SEANCE DU 9 OCTOBRE 2001
M. le président.
« Art. 33 A. - L'article L. 321-1 du code du travail est ainsi rédigé :
«
Art. L. 321-1
. - Constitue un licenciement pour motif économique le
licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non
inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou
transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de
travail, consécutives à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être
surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en
cause la pérennité de l'entreprise, soit à des nécessités de réorganisation
indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise.
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du
contrat de travail résultant de l'une des trois causes énoncées à l'alinéa
précédent. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Mes chers collègues, au point où nous en sommes de la discussion du volet «
licenciements » du projet de loi de modernisation sociale, je voudrais livrer à
votre réflexion un exemple hautement édifiant de stratégie de « casse »
industrielle.
En avril dernier, le groupe BSN-Glasspack décide de fermer VMC, la verrerie de
Givors, dans le Rhône - ce sont les anciennes verreries royales,
multiséculaires - et de licencier 880 personnes dans l'ensemble du groupe.
Aucun argument économique ne tient pour justifier un tel plan social : le
marché est en croissance, le niveau de rentabilité se situe à 15 % et l'outil
de travail est performant.
En fait, ce plan de licenciements massif vise exclusivement à permettre un
fort effet de levier au bénéfice des actionnaires, les fonds de pension
anglo-saxons, pour 56 % du capital, et le groupe Danone, pour 40 %. Nous sommes
là devant un véritable coup boursier !
Dès l'annonce du projet de fermeture, un comité de soutien présidé par le
maire, M. Martial Passi, a engagé de nombreuses actions aux côtés de tous les
syndicats réunis en une intersyndicale. A ce titre, ils viennent de réaliser un
document rassemblant les solutions économiques alternatives.
Nous sommes donc là au coeur de ce que pourrait être une véritable
participation des salariés, force de proposition et d'imagination.
La preuve de leur sérieux ? Par deux fois, en juin et en juillet 2001, le
tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la nullité des procédures
engagées et des plans sociaux présentés par BSN-Glasspack et VMC. L'appel est
en instance.
Cette affaire illustre bien, à mon sens, la nécessité de doter les salariés et
les comités d'entreprise de pouvoirs nouveaux. Le Livre blanc de VMC Givors
témoigne, s'il en était besoin, de l'esprit de responsabilité qui anime les
salariés lorsqu'ils présentent des solutions alternatives réalistes, modernes,
au service de l'emploi et du développement économique, où l'on constate, une
fois encore, que construire coûte moins cher que casser.
Je rappelle que ces représentants syndicaux, avec, à leur tête le président du
comité de soutien, M. Martial Passi, sont venus rencontrer ici même les
représentants de tous les groupes de la Haute Assemblée, et je crois savoir
qu'ils reviendront pour nous présenter leurs solutions.
M. le président.
Sur l'article 33 A, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 189, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 321-1
du code du travail :
«
Art. L. 321-1
- Constitue un licenciement pour motif économique le
licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non
inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou tranformation
d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail,
consécutives notamment à des difficultés économiques sérieuses, à des mutations
technologiques ayant des conséquences importantes sur l'organisation du travail
dans l'entreprise, ou à des réorganisations destinées à sauvegarder la
compétitivité de l'entreprise concernée. »
Le sous-amendement n° 203, présenté par M. Chérioux, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 189 par les mots : "à
l'exception de celles qui auraient uniquement pour objet d'améliorer sa
rentabilité financière". »
L'amendement n° 216, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Au premier alinéa du texte proposé par l'article 33 A pour l'article L.
321-1 du code du travail, avant les mots : "à des difficultés économiques
sérieuses" insérer le mot : "soit". »
La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 189.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Mes chers collègues, il s'agit là d'un amendement important
puisqu'il tend à réécrire l'article L. 321-1 du code du travail relatif à la
définition du licenciement pour motif économique.
Le droit actuel prévoit que « constitue un licenciement pour motif économique
le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non
inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou
transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de
travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations
technologiques. »
La nouvelle rédaction adoptée par l'Assemblée nationale fait référence à « un
ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une
suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du
contrat de travail consécutives à des difficultés sérieuses n'ayant pu être
surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en
cause la pérennité de l'entreprise, soit à des nécessités de réorganisation
indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise ».
Cette nouvelle rédaction apparaît particulièrement restrictive et pourrait
constituer une source sérieuse d'insécurités juridiques. Que sont, en effet,
des « difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout
autre moyen » ? Qu'est-ce qu'une réorganisation « indispensable à la sauvegarde
de l'activité de l'entreprise » ?
L'Assemblée nationale modifie les règles du droit social sans fournir le mode
d'emploi.
Dans ces conditions, les partenaires sociaux, qui n'ont pas plus été consultés
sur cette disposition que sur les autres, ont raison de considérer, à l'instar
de la CFDT, lors de l'audition de ses représentants par la commission, que ces
dispositions « risquent de se transformer en marché de dupes » en provoquant
des effets pervers pour les salariés et l'emploi, et que « la définition plus
restrictive du licenciement économique peut favoriser le contournement de la
loi et réduire ainsi les droits et protections contenus dans les plans sociaux,
au détriment des salariés licenciés ». Cela, tout le monde l'a entendu, ce
n'est pas moi qui l'ai inventé !
L'ensemble de ces observations a amené la commission à considérer qu'il était
urgent de revenir sur les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale ;
c'est pourquoi elle propose d'adopter un amendement qui donne une autre
rédaction de cet article fondamental du code du travail.
Cette nouvelle rédaction constitue, à l'évidence, une rédaction de compromis.
Elle s'inspire largement de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour
de cassation. Elle prévoit trois conditions alternatives, mais non limitatives
- l'adverbe « notamment » est maintenu - permettant de justifier un
licenciement économique.
L'entreprise devra en effet être confrontée soit à des difficultés économiques
sérieuses, soit à des mutations technologiques ayant des conséquences
importantes sur l'organisation du travail dans l'entreprise, soit à des
réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise
concernée.
Il convient d'observer que ce dernier critère - la sauvegarde de la
compétitivité de l'entreprise - a été reconnu progressivement par la Cour de
cassation depuis 1995. Ce critère se distingue de celui de « l'intérêt de
l'entreprise » et
a fortiori
de celui de ses actionnaires.
Dans un arrêt du 30 septembre 1997, la Cour de cassation avait en effet
considéré que « si une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas
liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, peut
constituer une cause économique de licenciement, ce n'est qu'à condition
qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et non
en vue d'augmenter les profits et de remettre en cause une situation acquise
jugée trop favorable aux salariés ».
On le voit, le texte de cet amendement constitue une position d'équilibre qui
traduit la volonté du Sénat de clarifier le droit du licenciement tout en
préservant la sécurité juridique et la compétitivité des entreprises.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour présenter le sous-amendement n° 203.
M. Jean Chérioux.
L'amendement que vient de nous présenter notre rapporteur est excellent dans
la mesure où il replace les licenciements économiques précisément dans leur
cadre économique.
Il va de soi que l'on ne peut pas attendre que les difficultés aient pris une
certaine ampleur pour les résoudre. On a bien vu ce que cela pouvait donner
dans le passé. Je ne rappellerai que pour mémoire l'exemple de la sidérurgie
française : à force de toujours remettre à plus tard les plans de licenciement,
elle s'est effondrée.
Sans compétitivité, une entreprise est, à terme, condamnée. Il faut donc
assurer, avant que les problèmes surgissent, cette compétitivité, ce qui
suppose aussi, forcément, une certaine rentabilité.
Mais quelle levée de boucliers ce thème de la « rentabilité » n'a-t-il pas
déclenchée, il y a quelques mois ! On a même parlé de « licenciements boursiers
». Eh bien, il ne doit pas s'agir de licenciements boursiers !
En effet, il y va ici de la rentabilité de l'entreprise en tant que
productrice de biens ou de services, ce qui n'a rien à voir avec la rentabilité
financière. Par conséquent, pour clarifier les choses et afin que l'on ne
prétende pas de nouveau que l'on favorise uniquement les actionnaires,
notamment les fonds de pension, je propose, par le biais de mon
sous-amendement, d'exclure du champ de l'article L. 321-1 du code du travail
les opérations qui auraient uniquement pour objet l'amélioration de la
rentabilité financière.
N'oublions pas, en effet, qu'une entreprise est une cellule humaine comprenant
des employeurs, des salariés, ainsi que des actionnaires, dans la mesure où ces
derniers sont stables.
Mais de quoi s'agit-il lorsque l'on parle de rentabilité purement financière ?
De ce que l'on appelle aujourd'hui le « retour sur capital », exigé par les
fonds de pension, comme l'indiquait tout à l'heure notre collègue Guy
Fischer.
M. Guy Fischer.
Nous sommes entièrement d'accord, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux.
Or cet actionnariat est très mouvant, puisqu'il suffit que les conseils
d'administration de ces organismes décident de changer leur politique de
placements pour que les titres soient vendus. Il n'est pas question alors de
s'intéresser à l'entreprise elle-même, seules importent les considérations de
rentabilité. Cela, il n'est pas possible de l'admettre !
Je rappellerai simplement, à cet égard, ce mot du général de Gaulle, qui avait
fait scandale à l'époque : « La politique de la France ne se décide pas à la
corbeille ! »
Dans l'optique de l'examen de ce projet de loi, je dirai que, dans le même
esprit, on ne doit pas permettre que les licenciements puissent se décider dans
le secret des conseils d'administration des fonds de pension. Non, ce n'est pas
possible, et il me semble que ma proposition peut permettre de résoudre le
problème.
Cela étant, pour que les choses soient claires, notamment pour que l'on ne
puisse pas objecter que des difficultés d'interprétation pourraient se poser,
je précise qu'il s'agit ici de la rentabilité financière « externe »,
c'est-à-dire évaluée selon des critères qui sont fixés par les financiers, en
particulier par ces analystes financiers dont les décisions varient d'un jour à
l'autre. Non, les entreprises ne peuvent être soumises à de tels aléas !
M. le président.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 216 et pour
donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 189 et le sous-amendement n°
203.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'amendement n° 216 est de
portée rédactionnelle.
Quant à l'amendement n° 189 de la commission, il est en effet important
puisqu'il tend à proposer une nouvelle définition du licenciement pour motif
économique qui, tout en visant à mieux encadrer cette procédure que ne le
faisait la rédaction initiale de l'article L. 321-1 du code du travail, marque
néanmoins, à mes yeux, un retour en arrière par rapport au texte issu de la
deuxième lecture du texte à l'Assemblée nationale.
Je relève tout de même avec intérêt le souhait de la commission de préciser
les motifs en question, ce qui est un pas dans notre direction. Je vous en sais
gré, monsieur le rapporteur !
Cela étant, je crois que la définition retenue par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture est meilleure, parce qu'elle vise à ce que les licenciements
pour motif économique n'interviennent que lorsque toutes les autres solutions
ont échoué.
Je pense aussi que le rétablissement de l'adverbe « notamment », que vous
proposez par le biais de votre amendement, monsieur le rapporteur, laisserait
planer une incertitude quant aux options ouvertes à l'entreprise, alors qu'il
s'agit au contraire de garantir que les licenciements pour motif économique,
avec leur coût social, n'interviennent qu'en dernier ressort.
C'est pourquoi le Gouvernement souhaite le maintien de la rédaction issue de
la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, qui lui paraît assurer un
équilibre entre un encadrement strict et justifié des motifs permettant
d'engager une procédure de licenciement pour motif économique et la
préservation des moyens indispensables à l'entreprise pour s'adapter et
sauvegarder son activité.
Ce même souci d'équilibre m'amène à émettre également un avis défavorable sur
le sous-amendement n° 203 présenté par M. Chérioux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 216 et sur le
sous-amendement n° 203 ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
L'amendement n° 216 est incompatible avec celui qui a été
déposé par la commission, et nous y sommes donc défavorables.
Par ailleurs, je voudrais répondre à l'intervention tout à fait brillante de
mon collègue et ami Jean Chérioux, que j'ai écouté avec une attention
soutenue.
M. Chérioux a repris les arguments qu'il avait développés au mois de juin
dernier en séance publique puis devant la commission des affaires sociales. Ses
propos traduisent une préoccupation légitime : si chacun d'entre nous conçoit
que l'impératif de compétitivité puisse conduire une entreprise à licencier, il
est évident que des licenciements qui auraient pour seul motif l'accroissement
de la rentabilité financière ne sauraient être acceptés.
Toutefois, notre collègue reconnaîtra la difficulté pratique - je le lui ai
déjà indiqué et je le répète aujourd'hui - qu'il y a à distinguer les
licenciements liés au maintien de la compétitivité de ceux répondant à des
objectifs purement financiers.
M. Guy Fischer.
Quand on veut, on peut !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
J'attire son attention sur le fait qu'il appartient au juge,
en dernier ressort, d'apprécier la réalité du motif invoqué pour licencier.
C'est pourquoi la définition retenue par la commission me semble suffisante.
La préoccupation que traduit le sous-amendement est légitime, je le répète, et
je la partage très largement, mais les remarques que j'ai formulées ainsi que
les explications que j'ai données ce matin à la commission m'amènent
malheureusement à vous demander, monsieur Chérioux, de bien vouloir retirer
celui-ci, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.
M. le président.
Le sous-amendement est-il maintenu, monsieur Chérioux ?
M. Jean Chérioux.
Avant de me prononcer sur ce point, je souhaite formuler deux observations.
Tout d'abord, Mme le ministre n'a évoqué qu'un souci d'équilibre. Or j'aurais
souhaité qu'elle nous apporte des précisions à cet égard et donne son
appréciation sur ce qui fait l'objet de mon sous-amendement.
Par ailleurs, je souhaiterais, dans le cas où je serais amené à retirer mon
sous-amendement, que M. le rapporteur me confirme que la commission considère
bien comme peu souhaitables les licenciements à caractère purement financier,
c'est-à-dire ces fameux licenciements à caractère boursier, qui ont pour objet
de permettre aux institutions financières d'améliorer la rentabilité de leur
capital.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est bien volontiers, monsieur
le sénateur, que j'apporterai quelques précisions complémentaires à propos de
votre sous-amendement.
Tout d'abord, vous avez eu tout à fait raison de souligner que nous devons
prévenir tout recours abusif aux licenciements. Vous avez à cet égard très
justement insisté sur votre souci d'empêcher les licenciements boursiers,
motivés uniquement par la rentabilité financière. Or tel est bien l'objet du
texte du Gouvernement, tel qu'il est issu de la deuxième lecture à l'Assemblée
nationale, et la rédaction que nous avons retenue nous paraît plus claire et
meilleure que celle que vous proposez.
J'ajoute que, si je n'ai pas davantage insisté tout à l'heure, c'est parce que
nous visons le même objectif. En outre, votre position m'avait semblé plus
proche de la nôtre que de celle de M. le rapporteur. Je vous suggère donc,
monsieur Chérioux, de vous rallier à la rédaction issue de la deuxième lecture
à l'Assemblée nationale.
(Sourires.)
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je voudrais tout d'abord indiquer à M. Chérioux que nous
avons bien compris les arguments très intéressants qu'il a développés au mois
de juin, ce matin et encore voilà quelques instants.
Cela étant, j'ignore si M. Chérioux est proche des conceptions du
Gouvernement, mais je sais qu'il partage une grande partie des miennes,
puisque, au fond, nos positions sont tout à fait voisines s'agissant du
gaullisme.
M. Guy Fischer.
Ce n'est pas sûr !
M. Robert Bret.
Cela reste à démontrer !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Ce ne sont tout de même pas les communistes qui vont nous
départager !
(Rires.)
Récupéré par le Gouvernement, et maintenant
récupéré par les communistes ! Cher Jean Chérioux, je ne sais plus quoi faire !
(Nouveaux rires.)
Mais je veux vous dire, mon cher collègue, que vous pouvez compter sur moi -
je vous l'ai dit en privé, je vous le répète en public - pour être attentif à
vos propositions.
(M. Muzeau rit.)
Il ne s'agit pas ici d'un effet de
séance ! Je peux même m'avancer à affirmer que, en troisième lecture, nous
pourrons examiner la question que vous avez soulevée.
M. le président.
Quelle est maintenant votre décision, monsieur Chérioux ? Le sous-amendement
n° 203 est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux.
Je remercie vivement Mme la ministre de juger relativement bon le
sous-amendement que j'ai déposé.
(Sourires.)
Toutefois, je me sens tout de même plus proche des préoccupations de la
commission, parce que, sur le plan économique, elles me semblent plus
cohérentes que celles dont il est fait état dans le texte du Gouvernement. Il y
a des réalités économiques dont vous ne tenez pas compte, madame la ministre !
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Par ailleurs, étant donné la bonne volonté de M. le rapporteur et les
assurances qu'il m'a fournies je retire mon sous-amendement.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Merci !
M. Claude Domeizel.
Beau numéro d'équilibriste !
M. le président.
Le sous-amendement n° 203 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 189.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
La commission des affaires sociales nous a présenté un amendement visant à
modifier substantiellement la définition du licenciement pour motif
économique.
Cette question est importante, car la qualification de licenciement pour motif
économique fait naître des droits et des protections spécifiques pour les
salariés et certaines obligations pour l'employeur. Cela explique l'intérêt
porté par chacun des groupes politiques à l'évolution de cette définition.
Soucieux de mieux cerner les circonstances justifiant le licenciement pour
motif économique et d'éviter, par conséquent, tous les licenciements
abusivement qualifiés comme tels et relevant en fait de motivations
exclusivement financières, les parlementaires communistes, tant au
Palais-Bourbon qu'au sein de la Haute Assemblée, ont constitué une force de
proposition. La rédaction retenue en deuxième lecture par nos collègues de
l'Assemblée nationale modifie le code du travail non pas à la marge mais bel et
bien au fond.
Ainsi le fameux adverbe « notamment » figurant à l'article L. 321-1 du code du
travail, qui a permis au juge d'ajouter aux difficultés économiques et aux
mutations technologiques une troisième cause de licenciement pour motif
économique, à savoir la réorganisation effectuée pour sauvegarder la
compétitivité de l'entreprise, disparaît. Par conséquent, on ne pourra plus, à
l'avenir, retenir d'autres situations économiques que celles qui sont
expressément visées.
Vous convenez, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, de
l'ampleur des modifications apportées par le biais de cet article au droit en
vigueur. Pour autant, vous n'acceptez ni la disparition de l'adverbe «
notamment » ni l'encadrement des trois causes retenues pour qu'il y ait bien
licenciement pour motif économique.
Je regrette, à cet égard, que M. Chérioux ne soit pas allé au bout de sa
démarche, car, contrairement à ce qui a été avancé, la rédaction proposée par
M. le rapporteur est loin de représenter un compromis. La position de la
majorité sénatoriale traduit simplement la volonté du MEDEF de valider à tout
prix, comme cause de licenciement pour motif économique, des réorganisations de
pur confort ou dictées par l'unique souci d'augmenter les profits. Nous
cherchons, quant à nous, à limiter les abus.
Nous voterons donc résolument contre l'amendement n° 189.
M. Gilbert Chabroux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
La définition du licenciement économique telle qu'elle résulte de la
discussion à l'Assemblée nationale a permis d'aboutir à un point d'équilibre et
à plus de précision qu'auparavant.
La suppression du mot « notamment » est, pour nous, un grand motif de
satisfaction. Il y a un resserrement sur une plus grande exactitude des
concepts et des mots. Il est enfin clair que les licenciements ne doivent pas
être utilisés par les employeurs comme une facilité et que les salariés ne sont
pas la première variable d'ajustement. Le licenciement est et doit demeurer le
dernier recours de l'entreprise, quand toutes les autres solutions -
application des 35 heures, réduction des heures supplémentaires, par exemple -
ont d'abord été mises en oeuvre.
Parallèlement, les notions de mutation technologique mettant en cause la
pérennité de l'entreprise et de réorganisation indispensble à la sauvegarde de
l'activité de l'entreprise sont préservées. La définition est donc à la fois
précise et suffisamment ouverte pour permettre à une entreprise de s'adapter
aux conditions qui lui sont imposées dans une économie concurrentielle.
Je précise que, pour nous, la notion de sauvegarde de l'activité de
l'entreprise est plus précise que la notion de préservation de la
compétitivité, qui peut donner lieu à confusion. Il est facile de définir
l'activité. Il est beaucoup plus difficile de définir juridiquement la
compétitivité.
Le sous-amendement de notre excellent collègue M. Jean Chérioux l'illustre
fort bien, dans la droite ligne du gaullisme de gauche.
(Exclamations sur
plusieurs travées du RPR).
Mais l'amendement présenté par M. Gournac, au nom de la commission des
affaires sociales, rompt l'équilibre auquel nous devons faire référence,
essentiellement par la réintroduction du mot « notamment ». Si l'amendement de
la commission devait figurer dans le texte de loi, cela signifierait, en fait,
que l'on a assoupli la définition, et donc les conditions du licenciement
économique. Toute circonstance économique pourrait dès lors servir de prétexte
à des licenciements. Nous sommes absolument opposés à une telle orientation.
L'amendement n° 188 ayant fait l'objet d'un scrutin public, nous demandons un
scrutin public sur l'amendement n° 189, en précisant que nous voterons
contre.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 189, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 207 |
Contre | 111 |
En conséquence, l'amendement n° 216 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 33 A modifié.
(L'article 33 A est adopté.)
Article 33
(précédemment réservé)