SEANCE DU 21 NOVEMBRE 2001
M. le président.
L'amendement n° 78, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 311-7 du code civil, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art.
... - Aucune action en contestation d'une filiation légitime ou
naturelle n'est recevable lorsqu'il existe une possession d'état conforme au
titre qui a duré cinq ans au moins depuis l'établissement de la filiation.
« L'action est ouverte à l'enfant dans les dix ans qui suivent sa majorité
lorsque la filiation a été établie pendant la minorité. »
« II. - L'article 339 du même code est ainsi modifié :
« A. - Le premier et le troisième alinéas sont supprimés ;
« B. - Au début du deuxième alinéa, après les mots : "L'action" sont insérés
les mots : "en reconnaissance". »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il s'agit d'une mesure que demande, à juste titre, selon nous, la délégation
aux droits des femmes. Il s'agit de faire en sorte que le délai permettant de
contester une filiation légitime ou naturelle soit unifié et ne soit pas trop
long.
Il nous a été indiqué - je crois bien que c'était en commission - qu'en tout
état de cause cette question serait abordée dans le texte relatif à la
filiation. Mais, si nous votions ce dispositif ce soir, nous serions plus sûrs
qu'il soit adopté avant l'intersession.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ou les ides de Mars !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne parle pas d'élections ! Je parle d'interruption de nos travaux.
J'attire donc l'attention de ceux qui me demandent ou vont me demander de
retirer cet amendement : ne vaudrait-il pas mieux que cette précision figure
dans cetexte-ci ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Comme l'a laissé entendre l'auteur de l'amendement n° 78, la
commission a émis un avis défavorable. Il ne s'agit pas d'une opposition de
principe. La raison en est le projet de loi sur la filiation, qui est en cours
d'élaboration et qui sera probablement soumis à l'Assemblée au mois de janvier.
Mieux vaut avoir une vue d'ensemble sur les dispositifs concernant la
filiation.
Nous travaillons sur un texte concernant non pas la filiation mais l'autorité
parentale. Il ne me semblerait pas souhaitable, par cohérence, d'adopter d'ores
et déjà cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
Ce dispositif est en effet en liaison directe avec le texte dont nous
débattons, puisqu'il s'agit de renforcer la sécurité du lien de filiation de
l'enfant naturel ou légitime. Cet amendement limite en effet les actions en
contestation.
Cet amendement pourrait effectivement trouver aussi sa place dans un texte
relatif à la filiation, mais il s'intègre parfaitement dans cette proposition
de loi puisqu'il vise à consolider, à renforcer l'autorité et la responsabilité
parentales et donc à bien stabiliser le lien de filiation de l'enfant avec ses
père et mère.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 78.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais dire et répéter qu'il s'agit d'une demande expresse de la
délégation du Sénat aux droits des femmes. Comme cet amendement a par ailleurs
reçu l'avis favorable du Gouvernement et comme mieux vaut « un tiens que deux
tu l'auras », je demande au Sénat de l'adopter.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Cela n'étonnera personne si, à l'instar de M. Dreyfus-Schmidt, je demande à
nos collègues de se laisser convaincre.
C'est à l'unanimité que la délégation aux droits des femmes, sur le rapport de
Mme Rozier, a demandé que cette modification soit inscrite dans cette
proposition de loi. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une question de
parti pris politique. Je pense qu'effectivement il est indispensable de
parvenir à sécuriser la filiation des enfants.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Je veux simplement redire que la commission n'est pas du tout
opposée à cet amendement sur le fond. Ses réserves sont d'un tout autre ordre.
Elles concernent le travail parlementaire. Il semble que la manière extrêmement
fragmentaire dont nous abordons les textes n'est pas une bonne façon de
réformer le code civil, comme nous l'avons déjà dit lors de la discussion
générale.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 78, repoussé par la commission et accepté par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 9.
L'amendement n° 80, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant l'article 433-19 du code pénal, il est inséré un article additionnel
ainsi rédigé :
«
Art.
... - Est puni de 30 000 francs d'amende le fait, pour un
officier d'état civil, de ne pas aviser le parent d'un enfant pour lequel
l'autre parent vient de procéder à la reconnaissance de cet enfant. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un amendement d'appel.
Cela a été dit tout à l'heure, lorsque l'officier d'état civil, reçoit une
reconnaissance portant mention du nom de l'autre parent, il est soumis par
l'article 57-1 du code civil à l'obligation de prévenir l'autre parent de la
reconnaissance ou d'en appeler au procureur.
Dans la réalité, cette obligation n'est pas remplacé. Il faut donc trouver le
moyen de la faire appliquer. C'est pourquoi notre amendement prévoit que
l'officier d'état civil qui néglige cette obligation engage sa responsabilité
et qu'il encourt, de ce fait, une amende de 30 000 francs.
Si le Sénat peut nous expliquer comment obtenir autrement l'application de
loi, nous serons prêt à retirer notre amendement. Mais il n'y a pas de raison
pour que la loi restre lettre morte et que nous l'acceptions.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
La commission reconnaît que le problème soulevé par notre
collègue est réel et elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant
de se prononcer.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le Gouvernement demande le retrait de cet
amendement.
Il est essentiel, bien entendu, que le parent concerné soit informé de la
reconnaissance de son enfant. Il n'y a aucun doute à cet égard ! Mais ce n'est
pas par une incrimination pénale que cette disposition trouvera son plein
effet.
Les responsabilités des maires sont déjà importantes. D'ailleurs, actuellement
se tient le congrès des maires de France.
Par conséquent, instituer une amende de 30 000 francs à l'encontre d'un
officier d'état civil qui aurait omis d'aviser le parent d'un enfant que
l'autre parent vient de procéder à la reconnaissance de cet enfant est
peut-être un peu disproportionné.
En revanche, dans le cadre de la reconnaissance solennelle et de l'application
de ce texte, le Gouvernement prend l'engagement de rappeler aux différents
services d'état civil leurs obligations. De ce point de vue, les maires seront
mis devant leurs responsabilités, sans aller peut-être jusqu'à la création
d'une amende de 30 000 francs.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Comme je souhaite que le ciel entende Mme la ministre, je suis obligé de
retirer mon amendement pour voir si le ciel l'entend ou pas.
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° 80 est retiré.
Division additionnelle avant l'article 9 bis