SEANCE DU 21 NOVEMBRE 2001
CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 75,
2001-2002) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux chambres
régionales des comptes et à la Cour des comptes.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au
terme de la procédure législative sur le projet de loi relatif aux chambres
régionales des comptes et à la Cour des comptes. Ce moment est important car le
texte que nous examinons procède à des réformes attendues depuis très
longtemps.
Avant de revenir sur quelques aspects de ce projet de loi, je souhaite évoquer
brièvement les travaux de la commission mixte paritaire.
Celle-ci, réunie le 14 novembre, est parvenue à un accord sur l'ensemble des
dispositions restant en discussion.
Conformément aux propositions du Sénat, la commission mixte paritaire a décidé
de donner une définition législative de l'examen de la gestion locale,
affirmant ainsi clairement que cet examen ne porte pas sur les objectifs fixés
par les collectivités locales.
Elle a décidé de ramener à dix ans la durée de la prescription en matière de
gestion de fait et de poser l'interdiction de publier ou de communiquer les
observations définitives concernant une collectivité locale dans le délai de
trois mois précédant le renouvellement de son assemblée délibérante.
Elle a également décidé de transférer aux comptables supérieurs du Trésor
l'apurement des comptes des associations syndicales autorisées et des
associations de remembrement, ce qui allégera considérablement la tâche des
chambres régionales et leur permettra de concentrer leurs travaux sur les
collectivités locales.
Elle a, enfin, décidé de permettre la rectification d'observations définitives
sur la gestion par une chambre régionale des comptes. Je précise que,
conformément à la jurisprudence administrative, ce droit à rectification ne
vise que les erreurs matérielles ou les erreurs manifestes que pourrait
commettre une chambre régionale.
En revanche, la commission mixte paritaire a écarté la possibilité
d'introduire un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat contre
ces mêmes observations définitives. Sans doute la réforme proposée par le
groupe de travail du Sénat sur les chambres régionales des comptes n'était-elle
pas encore mûre, quand bien même elle irait dans le sens de l'évolution du
droit.
Après avoir présenté les solutions élaborées par la commission mixte paritaire
sur les quelques difficultés, certes importantes, qui subsistaient, je voudrais
m'arrêter quelques instants, de manière plus générale, sur ce texte que nous
examinons pour la dernière fois.
Il aura fallu près de deux ans pour mener à bien la procédure législative.
C'est long, mais je crois que le texte y a gagné sur le plan qualitatif.
Le Gouvernement a présenté à l'Assemblée nationale, en mars 2000, monsieur le
secrétaire d'Etat, un projet de loi qui avait un objet exclusivement
statutaire. Il répondait à l'attente légitime des magistrats financiers,
confrontés à une charge de travail croissante, de voir leur statut aligné sur
celui de leurs homologues des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel, qui remonte à 1997. Je m'en souviens très bien puisque
je fus, à l'époque, le rapporteur de ce texte.
Le texte que nous adoptons aujourd'hui doit être pour le corps jeune qui est
celui des magistrats financiers un encouragement et une motivation positive.
Sur ce point, l'Assemblée nationale et le Sénat ont rapidement trouvé un
accord, et nous attendons vos propositions, monsieur le secrétaire d'Etat, pour
doter les magistrats de la Cour des comptes d'un véritable statut.
En revanche, le projet de loi initial ignorait le souhait des élus d'une
réforme des procédures applicables devant les chambres régionales des comptes
qui leur offre une plus grande sécurité juridique - cela avait été rappelé
maintes fois, y compris pendant les débats au Sénat.
Je rappelle que le Sénat avait très tôt cherché à mettre fin au malaise
persistant des uns et des autres.
Sur l'initiative de la commission des lois et en collaboration avec la
commission des finances, une réflexion approfondie avait été menée par le
groupe de travail sur les chambres régionales des comptes, présidé par M.
Jean-Paul Amoudry et dont le rapporteur était notre excellent collègue M.
Jacques Oudin. Ces travaux avaient abouti à l'adoption par le Sénat, le 11 mai
2000, sur le rapport de M. Jean-Paul Amoudry, de la proposition de loi tendant
à réformer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures
applicables devant les chambres régionales des comptes.
Consciente de la nécessité d'engager une réforme globale des juridictions
financières, l'Assemblée nationale avait d'ailleurs introduit deux articles
destinés à renforcer le caractère contradictoire des procédures qui leur sont
applicables.
Avant même la réunion de la commission mixte paritaire, la navette entre les
deux assemblées avait ainsi permis de dégager un accord sur des réformes
importantes, dont la portée a peut-être parfois été mal comprise.
S'agissant de la procédure d'examen de la gestion locale, les documents
provisoires des chambres régionales des comptes seront soumis à la règle de
non-communication déjà en vigueur pour les mêmes documents de la Cour des
comptes. Les élus seront désormais en mesure d'apporter une réponse écrite aux
observations des juridictions financières, qui sera publiée en même temps que
le rapport d'observations définitives.
