SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 12. - I. - Dans le chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième
partie du code général des collectivités territoriales, la section 2 est
intitulée : "Aménagement et développement durable" et comprend trois
sous-sections intitulées : "Sous-section 1. - Plan d'aménagement et de
développement durable", "Sous-section 2. - Transports et gestion des
infrastructures" et "Sous-section 3. - Logement"
« II. - La sous-section 1 de la même section 2 comprend les articles L. 4424-9
à L. 4424-15 ainsi rédigés :
«
Art. L. 4424-9
. - La collectivité territoriale de Corse élabore le
plan d'aménagement et de développement durable de Corse.
« Le plan fixe les objectifs du développement économique, social, culturel et
touristique de l'île ainsi que ceux de la préservation de son environnement.
« Il définit les orientations fondamentales en matière d'aménagement de
l'espace, de transports selon une approche multimodale, de télécommunications,
de valorisation des ressources énergétiques, de protection et de mise en valeur
du territoire de l'île. Ces orientations respectent, dans une perspective de
développement durable, l'équilibre entre les objectifs de renouvellement et de
développement urbains, de diversité sociale de l'habitat, de préservation des
activités agricoles et forestières ainsi que de protection des espaces
naturels, des sites et des paysages.
« Il détermine les principes de localisation des grandes infrastructures de
transport et des grands équipements, des espaces naturels, des sites et des
paysages à préserver, des extensions urbaines, des activités industrielles,
artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et
sportives.
«
Art. L. 4424-10
. - I. - Le plan d'aménagement et de développement
durable peut, par une délibération particulière et motivée de l'Assemblée de
Corse, fixer, pour l'application du premier alinéa de l'article L. 146-6 du
code de l'urbanisme, la liste des espaces terrestres et marins, sites et
paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du
littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques à
préserver. Cette délibération tient lieu du décret prévu au premier alinéa du
même article L. 146-6. Elle définit également leur localisation.
« II. - Le plan d'aménagement et de développement durable peut également, par
une délibération particulière et motivée de l'Assemblée de Corse, déterminer,
en tenant compte de la fréquentation touristique de certains sites et de la
préservation de l'environnement, les espaces situés dans la bande littorale
définie au III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme dans lesquels
peuvent être autorisés, indépendamment des dérogations prévues au III du même
article L. 146-4 et dans les conditions que le plan précise, des aménagements
légers et des constructions non permanentes destinés à l'accueil du public, à
l'exclusion de toute forme d'hébergement, dans le respect des paysages et des
caractéristiques propres à ces sites.
« La réalisation de ces aménagements et constructions est soumise à l'enquête
publique prévue au III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Une
enquête publique unique portant sur l'ensemble des aménagements et
constructions prévus peut être organisée dès lors que le dossier d'enquête
précise les conditions d'aménagement et de gestion de l'ensemble des espaces en
cause.
« III. - Le plan d'aménagement et de développement durable peut également,
par une délibération particulière et motivée de l'Assemblée de Corse, précisant
notamment les modalités d'organisation et de tenue d'un débat public
préfigurant l'évaluation mentionnée au IV, définir, à l'exclusion des espaces
et milieux remarquables mentionnés au premier alinéa de l'article L. 146-6 du
code de l'urbanisme ainsi qu'à l'exclusion des espaces, des paysages et des
milieux offrant un intérêt esthétique indéniable ou présentant un aspect
exceptionnel, caractéristique du patrimoine naturel et culturel de l'île, et
des espaces nécessaires au maintien et au développement des activités
agricoles, pastorales, forestières et maritimes, des espaces où la topographie
et l'état des lieux peuvent justifier, par dérogation aux dispositions du I de
l'article L. 146-4 du même code, une urbanisation non située en continuité de
l'urbanisation existante ni constituée en hameaux nouveaux. Dans les espaces
ainsi définis, les plans locaux d'urbanisme peuvent créer, après consultation
de la chambre d'agriculture et du conseil des sites de Corse, et après enquête
publique, des zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil
limitées. Le plan d'aménagement et de développement durable définit, selon des
modalités compatibles avec la préservation du caractère naturel de ces espaces,
les règles d'organisation et les conditions d'insertion dans les sites et les
paysages de ces zones d'urbanisation future.
« IV. - Un rapport d'évaluation annuel portant sur la mise en oeuvre des
dispositions prévues par le présent article et précisant leur impact réel sur
l'environnement et le développement durable est établi par la collectivité
territoriale de Corse et adressé au Premier ministre, qui le transmet au
Parlement.
«
Art. L. 4424-11
. - Le plan d'aménagement et de développement durable
a les mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement définies à
l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme. Il peut préciser les modalités
d'application, adaptées aux particularités géographiques locales, des articles
L. 145-1 à L. 146-9 du même code relatifs aux dispositions particulières aux
zones de montagne et au littoral.
« Les schémas de cohérence territoriale, les schémas de secteur, les plans
locaux d'urbanisme et les cartes communales doivent être compatibles avec le
plan.
« Les dispositions du plan qui précisent les modalités d'application des
articles L. 145-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme sont applicables aux
personnes et opérations mentionnées à ces articles.
«
Art. L. 4424-12
. - Le plan d'aménagement et de développement durable
vaut, pour les secteurs qu'il détermine, schéma de mise en valeur de la mer au
sens de l'article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la
répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et
l'Etat. Les dispositions correspondantes sont regroupées dans un chapitre
individualisé au sein du plan.
« Il vaut schéma régional d'aménagement et de développement du territoire au
sens de l'article 34 de la même loi.
« Les dispositions du plan relatives aux services collectifs de transport
valent schéma régional de transport au sens de l'article 14-1 de la loi n°
82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs et
s'imposent aux plans départementaux des transports.
«
Art. L. 4424-13
. - Le plan d'aménagement et de développement durable
est élaboré par le conseil exécutif.
« Le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse, les
départements, les communes ou leurs groupements compétents en matière
d'urbanisme, les chambres d'agriculture, les chambres de commerce et
d'industrie et les chambres de métiers sont associés à l'élaboration du projet
de plan selon des modalités définies par délibération de l'Assemblée de Corse.
Des organisations professionnelles peuvent également être associées, dans les
mêmes conditions, à son élaboration.
« Le représentant de l'Etat porte à la connaissance du conseil exécutif les
projets d'intérêt général et les opérations d'intérêt national répondant aux
conditions fixées en application de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme.
Le plan prend en compte ces projets et ces opérations et comporte, le cas
échéant, les dispositions nécessaires à leur réalisation.
« Le projet de plan arrêté par le conseil exécutif est soumis pour avis au
conseil économique, social et culturel de Corse ainsi qu'au conseil des sites
de Corse puis adopté par l'Assemblée de Corse. Les dispositions du projet de
plan prises en application de l'article L. 4424-10 font l'objet de
délibérations particulières et motivées de l'Assemblée de Corse. Le projet
ainsi adopté, assorti des avis du conseil économique, social et culturel de
Corse et du conseil des sites de Corse, est soumis à enquête publique dans les
conditions prévues par les articles L. 123-1 à L. 123-16 du code de
l'environnement.
« Au vu des résultats de l'enquête publique, le plan d'aménagement et de
développement durable est approuvé par l'Assemblée de Corse selon les mêmes
modalités que pour son adoption.
«
Art. L. 4424-14
. - Un contrat de plan entre l'Etat et la collectivité
territoriale de Corse ne peut être conclu qu'après l'approbation par
l'Assemblée de Corse du plan d'aménagement et de développement durable.
«
Art. L. 4424-15
. - Le représentant de l'Etat dans la collectivité
territoriale de Corse peut demander à la collectivité territoriale de Corse la
modification du plan d'aménagement et de développement durable afin de
permettre la réalisation d'un projet d'intérêt général ou d'une opération
d'intérêt national répondant aux conditions fixées en application de l'article
L. 121-9 du code de l'urbanisme.
« La collectivité territoriale de Corse apporte une réponse dans un délai de
six mois. »
Sur l'article, la parole est à M. Le Pensec.
M. Louis Le Pensec.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai tenu à
rappeler, dans la discussion générale, la dimension particulière que revêtait
en Corse la question du littoral. Au demeurant, le terme « dimension » est bien
celui qui convient, dans la mesure où les 70 % du littoral corse restés à
l'état naturel peuvent être comparés aux 4 % seulement du littoral des
Alpes-Maritimes qui sont dans ce cas. Percevoir cette différence, c'est mesurer
la difficulté qu'il y a à appliquer une loi sur tout le territoire national,
ainsi que la nécessité de prévoir les adaptations indispensables.
C'est pleinement conscients de ce diagnostic - qui est, je crois, largement
partagé sur toutes ces travées - que les auteurs du présent projet de loi ont
tenté de trouver la voie juridique susceptible de concilier la nécessité du
développement de la Corse et l'impératif du respect de son environnement.
Le projet de loi a été amélioré par l'Assemblée nationale. J'ai développé hier
mon sentiment sur le contenu de cette disposition, et je ne crois pas utile,
monsieur le président, d'y revenir ce soir.
Dès lors que le Sénat suivra, comme je le pense, la position de sa commission
en supprimant les dispositions de l'article 12, nous entrons dans une logique
différente, à laquelle nous ne saurions souscrire. Cela signifie notamment,
très concrètement, que les amendements n°s 44, 45, 46 et 47 ne sauraient
recueillir notre agrément.
J'ai déjà donné acte hier à M. le rapporteur des efforts d'imagination qu'il a
fournis pour tenter de trouver une issue. Il a appelé à son secours le
Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, et il n'y a à cela
rien de surprenant si l'on considère que cet établissement public national a
acheté 15 000 hectares en Corse, soit 21 % du linéaire côtier de l'île, et
qu'il est donc désormais acquéreur d'environ 1 % de ce linéaire côtier par an,
soit 500 hectares.
La Corse est, il faut le dire, exemplaire à ce sujet. De telles acquisitions
ont d'ailleurs été opérées en concertation avec les élus de Corse, sur leur
demande. Il me plaît ainsi de souligner ici que les élus de Corse ont été de
grands défenseurs de la préservation de leur littoral.
La région de Corse se place au tout premier rang en matière d'acquisition par
le conservatoire, c'est-à-dire de préservation définitive puisque le statut des
terrains acquis est tel qu'ils demeureront préservés, sous réserve de quelques
aménagements nécessaires pour accueillir le public.
La solution qui nous est proposée par la commission ne m'a pas surpris. Pour
avoir présidé l'établissement public et pour avoir proposé au Premier ministre
les modalités successives de sa réforme, je dois toutefois rappeler que les
dispositions législatives qui ont fondé, au cours des décennies, le
Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ont presque
toujours été votées à l'unaminité, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Or
je crains que la proposition qui nous est faite, à travers les amendements de
la commission spéciale, n'ébrèche un peu une telle unanimité.
Les amendements n°s 44 à 47 prévoient notamment une urbanisation limitée, sous
réserve d'une cession de terrains à titre gratuit au Conservatoire du littoral.
Une telle autorisation d'urbanisation limitée, dans le cadre d'un plan de
développement durable, n'est pas condamnable en soi, même si elle semble
éminemment difficile à gérer.
D'aucuns diront : « De quoi se plaint-on ? Quel cadeau au Conservatoire que
ces milliers d'hectares cédés gratuitement ! » Je crains toutefois que ce ne
soit un cadeau empoisonné. En effet, j'ai eu l'occasion de préciser en
commission les modalités d'intervention du Conservatoire du littoral : un
hectare ne peut être inclus dans le portefeuille du Conservatoire qu'avec
l'accord de son conseil d'administration. Or ce conseil, où les élus sont
représentés, est très soucieux que les espaces acquis constituent un ensemble
naturel cohérent, assurant la préservation des sites, des paysages et des
écosystèmes.
Certes, la disposition prévue par la commission spéciale est astucieuse,
puisqu'elle s'accompagne de la protection définitive, par attribution au
Conservatoire, de territoires dix fois plus vastes. Cette procédure sera
cependant difficile à gérer ! Sur l'initiative de la commune, relayée par la
collectivité territoriale dans le plan d'aménagement durable, il reviendra
ainsi au conseil d'administration du Conservatoire d'accepter la proposition
qui lui est faite, au risque d'apparaître comme favorisant l'urbanisation, ou
de la refuser, rendant alors impossible une opération parce que les terrains
qu'on lui propose ne lui conviennent pas.
Le Conservatoire a toujours refusé de se laisser entraîner dans des
discussions touchant à l'urbanisme ou aux mécanismes nécessairement frustrants
de la compensation.
Enfin, on peut se demander comment - et à quel prix - le Conservatoire pourra
continuer à acquérir des terrains inconstructibles qui, parce qu'ils auront de
fait retrouvé une valeur potentielle d'échange, seront conservés par leur
propriétaire ou achetés, en prévision, par les promoteurs.
Le dispositif que vous propose la commission spéciale empêchera ainsi le
Conservatoire du littoral de mettre pleinement en oeuvre sa propre stratégie,
en le rendant - en Corse notamment - dépendant des propositions qui lui seront
faites. De la sorte, à partir d'une idée
a priori
généreuse, on risque
de mettre en oeuvre un mécanisme diabolique susceptible de troubler la sérénité
de tous par la multiplication des contentieux.
Je me devais de vous faire part de quelques réflexions pour éclairer la
discussion à venir.
M. le président.
La parole est à M. Natali.
M. Paul Natali.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je
l'avais annoncé dans la discussion générale, je confirme mon désaccord avec les
propositions de notre rapporteur sur l'article 12.
Notre rapporteur, j'en suis certain, était animé de bonnes intentions. Mais,
en l'occurrence, le mieux est l'ennemi du bien.
Quelle est la situation dans l'île en matière de gestion du littoral ? Il
s'avère que, dans son application, la loi « littoral » n'a pas su prendre en
considération les particularités géographiques et topographiques de la Corse.
C'est pourquoi elle introduit, de fait, un déséquilibre entre les notions de
protection et de mise en valeur.
Il nous faut sortir de cette situation de blocage tout en maintenant une
grande rigueur en matière de respect de nos richesses naturelles.
De ce point de vue, les élus corses ne sont pas suspects. Ils ont, en effet,
largement contribué à la politique d'acquisition du conservatoire du
littoral.
Je remercie d'ailleurs M. Le Pensec des propos qu'il a tenus. Effectivement,
les élus ont grandement participé à l'acquisition d'une multitude de terrains
dans des conditions financières très favorables par le Conservatoire du
littoral.
C'est ainsi que le Conservatoire dispose, à ce jour, en Corse, de 15 000
hectares, et bientôt de 23 000, puisque 8 000 sont en cours d'acquisition,
après un accord ferme et définitif.
J'ai eu cette information aujourd'hui même de M. Toison, chargé de mission :
il m'a dit que l'acquisition des 8 000 hectares actuellement en cours a reçu
l'accord du conseil d'administration, du conseil des rivages et des communes
concernées.
Ces 25 000 hectares représentent une part très importante de notre linéaire
côtier. Comparativement aux autres régions françaises, c'est amplement
supérieur.
Sur le plan national, la totalité des terrains acquis par le Conservatoire du
littoral doit s'établir à environ 65 000 hectares. En Corse, il a acquis 25 000
hectares. Cela représente plus d'un tiers du total. C'est beaucoup.
Dans ces conditions, le fait de prévoir, comme le propose M. le rapporteur, la
cession à titre gratuit de 90 % de la surface des terrains constructibles non
seulement ne s'impose pas, mais, de plus, introduirait des éléments de blocage
supplémentaires par rapport à la situation existante.
Qui assurerait l'entretien des terrains cédés gratuitement au Conservatoire du
littoral ? Qui préviendrait les risques d'incendie sur ces terrains vierges ?
Le Conservatoire dispose en effet de trop peu de moyens de fonctionnement.
Quant aux 10 % restants, ils deviendraient, de fait, l'objet de
spéculations.
Je voudrais ouvrir une parenthèse sur ce sujet : pour avoir 10 hectares
constructibles, il faut en acquérir 100. Aujourd'hui, en Corse, le
Conservatoire du littoral paie de 15 à 20 francs le mètre carré, c'est-à-dire
de 150 000 à 200 000 francs l'hectare. Mais, pour un terrain constructible, le
prix du mètre carré pourrait atteindre 20 000 francs, ce qui est aberrant.
Je précise, par ailleurs, que le dispositif élaboré par notre commission,
notamment celui qui est prévu par l'amendement n° 44, serait impossible à
mettre en oeuvre, sauf dans les communes à structure foncière de grandes
propriétés. Or, en Corse, c'est la petite propriété qui domine et, de plus,
elle est très éparpillée entre de multiples propriétaires.
Je considère donc que les amendements de notre commission spéciale sur
l'article 12 conduiraient à imposer à la Corse des conditions beaucoup plus
restrictives qu'ailleurs en France. C'est pourquoi je ne les voterai pas.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le littoral de la Corse se distingue objectivement des façades
maritimes du continent. Cette île est une montagne dans la mer. Toutes les
communes de Corse sont soumises soit à la loi « montagne », soit à la loi «
littoral », voire aux deux lois à la fois.
M. Le Pensec a rappelé les nombreuses protections qui préservent ce littoral
de tout excès. Au total, 70 % du littoral corse est resté naturel, alors que ce
pourcentage est parfois bien inférieur à 10 % sur le continent.
Il s'agit là d'un acquis et d'un atout considérable qui représentent un
véritable capital nature qu'il n'est pas question de dilapider.
L'application de la loi « littoral », qui tend elle-même à conjuguer
protection et développement, vise avant tout à limiter l'urbanisation dans des
espaces littoraux déjà fortement urbanisés. Cette application ne se pose donc
pas dans les mêmes termes et n'a pas la même portée, d'une part, dans un
département ou une région où les espaces naturels sont résiduels, et, d'autre
part, en Corse, où du fait du caractère peu urbanisé du littoral, les
possibilités d'extension et d'urbanisation en continuité des agglomérations et
des villages existants sont limitées et où la fréquentation touristique des
plages se fait, pour une part importante, dans des espaces non urbanisés et
sous-équipés.
Les propositions du Gouvernement répondent à la demande des élus de
l'Assemblée de Corse, qui les ont approuvées, le 8 décembre dernier. Je tiens à
le redire : il ne s'agit pas là d'une initiative du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest.
On l'avait bien compris !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Tout d'abord, ces propositions ne portent
aucunement atteinte aux principes généraux de la loi « littoral », qui
resteront la référence commune pour les élus, l'Etat, dans l'exercice du
contrôle de la légalité, les associations et le juge, quand il sera saisi.
Les dispositions spécifiques du projet de loi relatif à la Corse imposent une
démarche, une méthode et encadrent étroitement l'exercice des compétences
confiées à la collectivité territoriale.
L'article 12 du projet de loi a pour objet de permettre à la collectivité
territoriale de Corse de mieux maîtriser son développement et l'aménagement de
son territoire.
Comme vous le savez, il est d'abord proposé de doter la Corse d'un plan
d'aménagement et de développement durable qui réponde à des impératifs majeurs,
en premier lieu celui de la simplification. C'est la raison pour laquelle il
est proposé de fondre un certain nombre de documents qui encadrent
l'aménagement de l'île, en particulier le plan de développement et le schéma
d'aménagement de la Corse en un seul document qui favorisera la définition des
orientations, des objectifs et des priorités de la collectivité territoriale de
Corse.
Il est proposé, ensuite, dans une logique de décentralisation accrue des
compétences et de transparence, que le nouveau plan d'aménagement et de
développement durable soit élaboré par la collectivité territoriale de Corse en
y associant tous les partenaires essentiels, dont l'Etat, et sera soumis à
enquête publique avant d'être approuvé par l'Assemblée de Corse.
L'Etat tire toutes les conséquences de la décentralisation de cette compétence
de planification et renonce notamment à son pouvoir d'approbation par décret en
Conseil d'Etat. Cela étant, la portée juridique des dispositions du futur plan
ne sera pas réduite par rapport à la situation actuelle.
Au-delà de cette rénovation des instruments de planification de l'espace, le
second axe du projet réside dans la volonté de mieux prendre en compte les
spécificités géographiques de l'île à travers une capacité d'adaptation de
certaines dispositions législatives et réglementaires portant sur le littoral,
mais qui demeurent limitées et encadrées. Au-delà du fait qu'elles doivent être
intégrées dans un plan d'aménagement et de développement, et donc dans une
vision globale du développement et de la protection de l'île, les dispositions
prévues sont très encadrées juridiquement.
J'appelle votre attention sur le fait que le texte initial du Gouvernement a
évolué lors de l'examen par l'Assemblée nationale, notamment pour ce qui est
des exceptions à la règle de l'extension en continuité de l'urbanisation en
zone littorale, qui résulte principalement d'un amendement de la commission des
lois.
S'agissant de la discussion devant votre assemblée, la commission a proposé un
certain nombre d'amendements. Le Gouvernement considère que certains peuvent
contribuer à améliorer le texte, notamment lorsqu'il s'agit de permettre à
l'Etat d'imposer la réalisation d'un projet d'intérêt général ou d'une
opération d'intérêt national au cas où la collectivité territoriale de Corse
n'y procède pas elle-même, ou de soumettre explicitement le plan d'aménagement
et de développement durable aux objectifs et principes généraux qui s'imposent
aux documents d'urbanisme.
D'autres amendements, en revanche, remettent profondément en cause
l'architecture du projet de loi, soit en tendant à apporter des modifications
de la loi « littoral », qui seraient valables sur l'ensemble du territoire
national, soit en supprimant les capacités d'adaptation de ladite loi aux
spécificités de la Corse, soit en y substituant un dispositif particulier.
Ainsi, l'amendement qui permettrait, dans certaines conditions, d'autoriser
une urbanisation en discontinuité, liée à des cessions de terrain à titre
gratuit au Conservatoire du littoral, outre de nombreuses incertitudes sur son
champ d'application géographique, apparaît particulièrement complexe.
D'autres amendements, enfin, nuisent à la lisibilité, à la clarté du texte, en
partageant les dispositions prévues entre deux codes, le code général des
collectivités territoriales et le code de l'urbanisme.
C'est en fonction de ces appréciations que le Gouvernement se déterminera sur
les amendements qui vont être présentés maintenant.
Mais le Gouvernement reste ouvert sur ce sujet difficile et sera toujours
disponible, notamment au cours des lectures suivantes, pour améliorer le texte
et renforcer le consensus autour de ce dispositif, qui a pour objet de
concilier deux exigences toutes deux également nécessaires : le développement
économique et la protection de l'environnement.
J'attends le débat avec intérêt, et je m'exprimerai au fur et à mesure de
l'examen du texte et lors des navettes qui, éventuellement, interviendront,
s'il n'y a pas accord en commission mixte paritaire.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je ferai d'abord une observation de méthode : un accord en
commission mixte paritaire n'interrompt pas la navette, il ne fait que
canaliser le texte. Ce n'est pas la même chose.
S'il y a un accord en commission mixte paritaire, le texte est soumis aux deux
assemblées. A partir de là, soit il est accepté en l'état par les deux
assemblées, et il devient la loi ; soit il n'y a pas accord, et la navette
reprend. Je rappelle, en outre, qu'un texte élaboré par une commission mixte
paritaire ne peut être amendé que par des amendements présentés par le
Gouvernement ou approuvés par lui.
J'en viens maintenant au procès d'intention qui a été fait au Sénat au sujet
de la décentralisation. Je vais même crever l'abcès.
Je rappelle que la décentralisation est née bien avant 1981. Les socles de la
décentralisation sont les lois financières qui datent de 1977, de 1978, de 1979
et de 1980...
M. Philippe Marini.
Exactement !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... qui ont institué la dotation globale de fonctionnement,
la liberté de vote des taux et la globalisation des emprunts. Il n'y aurait pas
eu de décentralisation s'il n'y avait pas eu ces trois lois.
Je rappelle aussi que l'échéance de 1981 a interrompu la discussion du texte
sur le développement des responsabilités des collectivités territoriales, qui
était bloqué au Sénat par 2 500 amendements déposés par l'opposition de
l'époque. Il ne faut pas l'oublier.
J'ai eu l'honneur d'être membre de la commission mixte paritaire de la loi de
1982, qui avait abouti à un accord, à deux dispositions près. J'ai été
rapporteur de la loi de 1983, qui avait abouti à un accord en commission mixte
paritaire, après vingt heures de débat ininterrompu. Je ne peux donc pas
laisser dire que le Sénat a traîné les pieds pour les lois de décentralisation.
Ce n'est pas vrai.
Les gouvernements d'avant 1981 en avaient construit le socle. Le Sénat a
participé pleinement et de façon constructive aux discussions de 1981, 1982 et
1983.
Les procès en sorcellerie sont toujours faciles
(M. le ministre
s'exclame.),
mais souvent faux.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.
- Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
J'en reviens maintenant à l'article 12, qui est un article extrêmement
important. Si les articles que nous avons examinés jusqu'ici avaient plutôt un
effet d'annonce, même s'ils traitaient de vrais problèmes, comme l'identité
culturelle de la Corse, nous abordons ici la première marche en direction du
développement,
Le vrai problème, c'est en effet que cette île a subi, on l'a trop souvent
oublié ou pas tout à fait conçu, un énorme traumatisme en 1962, au moment où
s'est achevée la décolonisation.
A cette époque, il n'y a pas eu seulement l'arrivée des pieds-noirs en plaine
orientale ; cela a été un choc, mais ce n'est pas le principal. Le principal
c'est que la Corse, qui a fourni à notre pays un nombre considérable de
serviteurs, a été, d'une certaine manière, le socle du rayonnement de la France
dans le monde entier. Et au moment où la France a été amenée, pour des raisons
subies ou voulues - on peut en discuter à l'infini - à tourner cette page de
son histoire, les Corses, qui avaient été les porteurs de cette grandeur de
notre patrie à travers le monde, ont été déconcertés. Ce qui avait assuré
l'équilibre interne de l'île pendant un siècle et demi ou deux a, d'un seul
coup, disparu et nombre de nos compatriotes de l'île ont perdu une série de
repères, ce qui peut expliquer aussi la perplexité d'un certain nombre d'entre
eux.
Il nous faut avoir l'honnêteté de l'analyser, la charité de le comprendre et
l'humilité d'essayer de nous mettre à leur place pour concevoir les difficultés
auxquelles ils ont à faire face et qui ont été aggravées par le fait que nous
n'avons pas eu pour cette île autant d'attention en matière d'infrastructures
que pour d'autres parties de notre continent. En effet, au vu de ce qui a été
réalisé en Bretagne - et ne voyez dans mon propos aucune allusion négative à
l'encontre de cette région - et de ce qui ne l'a pas été en Corse, nous devons
sans doute, collectivement, nous poser un certain nombre de questions.
M. Jacques Peyrat.
C'est vrai !
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'article 12 comporte deux parties. L'une a trait à la
conception du pouvoir renforcé, par rapport au statut de 1991, donné à la
collectivité territoriale de Corse, de concevoir, d'adopter et de promouvoir un
plan d'aménagement et de développement durable, résumé sous le vocable de PADU.
