SEANCE DU 23 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Schosteck, au nom de la commission, propose d'insérer,
avant l'article premier, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 19 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Le procureur de la République informe le maire des crimes, délits et
contraventions de la cinquième classe dont il a connaissance sur le territoire
de la commune. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 127 rectifié, présenté par
MM. Paul Girod, Karoutchi et Béteille et tendant :
I. - Au début du texte présenté par l'amendement n° 3, à remplacer les mots :
"Le procureur de la République informe" par les mots : "Les officiers de police
judiciaire informent".
II. - En conséquence, dans le même texte, à remplacer les mots : "il a" par
les mots : "ils ont".
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement prévoit que le maire est informé par le
procureur de la République des infractions commises sur le territoire de sa
commune, dès la survenue des événements.
En effet, il est détestable qu'un maire dépende des médias à cet égard. Dans
le département des Hauts-de-Seine, où n'existe aucune presse locale, les maires
doivent espérer que
Le Parisien
rendra compte des événements, sinon ils
n'en seront pas informés !
Il s'agit d'assurer une simple information, j'y insiste afin que l'on ne
déforme pas une nouvelle fois mes propos, et non pas de prévoir la transmission
du relevé des mains courantes ou des procès-verbaux. Que chacun soit rassuré
sur ce point ! Parmi les contraventions, ne sont visées que celles de la
cinquième classe, dont relèvent notamment les violences simples n'ayant pas
entraîné d'interruption de travail de plus de huit jours.
Il est par ailleurs amusant de rappeler au passage que le maire est d'autant
mieux habilité à recevoir cette information qu'il est officier de police
judiciaire...
M. Alain Vasselle.
Bien sûr ! Il faut le rappeler !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
On l'oublie toujours ! Nous sommes officiers de police
judiciaire, nous, les maires, en application de l'article 16 du code de
procédure pénale !
M. Alain Vasselle.
On l'oublie, au ministère de l'intérieur !
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi, pour présenter le sous-amendement n° 127
rectifié.
M. Roger Karoutchi.
Tout le monde est d'accord pour estimer que, dans l'optique de la
coproduction, le maire doit être associé aux actions entreprises. M. le
ministre a d'ailleurs adressé une circulaire aux préfets en ce sens.
Dans ces conditions, il apparaît normal et logique que les officiers de police
judiciaire puissent informer directement les maires des crimes, délits et
contraventions de la cinquième classe dont ils ont connaissance.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 127 rectifié ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission a estimé qu'il existait trop d'incertitudes
quant à l'origine des informations et qu'il était plus sûr de réserver la
faculté d'informer aux seuls procureurs. Elle émet donc un avis défavorable sur
le sous-amendement n° 127 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 et sur le
sous-amendement n° 127 rectifié ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Sur le sous-amendement n° 127 rectifié, je me
rallie à la position de M. Schosteck. Il me semble en effet que conférer aux
officiers de police judiciaire les mêmes prérogatives et les mêmes devoirs
qu'aux procureurs de la République présenterait, dans l'hypothèse retenue par
M. le rapporteur, quelques risques.
Par ailleurs, je suis défavorable à l'amendement n° 3, parce que, sauf à
changer fondamentalement les missions des maires, il n'est pas possible
d'imposer l'obligation prévue par la commission aux procureurs de la
République.
Je voudrais quand même préciser à l'intention de M. Hyest que, dans la
circulaire que j'ai adressée le 3 mai dernier, j'indique aux préfets, à la page
2 : « Chaque fois que vous l'estimerez possible ou opportun, la réunion du
comité de pilotage du contrat local de sécurité organisée par vos soins avec le
procureur de la République et les chefs de service de sécurité concernés pourra
servir de support à cet échange sur les problèmes de sécurité avec les
principaux maires du département. »
Par ailleurs, vous avez eu raison de souligner, monsieur le rapporteur, que,
de son côté, Mme Lebranchu a adressé aux procureurs une circulaire d'action
publique, que nous avons - c'est peut-être inédit - préparée ensemble, afin que
les mesures prévues puissent être efficacement appliquées.
M. le président.
Monsieur Karoutchi, êtes-vous rassuré par les propos de M. le ministre et
acceptez-vous de retirer le sous-amendement n° 127 rectifié ?
M. Roger Karoutchi.
Les propos de M. le ministre me rassurent toujours, monsieur le président,
mais je maintiens mon sous-amendement.
(Sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 127 rectifié.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Le sous-amendement présenté par M. Karoutchi me semble tout à fait
intéressant, mais il présente un inconvénient. En effet, les officiers de
police judiciaire sont très nombreux et peu disponibles, et je crains que, en
réalité, l'adoption éventuelle de ce sous-amendement ne reste sans effet car
l'officier de police judiciaire n'informera le maire qu'après avoir d'abord
rendu compte à sa hiérarchie ou au procureur de la République.
Personnellement, il me paraîtrait certes souhaitable que, à chaque fois qu'un
officier de police judiciaire accomplit un acte, il en informe le maire, mais
je crains que, dans la pratique, ce ne soit impossible. C'est pourquoi je me
rallie à la proposition de M. le rapporteur, pensant qu'il est plus réaliste
que ce soit le procureur qui soit chargé d'informer, car il sera régulièrement
obligé de le faire.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Un nom m'a surpris quand j'ai pris connaissance de la liste des auteurs du
sous-amendement, celui de M. Béteille. En effet, nous savons tous que le père
de notre collègue était un grand magistrat, et je ne pense pas, franchement,
que le rôle de l'officier de police judiciaire, qui agit sur instruction du
parquet ou sur commission rogatoire d'un juge d'instruction, soit d'informer
les maires. C'est là un mélange des genres.
(M. le ministre manifeste son
approbation.)
J'ai gardé une certaine conception de la séparation des
pouvoirs, et même si je suis favorable à ce que les maires soient informés, par
le procureur de la République, des crimes et délits commis sur le territoire de
la circonscription, le dispositif proposé me paraît impossible, d'autant qu'il
existe tout de même des polices spécialisées et des services de police
judiciaire, que des commissions rogatoires sont quelquefois délivrées sur
l'ensemble du territoire national et que protéger la confidentialité est bien
entendu nécessaire.
Je pense donc que le maire n'a pas à être informé de toutes les enquêtes et de
tout ce qui s'est passé sur le territoire de sa commune ; ce qui l'intéresse,
c'est la sécurité publique et les diligences faites par la justice en cette
matière.
Par conséquent, je supplie mes collègues de retirer leur sous-amendement, car
tout cela n'est pas cohérent ni raisonnable, même si je comprends la finalité
de leur proposition, qui est de connaître les actions menées, dans le monde de
la justice, en matière de lutte contre l'insécurité.
M. Laurent Béteille.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Béteille.
M. Laurent Béteille.
Le problème est que, à l'heure actuelle, les maires sont confrontés à une
situation insupportable. En effet, ils apprennent par la presse, voire par le
biais de pétitions, qu'il s'est passé quelque chose dans un quartier de leur
ville, qu'il s'agisse d'un
hold-up
ou d'un événement particulièrement
grave ; notre souci est donc de les informer.
Pour ma part, je me serais volontiers rallié à l'idée que l'information doit
être assurée par le procureur de la République, car cela correspondrait en
effet peut-être davantage aux conceptions traditionnelles. Mais je crains que
le procureur de la République n'informe le maire que trop tardivement, alors
qu'il serait beaucoup plus simple que le commissaire de police, lorsqu'il a
connaissance d'un événement grave survenu sur le territoire de la commune,
puisse
a minima
transmettre l'information à celui-ci.
Certes, l'amendement de la commission permet effectivement de répondre à cette
préoccupation, mais je crains que cela ne suffise pas à résoudre ce problème
d'information, qui est totalement insupportable.
M. Alain Joyandet.
Très bien !
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je ne sais pas si cette discussion permettra de faire émerger une solution qui
puisse convenir à la fois au législateur et aux maires, qui, sur le terrain,
doivent gérer les difficultés.
J'entends bien que les membres de la commission des lois sont très attachés
aux principes fondamentaux du droit. J'ai constaté personnellement la même
situation lors des débats relatifs à la responsabilité pénale des élus, qui ont
débouché sur le texte de M. Fauchon.
Nous savions que cette première réponse serait incomplète, qu'elle ne
permettrait pas de régler définitivement le problème.
J'ai le sentiment que nous allons nous trouver dans la même situation quant au
rôle que nous voulons faire jouer au maire, à la maîtrise que nous voulons lui
donner de la sécurité publique sur le territoire, quant aux moyens à mettre à
sa disposition pour qu'il puisse assurer cette sécurité de manière
satisfaisante !
La question est donc de savoir comment procéder. La commission des lois estime
que, pour respecter les grands principes du droit et la législation qui régit
les rapports existant entre le maire, la police, le procureur et la justice, il
n'y a pas d'autre solution que de faire appel au procureur.
De ce point de vue, je voudrais faire observer à nos collègues de la
commission des lois, qui, pour certains, sont sans doute maires, mais peut-être
pas de petites communes rurales, que le problème se pose non seulement en
milieu urbain mais également en milieu rural, sans doute avec autant d'acuité,
même si les délits sont peut-être d'une nature différente, voire d'une moindre
gravité, encore que cela reste à prouver !
Conformément à l'esprit des lois de décentralisation - c'est aussi de votre
domaine de compétence, monsieur le ministre - la gestion doit être la plus
proche possible de nos concitoyens et des acteurs sur le terrain. Or qui sont
ces acteurs, sinon les maires ?
Faire appel, pour jouer ce rôle d'informateur, au procureur, soit ! Mais si
l'on peut faire appel à ces officiers de police judiciaire que nous avons dans
nos brigades de gendarmerie ou dans les commissariats qui existent juste à
l'échelon supérieur, cela me semble aller dans le bon sens.
Je comprends les inquiétudes de M. Gélard, qui fait valoir que les officiers
de police judiciaire ont déjà une masse de travail considérable et que nous
allons encore en ajouter. Cela étant, la situation des procureurs ne me paraît
pas meilleure que celle des officiers de police, de ce point de vue.
M. Nicolas About.
Elle est pire !
M. Alain Vasselle.
Le problème n'est donc pas celui de la surcharge de travail.
Ce qu'il faut, c'est permettre aux maires d'agir efficacement pour assurer la
sécurité de leurs concitoyens. Pour cela, il doivent être informés. Peut-être
sommes-nous, aux yeux de certains, à côté de la réalité juridique, mais nous
sommes, en tout cas, conscients de la réalité du terrain, de ses difficultés,
car si les maires ne sont pas informés, s'ils ne peuvent pas être des acteurs,
aux côtés des officiers de police ou de gendarmerie, la situation restera celle
que nous connaissons aujourd'hui.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est pire
que ce que je pensais, hier, en m'exprimant à la tribune après avoir lu les
propositions de la commission.
Je veux dire à mes collègues de la majorité sénatoriale qu'ils sont en train
de ruiner deux siècles d'organisation des pouvoirs publics en France,...
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Nicolas About.
Ils se sont ruinés tout seuls !
M. Gérard Delfau.
... sans en mesurer les conséquences, et sans être sûrs que nos collègues
maires souhaitent se voir transférer cette charge pour laquelle ils n'ont pas
été élus.
M. Alain Vasselle.
Ce n'est pas une charge, c'est une information !
M. Gérard Delfau.
Je vous ai entendu, monsieur Vasselle : vous avez parlé d'information mais,
ensuite, vous avez dit qu'il fallait que le maire puisse assurer la
sécurité.
M. Alain Vasselle.
Oui !
M. Gérard Delfau.
On voit donc bien vers quoi vous vous dirigez.
Voilà déjà vingt-quatre ans que je suis maire...
M. Alain Vasselle.
Moi, vingt-sept ans !
M. Gérard Delfau.
... et, sans qu'il y ait eu besoin de débat au Sénat, ni de texte de loi, j'ai
toujours entretenu les meilleures relations qui soient avec l'adjudant de
gendarmerie. Quand il se produit un événement grave, très naturellement et
confidentiellement - j'y insiste - j'en suis informé...
M. Roger Karoutchi.
Très bien ! On n'en demande pas plus !
M. Gérard Delfau.
... et je peux essayer d'être celui qui aide les pouvoirs publics à faire leur
travail.
M. Alain Vasselle.
On n'en demande pas plus !
M. Gérard Delfau.
Si l'on veut, comme le propose la commission, que le procureur informe le
maire de l'ensemble des crimes, délits et contraventions de la cinquième
classe, il en résultera, d'abord, un travail colossal pour ce magistrat et,
ensuite, un changement de nature de l'organisation des pouvoirs de la
République.
M. Alain Vasselle.
Et alors !
M. Gérard Delfau.
Et si l'on veut que cela revienne aux officiers de police, alors nous
retomberaons dans la féodalité. Je ne comprends pas que le Sénat s'engage dans
cette voie !
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Pitié pour le parquet ! Chers collègues, je ne sais pas si vous mesurez la
portée de ce que vous êtes en train de proposer pour une institution judiciaire
déjà surchargée, accablée, dépourvue de moyens et dont on ne cesse, de toutes
parts, de critiquer les retards !
Je comprends votre souci d'information, qui est naturel, mais quand vous dites
que dorénavant le procureur de la République sera tenu d'informer le maire des
crimes, délits et contraventions de la cinquième classe dont il a connaissance
sur le territoire de la commune, c'est-à-dire toutes les infractions sauf
celles que l'on peut considérer comme purement matérielles, imaginez-vous ce
que cela signifie ?
Imaginez-vous ce que cela représente - je me tourne en cet instant vers M. le
président - s'agissant du maire de Marseille et du parquet de Marseille ?
Imaginez-vous le nombre d'infractions - et encore vous arrêtez-vous aux
contraventions de cinquième classe ! - dont il faudra qu'il informe le maire -
vous n'allez pas jusqu'à demander que ce soit en temps réel ! - lorsqu'elles
auront été commises ? C'est tout simplement inimaginable dans les très grandes
villes, qui sont aussi des communes, qui ont aussi un maire, maire qui pourra
se plaindre de ne pas avoir été informé de la totalité des contraventions
commises dans sa ville.
Pour les grandes cités, comme celles de mon département, les Hauts-de-Seine,
qui sont loin, on le sait, d'être à l'abri de la criminalité et de la
délinquance, il faudra au parquet de Nanterre - mais cela vaut aussi pour celui
de Bobigny ou celui de Paris - créer un service spécial pour informer, en temps
raisonnable - si c'est un mois après, cela ne vous intéresse évidemment plus !
- les maires de ce qui est arrivé.
Je le dis clairement : ce n'est pas possible.
C'est en adoptant de telles dispositions, sans en avoir mesuré les
conséquences, qu'on suscite dans le corps judiciaire une réaction
d'incompréhension à l'égard du législateur, qui semble ainsi ignorer que le
temps des magistrats n'est pas élastique.
Après la dernière réforme - heureuse ! - que nous avons adoptée au mois de
juin 2000, le parquet s'est vu confier nombre de tâches nouvelles, très
importantes, concernant notamment les garanties de la liberté individuelle.
Nous nous en sommes tous félicités. Et maintenant, il faudrait créer des
services entiers à seule fin d'informer les municipalités ?
Chers collègues, faites en sorte que les relations s'améliorent ! Prenez soin
de prendre langue avec les magistrats du parquet, et vous aurez des
informations sur tout ce qui est important. Mais n'insérez pas une telle
disposition dans la loi !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. Alain Joyandet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai pas
l'impression que ce que nous demandons soit si compliqué.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Très juste !
M. Alain Joyandet.
J'ai le sentiment, en l'instant, qu'il y a deux sortes de maires : ceux qui
ont de bonnes relations avec leur commissaire de police, qui sont au courant
pratiquement de tout, et ceux qui n'ont pas ces bonnes relations, qui ne sont
au courant de rien et qui sont informés par la presse.
Ce qui est demandé aujourd'hui, c'est, finalement, que l'ensemble des maires
soient informés. M. Delfau, à qui l'adjudant-chef de gendarmerie, si j'ai bien
compris, rend compte tous les matins...
M. Gérard Delfau.
Je n'ai pas dit cela ! C'est plus subtil !
M. Alain Joyandet.
... n'a pas besoin d'un texte puisque cela se fait naturellement. Ce que nous
demandons, simplement, c'est que tout le monde puisse avoir, comme lui, accès à
l'information.
Je ne crois pas que ce soit là un thème qui permette à la gauche d'accuser la
droite de remettre en cause je ne sais quelle organisation qui prévaut depuis
deux siècles.
Voilà des années - je le dis avec tout le respect que je dois à certains sur
ces travées - que nous entendons la gauche nous donner des leçons de morale sur
les grands sujets de société, et nous sommes aujourd'hui dans une situation
très difficile qui nous oblige à adopter des textes pour assurer la sécurité
des personnes et des biens.
Vous êtes donc passés du « il est interdit d'interdire » à un texte de loi qui
commence à faire un signe politique à nos concitoyens. Dès lors, ne nous donnez
tout de même pas trop de leçons sur les moyens de tenir la République en bonne
santé !
L'adoption de l'amendement ne serait pas une catastrophe pour nos institutions
! Nous sommes aussi attachés que vous à la République et à son bon
fonctionnement, et ce que nous demandons est très simple.
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne me
situerai pas sur le plan de la morale, je ne me situerai pas sur le plan de la
politique, je ne me situerai même pas sur le plan du droit, je me situerai sur
le plan pragmatique.
J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour l'immense talent de M. Badinter.
Je suis très rarement d'accord avec lui ; mais, aujourd'hui, je le suis à 100
%.
En 1996, notre collègue Pierre Fauchon a dénoncé, dans un rapport qui a eu
quelque écho, Dieu merci ! l'insuffisance des moyens de la justice.
Depuis, à la faveur de l'adoption du texte sur la présomption d'innocence,
dont le Gouvernement a la responsabilité, mais que le Parlement a « gonflé »,
disons-le, les procureurs sont totalement débordés, non seulement à Nanterre,
mais aussi, par exemple, à Lorient.
Songez que, dans ce texte sur la présomption d'innocence, nous avons obligé
les procureurs, ou à défaut les substituts, à visiter une fois par an tous les
locaux de garde à vue de leur ressort ! Et l'on voudrait encore que les
procureurs qui sont déjà totalement débordés - j'ai une belle-fille magistrat ;
j'en parle en connaissance de cause - soient obligés de rendre compte aux
maires des crimes, délits et contraventions de cinquième classe ! Ils seront
submergés, et pas seulement à Marseille, monsieur le président.
C'est pourquoi, me plaçant sur un plan pragmatique, je crois pouvoir dire que
cet amendement n'est pas raisonnable.
M. Ladislas Poniatowski.
Très bien !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Mes chers collègues, je voudrais
appeler votre attention sur ce que nous sommes en train de faire.
Au texte qui nous a été proposé et que nous avons considéré comme
partiellement utile et notoirement insuffisant, nous avons entendu apporter
deux séries d'améliorations.
La première, à laquelle nous devons sans aucun doute être particulièrement
sensibles, tient au rôle nouveau que nous entendons donner au maire, qui doit
représenter la population qui l'a désigné et qui doit être tenu informé - c'est
là le premier point - de ce qui se passe dans sa commune.
Les procureurs ont du travail, nous dit-on. Tant mieux ! Ils peuvent en avoir
un peu plus, ils n'en mourront pas.
Tout à l'heure, on a rappelé que les procureurs devaient visiter les locaux de
garde à vue. Je fais observer qu'ils étaient également tenus de visiter les
prisons et qu'ils ne le faisaient jamais, non pas faute de temps mais parce que
cela ne leur plaisait pas.
Rappelez-vous ce qui s'est passé à Beauvais parce qu'un procureur ne s'est pas
déplacé une seule fois en trois ans : au sein de cette prison, on s'amusait
très allègrement, et vous savez dans quelles conditions !
Je signale, d'ailleurs, qu'aucune sanction n'a été prise contre ce procureur.
On a sans doute considéré qu'il s'agissait d'une peccadille légère et qu'il n'y
avait pas lieu de s'appesantir sur ces faits regrettables.
Reste que la pierre angulaire de la proposition de la commission qu'a
présentée notre rapporteur de manière experte et approfondie est que le maire
soit informé.
Se pose alors un autre problème : comment le maire est-il informé ?
Mes chers collègues, nous ne sous-estimons pas la nouveauté et la portée du
système que nous mettons en place. Parce qu'il s'agit d'une expérience, nous
pensons qu'elle doit s'accompagner des moyens les plus efficaces.
Personnellement, je pense que c'est au procureur, non pas au nom des principes,
mais simplement parce qu'il a une vision juste des choses, qu'il revient, très
naturellement, de prévenir le maire de ce qui se passe sur le territoire de la
commune. De surcroît, c'est le procureur qui, le cas échéant, pourra être plus
aisément surveillé, car s'il manque à ses obligations, nous le dirons.
Quant à charger de cette tâche les officiers de police judiciaire, cela pose
bien plus de problèmes. Comment aller dire la même chose à tous les officiers
de police judiciaire qui seraient susceptibles de livrer l'information utile ?
Rappeler un officier de police judiciaire, soit, mais lequel ? Celui qui n'a
pas informé, qui n'a pas tenu compte de l'incident et qui n'en a pas prévenu le
maire ?
Mes chers collègues, je vais être très clair sur ce point. La commission a
oeuvré avec le souci de présenter un texte équilibré et de tenir compte très
largement des travaux effectués en dehors de la Haute Assemblée par nos amis
politiques. Je précise, à l'intention de nos collègues socialistes, que cela
n'a rien d'étonnant. Je me souviens du temps où l'on travaillait, au sein de
l'Assemblée nationale et du Sénat, sur cent une propositions toutes
particulièrement intéressantes, d'ailleurs,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il s'agit des cent dix propositions ! Les cent une, ce sont celles qui ont été
appliquées !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
J'en ai donc oublié neuf !
Il est tout à fait normal qu'un travail politique accompagne la préparation de
textes aussi importants. Mais notre devoir ici est de rendre totalement fiable
ce qui a été proposé sans, d'ailleurs, que l'on se rende compte toujours
parfaitement de toutes les conséquences qu'il y aurait lieu de tirer des
décisions qui iraient peut-être plus loin en apparence que ce qui a été proposé
par la commission elle-même.
Ce premier pas que nous accomplissons constitue une innovation considérable,
mais la commission a considéré, à tort ou à raison, que cette innovation devait
être accompagnée de mesures qui la rendraient efficace. Et, après en avoir
longuement débattu, elle a estimé que l'efficacité découlait en quelque sorte
du système proposé. D'où le caractère en quelque sorte prémonitoire et
symbolique de ce que nous proposons ici.
Voilà pourquoi je demande à notre collègue M. Karoutchi, qui a défendu avec
talent ce sous-amendement n° 127 rectifié, s'il n'envisage pas de le retirer.
Ce retrait nous permettrait d'accomplir un pas extrêmement important, de
parvenir à une entente sur ce qui peut être fait et, par voie de conséquence,
de donner cette image que nous tenons tant à donner, à savoir que nous sommes
tous attachés à accroître la sécurité de nos concitoyens et que nous sommes
d'accord, pour l'essentiel, sur les moyens à affecter à ceux qui sont
responsables de cette tâche.
M. le président.
Monsieur Karoutchi, maintenez-vous le sous-amendement n° 127 rectifié ?
M. Roger Karoutchi.
J'ai beau être interrogé, je n'arrive pas bien à comprendre la question.
(Sourires.)
Par conséquent, je vais maintenir ce sous-amendement.
Cependant, permettez-moi de faire une remarque.
Personnellement, je suis très respectueux, monsieur le ministre - et je le
resterai tout au long de ce débat, ici et ailleurs - de ce qu'est l'autorité de
l'Etat, de ce qu'est la police nationale, de ce qu'est le devoir de la police,
de la justice, et de tout ce que l'on voudra ! Simplement, depuis hier, tout le
monde parle de coproduction de la sécurité ; tout le monde parle de sécurité de
proximité. Il faut donc associer les maires à cette définition de la sécurité.
Or comment un maire peut-il être associé à la définition de la sécurité dans sa
commune s'il ne sait même pas ce qui s'y passe ? Est-ce que cela paraît
indécent, insupportable que M. Delfau soit informé gentiment et
confidentiellement par son adjudant de gendarmerie ? Non, mais il est indécent
et insupportable que certains maires, qui n'entretiennent pas forcément d'aussi
bonnes relations avec leur adjudant de gendarmerie, ne le soient pas. La règle
normale ne serait-elle pas que, dans la confidentialité et dans une certaine
retenue, les maires sachent au moins ce qui se passe sur le territoire de leur
commune ?
Il ne s'agit pas ici de transférer des pouvoirs ; personne ne demande que les
maires, au regard de cette information, aient la moindre prérogative. On dit
simplement qu'il faut qu'ils sachent ce qui se passe chez eux, ce qui ne paraît
tout de même pas insensé.
Oui, mais alors, nous dit-on, d'un côté, c'est le procureur qui a trop de
travail et qui n'a pas les services qu'il faudrait, de l'autre, c'est la police
qui a trop de travail et qui n'a pas les services qu'il faudrait, c'est-à-dire
que, dans l'un ou l'autre cas, de toute façon, rien ne se passera !
Dans ces conditions, si les maires doivent être « associés » sans être
informés, autant dire tout de suite qu'ils ne seront pas associés !
Notre position est extrêmement simple : nous ne demandons pas de transfert de
compétence, mais nous souhaitons que le maire sache ce qui se passe dans sa
commune, pour répondre à ce que les habitants attendent de lui.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
On a l'impression qu'il y aura en effet deux types de maires : les maires des
petites villes ou des villes moyennes, qui peuvent matériellement être informés
de beaucoup de choses, et les autres, maires de grandes et de très grandes
villes qui, eux, ne pourront pas être informés directement, sauf à disposer de
services spécialement créés pour trier et diffuser l'information, services
homologues de ceux dont M. Badinter soulignait la nécessité pour les
procureurs, en amont. C'est colossal !
C'est assez démontrer que l'affaire n'est pas jouable.
Je me tourne maintenant vers M. le président de la commission des lois. Nous
estimons tout à fait normal que nos collègues de l'opposition travaillent à
partir des réflexions formulées lors des Assises de l'alternance.
Il est, en revanche, un peu plus contestable que ces propositions apparaissent
à deux reprises dans un rapport parlementaire consacré à un texte de loi précis
et qu'elles soient présentées comme le programme de la droite pour 2002. Compte
tenu de l'impossibilité pratique d'organiser l'information des maires, on a
bien l'impresssion que vous vous préoccupez plus de l'effet d'affichage d'un
programme électoral que de la réalité et de l'efficacité du dispositif.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 127 rectifié, repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 4, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 85 du code de procédure pénale, un article
85-1 ainsi rédigé :
«
Art. 85-1. -
En cas d'infraction commise sur la voie publique, le
maire peut se constituer partie civile au nom de la commune sur le territoire
de laquelle cette infraction a été commise. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Voici donc l'abominable constitution de partie civile !
(Sourires.)
Il s'agit de prévoir que le maire pourra se constituer partie civile - c'est
une faculté, j'y insiste - pour les infractions commises sur la voie publique
dans sa commune. Désormais informé des infractions par le procureur, il aura
ainsi un moyen d'être assuré que l'action publique sera déclenchée à l'encontre
des auteurs d'infractions qui lui semblent particulièrement préjudiciables à la
commune. Il sera donc, véritablement, le gardien de l'intérêt communal.
J'ajoute qu'il peut le faire s'il considère que l'intérêt de la commune est en
jeu, mais il n'y est pas obligé. Simplement, cela déclenche l'action publique,
ce qui nous semble important.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet
amendement, car il estime que la constitution de partie civile doit être
réservée aux personnes directement concernées par l'infraction. Or tel n'est
pas le cas du maire. Si la commune est victime, les dispositions pénales
existantes permettent d'ores et déjà la constitution de partie civile au nom de
la commune.
La substitution proposée n'est absolument pas conforme au droit et, de
surcroît, présente un vrai risque d'arbitraire, le maire pouvant décider de se
porter partie civile pour telle infraction et pas pour telle autre, en fonction
d'arguments purement subjectifs.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je vais établir un parallèle, monsieur le ministre. Pour être administrateur
de la fédération des chasseurs de mon département, je sais que, lorsqu'une
infraction est commise sur le territoire de chasse, même si le président de la
fédération départementale des chasseurs ou la fédération ne sont pas
directement victimes, la fédération peut se porter partie civile. Par
transposition, je ne vois pas pourquoi ce qui serait possible pour le président
d'une fédération départementale de chasseurs s'agissant du territoire de chasse
départemental ne le serait pas pour le maire s'agissant du territoire de sa
commune : le président de la fédération tout comme le maire ne sont pas les
victimes directes de l'infraction !
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je donnerai un autre exemple tout simple : les tags sur les propriétés
privées.
A l'heure actuelle, la plupart des municipalités offrent un service de
nettoyage des tags à condition que la victime ait déposé plainte. La
municipalité paie et ne récupérera rien, même si des poursuites judiciaires
sont engagées. Par conséquent, en ce qui concerne les tags, elle a tout intérêt
à se porter partie civile, ce qu'elle ne peut pas faire à l'heure actuelle.
Aujourd'hui, la commune ne peut que nettoyer, aider le citoyen, mais elle ne
peut pas se constituer partie civile, parce que la victime est une personne
privée. Dans ce cas-là, grâce à la proposition de M. le rapporteur, la
municipalité pourra peut-être récupérer quelques dommages et intérêts.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout à l'heure, M. le président de la commission des lois a lancé un appel à
l'unité de la majorité sénatoriale et à établir une comparaison audacieuse avec
les cent dix propositions de François Mitterrand en 1981.
Mais ces propositions étaient publiques et portaient sur des grands problèmes
de société qu'il fallait mettre en forme, puis soumettre au Parlement, celui-ci
exerçant pleinement et librement son droit d'amendement. Par conséquent,
l'argument employé n'en est pas un. Cet amendement me laisse pantois. Vous vous
plaignez tous que la justice est trop lente et vous voulez ajouter, dans tous
les procès et dans toutes les villes de France, une partie civile, non pas pour
un dommage causé au patrimoine de la commune,...
M. Josselin de Rohan.
Si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... car, dans ce cas-là, la commune a parfaitement le droit d'être partie
civile...
M. Patrice Gélard.
Et les tags !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pour les tags, c'est parfaitement possible !
M. Patrice Gélard.
Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais si, c'est parfaitement possible pour les tags sur un monument public.
En revanche, si ce n'est pas sur un monument public, c'est le propriétaire de
l'immeuble privé qui a le droit de se porter partie civile, et c'est normal.
Bref, on a le droit d'être partie civile lorsqu'on subit un préjudice.
Du reste, à l'audience, celui qui défend les intérêts de la société, donc bien
évidemment ceux de la commune, c'est le procureur.
Cet amendement, on vous l'a dit déjà dit tout à l'heure, c'est de la
propagande !
M. Patrice Gélard.
Mais non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne pense pas que les maires vous en seraient reconnaissants. Vous savez
bien que cet amendement ne sera pas retenu. Vous cherchez seulement un effet
d'affichage, et ce n'est bon ni à l'égard des maires, ni à l'égard des
citoyens.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je ne suis pas sûr que l'on puisse se porter partie civile pour une
contravention. J'en ai fait l'expérience comme maire : cette possibilité m'a
été refusée par le parquet alors qu'il s'agissait d'une pollution des eaux
extrêmement grave.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas le parquet qui juge de la recevabilité des constitutions de
partie civile !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je voulais me porter partie civile parce que le parquet ne poursuivait pas
alors qu'il y avait une pollution des eaux extrêmement grave. On ne m'a pas
donné raison, hélas ! Ce qui est quelque peu paradoxal.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest.
Finalement, j'ai été au civil et j'ai gagné.
Comme il s'agissait d'une infraction à la législation sur la protection des
eaux, je pense que la moindre des choses eût été que le parquet poursuive, même
sans partie civile, ce qui arrive parfois.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je conviens parfaitement que l'action publique ne peut pas être engagée par
n'importe qui. Mais notre excellent collègue président de la fédération des
chasseurs de l'Oise a indiqué que les possibilités d'engager l'action civile
ont été multipliées. De nombreuses associations...
M. Alain Vasselle.
C'est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest.
... peuvent aujourd'hui se porter partie civile pour défendre des intérêts
humanitaires, par exemple. Seuls les maires seraient donc privés de ce pouvoir
!
M. Alain Vasselle.
C'est invraisemblable !
M. Jean-Jacques Hyest.
Une association peut le faire quand un journal commet une infraction en
matière de discrimination, par exemple.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un préjudice !
M. Jean-Jacques Hyest.
Si une collectivité subit un préjudice, je ne vois pas au nom de quoi elle ne
pourrait pas se porter partie civile.
S'il avait été interdit à tout le monde, en dehors des victimes d'un préjudice
personnel, de se porter partie civile, j'aurais été contre l'amendement de M.
Schosteck ; mais comme cette possibilité a été multipliée, pourquoi ne pas
l'ouvrir aux communes ?
Ainsi, on pourra dans un certain nombre de cas, vérifier s'il y a poursuite.
Cet amendement mérite donc de recevoir l'attention du Sénat.
Il peut poser des problèmes théoriques, c'est exact, mais je suis convaincu
que les maires l'utiliseront avec précaution.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous savez bien qu'il ne sera pas voté !
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Je ne souhaitais pas intervenir à cet instant du débat puisque j'avais
clairement donné mon sentiment sur les mesures proposées par la droite lors de
la discussion générale. Mais il me semble nécessaire d'apporter quelques
précisions.
Les dispositions proposées sont irréalistes. Plusieurs intervenants ont montré
combien l'information sur toutes les affaires en cours était absolument
matériellement impossible à mettre en oeuvre.
Quant à la possibilité pour le maire de se constituer partie civile dans le
cadre d'infractions commises sur le territoire de sa commune, je réitère les
vives craintes, que j'ai exprimées hier, de voir ces dispositions aboutir, à
l'inverse de l'objectif affiché, à rendre le maire responsable de tout. Je
crois que l'on ne rendrait pas service aux maires si l'on devait retenir ce que
vous proposez, mes chers collègues. En effet, cette possibilité risque de se
transformer en véritable obligation.
En outre, comme l'a rappelé M. le ministre de l'intérieur, cette disposition
n'est pas non plus conforme au droit : la constitution de partie civile est
actuellement possible dès lors que les affaires de la commune sont engagées,
mais pas autrement.
Vous instituez là une compétence concurrente au déclenchement de l'action
publique par le parquet puisque c'est au titre de l'intérêt communal que le
maire sera habilité à intervenir. C'est déraisonnable. Nous sommes donc contre
l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à
l'amendement n° 4.
Prenons l'exemple d'une grande ville, qui est plus significatif.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Notre président de séance le sait très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
En cas de dégradations d'une propriété privée,
par des tags par exemple, si le maire juge qu'il y a un préjudice pour la
commune, il peut se porter, selon vous, partie civile.
Il peut aussi décider, s'il n'est pas informé ou s'il ne le veut pas, de ne
pas se porter partie civile pour un autre fait similaire. Le propriétaire privé
pourra-t-il dès lors porter plainte contre le maire parce qu'il n'aura pas été
traité sur un plan d'égalité.
Je voulais vous faire remarquer qu'à trop vouloir en faire, on peut faire
n'importe quoi.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 5, M. Schosteck, au nom de la commission, propose, avant
l'article 1er, d'ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 40 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« A la demande du maire, le procureur l'informe des suites données aux
plaintes formulées pour les infractions commises sur le territoire de sa
commune et des motifs d'un éventuel classement sans suite. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cette disposition permettra à un maire d'effectuer un suivi
des affaires de la commune sur lesquelles il ne s'est pas porté partie civile :
il pourra désormais demander à connaître les suites données à une affaire et le
procureur devra l'informer des raisons d'un éventuel classement sans suite.
Trop souvent, nous avons connaissance d'affaires dont nous ignorons l'issue.
Il ne serait pas inintéressant de demander au procureur d'avoir la courtoisie
d'indiquer au maire les raisons pour lesquelles telle affaire a été classée
sans suite. Il n'y a rien là d'extraordinaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Fidèle à la philosophie que j'ai déjà exposée et
parce que je crains qu'on ne s'engage sur une voie sans issue, j'émets un avis
défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, nous avons déjà inscrit dans la loi, il n'y a pas très
longtemps, l'obligation pour le parquet de répondre aux parties civiles pour
leur indiquer la position prise. C'est suffisant !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
N'accablez pas les malheureux parquets ! Ils ont suffisamment de travail.
Ce n'est pas au maire de demander ce qu'il est advenu d'une plainte autre que
la sienne !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Autant j'étais extrêmement favorable au fait que le parquet informe le maire,
notamment en ce qui concerne les suites pénales données en matière de
délinquance sur la voie publique, autant je pense que nous dérivons si nous
visons toutes les infractions commises sur le territoire de la commune. Il
peut, en effet, s'agir de plaintes pour des faits familiaux ou des faits très
personnels.
Je me demande donc s'il ne conviendrait pas d'ajouter après le mot «
infractions », les mots « commises en matière de délinquance sur la voie
publique ». Cela correspondrait, me semble-t-il, à l'objectif fixé.
Mes chers collègues, si vous visez l'ensemble des infractions, le maire
choisissant les cas pour lesquels il demandera des comptes au parquet, je
crains des dérives, qui ne respecteraient pas le principe fondamental de la
séparation des pouvoirs.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je crois qu'une fois encore certains sont en train de se
méprendre sur le sens de nos propositions.
Il s'agit de permettre au maire d'être renseigné sur les raisons pour
lesquelles une affaire ne débouche pas et est classée sans suite. Il peut
s'agir, par exemple, d'une affaire de trouble à l'ordre public. Je pense à ce
qui se passe très souvent dans les immeubles : après des bagarres, des gens
sont arrêtés, la police fait son travail et puis on ne sait plus rien. On voit
ensuite les trublions revenir parader et l'on ne sait pas pourquoi l'affaire a
été classée sans suite.
Elle l'a sûrement été pour de bonnes raisons, mais pourquoi interdire au maire
de demander au procureur de la République de lui indiquer les raisons pour
lesquelles une affaire a été classée sans suite ?
On a l'impression que le maire, ce n'est rien du tout, pas plus que le
buraliste du coin. C'est quand même un élu et le code général des collectivités
territoriales, on le verra dans l'amendement suivant, lui assigne un certain
nombre de missions qu'il doit assurer au nom de la population.
Vous invoquez le risque d'arbitraire car il va décider s'il demander des
explications sur telle ou telle affaire. Oui, il va choisir. Mais, après tout,
en quoi le risque d'arbitraire serait-il plus grand lorsque le procureur décide
seul dans son bureau ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est le principe d'opportunité !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 6, M. Schosteck, au nom de la commission, propose d'ajouter,
avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales est
ainsi modifié :
« I. - Le premier alinéa est supprimé.
« II. - Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les communes où la police est étatisée, l'Etat... (
le reste sans
changement
). »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
L'article L. 2214-4 du code général des collectivités
territoriales prévoit que la compétence en matière de tranquillité publique,
normalement dévolue aux maires en application du 2° de l'article L. 2212-2,
incombe à l'Etat seul dans la commune où la police est étatisée, à l'exception
toutefois des bruits de voisinage qui, eux, restent de la compétence du
maire.
Cet amendement vise à restituer à celui-ci la plénitude de son pouvoir de
police dans les communes où la police est étatisée en lui attribuant la
compétence en matière de tranquillité publique qui, actuellement, est du seul
ressort du préfet.
Je rappelle qu'il s'agit des rixes, disputes et tumultes dans les lieux
publics, des attroupements et de tous actes de nature à compromettre la
tranquillité publique.
Le maire, pour ce faire, pourra faire appel aux forces de polices étatisées,
et c'est d'ailleurs l'objet de l'amendement suivant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement n'entend pas modifier la
répartition des compétences en matière de police. Dans les communes soumises au
régime de la police d'Etat, les maires ne peuvent pas devenir compétents dans
ces domaines.
Je me permets à cette occasion de répondre - ou plutôt de donner mon sentiment
- à M. Gélard qui évoquait tout à l'heure une sorte de double mission de la
police : la police de répression et la police de prévention.
Je veux que les choses soient claires : pour moi, le concept de police de
proximité d'Etat, c'est justement de ne pas considérer que la police de
proximité est une police douce, une police qui ne ferait pas des actes de
répression.
Je l'ai déjà dit : le nouveau concept est que, justement, les policiers de
proximité soient polyvalents et puissent donc prévenir, renseigner, dialoguer,
surveiller, tout en dissuadant, par leur présence en uniforme et en réprimant,
du fait de leurs qualifications de police judiciaire, y compris avec des
adjoints de police judiciaire à leurs côtés, les ADS.
Je ne suis pas dans cette logique d'une police douce, qui serait la police de
prévention, et d'une police de répression.
Les policiers - je le répète chaque fois que j'en ai l'occasion - doivent être
dans la plénitude de leurs fonctions au service de la sécurité, donc de la
liberté. La police d'Etat doit être la police nationale au service de
l'ensemble des citoyens.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 7, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2214-3 du code général des collectivités territoriales est
complété par un second alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'exercice des compétences visées à l'article L. 2212-2, le maire peut
faire appel aux forces de police étatisées. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement, qui est la conséquence de celui que nous
venons d'adopter, permet au maire de faire appel aux forces de police étatisées
pour l'exercice de l'ensemble de ses compétences en matière de police
municipale, telles qu'elles sont visées à l'article L. 2212-2 du code général
des collectivités territoriales.
Il s'agit, je le rappelle, du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la
salubrité publiques.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement
de conséquence.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 8, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales est
ainsi rédigé :
«
Art. L. 2215-2. -
Sous réserve des dispositions du code de procédure
pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le
représentant de l'Etat dans le département associe le maire à la définition des
actions de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité et
l'informe régulièrement des résultats obtenus. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement, qui tend à faciliter l'information du maire
par le préfet, reprend une partie de l'article 18, tel qu'il a été adopté par
l'Assemblée nationale. Il prévoit l'association du maire par le préfet aux
actions en matière de sécurité et une information sur les résultats obtenus.
En revanche, il ne reprend pas le troisième alinéa de l'article 18 qui
prévoyait des conventions entre le maire et le préfet. Cette précision nous a
semblé en effet trop restrictive. L'information du maire doit être un véritable
droit qui ne peut pas dépendre de la signature d'une convention.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je suis défavorable à cet amendement, car je
suis hostile à la modification de l'architecture générale du projet de loi, à
savoir le déplacement de l'article L. 2215-2 du code général des collectivités
territoriales, tel qu'il résulte de l'article 18.
De plus, le Gouvernement est attaché à faire figurer dans cet article la
référence au dispositif conventionnel qui contribue à associer les maires à la
politique de sécurité quotidienne, notamment aux contrats locaux de
sécurité.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais savoir, d'une part, si le préfet est informé de toutes les
infractions commises dans le département...
M. Laurent Béteille.
Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... et, d'autre part, pourquoi, outre le maire, les parlementaires et les
conseillers généraux ne devraient pas, eux aussi, être prévenus de toutes les
infractions constatées dans leur circonscription, leur canton...
M. Josselin de Rohan.
Ce ne sont pas des fonctionnaires d'autorité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En la matière, nous avons, nous aussi, des responsabilités.
Je m'étonne que la majorité sénatoriale ne s'occupe que des maires.
Effectivement, nous sommes les élus des collectivités locales, mais nous sommes
également les représentants de la nation tout entière !
M. Josselin de Rohan.
Cela n'a rien à voir !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Permettez-moi de m'étonner à mon tour qu'un juriste aussi
distingué que vous, monsieur Dreyfus-Schmidt, ne sache pas que c'est le maire
qui est responsable, de par la loi, de la sécurité ! Certes, les élus que vous
avez visés portent un intérêt à l'information, mais ils ne disposent pas de la
compétence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais puisqu'on change la loi !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 9, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2512-15 du code général des collectivités territoriales est
ainsi rédigé :
«
Art. L. 2512-15.
- Sous réserve des dispositions du code de procédure
pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le préfet de
police associe le maire à la définition des actions de prévention de la
délinquance et de lutte contre l'insécurité et l'informe régulièrement des
résultats obtenus. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence, puisque nous
proposons un système identique mais, cette fois, pour la ville de Paris, qui
dispose d'un statut particulier.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Pour les mêmes raisons, même s'il s'agit de
Paris, le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.
M. Henri de Raincourt.
Même dans le XVIIIe ?
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 129 rectifié, MM. Paul Girod, Karoutchi et Béteille
proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Après l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. ...
- Dans chaque département, est créé un conseil
départemental de sécurité réunissant le préfet, le procureur de la République
territorialement compétent, les parlementaires, le président du conseil
général, les présidents des organismes intercommunaux et les maires.
« Ce conseil est présidé par le représentant de l'Etat dans le département.
« Il se réunit, au moins une fois par an, sur l'initiative du représentant de
l'Etat. Celui-ci informe les élus de l'évolution de la délinquance dans le
département et soumet au conseil les objectifs à atteindre.
« Le conseil peut être réuni à la demande de la majorité de ses membres sur un
ordre du jour déterminé.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent
article. »
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Sans doute va-t-on me faire les mêmes réponses que précédemment ? Mais sait-on
jamais ? A force d'insister...
En l'occurrence, il s'agit de créer dans chaque département un conseil
départemental de sécurité qui serait placé sous l'autorité du préfet et qui
permettrait d'informer l'ensemble des responsables de la sécurité dans le
département de l'évolution des problèmes relevant de leur compétence.
Monsieur le ministre, ce conseil départemental peut parfaitement se réunir une
seule fois par an. Pour répondre par avance aux commentaires et aux critiques
qui pourraient être exprimés, je vous indique que c'est le cas en
Ile-de-France. Le préfet de police et le préfet de région font, une fois par
an, un bilan annuel de l'état de la sécurité dans l'ensemble de la région. Le
débat est organisé et nous préparons à l'avance un certain nombre de questions
qui sont transmises au préfet de police et au préfet de région.
Pourquoi ce qui est possible au niveau de la région ne le serait-il pas au
niveau du département ? Nous pourrions créer ce comité départemental de
sécurité et y associer sans difficulté les élus et les responsables de la
sécurité. Il ne s'agit en aucun cas d'un transfert de compétence !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je le dis, la mort dans l'âme, aux signataires de cet
amendement, la commission, après en avoir largement débattu, a considéré, selon
une logique constante en son sein, que cet organe supplémentaire serait
probablement lourd et malcommode. En conséquence, et pour cette seule raison,
elle est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Karoutchi, je comprends que vous
défendiez cet amendement sur la base de la convention qui a été passée
librement en Ile-de-France, en matière de sécurité. Il y est effectivement
prévu la tenue d'une réunion annuelle.
Toutefois, il est difficile de mettre en cause la libre administration des
collectivités et d'imposer par la loi des réunions de ce type. Sans reprendre
l'argument de M. le rapporteur selon lequel il ne faut pas multiplier les
structures, j'ajoute que l'on peut toujours passer une convention. D'ailleurs,
la circulaire que j'ai adressée aux préfets fait état de la possibilité
d'organiser des rencontres de ce type ou des réunions concourant à la
sécurité.
Par conséquent, je suis défavorable à l'inscription dans la loi d'une telle
obligation et donc à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 129 rectifié.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, je souhaite déposer un sous-amendement à l'amendement
n° 129 rectifié.
D'abord, je veux supprimer les mots : « les parlementaires » pour la raison
qui a été évoquée précédemment par M. le rapporteur et selon laquelle ces
derniers n'ont pas de raison d'être au sein de ce conseil.
Ensuite, je veux remplacer les mots : « et les maires » par les mots : « les
représentants des municipalités ».
En effet, mon département comptant 747 maires, j'imagine très mal la réunion,
au sein d'un tel comité, de près d'un millier de personnes ! Cela ne servirait
à rien.
Un décret en Conseil d'Etat pourrait préciser les modalités de désignation des
représentants des municipalités qui siégeraient dans ce comité départemental.
Ainsi, avec le président du conseil général, les présidents des organismes
intercommunaux et les maires désignés comme représentants, ce comité
deviendrait viable, si vous me permettez l'expression, et sa composition
d'autant plus logique que les parlementaires n'y ont pas leur place.
M. Henri de Ravincourt.
Ce sont des propositions de bon sens.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 161, présenté par M. Gélard, et
tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129
rectifié pour l'article à insérer après l'article L. 2215-2 du code général des
collectivités territoriales :
1° Après le mot : « compétent », à supprimer les mots : « les parlementaires »
;
2° Après les mots : « organismes intercommunaux », à remplacer les mots : « et
les maires » par les mots : « et les représentants des municipalités ».
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement n° 161 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit d'un sous-amendement de bons sens. Nous avions
d'ailleurs émis des critiques sur ces différents points. Toutefois, la
commission ne l'ayant pas examiné, je suis quelque peu embarrassé pour donner
son avis. Par conséquent, à titre personnel, je m'en remets à la sagesse de la
Haute Assemblée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement étant défavorable à l'amendement
n° 129 rectifié, il ne peut que désapprouver ce sous-amendement n° 161.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 161.
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Je comprends mal, je l'avoue, les raisons qui s'opposent à l'adoption de
l'amendement n° 129 rectifié présenté par M. Karoutchi.
Nous sommes ici un certain nombre d'élus départementaux ou régionaux. Nous
appartenons à des organismes innombrables qui se réunissent chaque année sous
la présidence du préfet. Je pense en particulier, dans mon département, au
conseil de l'habitat, au cours duquel le préfet nous donne des informations,
d'ailleurs fort intéressantes, sur la manière dont est conçue et exécutée la
politique de l'habitat dans notre département. Cette réunion n'est nullement
superfétatoire ! En outre, le fait qu'il y ait énormément de monde autour de la
table est une tradition bien française !
Pourquoi n'en serait-il pas de même en matière de sécurité ? Est-il si
invraisemblable d'entendre une fois par an un rapport du préfet, qui est chargé
du maintien de l'ordre dans le département, ou un rapport du procureur sur la
manière dont un certain nombre d'infractions ont été réprimées ? Nous demandons
seulement à être informés une fois par an afin d'avoir une idée sur la manière
dont la sécurité des personnes et des biens est assurée sur le territoire
départemental. Je ne crois pas que ce soit une exigence exorbitante !
En outre, de vous à moi, monsieur le ministre, cela permettrait au
Gouvernement de mieux faire connaître sa politique aux élus et donc aux
citoyens. En tant que ministre de l'intérieur, vous ne pourriez qu'en retirer
des avantages.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Ladislas Poniatowski.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
J'avoue que, sur le principe, je ne suis pas hostile à la création d'un
conseil départemental de sécurité. Toutefois, tel qu'il est conçu, il me paraît
être un instrument très lourd, cela pour plusieurs raisons.
La première, qui a déjà été évoquée, est le fait que tous les maires du
département seront membres de droit de ce conseil. Que chacun imagine ce que
cela représente dans son propre département.
La seconde résulte de la rédaction de l'avant-dernier alinéa de l'amendement
n° 129 rectifié, à savoir que : « Le conseil peut être réuni à la demande de la
majorité de ses membres sur un ordre du jour déterminé. » Cela n'a plus rien à
voir avec l'objectif initial, auquel j'étais favorable et qui consistait en une
réunion annuelle d'information, sous l'autorité du préfet, comme l'a bien
précisé M. Karoutchi. C'est le cas, monsieur de Rohan, du conseil départemental
de l'habitat.
Mais si le conseil départemental de sécurité peut se réunir plusieurs fois sur
un sujet ponctuel à la demande de la majorité de ses membres -, on compte en
moyenne 900 maires par département, cela signifie que 450 d'entre eux
pourraient prendre une telle décision -, le système devient impossible !
D'ailleurs, monsieur de Rohan, ne siègent dans les conseils départementaux de
l'habitat que quelques représentants du conseil général désignés par le conseil
général et quelques représentants des maires désignés par l'association
départementale des maires.
Il faudrait modifier l'amendement en ce sens. Le conseil départemental de
sécurité serait alors un instrument beaucoup plus intéressant et souple, et une
réunion annuelle d'information deviendrait pertinente. Dans sa rédaction
actuelle, il nous est très difficile de l'adopter.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Pour ma part, je pense que le sous-amendement est opportun. Comme on l'a dit,
l'ensemble des maires ne peut être concerné ou alors il faudra réunir un
véritable congrès des maires !
(Sourires.)
Le préfet pourrait peut-être
rendre compte des problèmes de sécurité à l'occasion du congrès des maires, ce
serait plus simple !
Voilà quelques années, l'un de nos éminents collègues, Alain Peyreffitte,
alors chargé du ministère des réformes administratives, s'est rendu compte
qu'il y avait près de 200 commissions départementales. Il a fait en sorte de
les réduire au nombre de 100. Mais, depuis, 150 autres ont dû être créées.
Aussi, nous sommes maintenant convoqués en permanence à des réunions de comités
départementaux ou de commissions départementales !
M. Patrice Gélard.
Oui, mais on n'y va pas !
M. Jean-Jacques Hyest.
L'Association des maires de France essaie de trouver des candidats, mais elle
n'en trouve plus parce que chacun en a assez de ces réunions qui se déroulent
tous les jours - j'ai l'impression que l'administration passe plus de temps en
réunion qu'à s'occuper des dossiers - de telle sorte que ce sont toujours les
mêmes qui siègent dans ces organes. Ils se multiplient même dans le domaine de
la sécurité, comme je l'ai dit dans mon intervention générale puisqu'il y a un
comité de lutte contre la délinquance des mineurs, un comité de politique de la
ville, et j'en passe...
Personnellement, je veux bien que soit créé un comité supplémentaire, mais à
condition que l'on procède à un nettoyage de tout ce qui existe déjà, car je
suis sûr qu'il y a au moins onze commissions départementales ou comités divers
qui s'occupent de problèmes liés à la sécurité.
M. Josselin de Rohan.
Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest.
Malheureusement, ce texte est déclaré d'urgence - c'est ennuyeux, il y a
toujours urgence sur les textes importants - sinon nous aurions pu revoir le
problème en deuxième lecture.
Bref, en espérant que ce comité ne fera pas finalement un comité de plus, je
voterai l'amendement sous-amendé.
M. le président.
Monsieur Karoutchi, acceptez-vous de modifier votre amendement ?
M. Roger Karoutchi.
Oui, monsieur le président, je suis d'accord pour supprimer la possibilité de
réunir le conseil à la demande de la majorité de ses membres et, s'agissant de
la composition de ce conseil, de remplacer les maires et les présidents
d'organismes par des représentants des municipalités et des organismes.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 129 rectifié
bis
présenté par MM.
Girod, Karoutchi et Béteille, et visant, avant l'article 1er, à insérer un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. ... -
Dans chaque département est créé un conseil
départemental de sécurité réunissant le préfet, le procureur de la République
territorialement compétent, le président du conseil général et des
représentants des municipalités et des organismes intercommunaux.
« « Ce conseil est présidé par le représentent de l'Etat dans le
département.
« Il se réunit, une fois par an, à l'initiative du représentant de l'Etat.
Celui-ci informe les élus de l'évolution de la délinquance dans le département
et soumet au conseil les objectifs à atteindre.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent
article. »
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication du vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
En tant que parlementaires, nous n'avons pas de mission en matière de
police.
M. Jean-Jacques Hyest.
Effectivement !
M. Patrice Gélard.
Dès lors, quel serait notre rôle dans ce conseil ? A chaque fois que l'on met
en place un conseil ou un comité départemental, on y prévoit la participation
des parlementaires alors que les réunions ont lieu les mardi, mercredi ou
jeudi. Ce n'est pas sérieux ! Consacrons-nous à notre mission de parlementaire
et laissons aux maires et aux présidents de conseil généraux le soin de gérer
leurs affaires !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Nous voici en présence de plusieurs
solutions.
L'une des raisons qui avaient suscité la réserve de la commission concernait
le caractère impraticable de la proposition formulée dans l'amendement n° 129
rectifié. On a déjà évoqué le nombre de maires que peuvent compter certains
départements. J'ai effectué le calcul pour la Seine-et-Marne : ils sont à peu
près 600.
(Murmures sur diverses travées.)
C'est ainsi ! Il est des malheureux départements qui comptent plus de 500
communes. Que voulez-vous que j'y fasse ! On ne peut donc prévoir de faire
siéger tous les maires.
Dans ces conditions, monsieur le président, je demande une suspension de
séance de quelques minutes pour réunir la commission des lois afin de trouver
une solution satisfaisante et d'éviter que le Sénat ne fasse en séance public
un travail de commission.
M. le président.
Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le président de la
commission des lois.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures
dix.)