SEANCE DU 23 OCTOBRE 2001
M. le président.
« Art. 1er. - L'appellation "musée de France" est réservée aux institutions
culturelles et scientifiques relevant de l'Etat, d'une autre personne morale de
droit public ou d'une personne morale de droit privé à but non lucratif, dont
l'objet est de présenter au public, pour la connaissance, l'éducation et le
plaisir, des ensembles permanents de biens mobiliers ou immobiliers réunis à
cette fin et dont la conservation et l'exposition revêtent un intérêt
public.
« Ces ensembles permanents, appelés collections, appartiennent à l'une des
personnes mentionnées à l'alinéa précédent. »
La parole est à Mme Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Madame la ministre, je souhaitais que soit reconnue la place de la culture
scientifique ; vous avez répondu à ce souhait.
En effet, l'article 1er - et lui seul - recouvre le champ de nos centres
culturels en matière scientifique et technique. Qu'il s'agisse de l'aspect
patrimonial, de la restauration ou du marché de l'art, le texte et les débats
étaient par trop focalisés sur les beaux-arts Or, si ceux-ci épanouissent, la
culture scientifique émancipe. Il semblait donc important que les centres de
culture scientifique et technique ainsi que les écomusées soient expressément
visés par le projet de loi. Ils le sont désormais et je vous en remercie.
M. le président.
Sur l'article 1er, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger ainsi l'article 1er :
« L'appellation "musée de France" peut être accordée aux musées appartenant à
l'Etat, à une autre personne morale de droit public ou à une personne morale de
droit privé à but non lucratif.
« Est considérée comme musée, au sens de la présente loi, toute collection
permanente de biens ouverte au public dont la conservation et la présentation
revêtent un intérêt public. »
L'amendement n° 63, présenté par M. Jean-Léonce Dupont, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de l'article 1er, après les mots : "ou d'une personne
morale de droit privé à but non lucratif", insérer les mots : "ou d'une société
d'économie mixte". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
La nouvelle rédaction de l'article 1er que propose la
commission est inspirée par un souci de précision.
Il s'agit ici non pas de définir les missions des musées puisque l'article 1er
bis,
introduit par l'Assemblée nationale, les énumère désormais, mais de
préciser les conditions d'octroi du label « musée de France ».
Or, comme l'a signalé l'un des intervenants, le texte adopté par l'Assemblée
nationale est, à plusieurs égards, ambigu : que désigne, juridiquement,
l'expression « institutions culturelles et techniques » ? Le label « musée de
France » est accordé non pas à des institutions mais bien à des collections.
Par ailleurs, le texte entretient une confusion entre la gestion des
collections et leur propriété.
Enfin, la définition des collections tend à englober les biens immeubles. On
risque ainsi de conduire à considérer que les immeubles les abritant font
partie intégrante des collections.
En établissant une distinction aux articles 1er et 1er
bis,
d'une part,
entre la définition des musées de France et, d'autre part, leurs missions, la
rédaction proposée par la commission permet donc de clarifier les conditions
qui doivent être réunies par une institution pour se voir attribuer le
label.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, pour présenter l'amendement n° 63.
M. Jean-Léonce Dupont.
Le label « musée de France » doit pouvoir être accordé aux musées gérés par
une société d'économie mixte, et non pas seulement à ceux qui relèvent de
l'Etat, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit
privé à but non lucratif.
Ainsi, les grottes de Lascaux, le mémorial de Caen, le centre de la mer
Nausicaa, le château d'Auvers-sur-Oise sont gérés par des sociétés d'économie
mixte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 63 ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
On l'aura remarqué, cet amendement est incompatible avec
l'amendement n° 1 puisqu'il vise en fait le gestionnaire des collections alors
que la définition de la commission prend en compte le propriétaire. Selon notre
conception, c'est le musée qui bénéficie du label, mais rien n'empêche qu'il
soit géré par une société d'économie mixte. Il n'y a donc pas de problème et je
suggère le retrait de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 63 ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
En ce qui concerne
l'amendement n° 1, le Gouvernement émet un avis défavorable, tout en comprenant
le souci de précision qui a animé ses auteurs. En effet, les musées de France
sont bien des institutions, et pas seulement des collections. Un musée est,
certes, constitué par sa collection, mais aussi par les services et activités
organisés autour de cette collection et pour sa mise à la disposition du
public. Par conséquent, le terme « collection » ne résume pas l'institution «
musée ».
Le texte ne fait pas naître d'ambiguïté entre la tutelle et la propriété des
collections. Il désigne clairement le propriétaire comme le sujet de droit
auquel la loi est applicable, indépendamment des conditions de gestion des
musées de France, qui relèvent de la libre décision de chacun des
propriétaires. C'est ainsi que le texte ne fait pas obstacle à ce qu'un
syndicat intercommunal puisse gérer un musée dont les collections appartiennent
à une seule commune.
Enfin, le Gouvernement comprend le souci du Sénat de ne pas considérer
systématiquement les immeubles abritant des musées comme éléments de la
collection. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale permet cependant
d'éviter cet écueil. Il suffit de préciser si l'immeuble est ou n'est pas un
élément de la collection. Il ne faut pas oublier que certains musées sont en
tout ou partie composés de biens immobiliers. A titre d'exemple, je cite le
musée d'Ungersheim, en Alsace.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 1.
Quant à l'amendement n° 63, je partage l'avis défavorable de M. le rapporteur.
L'appellation « musée de France » ne fait pas obstacle à ce que la gestion d'un
musée puisse être déléguée à un gestionnaire de droit privé. Elle implique en
revanche que le propriétaire de collections poursuive à travers l'exploitation
du musée une mission de service public ou, du moins, d'intérêt général à
caractère non commercial et que la responsabilité scientifique et culturelle du
musée soit assurée par un personnel qualifié. On retrouve donc la distinction
entre propriété et gestion.
M. le président.
Monsieur Dupont, l'amendement n° 63 est-il maintenu ?
M. Jean-Léonce Dupont.
Les explications sans ambiguïté de Mme la ministre et de M. le rapporteur
m'amènent à le retirer, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 63 est retité.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Mes chers collègues, contrairement à ce que dit Mme la
ministre, il y a bien confusion. Selon le texte tel qu'il nous vient de
l'Assemblée nationale, « l'objet est de présenter au public, pour la
connaissance, l'éducation et le plaisir, des ensembles permanents de biens
mobiliers ou immobiliers réunis à cette fin ».
Cette définition prend donc en considération à la fois les immeubles et les
collections en même temps qu'elle évoque les objectifs fixés par les musées.
Or, il serait préférable de distinguer les problèmes. L'article 1er traite de
ce qui fait la base des musées, à savoir les collections.
Effectivement, madame la ministre, les immeubles peuvent, comme pour le
magnifique écomusée de Ungersheim, faire partie de la collection exposée. Il
serait néanmoins dommageable que le texte puisse donner lieu à plusieurs
interprétations. Il me semble donc utile de rappeler que le coeur du dispositif
des musées est constitué par les collections, lesquelles font l'objet de la
labellisation, et de ne définir les modalités de gestion qu'à l'article 1er
bis.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° 1.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.
Article 1er bis