Monsieur le ministre, la commission spéciale ne conteste nullement ni la
nécessité de ce PADU, ni les procédures d'instruction de celui-ci, qui peuvent
être perfectionnées, ni la nécessité d'une cohésion, acceptée par tous dans
l'île, d'un programme d'aménagement et de développement durable. Mais force est
de constater que le schéma précédent a connu des sorts divers et que son arrêt
définitif par l'Etat n'a pas nécessairement satisfait tout le monde. De
surcroît, a déferlé sur l'île une série de textes nationaux tels que la loi
montagne et la loi littoral, dont les effets ont été - soyons gentils ! -
inattendus parce que la seconde, notamment, a été conçue pour sauver ce qui
pouvait encore l'être, là où la pression touristique, urbanistique, «
bétonneuse », avait déjà provoqué d'immenses dégâts.
Quand je parlais de loi « déclinable », lors de la discussion générale, c'est
à la loi littoral que je faisais allusion. Il est évident qu'une loi qui a pour
objet de sauver quinze hectares sur trente kilomètres de côtes dans la partie
qui se situe entre Vintimille et Cannes n'est pas applicable
stricto sensu
à une île qui possède mille deux cents kilomètres de côtes, dont
quarante-cinq sont effectivement urbanisés. En citant ces chiffres, je ne dois
pas être loin de la réalité.
M. Jacques Peyrat.
C'est exact !
M. Paul Girod,
rapporteur.
D'ailleurs, le Conservatoire du littoral, cher ami Louis Le
Pensec, a pu déployer son action dans l'île plus largement qu'ailleurs. Je
crois qu'une baronne belge a cédé pour un franc vingt kilomètres de littoral !
Le résultat en est que l'application des règles fixées pour sauver quinze
hectares sur trente kilomètres de côtes à mille kilomètres de côtes quasi
vierges a rendu définitivement impossible, qu'on le veuille ou non - et
personne ne peut le reprocher à l'administration - toute construction sur le
littoral de l'île. En effet, si l'on se trouve dans l'espace remarquable
suivant les définitions continentales - et je parle devant un certain nombre
d'élus de l'île que je crois présents dans les tribunes - c'est toute l'île qui
est remarquable, et c'est cela qu'il faut arriver à sauver sans bloquer le
développement. Mais si l'on applique
stricto sensu
les réglementations
continentales, on bloque tout. Or, parmi les vocations économiques de l'île, il
en est une qui est évidente, c'est le tourisme.
M. Jacques Peyrat.
Et l'hôtellerie !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Naturellement ! L'hôtellerie va de pair avec le tourisme ! Si
l'on ne peut pas, faute de terrains, construire des structures d'accueil qui
soient attirantes pour une clientèle autre que celle des campings, la situation
est bloquée. Il faut bien trouver un moyen de la débloquer ! Mais une fois que
l'on a dit cela, on risque d'avoir dit le contraire : si l'on s'oriente
n'importe comment dans cette direction, on risque de se retrouver avec les
mêmes problèmes que ceux que connaît la Côte d'Azur, à savoir quinze hectares à
sauver
in extremis
après avoir bétonné trente kilomètes de côtes. C'est
impensable !
Dans le même temps, c'est le petit propriétaire - je ne parle pas des grands
groupes, nous y reviendrons dans quelques instants - d'un terrain constructible
qui se trouve, de fait, spolié de l'héritage familial, parce qu'il voudrait
pouvoir le vendre, mais qu'il ne le peut pas. Et il n'est pas le seul !
Lorsqu'on regarde le cadastre - dans la mesure où il y a un cadastre, mais
nous en reparlerons lorsque nous examinerons les arrêtés Miot - et la structure
de la propriété dans l'île, on s'aperçoit qu'il existe des communes avec des
lots de deux cents hectares, qui sont souvent la propriété de grands groupes
financiers, et des communes avec des petits lots de un demi, un ou deux
hectares. Tout le monde est bloqué !
La commission spéciale a cherché à élaborer un dispositif qui permette d'en
sortir. Elle a donc analysé le texte du Gouvernement...
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
De l'Assemblée nationale !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Puisque vous cherchez à vous dissocier du texte de
l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, c'est que vous le trouvez mauvais
! Ce c'est pas moi qui vous dirai le contraire !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je n'ai pas dit cela.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous dites que c'est le texte de l'Assemblée nationale !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Formellement !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous avons cherché à rendre les dispositions applicables le
plus vite possible.
Tout d'abord, nous avons approuvé le principe du PADU ; nous en avons même
amélioré les conditions d'instruction et d'approbation.
Ensuite, nous avons cherché la façon de lever l'hypothèque du blocage sur les
terres et nous avons analysé le texte de l'Assemblée nationale. Nous avons
alors constaté que ce n'est qu'après l'adoption du PADU, qui nécessitera tout
de même quelque temps, que l'Assemblée territoriale pourra engager un certain
nombre de procédures dérogatoires par rapport à la loi littoral. La rédaction
est d'ailleurs assez curieuse, car on a l'impression que c'est à la loi que
l'on va déroger alors que M. le ministre nous a expliqué tout à l'heure qu'il
s'agissait de la partie réglementaire qui découlait de la loi.
Certains diraient que nous ne sommes pas sortis de l'auberge ! En effet, s'il
faut attendre la mise en place du PADU pour procéder à des dérogations
législatives - dont je rappelle d'ailleurs qu'elles ne sont pas conformes aux
dispositions de l'article Ier, qui prévoit un débat préalable au Parlement, une
limite dans certains domaines, un contrôle dans le temps un retour
d'approbation, ce qui n'est pas prévu à l'article 12 - on n'est pas prêt de
voir la situation se débloquer !
Nous avons essayé de trouver une solution qui s'appuie sur des dispositions en
vigueur et nous l'avons découverte dans le code forestier : pour construire sur
un terrain boisé, il faut, sous réserve que le projet soit compatible avec les
différents plans en vigueur, notamment avec les plans locaux d'urbanisme,
abandonner 90 % de sa propriété à l'ONF pour pouvoir construire sur les 10 %
restants. Il nous a semblé qu'il y avait là un précédent intéressant à
creuser.
Globalement, en quoi consiste le dispositif qui vous est proposé par la
commission ?
Tout d'abord, je le répète, nous approuvons le principe du PADU. Un certain
nombre de communes se trouvent, du fait de l'application de la loi littoral ou
de la loi montagne, totalement bloquées en matière d'urbanisation des espaces
proches du rivage, hors espaces remarquables. Il vous est proposé, à condition
que ces communes fassent constater par la collectivité territoriale qu'elles
sont complètement bloquées, de permettre, dans ces seules communes, une
urbanisation limitée, sous réserve de l'abandon par les propriétaires de 90 %
de leur propriété au Conservatoire du littoral pour pouvoir construire sur les
10 % restants.
Lorsqu'il s'agit d'un grand groupe, c'est simple. Si c'est un petit
propriétaire, c'est plus complexe. Mais il existe la formule des associations
foncières et celle des plans locaux d'urbanisme intercommunaux, qui permettent
une mobilisation j'allais dire « mutualisée » des coefficients d'occupation des
sols : les uns et les autres peuvent ainsi, tous ensemble, retrouver une
disponibilité de leur terrain, directement ou indirectement, et un retour de
valeur, par mutualisation du prix de vente, alors que ce n'est pas leur terrain
qui est directement cédé.
