SEANCE DU 9 OCTOBRE 2001


M. le président. « Art. 29A. - A tous les articles où ils figurent au code du travail, les mots : "plan social" sont remplacés par les mots : "plan de sauvegarde de l'emploi". »
L'amendement n° 174, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Nous proposons de supprimer cet article, car le remplacement de l'expression « plan social » par celle de « plan de sauvegarde de l'emploi » ne nous paraît pas d'une grande utilité. Cette approche sémantique ne nous semble pas de nature à mieux rappeler la responsabilité de l'employeur dans la mise en place d'alternatives au licenciement. Si louable que soit cette préoccupation, elle ne convainc guère la commission.
Lors de son audition, le 28 juin dernier, le professeur Jean-Emmanuel Ray nous a confortés dans notre opinion selon laquelle ce changement de terme n'était pas souhaitable. Il nous a notamment rappelé que, depuis 1989, la jurisprudence avait progressivement donné un contenu à l'expression « plan social ». Ainsi le plan social est-il désormais un objet juridiquement identifié. Dès lors, un changement de termes ne pourrait qu'ouvrir une nouvelle période d'incertitude.
Par ailleurs, comme le soulignait le professeur Ray, on imagine mal un délégué syndical informant ses mandants que le plan de sauvegarde de l'emploi qu'il négocie aura pour conséquence plusieurs centaines de licenciements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nul n'en sera surpris, cet avis est défavorable.
Si nous avons décidé de proposer la substitution du « plan de sauvegarde de l'emploi » au « plan social », c'est d'abord pour rappeler qu'un tel plan n'a jamais été synonyme de licenciements, contrairement à l'interprétation qui en a été, hélas ! donnée couramment.
Un plan social vise précisément à concrétiser l'exigence de maintien de l'emploi dans l'entreprise. Le changement de vocabulaire que nous proposons permet de rappeler la responsabilité de l'employeur dans la mise en place d'alternatives au licenciement. Elle est donc particulièrement signifiante. Je suis de ceux qui pensent que le langage structure la société. Par conséquent, je pense qu'il faut, compte tenu de l'évolution des interprétations données à l'expression « plan social », y substituer celle de « plan de sauvegarde de l'emploi ».
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 174.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Sur l'initiative du Gouvernement, les termes « plan de sauvegarde de l'emploi » ont été substitués aux termes « plan social ».
Le Gouvernement considère, d'une part, que l'objectif du plan social est de traduire dans les faits une exigence fondamentale de maintien de l'emploi dans l'entreprise et, d'autre part, qu'il convient de « rappeler la responsabilité de l'employeur dans la mise en place d'alternatives aux licenciements ».
Arguant du fait que ce changement de dénomination tendrait à dramatiser les restructurations et à leur donner une importance qui ne correspondrait pas à la réalité du phénomène, la commisison des affaires sociales entend revenir sur ces modifications terminologiques.
Nous sommes, bien sûr, conscients que cette nouvelle dénomination ne révolutionnera pas le droit en matière de licenciement, l'essentiel résidant dans des dispositions concrètes reconnaissant aux salariés des droits nouveaux d'intervention, de contestation des choix du chef d'entreprise, de manière que le plan social mérite véritablement son nom.
Pour autant, nous ne voterons pas l'amendement de suppression présenté par M. le rapporteur, pour qui les seuls mots « sauvegarde de l'emploi » sont une contrainte imposée au droit divin de l'employeur de licencier. (M. Gournac, rapporteur, s'esclaffe.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Contrairement à M. Alain Gournac, nous considérons que cet article n'est pas simplement de portée sémantique.
Nous préférions l'expression « plan social » à la dénomination précédente, à savoir « plan de licenciement ». Mais s'il s'agit de plans sociaux par lesquels des dizaines de milliers de salariés à travers le monde vont se retrouver privés d'emploi pour cause de rentabilité jugée insuffisante, on peut se demander s'il ne conviendrait pas plutôt de parler de « plans antisociaux ». En nous proposant de nous en tenir à l'expression « plan social », M. Gournac nous invite en réalité à faire un joli tour de passe-passe sémantique. (Sourires.)
L'expression « plan de sauvegarde de l'emploi » permet de marquer la nécessité d'un engagement de la part de l'entreprise qui licencie en vue de sauver des emplois et de participer à la réindustrialisation du bassin d'emploi considéré.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 29 A est supprimé.

Articles 29 et 30
(précédemment réservés)