S'agissant de la gestion de fait, l'Assemblée nationale et le Sénat ont
simplement mis fin à la sanction d'inéligibilité, automatique et inadaptée,
applicable aux comptables de fait. Nous lui avons substitué, d'un commun
accord, un mécanisme de suspension des exécutifs locaux de leurs fonctions
d'ordonnateur à l'issue d'un jugement définitif, c'est-à-dire, je le précise,
d'un jugement rendu en appel.
Ce dispositif - j'y insiste, et je rends hommage à notre collègue José
Balarello d'en avoir été l'un des principaux promoteurs - n'aura pas pour effet
d'écarter toute sanction élective : de telles sanctions subsisteront pour les
gestions de fait dont le caractère frauduleux conduirait à la mise en oeuvre
d'une procédure pénale au terme de laquelle des peines complémentaires
d'inéligibilité peuvent, le cas échéant, être prononcées.
Je dirai, enfin, que le Sénat a joué tout son rôle d'assemblée de réflexion.
J'ajouterai que la réflexion peut être d'autant plus positive que l'on n'est
pas placé devant la procédure d'urgence et que la navette peut s'exercer dans
toute sa plénitude.
Le Sénat a constamment été une force de proposition dans ce débat. Il a
souvent pu emporter la conviction de nos collègues députés et du Gouvernement,
et il a démontré le rôle constructif qu'il entendait jouer dans la réforme des
chambres régionales des comptes.
Ce projet de loi est aujourd'hui un bon texte, un texte important. A ce stade,
mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter les conclusions de
la commission mixte paritaire.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, après l'excellente intervention de M. le rapporteur
retraçant le parcours du présent texte de loi jusqu'à son examen, aujourd'hui,
en « dernière » lecture, par votre Haute Assemblée, je me bornerai à faire
quelques remarques pour montrer combien ce travail, souhaité par les
parlementaires, abouti et enrichi par les différents apports des deux
assemblées, peut être totalement accepté par le Gouvernement.
En décidant d'examiner la seconde partie du texte, ajoutée par vos soins,
relative aux compétences et procédures des chambres régionales des comptes, les
députés avaient, lors de leur deuxième lecture du projet, ouvert la voie à un
accord définitif avant la fin de la législature, voire avant la fin de cette
année.
Aussi bien au cours de la discussion générale que lors de l'examen des
articles en deuxième lecture, le Gouvernement a constaté dans votre assemblée
cette même volonté d'aboutir.
Que la commission mixte paritaire soit parvenue à élaborer un texte commun ne
constitue pas, dès lors, une réelle surprise, et cela vient d'être rappelé avec
les attendus. Mais cela n'ôte rien à la satisfaction que cet accord apporte, et
ce à un double titre.
En premier lieu, l'accord entre les deux assemblées permet l'adoption
définitive du projet de loi avant la fin de l'année. La mise en oeuvre de la
réforme statutaire, qui était initialement la seule vocation de ce texte et qui
est, comme chacun le sait ici, aussi attendue que justifiée, n'est plus, à
présent, que l'affaire de quelques semaines.
En second lieu, cet accord n'a pas été recherché à tout prix, il s'est conclu
sur un dispositif équilibré et de qualité.
Les dispositions statutaires vont apporter aux magistrats des chambres
régionales des comptes, d'abord, une carrière linéaire et revalorisée, ensuite,
des possibilités de déroulement de carrières attractives au sein de l'ensemble
des juridictions financières que forment les chambres régionales des comptes
avec la Cour des comptes et, enfin, une gestion du corps plus ouverte.
Les dispositions non statutaires de ce texte, qui précisent notamment le cadre
et les modalités d'exercice de l'examen de la gestion, donnent la mesure de
l'importance accordée à cette mission impartie aux chambres régionales des
comptes, à côté de celles du jugement des comptes et du contrôle budgétaire.
Les magistrats des chambres régionales des comptes, qui sont loin d'être
indifférents aux critiques dont leur travail fait l'objet ici ou là, devraient
y trouver les conditions d'un exercice serein de leurs fonctions.
En conclusion, je me réjouis que ce texte puisse aboutir avant la fin de
l'année. Je ne manquerai pas d'en informer Mme Parly, dont je vous prie de bien
vouloir excuser l'absence. Elle est actuellement retenue à Bruxelles par un
ordre du jour chargé, mais elle sera présente dès demain au Sénat pour la
discussion du projet de loi de finances.
Permettez-moi, enfin, de remercier tous ceux qui ont permis que ce texte
aboutisse, en particulier votre rapporteur, M. Daniel Hoeffel, pour sa rigueur,
sa connaissance du dossier, son travail d'enrichissement et sa capacité de
médiation.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
après de nombreuses pérégrinations, nous arrivons au terme de l'élaboration du
texte relatif aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes,
avec la présentation, aujourd'hui, des conclusions de la commission mixte
paritaire.