Est-il préférable d'avoir un terrain qui, dans l'état actuel du droit, est
totalement bloqué et ne vaut rien ou bien d'avoir un terrain sur lequel, parce
qu'un voisin peut vendre deux cents hectares, on pourra construire vingt
hectares dans le cadre d'une mutualisation ? Telle est la question qui se pose
aux petits propriétaires.
Pour le groupe, la question qui se pose est la suivante : celui qui a spéculé
pour acheter deux cents hectares ne pourra construire que sur vingt hectares
et, s'il a spéculé pour acheter dans un espace remarquable, il ne pourra
construire que sur une propriété qu'il possède éventuellement dans un espace
proche du rivage ; mais, cette fois-ci, la compensation au profit du
Conversatoire du littoral est de 99 % des superficies qu'il possède.
Je sais bien, cher ami Louis Le Pensec, que cela peut poser au Conservatoire
du littoral quelques problèmes ultérieurs de gestion. Nous avons d'ailleurs
prévu qu'il devrait approuver l'opération.
(M. Le Pensec s'exclame.)
Il
s'agit de la protection définitive - et c'est bien l'objet du Conservatoire du
littoral - de la partie la plus large possible du littoral corse, mais, par
cette formule, nous réintroduisons, nous semble-t-il, une souplesse de
construction face à la nécessaire protection.
On me rétorquera qu'il faudra attendre la mise en place du PADU pour pouvoir
se lancer. M. le ministre nous a donné la réponse à ce sujet tout à l'heure,
lorsqu'il nous a fait remarquer que la loi SRU - et le blocage sur quinze
kilomètres - ne s'appliquait pas en Corse parce que le schéma actuellement en
place avait une valeur juridique suffisante pour pouvoir échapper à cette
contrainte. Dès lors, immédiatement, sur leur initiative, des communes - je le
souligne, car ce sont elles qui sont responsables de la gestion des sols et,
par conséquent, des perspectives de constructibilité - pourront, dans le cadre
de ce schéma, se faire répertorier comme étant des communes bloquées, et l'on
aura la possibilité de faire évoluer les situations.
Premièrement, on n'a pas à attendre l'entrée en vigueur du PADU. Deuxièmement,
on protège le littoral. Troisièmement, on débloque une situation qui, pour
l'instant, est la cause d'une paralysie préjudiciable à l'économie de l'île.
Tel est le sens des propositions de la commission.
Que le dispositif ne soit pas parfait, c'est possible. Au moins a-t-il le
mérite d'ouvrir une piste, une piste qui n'est pas sans précédent et qui rentre
dans le cadre de nos dispositions législatives générales, bien qu'il s'agisse
de les appliquer à la situation particulière de l'île. Car, que voulons-nous
tous, sinon que l'île retrouve le chemin du développement le plus vite possible
? Cette voie-là mérite d'être suivie par le Sénat.
Quant au Gouvernement, j'espère qu'après réflexion, parce que j'imagine ce qui
va se passer dans les instants qui viennent, il saura comprendre l'intérêt de
la solution proposée et convaincre l'Assemblée nationale de ce que, dans l'état
actuel des choses et hors toute aventure législative, il est possible de
débloquer l'économie de l'île et de rétablir son équilibre. Ce sera, pour nous,
une façon de traduire notre solidarité avec ses habitants et notre attachement
à l'un des joyaux du patrimoine national.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
L'amendement n° 44, présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission
spéciale, est ainsi libellé :
« Supprimer le I de l'article 12. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous entrons dans le vif du sujet, mais l'essentiel de la
réforme que je viens de vous exposer figure, en réalité, dans l'amendement n°
45.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Sous réserve de la rédaction finale de l'article
3, j'émettrai un avis favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 44.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 45, présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission
spéciale, est ainsi libellé :
« Avant le II de l'article 12, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« ... Après l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme, sont insérés trois
articles additionnels ainsi rédigés :
«
Art. L. 144-7.
- Dans les portions du littoral caractérisées par une
faible urbanisation antérieure à la promulgation de la loi n° 86-2 du 3 janvier
1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral
et par l'existence de nombreux espaces terrestres et marins, sites et paysages
remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral,
ou par des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques, visés à
l'article L. 146-6, une directive territoriale d'aménagement ou un document
ayant les mêmes effets peut déterminer, à la demande des communes qui disposent
d'un plan local d'urbanisme, et après avis du conseil des sites, la carte des
sites dans lesquels l'application des articles L. 146-1 à L. 146-6 a pour effet
d'interdire la délivrance de toute autorisation d'occupation du sol.
«
Art. L. 144-8.
- Le document visé à l'article L. 144-7 délimite les
zones dans lesquelles une urbanisation limitée non située en continuité avec
les constructions existantes peut être réalisée, sous réserve d'une cession de
terrains à titre gratuit au conservatoire du littoral dans les conditions
fixées par l'article L. 144-11.
«
Art. L. 144-9.
- La délibération de la commune visée à l'article L.
144-7 précise :
« - au vu des diagnostics élaborés en application du premier alinéa de
l'article L. 122-1 et du premier alinéa de l'article L. 123-1, les motifs pour
lesquels l'application des articles L. 146-1 à L. 146-6 a pour effet
d'interdire la délivrance de toute autorisation d'occupation du sol et empêche,
soit la réalisation du projet de développement et d'aménagement durable retenu
dans le schéma de cohérence territoriale, soit celle du projet de développement
et d'aménagement durable retenu dans le plan local d'urbanisme ;
« - les principes applicables à l'insertion paysagère des constructions dans
les zones pour lesquelles l'autorisation est demandée ;
« - le coefficient d'occupation des sols que la commune fixera dans cette
zone, ou ce qui en tient lieu ;
« - la liste des espaces susceptibles d'être donnés, en contrepartie, au
Conservatoire du littoral. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Si certains de nos collègues désirent des explications
supplémentaires, ils se manifesteront, mais j'ai expliqué déjà assez longuement
- je présente à tous ici mes excuses - l'esprit, l'économie, le fond de cet
amendement, au demeurant complexe, je le reconnais, qui pose le principe d'une
constructibilité limitée dans les communes bloquées.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet
amendement.
Outre le fait qu'il ne concerne pas que la Corse, il comporte des incertitudes
sur le champ d'application géographique du dispositif envisagé, liées à la
détermination des zones caractérisées par une faible urbanisation
antérieurement à la loi littoral, et une imprécision que recèle l'expression «
nombreux espaces remarquables ».
En outre, ce dispositif d'ensemble apparaît particulièrement complexe, vous
l'avez vous-même reconnu, monsieur le rapporteur, notamment au regard de
l'amendement n° 47, qui définit de manière très précise la superficie maximale
des espaces susceptibles d'être urbanisés.
Le Gouvernement souhaite donc s'en tenir aux dispositions du projet de loi tel
qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, s'agissant des possibilités
d'adaptation de la loi littoral.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur,
Je vous prie de m'excuser d'intervenir de nouveau, mais nous
sommes dans un domaine que l'on ne peut gérer d'ici : on ne peut que le gérer
sur place.
Imprécision, dites-vous, monsieur le ministre ? Mais un certain nombre d'avis
sont prévus, ceux du conseil des sites et de l'assemblée territoriale. Ce n'est
pas à nous de juger : si c'est imprécis, ce sera à eux de le préciser ! Pour
une fois, nous transférons une vraie responsabilité aux collectivités
territoriales, celle d'arbitrer entre des situations, entre la commune qui se
dit bloquée alors qu'elle ne l'est pas et une autre commune qui l'est
vraiment.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas que l'on puisse s'abriter derrière
le flou que l'on critique ici quand on essaie de le créer ailleurs. J'espère
que le Sénat nous suivra !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 45.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Ces dispositions sont, en effet, tout à fait cruciales. Il est vrai que nous
devons arbitrer entre des contraintes contradictoires. D'un côté, et les élus
des communes corses, du littoral en particulier, nous le rappellent, il est
nécessaire de faire vivre l'économie locale, ce qui suppose un peu d'espace ;
d'un autre côté, il est de notre responsabilité, à nous, élus de la nation, de
préserver ce qui doit être préservé et qui représente un patrimoine absolument
irremplaçable.
Or, mes chers collègues, il suffit de se promener le long de bien des côtes -
pas celles de la Corse, je m'empresse de le préciser - pour réaliser la
nécessité d'une très grande rigueur en matière de protection du littoral et de
son environnement. Sans doute nous sentirions-nous plus fiers d'être Français
si, dans le beau département du Var, dans le beau département des
Alpes-Maritimes, dans les beaux départements bretons, un certain nombre
d'erreurs esthétiques et d'aménagement graves n'avaient pas été commises au
cours des décennies précédentes.
(Murmures réprobateurs.)
La Corse a été, dans une certaine mesure, préservée. Elle l'a été par la
législation mais également, nous le savons bien, par son statut foncier,
l'indivision, le manque d'infrastructures, les mentalités, les familles, la
dénatalité et toutes sortes de choses.
M. Michel Charasse.
L'insécurité, aussi, l'a protégée !
Mme Hélène Luc.
Oui, l'insécurité a joué, sans doute !
M. Philippe Marini.
Il ne faut pas exagérer, mes chers collègues.
Nous avons là une situation qui, dans le monde méditerranéen, est
exceptionnelle. Oui, mes chers collègues, les côtes des départements corses
sont une richesse irremplaçable qu'il est de notre devoir le plus absolu de
protéger. La préservation de l'environnement, la préservation de ce patrimoine
doivent être des impératifs catégoriques pour la représentation nationale.
Mais comment concilier ces contraires ?
Je vous avoue, mes chers collègues, que le texte de l'article 12 résultant des
votes de l'Assemblée nationale me posait personnellement problème. Je savais
bien à quelle attente un tel texte répondait, mais je voyais aussi s'exprimer
différentes réactions et je m'interrogeais sur les risques qui auraient été
pris avec une telle rédaction.
Les propositions qui sont formulées par la commission spéciale me semblent
équilibrées. Elles répondent, dans une large mesure, aux craintes et aux
appréhensions qui peuvent légitimement s'exprimer à propos de l'article 12 tel
qu'il résulte jusqu'ici de l'accord du Gouvernement et de l'Assemblée
nationale.
Le dispositif préconisé par la commission spéciale, c'est vrai, est plus
protecteur, tout en étant équilibré. M. Paul Girod l'a très justement décrit en
rappelant les deux stades du dispositif.
En premier lieu, cela consiste à refuser le coup par coup, les opérations
ponctuelles et la spéculation locale, et à raisonner dans le cadre d'un
document global d'aménagement durable établi à l'échelon de l'île. C'est à
partir de là que les espaces d'adaptation pourront être déterminés.
En second lieu, il est prévu de compenser des exceptions au principe de
l'inconstructibilité par l'apport au Conservatoire du littoral de larges
superficies.
Le dispositif est donc équilibré et astucieux, même si, sans doute, certains
éléments de son application restent encore à préciser.
Le Conservatoire du littoral, cher collègue Le Pensec, est un établissement
public de l'Etat ; c'est donc un instrument : il devra faire ce que le
politique voudra qu'il fasse. Il est clair que, s'il a un patrimoine beaucoup
plus important à gérer, il faudra qu'il s'adapte. Dans les propos qui ont été
tenus par notre collègue Paul Natali, c'est un aspect important à relever.
Le Conservatoire du littoral doit peut-être adapter son organisation pour être
plus proche des réalités locales, pour que les considérations de gestion soient
mieux intégrées, pour que les élus locaux des espaces littoraux concernés aient
davantage voix au chapitre en ce qui concerne la gestion de ces terrains qui
peuvent représenter des parties très importantes dans les superficies
communales.
Bref, mes chers collègues, les dispositions qui sont prévues par les
différents amendements successifs sont un juste compromis. Peut-être y
aura-t-il lieu de les affiner au cours de la commission mixte paritaire et des
éventuelles lectures complémentaires, mais il me semble que c'est un réel
apport, très concret, très précis, à la fois dans le sens d'un développement
raisonnable de l'île et d'une protection qui, me semble-t-il, doit être
considérée comme un véritable impératif, national tout autant que régional.
M. François Trucy.
Très bien !
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Mes chers collègues, en ce qui concerne l'amendement n° 45, je n'ai pas, on
s'en doute, une opinion différente de celle de mon groupe. Mais je voudrais
poser au rapporteur une question technique. Lorsque, dans le texte proposé pour
l'article L. 144-9 du code de l'urbanisme, vous indiquez que la délibération de
la commune précise « les principes applicables à l'insertion paysagère des
constructions dans les zones pour lesquelles l'autorisation est demandée »,
cela vise-t-il des constructions de type « paillote », par exemple ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Non, pas du tout !
M. Michel Charasse.
En tout cas, des constructions temporaires ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Non ! Pas plus !
M. Michel Charasse.
Donc, ce n'est pas cet article-là qui traite des constructions temporaires
?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il n'y a aucun article « paillote », si vous me permettez la
précision !
M. Michel Charasse.
Mais les dispositions proposées par la commission spéciale n'interdisent pas
les paillotes ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il n'y a rien dans les cent mètres !
M. Alain Joyandet.
Il n'y a plus de paillotes !
M. Michel Charasse.
Pardonnez mon erreur, mais je n'ai pas la science infuse comme mon ami M. Le
Pensec, et j'ai du mal à suivre !
(Sourires.)
En tout cas, j'aimerais savoir si, lorsqu'une commune définit un certain
nombre de principes, ces principes comportent, s'il y a lieu, les redevances
domaniales communales ?
M. Paul Girod
rapporteur.
Nous le verrons à l'amendement suivant !
M. Michel Charasse.
Dans ces conditions, je n'ai plus rien à ajouter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 46, présenté par M. Girod, au nom de la commission spéciale,
est ainsi libellé :
« Avant le II de l'article 12, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« ... - Après l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. 144-10.
- Les zones susceptibles de faire l'objet d'une
urbanisation limitée en vertu de l'article L. 144-8 ne peuvent être situées
:
« - ni dans la bande des cent mètres instituée par le III de l'article L.
146-4 ;
« - ni dans les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables
ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, ni dans les
milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques visés à l'article L.
146-6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cet amendement répond en partie à M. Charasse, puisqu'il se
situe dans le même axe que ses propos en ne visant que les zones proches du
littoral non remarquable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ma position est déjà connue : cet amendement est
un amendement de précision sur lequel je n'ai pas d'avis à donner, dans la
mesure où, sur le dispositif d'ensemble proposé par la commission, j'ai émis,
au nom du Gouvernement, un avis défavorable !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 47, présenté par M. Girod, au nom de la commission spéciale,
est ainsi libellé :
« Avant le II de l'article 12, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« ... - Après l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. 144-11. -
La superficie des espaces susceptibles d'être
urbanisés dans des espaces proches du rivage au sens du II de l'article L.
146-4, au titre des articles L. 144-7 à L. 144-10 du présent code ne peut
excéder :
« - un dixième du total des espaces proches du rivage couverts par le plan
local d'urbanisme cédés, en contrepartie, à titre gratuit, au Conservatoire du
littoral ;
« - un centième du total des espaces terrestres et marins, sites et paysages
remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral,
ou des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques, visés à
l'article L. 146-6, couverts par le plan local d'urbanisme cédés, en
contrepartie, à titre gratuit, au Conservatoire du littoral.
« Les cessions à titre gratuit réalisées en application du présent article
sont soumises à l'accord préalable du conseil d'administration du Conservatoire
du littoral. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
J'ai déjà annoncé cet amendement tout à l'heure. Il s'agit du
coefficient de remise au Conservatoire du littoral en cas d'urbanisation
limitée : le dixième est constructible si l'on est dans l'espace proche du
rivage, le centième s'il s'agit de mobiliser, toujours dans les espaces «
proches », des droits éventuels de construire acquis grâce au don de terrains
situés à l'intérieur d'espaces remarquables.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je l'ai déjà donné, mais je souhaite préciser la
position du Gouvernement.
Outre que l'on peut s'interroger sur les critères exacts qui ont conduit au
choix des pourcentages retenus, cet amendement accompagne un dispositif
d'ensemble auquel, je le répète, le Gouvernement n'est pas favorable.
Au demeurant, le précédent auquel a fait référence M. le rapporteur, et qui
est prévu à l'article L. 130-2 du code de l'urbanisme - et non du code
forestier -, n'a quasiment jamais été mis en oeuvre : à peine deux fois en une
quarantaine d'années. Cela prouve bien sa difficulté d'application !
Nous sépare enfin le fait que vous continuez de vous référer à des procédures
de l'Etat, à des directives territoriales d'aménagement dont vous savez que
l'élaboration prend plusieurs années - à ma connaissance, aucune n'a même vu le
jour -, alors que l'idée force de notre projet est de responsabiliser les
élus.
Vous comprendrez donc aisément que je ne puis qu'émettre un avis
défavorable.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Le dispositif proposé par l'article L. 130-2 du code de
l'urbanisme a joué un nombre considérable de fois : allez voir dans le
Limousin, en Seine-et-Marne, monsieur le ministre ! Vos services vous ont
probablement mal renseigné !
M. Jean-Jacques Hyest.
Vos statistiques sont erronées !
M. Paul Girod,
rapporteur.
En outre, il se déclenche sur l'initiative des communes. Or
le texte qui nous est soumis les néglige totalement. Il y est question
d'autorisations de la collectivité territoriale, on y trouve de grandes
incantations et un PADU dont la mise en place prendra cinq ans... Rien n'est
effectif, vous me l'accorderez.
Tout à l'heure, vous nous avez opposé que le fameux dispositif de la loi SRU
qui bloque l'ouverture de zones naturelles à l'urbanisation sur quinze
kilomètres n'était pas applicable en Corse parce que le schéma actuel avait
valeur de directive d'aménagement du territoire. Or nous proposons que, dès
qu'un tel dispositif est en place, la procédure puisse être enclenchée.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je n'ai pas dit cela !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur le ministre, j'entends bien votre propos, mais, je
suis navré de vous le dire, vous êtes en train de préférer l'incantation à la
disposition.
L'incantation, c'est s'en remettre à plus tard, quand le PADU sera là, dans le
cadre de délégations législatives plus ou moins floues.
La disposition que je vous soumets peut entrer rapidement en vigueur ; elle
est déjà délimitée et l'initiative en revient aux communes, seules responsables
de la gestion du sol en matière de constructibilité, que ce soit au nom de
l'Etat ou, si elles ont un plan local d'urbanisme, en leur nom propre.
Monsieur le ministre, au risque de me répéter, dans un cas, c'est de
l'incantation, dans l'autre cas, c'est de la disposition.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Et de la confusion !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je ne suis pas sûr que vous ayez raison dans le choix de
votre vocabulaire !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 47.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je suis quelque peu surpris par certains propos de M. le ministre. En matière
de compensation forestière, le rapport de un à dix, nous le connaissons fort
bien ! Pour aménager un carrefour, par exemple, il faut donner cent pour dix à
l'ONF.
M. Philippe Marini.
C'est courant sur les marges en forêt de Compiègne !
M. Jean-Jacques Hyest.
Notamment !
C'est donc bien que le système fonctionne. Peut-être y en a-t-il d'autres,
mais c'est une option.
N'oublions pas, monsieur le ministre, que les élus d'Ile-de-France rêvent
d'être responsables de leur développement. Or nous savons ici que le schéma
directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Ile-de-France est fixé
par décret !
M. Michel Charasse.
Vous n'avez qu'à tuer quelqu'un, vous y arriverez !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce sont pourtant la collectivité et ses élus qui fixent le plan d'aménagement
durable, car il faut bien prévoir ensuite les modalités de l'application du
schéma !
Nous avons fait ce choix, et il n'est pas forcément plus mauvais que d'autres.
C'est pourquoi je soutiens la proposition de la commission.
Cela étant, je ne peux pas laisser dire que certains dispositifs ne
s'appliquent pas et ne fonctionnent pas, alors qu'en fait ils fonctionnent !
(Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 157 rectifié, présenté par M. Girod, au nom de la commission
spéciale, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le premier alinéa du II de l'article 12 :
« II. - La sous-section 1 de la section 2 du chapitre IV du titre II du livre
IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales
comprend les articles L. 4424-9 et L. 4424-10 ainsi rédigés : »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 157 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
ARTICLE L. 4424-9 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES