peu plus
modérés qu'à Paris !
(Sourires.)
Des inégalités fiscales existent donc,
mais, dans une économie ouverte où les marchandises, comme les personnes, se
déplacent, si les taux d'imposition marginaux sont trop élevés, ce qui pénalise
généralement les cadres, nous assistons, comme l'ont démontré et dénoncé MM.
Charzat et Badré, à une fuite des cerveaux.
Je crois que le Gouvernement est très conscient de ce problème, mais il n'ose
pas prendre les mesures utiles pour y remédier. Pourtant, le taux marginal
actuel d'imposition pesant sur les revenus comme sur le capital entraîne une
fuite dramatique des entreprises et des capitaux.
Permettez-moi de citer un exemple. L'année dernière, une grande entreprise
internationale, dont je tairai le nom, a voulu implanter un siège en Europe.
Elle a exclu d'office la France, et le choix s'est effectué entre la
Grande-Bretagne, la Belgique et la Suisse. Finalement, c'est cette dernière qui
a été retenue uniquement à cause de sa politique fiscale qui est suffisamment
attractive pour les entreprises. Cela signifie que le siège et les cadres se
sont installés en Suisse. Or 650 cadres supérieurs, madame la secrétaire
d'Etat, ce n'est pas rien pour l'emploi avec toutes les conséquences qui en
découlent.
A partir de ce petit amendement, je reconnais que, pour la tranche marginale,
la réduction du taux était de 2,75 %, pour la suivante de 1,75 % et de 2 % pour
les tranches suivantes. Mais cela n'a aucune importance. Le problème est de
tracer la ligne et de faire un pas, puisque, chacun le reconnaît, nous avons
une surfiscalité. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé, au nom du groupe
du RPR, cet amendement.
J'ai entendu les explications de notre excellent rapporteur général. Nous
savons que nous allons nous battre pour essayer d'atteindre ces résultats. Je
retire cet amendement sur lequel nous reviendrons lors de l'examen des articles
de la deuxième partie du projet de loi de finances.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
L'amendement n° I-155 est retiré.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je tiens à faire écho à la
remarque qu'a formulée hier Mme la secrétaire d'Etat à propos des gages,
notamment celui sur le tabac, et qu'elle a réitérée voilà un instant.
Je veux, madame la secrétaire d'Etat, faire appel à votre bonne foi qui est
grande et dont je ne doute pas. Votre remarque était un peu facile. Elle
aboutit, si nous la poussons à son paroxysme, comme vous seriez tentée de le
faire en cet instant et comme vous l'avez fait hier, à priver le Parlement de
tout droit d'amendement. Je ne puis croire un instant que tel soit votre
souhait. Si vous nous faites remarquer que nous avions, l'année dernière,
sérieusement augmenté par nos gages le prix virtuel du tabac, vous auriez pu
ajouter que nous avions très largement réduit le déficit budgétaire.
(Sourires.)
Cela aurait été un équilibre de mauvais arguments !
Je voudrais rappeler, en particulier aux collègues qui nous ont rejoints dans
cette assemblée à l'issue des dernières élections, les règles relatives au
gage.
Dans sa décision du 2 juin 1976, le Conseil constitutionnel a défini le gage
en ces termes : « Il faut que la ressource destinée à compenser la diminution
d'une ressource publique soit réelle, qu'elle bénéficie aux mêmes collectivités
ou organismes que ceux au profit desquels est perçue la ressource qui fait
l'objet d'une diminution et que la compensation soit immédiate. »
Le gage « tabac » est en effet très souvent retenu. Vous remarquerez que même
nos collègues qui vous soutiennent dans cette assemblée y ont recours, et
j'imagine que vous le leur reprocherez avec la vivacité que vous avez marquée
il y a un instant. Puisque les ressources « tabac » s'élèvent à 60 milliards de
francs, il est facile de prouver la réalité du gage. De plus, la création d'une
taxe additionnelle permet de l'affecter directement au bon organisme. Enfin,
aucune contestation n'est possible sur le délai.
Il est interdit de compenser une perte de ressources par une économie sur la
dépense, car l'article 40 de la Constitution ne permet de compensation qu'entre
ressources. Je le rappelle à nos nouveaux collègues car, en toute bonne foi,
ils pourraient être tentés de le faire.
Madame la secrétaire d'Etat, vous savez, mais il est bon de le rappeler en cet
instant puisque nous sommes au début de la discussion budgétaire, que la
question des gages « tabac » a été très largement discutée à l'Assemblée
nationale au cours de la séance de 26 mai 1986. A l'époque, l'Assemblée
nationale a considéré que remettre en cause des amendements compensés par un
gage identique - on pensait au tabac - comporterait le risque de limiter le
droit d'amendement des parlementaires.
Encore une fois, comme je ne pense pas un instant que telle soit votre
intention, je croyais utile de faire ce rappel au début de notre débat.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants).
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-67, présenté par M. Badré et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé :
« A. - Au 2° du I de l'article 2, remplacer la somme "2 017 euros" par la
somme : "2 600 euros".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter
cet article par le paragraphe suivant :
« ... - La perte de recettes résultant du relèvement du plafond de la
réduction d'impôt par demi-part est compensée, à due concurrence, par la
création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
L'amendement n° I-205, présenté par MM. Oudin, Besse, Demuynck et Duvernois,
Mmes Olin, Michaux-Chevry et Rozier, MM. Cazalet, Calméjane, Darcos, Dufaut,
Gournac, Hamel, Lardeux, de Richemont, Gruillot, Lassourd, César, Doublet,
Goulet, Murat, François, Ostermann, Fournier, Ginésy, Leclerc, Rispat,
Vasselle, Trillard, Braye, Sido, Delevoye, de Broissia, Doligé et Caldaguès,
est ainsi libellé :
« A. - Au 2° du texte proposé par le I de l'article 2 pour modifier le I de
l'article 197 du code général des impôts, remplacer la somme : "2 017 euros"
par la somme : "2 590 euros".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte des recettes pour l'Etat résultant du relèvement du plafond du
quotient familial est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-144, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud,
Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, est ainsi
libellé :
« A. - Dans le 2° du I de l'article 2, remplacer la somme : "2 017 euros" par
la somme : "2 500 euros".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter
cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond du
quotient familial est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-143, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud,
Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, est ainsi
libellé :
« A. - Dans le 2° du I de l'article 2, remplacer la somme : "2 017 euros" par
la somme : "2 240 euros".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter
cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond du
quotient familial est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Badré, pour présenter l'amendement n° I-67.
M. Denis Badré.
Cet amendement tend à relever à 2 600 euros le plafond de la réduction d'impôt
par demi-part. Les familles, nous le savons, nous le répétons sans cesse, sont
l'avenir du pays. Ce qui n'est pas gratuit est de moins en moins gratuit pour
celles.
Je plaide coupable dans la mesure où, pour tout dire, 2 600 euros, c'est une
somme arrondie. En effet, 17 000 francs, c'est exactement 2 591 euros. Nous
avons donc arrondi à 2 600 euros,...
M. Michel Charasse.
Quel courage !
M. Denis Badré.
... ce qui est très mal dans le contexte actuel. Cela étant dit, je considère
que l'inflation, s'agissant du soutien apporté aux familles, est plus
qu'opportune.
M. Michel Charasse.
A dix euros près !
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-205.
M. Jacques Oudin.
Je me suis livré au même exercice que M. Denis Badré, mais j'ai arrondi à 2
590 euros, et c'est la seule différence entre nos amendements.
Notre proposition concerne la politique familiale et l'aide qui est apportée
aux familles. En effet, comme M. Denis Badré vient de le dire, les familles
sont essentielles au dynamisme et au développement de la nation.
En Europe, le taux de natalité est dramatiquement bas. Or la France a la
chance d'avoir un taux qui, sans permettre le renouvellement des générations,
est supérieur à ceux que connaissent l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et la
Grande-Bretagne. Notre pays est à peu près au niveau de l'Irlande, c'est-à-dire
dans les premières places. Cependant, puisque le renouvellement des générations
n'est pas assuré, aider nos familles à vivre et à se développer est un
impératif national.
Par ailleurs, la branche famille, dont il a été question lors de l'examen du
projet de loi de financement de la sécurité sociale, a dégagé des excédents
mais ceux-ci ont été ponctionnés et les familles n'en ont pas profité.
Dans ces conditions, cette disposition, qu'il s'agisse de l'amendement
présenté par mes collègues du groupe de l'Union centriste ou de celui que nous
proposons nous-mêmes, a pour objet de faire profiter les familles d'un avantage
fiscal. Puisse-t-il rétablir l'équité et l'égalité. Il nous semble nécessaire
et équitable de revenir sur cette baisse du plafond du quotient familial
décidée en 1998, et donc d'adopter cette disposition.
M. le président.
La parole est à M. du Luart, pour présenter les amendements n°s I-144 et
I-143.
M. Roland du Luart.
Depuis quatre ans, la famille a été insuffisamment prise en compte par la
politique budgétaire du Gouvernement. Elle a même été pénalisée par un certain
nombre de mesures fiscales.
La Conférence sur la famille est l'occasion, chaque année, d'esquiver tout
vrai débat au profit de mesures gadgets et médiatiques. En privilégiant l'effet
d'annonce sur la réflexion de fond, elle nuit à la cohérence de la politique
familiale et cache la nécessité pour notre pays de se doter d'une nouvelle
ambition familiale.
Notre groupe réaffirme la nécessité et l'urgence d'une véritable réforme pour
mieux aider financièrement les familles, favoriser la présence des parents
auprès de l'enfant et faciliter l'épanouissement de ce dernier.
Sur le plan fiscal, les Républicains et Indépendants proposent trois mesures
concrètes.
La première est le relèvement du plafond du quotient familial, qui a été
abaissé en 1999 de façon exagérée. Sur ce point, mon raisonnement est identique
à celui que font MM. Jacques Oudin et Denis Badré. La deuxième mesure est
l'augmentation du plafond de la réduction d'impôt pour la garde de jeunes
enfants. La troisième est la hausse du plafond de la réduction d'impôt au titre
des emplois à domicile.
Ces deux dernières mesures feront l'objet d'amendements après l'article 2.
Je présenterai donc, en l'instant, les amendements n°s I-143 et I-144.
L'amendement n° I-144 vise à revenir à un montant de 16 380 francs pour le
plafond du quotient familial, soit environ 2 500 euros.
Nous sommes néanmoins conscients des difficultés budgétaires, soulevées par M.
le rapporteur général, auxquelles notre pays doit actuellement faire face.
C'est pourquoi nous avons déposé l'amendement n° I-143, qui prévoit d'étaler
l'effort financier sur deux ans. Dans un premier temps, pour l'année 2002, le
plafond du quotient serait ainsi porté à 2 240 euros, soit un peu moins de 14
700 francs.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-67, I-205, I-144 et
I-143 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission dans sa majorité partage les
préoccupations des auteurs de ces amendements. La place faite à la famille
n'est pas suffisante, la famille n'est pas suffisamment considérée et, sur le
plan général, et pas seulement en ce qui concerne les dispositions fiscales et
budgétaires, la famille peut se considérer souvent comme malmenée, et bien des
choses sont dites et sont faites aujourd'hui qui renforcent ce sentiment.
En outre, les dispositions intervenues en 1998, qui sont rappelées très
opportunément, ont eu une influence très concrète et ont en quelque sorte
écorné la politique fiscale qui traditionnellement était plus favorable aux
familles.
Cela étant dit, je demande à nos collègues d'accepter de reprendre ce débat
lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances. En effet,
nous ne sommes pas en mesure ici de procéder à une réforme cohérente et
décisive de l'impôt sur le revenu. Nous nous efforçons d'adresser des signaux à
l'opinion publique et, en l'occurrence, aux milieux intéressés par la famille.
Le jour venu, il faudra se livrer à une remise à plat.
Mes chers collègues, une réforme de l'impôt sur le revenu ne saurait
d'ailleurs se limiter aux mesures qui sont préconisées au cours de nos débats.
Bien des pays en Europe ont réalisé des réformes globales de l'impôt sur le
revenu. Mais, d'une façon générale, ces réformes ont d'abord consisté à élargir
l'assiette de l'impôt sur le revenu, à supprimer les niches, les avantages, les
déductibilités, tout ce qui rend la loi fiscale exagérément complexe, voire
illisible, tout ce qui s'est sédimenté dans le temps et qui nuit à
l'homogénéité, au caractère compréhensible, même sur le plan civique, de
l'impôt sur le revenu.
Il faudra élargir l'assiette, fusionner, comme cela a été dit à de nombreuses
reprises, l'impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée. L'impôt
sur le revenu devra avoir une base proportionnelle et comporter un élément de
progressivité. Il devra être géré de façon plus moderne, étant entendu qu'il
faudra un jour traiter et régler la question du prélèvement à la source.
Tous ces sujets devront bien sûr s'intégrer dans une réflexion beaucoup plus
globale au sein d'une politique fiscale nouvelle. Les familles devront y avoir
leur part.
Aujourd'hui, nous ne pouvons qu'adresser des signaux. Demain, espérons-le,
nous pourrons faire davantage. Dans l'immédiat, mes chers collègues, il n'est
pas possible ni raisonnable sur le plan budgétaire de voter ces amendements en
première partie du projet de loi de finances. C'est pourquoi je demande à leurs
auteurs de bien vouloir les retirer et, éventuellement, de les représenter lors
de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances.
Si je demande le retrait de ces amendements, ce n'est pas que le gage qu'ils
comportent m'effraie. En effet, en définitive, madame le secrétaire d'Etat,
s'agissant de cette question, il y a une solution très simple : il suffit de
lever le gage !
(Mme le secrétaire d'Etat sourit.)
Dès lors, il n'y a
plus de problème ! D'ailleurs, comme M. le président de la commission des
finances l'a rappelé, nous avons eu, ce matin, en commission, une discussion
sur ce point. Au cours d'échanges tout à fait intéressants et sympathiques,
caractérisés par la grande liberté de ton qui prévaut au sein de la commission,
M. Marc Massion a développé avec beaucoup de force les arguments que vous nous
avez assénés tout à l'heure. Nous nous sommes alors permis de lui rétorquer
que, puisqu'il se targuait de cette volonté de vertu, nous imaginions que tous
les gages qu'il présenterait dans la suite de la discussion seraient fondés sur
d'autres éléments que le tabac !
(Sourires.)
Cela étant, bien évidemment, les conditions dans lesquelles l'initiative
parlementaire s'exerce en matière d'amendements sont les mêmes, que l'on siège
sur ces travées-ci ou sur ces travées-là
(M. le rapporteur général désigne
successivement les travées de gauche et de droite de l'hémicycle)
et chacun
sait, madame la secrétaire d'Etat, que, si les parlementaires souhaitent
pouvoir exprimer leurs opinions et leurs convictions, ils ont bien conscience
que tout ce qu'ils demandent ne sera pas nécessairement opérationnel
immédiatement. Voilà pourquoi il leur faut utiliser cette procédure, prévue par
nos textes organiques, du recours aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. C'est en effet la méthode la plus simple et la plus pratique, et n'y
voyez aucune autre raison !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-67, I-205, I-144 et
I-143 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'en donne acte à M. le président de la commission des
finances ainsi qu'à M. le rapporteur général, il ne s'agit évidemment pas de
mettre en cause le droit d'amendement du Parlement ! Toutefois, comme je crois
que nous avons, les uns et les autres, le goût du « parler vrai », je vous
précise que mon intervention n'avait d'autre objet que de vous rappeler, fût-ce
un peu malicieusement, les conséquences concrètes, au regard du prix du paquet
de cigarettes, des amendements dont vous préconisez l'adoption.
En tout cas, je vous le confirme, nous partageons tout à fait la même
conception en matière de droit d'amendement. Au demeurant, je crois que chacun
l'a bien compris dans cet hémicycle !
J'en viens aux quatre amendements n°s I-67, I-205, I-144 et I-143. Quelle que
soit l'exactitude des conversions en euros, je rappelle que la baisse du
quotient familial qui a été adoptée dans la loi de finances de 1998 a eu une
contrepartie, dont on parle assez peu : la suppression de la mise sous
condition de ressources des allocations familiales.
Ces mesures décidées, vous le savez, après une large concertation avec les
associations familiales, ont eu pour objet d'introduire une progressivité de
l'effort de solidarité en fonction du revenu, préservant ainsi la situation de
toutes les familles qui disposent de revenus modestes et moyens.
Pour une famille avec un enfant, l'avantage fiscal sera plafonné, en 2002, à 2
017 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2001, ce qui se produira
uniquement lorsque le revenu imposable dépasse 52 217 euros.
L'augmentation du plafond du quotient familial, telle qu'elle a été adoptée
l'année dernière et telle qu'elle vous est proposée à nouveau, a pour objet non
pas de revenir sur cette mesure, mais de faire en sorte que l'allégement
procuré par la baisse des taux du barème de l'impôt sur le revenu profite à
l'ensemble des familles, notamment à celles qui sont touchées par le
plafonnement, proportionnellement à leurs charges.
Dans ces conditions, je ne peux pas accepter ces quatre amendements, quel que
soit le montant de la revalorisation proposée.
M. le président.
Monsieur Badré, l'amendement n° I-67 est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
Je le retire, monsieur le président, après avoir entendu l'appel de M. le
rapporteur général.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-205 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Ma position est identique à celle de M. Badré, et je retire cet amendement.
M. le président.
Monsieur du Luart, les amendements n°s I-144 et I-143 sont-ils maintenus ?
M. Roland du Luart.
Je ne me distinguerai pas de mes collègues, et je retire ces amendements.
M. le président.
Les amendements n°s I-67, I-205, I-144 et I-143 sont retirés.
L'amendement n° I-243, présenté par MM. Oudin, Besse, Demuynck et Duvernois,
Mme Olin, MM. Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Dufaut, Gournac,
Hamel, de Richemont, César, Doublet, Goulet, Murat, Ostermann, Fournier,
Ginésy, Leclerc, Rispat, Vasselle, Braye, Doligé, Karoutchi et Caldaguès, est
ainsi libellé :
« A. - Après le
a)
du texte proposé par le 2 du III de l'article 2 pour
modifier le
a
du 5 de l'article 158 du code général des impôts, insérer
un alinéa ainsi rédigé :
« ... Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase
ainsi rédigée : "Cet abattement est fixé à 3 659 euros pour l'imposition des
revenus perçus à compter du 1er janvier 2001."
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter
l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la majoration du plafond de
l'abattement dont bénéficient les retraités sont compensées, à due concurrence,
par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575
A et 575 B du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Nous proposons de majorer de 10 % le plafond de l'abattement dont bénéficient
les personnes retraitées en le portant à 3 659 euros, c'est-à-dire à peu près
24 000 francs, au lieu de 20 728 francs comme le propose le Gouvernement.
Les associations de retraités souhaitant la revalorisation de leur retraite,
c'est une façon de leur donner une légère satisfaction.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il convient de rappeler que le plan de baisse de
l'impôt sur le revenu qui avait été envisagé par le précédent Premier ministre
prévoyait de diminuer progressivement le plafond de l'abattement de 10 % dont
bénéficient les retraités, étant entendu que cette baisse était largement
compensée par le réaménagement du barème.
J'en profite pour ouvrir très brièvement une parenthèse : le plan de baisse de
l'impôt sur le revenu de 1996 était beaucoup plus complet que celui qui est
intégré dans le plan Fabius de 2000, dont une nouvelle tranche est mise en
oeuvre pour l'année 2002.
Ainsi, le Gouvernement a décidé de poursuivre l'abaissement du plafond alors
qu'il ne procédait pas, en contrepartie, à l'allégement du barème. Les
retraités et leurs associations ont, à juste titre, protesté contre ce
processus. Ce dernier a donc été interrompu en 1999, le plafond de l'abattement
étant alors fixé à 20 000 francs.
L'initiative de notre collègue M. Oudin va assurément dans le sens de
l'équité, car elle permettrait de remonter le plafond de 20 000 francs à 24 000
francs. Cependant, à l'instar des autres sujets que nous avons abordés
précédemment, il serait préférable de replacer cette proposition dans le cadre
d'une conception plus globale de la réforme de l'impôt sur le revenu. Si l'on
souhaite donner un tel signal aux personnes qui bénéficient de l'abattement, il
serait donc plus judicieux de proposer à nouveau un tel amendement lors de
l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Permettez-moi une fois encore de vous rappeler que
c'est la loi de finances pour 1999 qui a interrompu la baisse du plafond de
l'abattement de 10 % sur les pensions et retraites, adoptée sous la précédente
législature. A défaut, si cette baisse n'avait pas été interrompue, ce plafond
serait aujourd'hui de 12 000 francs. Or l'article 2 que nous vous proposons
d'adopter prévoit un plafond de 20 728 francs. Il y a tout de même une
différence !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il y avait des contreparties !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je vais y venir dans un instant, monsieur le
rapporteur général.
Ce plafond de 20 728 francs représente un point d'équilibre qui permet de
préserver la situation de la très grande majorité des retraités, c'est-à-dire
des retraités modestes et moyens.
Par ailleurs, les personnes retraitées, comme l'ensemble des contribuables -
les retraités ne sont pas exclus du plan triennal de baisse des impôts adopté
en août 2000 -, bénéficient de l'allégement substantiel de l'impôt sur le
revenu qui a été décidé dans le cadre de ce plan.
S'ajoutent d'autres mesures en matière de taxe foncière qui ont été votées en
2000 et 2001 et qui sont très significatives pour les retraités modestes.
Enfin, je précise que l'amélioration du pouvoir d'achat des retraités est une
préoccupation constante du Gouvernement : le projet de loi de financement de la
sécurité sociale a prévu, à cet égard, une revalorisation de 2,2 % des pensions
de retraite du régime général, ce qui représente un coup de pouce de 0,3 %.
Par conséquent, je ne suis pas favorable à l'amendement n° I-243.
M. le président.
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Oudin ?
M. Jacques Oudin.
Je me rallie à la position de M. le rapporteur général - pas à celle du
Gouvernement - et je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-243 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'article 2.
M. Gérard Miquel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, je tiens à souligner qu'une
fois encore le Gouvernement honorera un de ses engagements en poursuivant la
baisse de l'impôt sur le revenu.
(Murmures sur les travées du RPR.)
Certes, cette réforme ne nécessite pas cette année une mesure législative,
puisqu'elle est déjà inscrite dans la loi de finances pour 2001
(Nouveaux murmures sur les mêmes travées),
mais cela n'enlève rien à son
importance, il est bon de le rappeler.
Une nouvelle fois, en 2002, toutes les tranches du barème de l'impôt sur le
revenu vont être abaissées, de manière à accroître le revenu de nos concitoyens
de près de 2 milliards d'euros.
En baissant plus les premières tranches du barème que les dernières, le
Gouvernement manifeste, en outre, son attachement aux valeurs de justice et de
solidarité auxquelles nous sommes très attachés.
Enfin, par l'augmentation du pouvoir d'achat qu'elle procure à nos
concitoyens, cette baisse d'impôt permettra très opportunément de soutenir la
croissance à un moment où, frappée par un ralentissement économique généralisé,
elle fléchit.
Je tiens, à cet égard, à rappeler à nos collègues qui ont déposé puis retiré
des amendements en matière de politique familiale que celle-ci ne se résume pas
à l'augmentation du quotient familial.
M. Denis Badré.
Peut-être, mais les familles y sont sensibles !
M. Gérard Miquel.
En effet, un grand nombre de mesures ont été prises dans ce domaine, mes chers
collègues : n'oubliez pas la forte augmentation de la prime de rentrée
scolaire, qui a été particulièrement appréciée par les familles !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
L'intervention de notre collègue M. Miquel me fait réagir : hélas ! les
Français verront quand même leurs impôts augmenter car, compte tenu de tous les
transferts qui ont été opérés vers les collectivités locales, lorsque nous
ferons en fin d'année le décompte exact des impôts payés par nos concitoyens,
nous serons obligés de constater que, si les impôts de l'Etat baissent, ceux
des collectivités locales sont en très forte hausse !
Quant aux décisions dont vous venez de parler, elles n'augmenteront en rien le
pouvoir d'achat de nos concitoyens !
M. le président.
Je mets aux voix l'article 2.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je constate que nos collègues
socialistes ne votent pas l'impôt !
M. Claude Estier.
Mais si !
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2