Je tiens tout d'abord à me féliciter de l'accord qui a été trouvé à cette
occasion entre les deux chambres, d'autant plus que ce dernier a pu se faire
sur des bases que je considère acceptables et de qualité. Il convient de
saluer, ici, la volonté des membres et des rapporteurs de la commission mixte
paritaire d'aboutir à un texte commun, un texte attendu, comme l'a rappelé
notre rapporteur, M. Daniel Hoeffel.
Que de chemin parcouru, en effet, depuis la première lecture à l'Assemblée
nationale, le 30 mars 2000 !
Partis d'un texte destiné, à l'origine, à la seule revalorisation du statut
des magistrats financiers, à l'instar de leurs homologues des tribunaux
administratifs, nous sommes parvenus à un texte qui modifie également les
compétences des juridictions financières.
Un volet procédural a ainsi été ajouté aux dispositions statutaires, ce qui,
dans un premier temps, avait suscité les inquiétudes des sénateurs communistes
et leur hostilité à la version telle qu'elle était issue de la commission des
lois du Sénat.
Les députés de la majorité plurielle sont, quant à eux, revenus à un texte
plus équilibré, tout en réservant, par ailleurs, un accueil favorable à
certaines mesures émanant de la Haute Assemblée.
Au fil des navettes - et c'est tout l'intérêt des navettes par rapport à la
procédure d'urgence - il a pu être trouvé un juste milieu pour ce texte.
A lire le rapport de la commission mixte paritaire, je constate que les
amendements que j'avais défendus, sans succès, en seconde lecture ont été pris
en compte et que nos préoccupations ont été entendues. Je ne peux que m'en
réjouir.
A lire les conclusions qui ont été adoptées, je serais tenté de dire que les
critiques que nous avions exprimées ici même et nos votes qui en ont découlé
étaient finalement fondés.
Force est donc de constater que la portée des dispositions introduites par le
Sénat, dès la première lecture, monsieur le rapporteur, visant à encadrer le
contrôle des chambres régionales des comptes sur la gestion des collectivités
locales et à limiter leur champ de compétences a été restreinte.
Si le texte contient un volet procédural, le rôle des chambres régionales des
comptes se trouve, par ailleurs, réaffirmé par le renforcement de la procédure
contradictoire.
S'agissant de la définition de l'examen de gestion figurant à l'article 31 A,
à laquelle la majorité sénatoriale est très attachée, un accord a été trouvé en
commission mixte paritaire sur une nouvelle rédaction.
Les formules retenues par le Sénat lors des lectures précédentes ne nous
convenaient pas, car elles avaient pour objet principal de restreindre le champ
de compétences des chambres régionales des comptes. C'est pourquoi nous avions
souhaité amender cet article.
Je note ici avec satisfaction que le membre de phrase qui nous posait problème
ne figure plus dans l'article 31 A issu de la commission mixte paritaire.
Quant à l'article 31 D, traitant de la prescription en matière de gestion de
fait, désormais fixée à dix ans, nous l'avions critiqué parce qu'il instituait
parallèlement une prescription « rampante ». Nous avions donc déposé un
amendement supprimant l'impossibilité de prononcer la gestion de fait
s'agissant des exercices pour lesquels les comptes du comptable public auraient
déjà été purgés par la chambre régionale des comptes. Je me réjouis que cet
alinéa ne figure plus dans les conclusions de la commission mixte paritaire.
Nous étions, par ailleurs, très hostiles à l'article 35, introduit par le
Sénat et supprimé par l'Assemblée nationale, instituant une formule d'appel sur
les lettres d'observations définitives. Considérant que le caractère
contradictoire de la procédure de l'examen de gestion se trouve renforcé par le
présent projet de loi, la commission mixte paritaire n'a pas souhaité
reconnaître à ces lettres d'observations définitives le caractère d'actes
faisant grief. Elle a, en conséquence, supprimé la possibilité d'un tel
recours, ce qui nous agrée pleinement.
Aussi, pour conclure sur le sujet, les sénateurs communistes émettront un vote
positif sur les conclusions de la commission mixte paritaire, car elles
constituent un compromis acceptable. En effet, les dispositions du texte qui
nous posaient le plus de difficultés et qui nous avaient, jusqu'à présent,
empêchés d'émettre un vote favorable ont disparu.
Je pense que ce texte, pour lequel un point d'équilibre a été trouvé, donnera
satisfaction aux magistrats financiers, dont le statut se trouve par ailleurs
revalorisé, aux élus ainsi qu'à leurs administrés.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ;
d'autre part, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale,
il statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du
texte.
En l'occurrence, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :