SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 9. - I. - 1. L'article L. 4424-17 du code général des collectivités
territoriales devient l'article L. 4424-7.
« 2. Le même article est ainsi rédigé :
«
Art. L. 4424-7. - I. -
La collectivité territoriale de Corse définit
et met en oeuvre la politique culturelle en Corse en concertation avec les
départements et les communes, et après consultation du conseil économique,
social et culturel de Corse. L'Etat assure les missions de contrôle
scientifique et technique et mène les actions relevant de la politique
nationale. Il passe une convention en vue de coordonner ces actions avec celles
de la collectivité territoriale de Corse. Il peut également dans cette
convention charger la collectivité territoriale de Corse de la mise en oeuvre
de certaines de ces actions.
« La collectivité territoriale de Corse assure un rôle de liaison, de conseil
et d'assistance aux collectivités locales en matière culturelle.
«
II.
- Dans le respect des dispositions de la loi du 31 décembre 1913
sur les monuments historiques, la collectivité territoriale de Corse conduit
les études et définit les actions qu'elle entend mener en matière de patrimoine
protégé et de travaux de conservation et de mise en valeur des monuments
historiques, à l'exception de ceux qui demeurent propriété de l'Etat.
« Elle peut, en outre, proposer à l'Etat les mesures de protection des
monuments historiques.
« Elle est associée aux procédures de classement des monuments historiques en
assurant la coprésidence de la commission du patrimoine et des sites créée par
l'article 1er de la loi n° 97-179 du 28 février 1997 relative à l'instruction
des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés
ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés.
« En matière d'archéologie, et dans le respect des dispositions de la loi du
27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et de la
loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, elle
assure la conservation et la mise en valeur des sites archéologiques, fournit à
l'Etat les éléments nécessaires à l'établissement de la carte archéologique
nationale et est consultée par celui-ci sur le programme des fouilles menées
sur son territoire dans les conditions définies par le titre II de la loi du 27
septembre 1941 précitée.
« Elle définit les actions qu'elle entend mener en matière :
« - d'inventaire du patrimoine ;
« - de recherches ethnologiques ;
« - de muséographie ;
« - d'aide au livre et à la lecture publique, dans le respect des compétences
départementales et communales ;
« - de soutien à la création, de diffusion artistique et culturelle et de
sensibilisation à l'enseignement artistique.
«
III.
- A l'exception des bâtiments occupés par des services de l'Etat
ou par les organismes placés sous sa tutelle, la propriété des monuments
historiques classés ou inscrits appartenant à l'Etat à la date de la
promulgation de la loi n° du relative à la Corse, situés sur le territoire
de la collectivité territoriale de Corse, ainsi que celle des objets mobiliers
qu'ils renferment et qui appartiennent à l'Etat, sont trasnférées à cette
collectivité.
« La propriété des sites archéologiques et des objets mobiliers qui en sont
issus et qui appartiennent à l'Etat est transférée à la collectivité
territoriale de Corse.
« La liste des bâtiments et sites ainsi transférés est fixée par décret en
Conseil d'Etat.
« II. - Le troisième alinéa de l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme est
ainsi rédigé :
« La composition du conseil des sites de Corse, qui comprend des membres
nommés pour moitié par le représentant de l'Etat et pour moitié par le
président du conseil exécutif, est fixée par décret en Conseil d'Etat. »
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
La commission demande la réserve des amendements n°s 29, 273
et 276 jusqu'après l'examen de l'amendement n° 82, à l'article 23.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Sur l'article 9, la parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Permettez-moi, en préalable, de faire part de ma tristesse après la
destruction presque totale du fonds régional d'art contemporain corse dans un
incendie d'origine, à ma connaissance, indéterminée.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Encore un !
Mme Hélène Luc.
J'espère de tout mon coeur qu'il ne s'agit pas d'un acte volontaire et
criminel, car ce musée comprenait une centaine d'oeuvres de peintres corses,
certes, mais aussi continentaux, italiens et espagnols, autant d'oeuvres
parties en fumée, si mes informations sont bonnes, pour une valeur de plus de
huit millions de francs.
J'adresse, à cette occasion, l'expression de mon entière solidarité et de
celle des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à tous ceux qui
travaillent en ce lieu, aux artistes au premier chef, bien évidemment, ainsi
qu'à tous les amateurs d'art qui sont attachés à cette institution. Cette
collection doit être poursuivie, ce qui constitue un défi supplémentaire. Je ne
doute pas que le Gouvernement, notamment le ministère de la culture, aidera à
le relever.
Sur le texte plus précisément, je tiens à souligner notre volonté de permettre
à la Corse de faire vivre son identité culturelle. L'accroissement des
compétences de la collectivité territoriale en ce sens paraît une bonne idée.
Je m'inquiète toutefois du devenir de la direction régionale des affaires
culturelles. La complémentarité de l'action culturelle tant de l'Etat que de la
collectivité territoriale demeurera dans ce contexte législatif nouveau. Ne
faut-il pas, monsieur le ministre, développer les moyens humains et matériels
de cette DRAC, certes, la plus petite de France, plutôt que envisager, comme il
semble en être question, une diminution des personnels ?
M. le président.
L'amendement n° 24, présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission
spéciale, est ainsi libellé :
« A. - Supprimer le 1 du I de l'article 9.
« B. - En conséquence, rédiger ainsi le premier alinéa du 2 du I de l'article
9 :
« L'article L. 4424-7 du code général des collectivités territoriales est
ainsi rédigé : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Même position que précédemment.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 24.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 270, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le I du texte proposé par le 2 du I de l'article 9 pour
l'article L. 4424-7 du code général des collectivités territoriales :
« I. - La collectivité territoriale de Corse définit et met en oeuvre la
politique culturelle en Corse en concertation avec les départements et les
communes, et après consultation du conseil économique, social et culturel de
Corse.
« Elle définit en particulier les actions qu'elle entend mener en matière :
« - d'inventaire du patrimoine ;
« - de recherches ethnologiques ;
« - de musées ;
« - d'aide au livre et à la lecture publique, dans le respect des compétences
départementales et communales ;
« - de soutien à la création, de diffusion artistique et culturelle, et
d'enseignements artistiques.
« La collectivité territoriale de Corse assure un rôle de liaison, de conseil
et d'assistance aux collectivités locales en matière culturelle.
« En concertation avec la collectivité territoriale de Corse, l'Etat peut
accompagner des actions, qui par leur intérêt ou leur dimension, relèvent de la
politique nationale en matière culturelle. La collectivité territoriale de
Corse peut être chargée par convention de leur mise en oeuvre ou de leur
accompagnement.
« Dans les domaines où la législation en vigueur le prévoit, le contrôle
scientifique et technique est assuré par l'Etat. »
L'amendement n° 25, présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission
spéciale, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début de la troisième phrase du premier alinéa du I du
texte proposé par le 2 du I de l'article 9 pour l'article L. 4424-7 du code
général des collectivités territoriales :
« Il peut passer une convention en vue de ».
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 270.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cet amendement vise à modifier et à clarifier
les compétences culturelles de la collectivité territoriale de Corse. Il dresse
une liste des actions relevant de sa compétence en matière de patrimoine, de
recherche ethnologique, de musées, d'aide à la lecture publique ou encore de
soutien à la création, à la diffusion et à l'enseignement artistique.
L'amendement tend également à préciser et à clarifier l'articulation des
missions entre l'Etat et la collectivité territoriale pour la mise en oeuvre de
la politique culturelle.
Le Gouvernement confirme ainsi que la politique nationale s'applique en Corse
en matière culturelle, mais il veut éviter les situations de concurrence pour
une plus grande efficacité et pour une meilleure complémentarité.
Il rappelle enfin la compétence de l'Etat en matière de contrôle scientifique
et technique dans les domaines où la législation en vigueur le prévoit.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 25.
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'amendement n° 25 s'appliquait au texte adopté par
l'Assemblée nationale, non au texte de l'amendement que nous propose maintenant
le Gouvernement. Il prévoyait simplement que l'Etat avait la faculté - non
l'obligation - de signer une convention, de telle sorte que, si l'Etat et la
collectivité territoriale de Corse ne parvenaient pas à finaliser cette
convention, l'ensemble du système ne soit pas bloqué. En somme, c'était un
amendement de précaution.
Or l'amendement que le Gouvernement nous propose procède à une réécriture
complète du I du texte proposé par le 2 du I de l'article 9.
La commission, qui s'est longuement interrogée, ne comprend pas bien les
raisons d'une telle refonte, alors qu'elle avait adopté une série d'amendements
qui constituaient autant d'améliorations ponctuelles au texte adopté par
l'Assemblée nationale, sans en bouleverser l'ordonnancement. Votre amendement,
monsieur le ministre, introduit dans le I la mention de certaines des
compétences spécifiques qui figuraient à la fin du II de l'article. En outre,
dans l'intention, dites-vous, de clarifier la répartition des compétences en
matière culturelle, vous bridez toute capacité d'intervention de l'Etat, pour
des raisons que nous ne comprenons pas bien.
Je reprends les termes de l'article 9, dans la rédaction issue des travaux de
l'Assemblée nationale : « L'Etat assure les missions de contrôle scientifique
et technique » - on retrouve l'expression dans l'amendement du Gouvernement - «
et mène les actions relevant de la politique nationale. » Cela semble logique !
Je poursuis la lecture : « Il passe une convention en vue de coordonner ces
actions avec celles de la collectivité territoriale de Corse. » Encore tout à
fait logique ! « Il peut également dans cette convention charger la
collectivité territoriale de Corse de la mise en oeuvre de certaines de ces
actions. »
Le dispositif nous semblait à la fois complet et cohérent : l'Etat conservait
son contrôle scientifique et technique, menait les actions relevant de la
politique nationale et tentait de les coordonner avec celles de la collectivité
territoriale de Corse. A l'occasion de cette coordination, il pouvait confier à
la collectivité territoriale la mise en oeuvre d'un certain nombre d'actions
qui relevaient de la politique nationale.
Certains de ces points sont repris, mais de façon différente, dans
l'amendement n° 270, qui confirme la compétence de l'Etat à exercer son
contrôle scientifique et technique, mais « dans les domaines où la législation
en vigueur le prévoit ». Est-ce à dire que l'Etat n'exerce plus de contrôle
dans les domaines où celui-ci ne relève que de dispositions réglementaires ?
Est-ce prudent ?
Monsieur le ministre, si je vous interroge à ce sujet, c'est que nous n'avons
pas eu le temps de rassembler tous les éléments et d'examiner le contenu réel
de cet amendement. En effet, il n'a été porté à notre connaissance que lundi
soir à vingt et une heures trente, alors que le débat commençait le lendemain à
seize heures. Je ne reviendrai pas sur les conditions de précipitation dans
lesquelles nous travaillons, que j'ai déjà dénoncées.
Plus troublante encore est la façon dont votre amendement envisage la façon
dont l'Etat pourrait dorénavant conduire une action dans le domaine
culturel.
Aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale, l'Etat mène les actions
relevant de la politique nationale. Or, l'amendement n° 270 ne l'évoque plus
qu'au détour d'une disposition qui précise que, « en concertation avec la
collectivité territoriale de Corse, l'Etat peut accompagner des actions qui,
par leur intérêt ou leur dimension, relèvent de la politique nationale en
matière culturelle ».
En d'autres termes, l'Etat ne pourrait plus intervenir en Corse qu'après que
la collectivité territoriale aurait lancé une politique dans laquelle l'Etat se
reconnaisse et d'une ampleur telle que l'Etat décide de s'y associer. Dans ces
conditions, l'Etat perd, en matière culturelle, toute possibilité
d'intervention directe en Corse, au titre de la politique nationale.
Honnêtement, monsieur le ministre, je suis obligé de vous demander des
explications sur ce point, en vous prévenant tout de suite, et fort
respectueusement, que, si ces explications n'étaient pas de nature à effacer
notre appréhension, je serais sûrement amené à émettre un avis défavorable sur
l'amendement n° 270 et à m'en tenir au texte de l'Assemblée nationale que, pour
l'instant, je trouve meilleur que le vôtre. Cela montre que tout peut arriver ;
depuis le début de cette discussion, la situation était plutôt inverse !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Les choses me paraissaient pourtant claires, et,
vous le savez, nous avons essayé, notamment par un dialogue avec les élus de
l'Assemblée de Corse, de les améliorer et de les préciser.
L'Etat mène les actions de la politique nationale, cela va de soi, puisque
c'est l'application de la Constitution. Il ne peut y avoir de doute, pas plus
que sur le fait que, lorsque la collectivité territoriale de Corse prend des
initiatives, notamment en concertation avec l'Etat, ce dernier « peut
accompagner des actions qui, par leur intérêt ou leur dimension, relèvent de la
politique nationale en matière culturelle. La collectivité territoriale de
Corse peut être chargée par convention de leur mise en oeuvre ou de leur
accompagnement ».
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le problème de la réglementation.
Quand on écrit « législation », c'est au sens général du terme, et je serais
d'accord pour préciser qu'est également concerné le volet réglementaire.
La rédaction du Gouvernement, sous réserve de la mention du domaine
réglementaire dans le dernier alinéa, me paraît plus précise. Elle constitue en
outre un élément positif pour les élus de l'Assemblée de Corse.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, êtes-vous satisfait par la solution proposée par M. le
ministre ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Oui et non !
Je serais plus satisfait si M. le ministre prenait la plume pour rectifier son
amendement en rédigeant ainsi le dernier alinéa :
« Dans les domaines où la législation ou la réglementation en vigueur le
prévoit, le contrôle scientifique et technique est assuré par l'Etat. »
Pour l'instant, je reste un peu sur ma faim.
M. le président.
Monsieur le ministre, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens
que vous suggère M. le rapporteur ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'en suis d'accord !
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est parfait ! Mais qu'en est-il des actions de l'Etat ?
Monsieur le président, il me semble utile de prendre le temps de la
concertation avec le Gouvernement. C'est pourquoi je demande une brève
suspension de séance.
M. le président.
Le Sénat va bien entendu accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf
heures.)