SEANCE DU 20 NOVEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Renar, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots : ", le cas échéant". »
« II. - En conséquence, dans les deuxième (1°) et cinquième (2°) alinéas du I du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 1431-4 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots : ", le cas échéant,". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ivan Renar, rapporteur. L'Assemblée nationale introduit dans le premier des articles nouveaux concernant l'EPCC, ainsi que dans deux autres articles, la mention « le cas échéant » pour insister sur le fait que les collectivités ou leurs groupements pourront créer des EPCC sans la participation de l'Etat.
Sur le fond, cette précision est redondante, puisque l'article 2 de la proposition de loi, qui a été adopté conforme, prévoit expressément cette possibilité.
Sur la forme, cette adjonction n'est pas très heureuse et, de surcroît, elle est ambiguë. En effet, l'expression « le cas échéant » ne veut pas dire grand-chose si l'on ne précise pas de quel cas il s'agit.
Je dois dire, d'ailleurs, que l'amendement de l'Assemblée nationale a été très mal compris par plusieurs organisations professionnelles, qui l'ont interprété comme permettant un désengagement de l'Etat.
Nous proposons donc de supprimer cette mention, étant entendu que cette suppression ne change rien à la possibilité de créer des EPCC sans l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à l'amendement de la commission.
Il y a eu un malentendu sur le texte voté par l'Assemblée nationale ; la rédaction ayant été interprétée par certains comme la marque d'une volonté de désengagement de l'Etat, je tiens à préciser la démarche de l'Assemblée nationale, que nous avions approuvée.
Le rapporteur de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, en déposant cet amendement, n'était motivé que par le souci de permettre aux collectivités et à leurs groupements de créer un établissement public de coopération culturelle avec l'Etat, mais aussi sans l'Etat, et traduisait donc, ce faisant, la préoccupation du Gouvernement d'affirmer le caractère décentralisateur de l'EPCC.
Toutefois, dès lors que l'article 2 de la proposition de loi prévoit clairement que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer un établissement public de coopératoin culturelle sans l'Etat, il ne semble pas obligatoire de maintenir la précision rédactionnelle introduite par l'Assemblée nationale. Le renvoi au titre III du code général des collectivités territoriales mentionné à l'article 2 de la proposition de loi n'a pas pour objet de rendre la présence de l'Etat obligatoire.
Je tiens à ajouter que l'article 2 concerne tant la création d'un EPCC résultant d'un projet nouveau que la transformation d'une institution existante.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, M. Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements publics de coopération culturelle dont l'activité principale consiste en la production de spectacle vivant sont des établissements publics à caractère industriel et commercial. »
L'amendement n° 8, présenté par MM. Pelletier et Laffitte, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements en charge d'une activité de spectacle vivant présentent un caractère industriel et commercial. »
La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° 4.
Mme Danièle Pourtaud. Notre amendement vise à prendre en compte une catégorie bien précise d'établissements publics de coopération culturelle, comme je l'annonçais à l'instant à l'occasion de la discussion générale.
Je veux parler de ces établissements qui auront pour principale activité la production de spectacles vivants quels qu'ils soient, qu'il s'agisse d'opéra de musique, de chorégraphie, de théâtre, ou même de pratiques plus récentes et alternatives.
Même si, à l'instar de celles d'une bibliothèque, d'une médiathèque ou d'un centre d'arts plastiques, les activités des entreprises de spectacle vivant relèvent aussi du champ culturel - qui en doute ? -, leur nature est totalement différente.
Il s'agit, dans la majeure partie des cas, d'activités de groupe qui nécessitent des recrutements de personnels à long terme.
A titre d'exemple, le son, la couleur d'un orchestre ne s'obtiennent que par le travail prolongé de tous les membres de cet orchestre. C'est l'habitude de travailler ensemble sous la direction d'un chef qui fait la qualité de la formation. Il en va de même pour le travail d'une troupe d'opéra ou de théâtre.
Pour ces activités, les responsables des établissements publics culturels auront besoin de recruter des personnels non fonctionnaires à long terme. Il ne peut être envisagé de soumettre, en vertu de la loi Galland, l'ensemble de ces personnels à des contrats à durée déterminée renouvelables tous les trois ans, ce qui entraînerait une situation de précarité extrême pour l'ensemble des personnes employées par des EPCC gérant une activité de spectacle vivant.
Il est acquis que le secteur du spectacle vivant ne pourra se prévaloir d'entrer dans le champ d'application de l'article L. 1431-6, alinéa 2, du code général des collectivités territoriales, qui, selon le souhait de M. le rapporteur, permettra aux EPCC constitués sous forme d'établissement public administratif de déroger aux dispositions statutaires s'appliquant à la fonction publique territoriale et d'embaucher ainsi, pour des activités de communication ou d'édition, des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée.
Pour éviter d'éventuels contentieux devant les juridictions administratives, il convient donc de prévoir dans la loi que les établissements publics de coopération culturelle prendront automatiquement la forme juridique d'un EPIC, lorsque leur activité principale consistera en la production de spectacles vivants.
Il nous paraît important de mentionner le caractère principal de l'activité ; il ne faudrait pas, en effet, que n'importe quelle école de danse, de musique ou de théâtre réalisant un spectacle de fin d'année soit englobée dans le champ d'application de ce dispositif.
Il me semble, par ailleurs, que cette précison permet de lever l'inquiétude de M. le rapporteur sur la compabilité de cette disposition avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Pelletier, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Jacques Pelletier. L'amendement n° 8 que, j'ai déposé avec mon collègue Pierre Laffitte, va dans le même sens que celui qui vient d'être défendu par Mme Pourtaud ; je le retire donc au profit de l'amendement n° 4.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 4 ?
M. Ivan Renar, rapporteur. Je comprends très bien la préoccupation des auteurs de l'amendement, je m'en suis expliqué dans mon intervention liminaire.
Certains artistes craignent que le juge administratif ne puisse requalifier en service public administratif un établissement public à caractère industriel et commercial qui gérerait une entreprise de spectacle vivant ; je ne l'ignore pas.
Dans un certain nombre de cas, en effet, le juge a considéré que des services publics culturels, tels des opéras ou des festivals, étaient des services publics administratifs en raison, notamment, de la structure de leur financement, quasi exclusivement public. Cette crainte ne nous paraît pas fondée.
Je le répète, cette jurisprudence s'était développée dans le silence de la loi, faute d'un texte législatif conférant expressément le droit à la collectivité gérant un tel établissement de lui donner telle ou telle qualification. Désormais, nous disposerons d'un texte, celui que nous examinons, qui fera obligation aux fondateurs d'un EPCC d'opter, dès le départ, entre le caractère administratif et le caractère industriel et commercial en fonction - j'insiste sur ce point - de la nature de l'activité de l'établissement et des nécessités de sa gestion.
Pour tout ce qui concerne le spectacle vivant, le choix sera sans doute celui du caractère industriel et commercial ; pour le reste, ce sera selon les cas. Il est cependant évident que les musées, les grandes bibliothèques et les écoles d'art seront des établissements publics administratifs dès lors que leurs responsables, collectivités et artistes, en auront ensemble décidé ainsi.
Il me semble donc que le problème se posera différemment et que, si le juge administratif est saisi, il devra en tenir compte, parce que la volonté du législateur aura été claire, tout comme celle des partenaires. Les travaux préparatoires et les débats, en commission comme en séance publique, seront très explicites sur les raisons et la logique de l'option que nous aurons ouverte.
Faut-il aller plus loin et prévoir expressément que tel service devra être géré par un établissement à caractère administratif, tel autre par un établissement à caractère industriel et commercial ? Comme le remarquait le rapporteur de l'Assemblée nationale, ce serait sans doute contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. C'est un argument qui a sa valeur et que certaines des organisations que j'ai rencontrées et qui s'inquiétaient à cet égard m'ont paru admettre. J'ajoute que, si nous imposons un choix pour les EPCC de spectacles vivants, il faudrait faire de même pour tous les autres.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable au nom de la majorité de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. Il nous apparaît essentiel que la loi créant cette catégorie nouvelle d'établissements publics soit placée sous le signe de la souplesse et de la liberté d'organisation des membres fondateurs. Pour cette raison, le Gouvernement n'a pas, jusqu'à présent, donné d'avis favorable aux propositions allant dans le sens d'une détermination législative du caractère industriel et commercial des activités de spectacle vivant.
Pour autant, et dès la première lecture, j'ai toujours affirmé que le spectacle vivant ne pouvait que relever d'établissements publics à caractère industriel et commercial ; cela me paraissait le sens même de la loi.
L'argumentation de M. le rapporteur me semble fort judicieuse mais, comme Mme Pourtaud, depuis quelques mois, j'entends les inquiétudes de certaines organisations que nous n'arrivons pas à convaincre, malgré la force de ce que nous avons écrit.
Aussi, dans le souci de voir cette loi recueillir dès le départ l'adhésion massive de tous ceux qu'elle intéresse directement, j'émets un avis favorable sur cette proposition.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Les propos de M. le rapporteur me confirment dans mon opposition à cet amendement et je m'étonne de la position prise par Mme Pourtaud ainsi que par M. le secrétaire d'Etat. En effet, dans quel pays sommes-nous ? La loi, c'est la loi, et elle s'impose à tous. Or, pour faire plaisir à quelques associations, on voudrait préciser ce qui va de soi et qui est déjà très clair dans la loi.
Comme M. le rapporteur l'a indiqué, si une jurisprudence a pu naître, c'est précisément parce qu'il y avait un vide législatif. Aujourd'hui, les choses sont claires ; la loi sera votée ; les travaux parlementaires montreront bien quelle était la volonté du législateur ! Cela suffit largement. Aller au-delà, c'est mettre en doute notre propre pouvoir législatif. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Philippe Nogrix. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. L'intervention de M. Chérioux m'amène à rappeler que l'on peut toujours considérer que le verre est à moitié vide ou à moitié plein...
S'il est évident pour tout le monde que les établissements publics gérant le spectacle vivant seront des EPIC, alors il n'est absolument pas gênant de l'inscrire dans la loi. Nous éviterons ainsi des recours devant les tribunaux administratifs, nous gagnerons en clarté et en transparence, et nous répondrons aux inquiétudes d'un certain nombre de professionnels du secteur.
Il ne s'agit pas de faire plaisir à qui que ce soit : il s'agit de mettre en oeuvre notre volonté commune d'organiser enfin de manière claire et juridiquement sécurisée - car c'est bien ce que nous faisons là - un certain nombre d'activités culturelles. Alors, autant le dire clairement et, pour s'en tenir au bon sens français, suivre le proverbe : « Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant. »
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 1431-2 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES