SEANCE DU 23 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'ajouter, avant l'article 1er, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre 1er A
« Dispositions associant le maire aux actions de sécurité. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Il s'agit
de faire en sorte que le maire soit mieux associé aux actions en matière de
sécurité pour assurer pleinement ses responsabilités à l'égard de ses
électeurs. Il doit, en particulier, être mieux informé.
En effet, aux yeux des électeurs, le maire est tenu pour responsable de la
sécurité dans sa commune et une véritable politique de sécurité doit évidemment
le placer au coeur des actions quotidiennes de prévention de la délinquance et
de lutte contre l'insécurité.
Son rôle doit être renforcé dans trois directions : une meilleure information
sur les questions de sécurité dans la commune, un accroissement de ses pouvoirs
et une augmentation des moyens mis à sa disposition.
La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter
plusieurs dispositions à cet effet et de les regrouper dans un chapitre
additionnel intitulé : « Dispositions associant le maire aux actions de
sécurité ».
En l'occurrence, elle vous suggère d'adopter une division additionnelle et un
intitulé ainsi rédigés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, un certain nombre d'amendements concernent les rapports entre les
maires et les services de l'Etat, en l'occurrence la police et la justice. Je
souhaite intervenir plus globalement sur cette question majeure pour le
fonctionnement de nos institutions, ce qui me permettra d'être ensuite plus
bref pour chacun des amendements. Mais je pense que vous pouvez d'ores et déjà
anticiper l'avis que j'émettrai sur un certain nombre d'entre eux.
Même si la sécurité est, doit être - et ne peut qu'être - dans notre
République un devoir de l'Etat, ainsi que le rappelle l'article 1er de la loi
du 21 janvier 1995, les maires ont des attributions importantes dans différents
domaines qui peuvent contribuer à la sécurité de nos concitoyens.
Depuis la loi de 1884 - elle n'est pas récente ! - qui a consacré la place des
communes dans notre dispositif institutionnel, les maires disposent d'un
pouvoir étendu en matière de police administrative, dont la portée a été
précisée au fil des décennies et adaptée aux différentes catégories de
communes.
Les communes peuvent également créer une police municipale dans des conditions
qui, grâce à ce Gouvernement, ont pu, en 1999 - j'ai envie de dire : « enfin !
» - être clarifiées par la loi, après de nombreuses mais vaines tentatives :
désormais, les polices municipales ont des attributions précises, leur
permettant d'agir en coordination avec la police ou la gendarmerie nationales,
et dans des conditions écartant les risques de dérives que l'on avait pu
connaître antérieurement dans certaines communes.
Enfin, grâce tout particulièrement aux lois de décentralisation de 1982 et de
1983, les communes peuvent agir très directement dans de multiples domaines
intéressant directement la sécurité : l'urbanisme bien sûr, la voirie, le
logement, les équipements publics et la prévention de la délinquance sous de
multiples formes.
Des propositions, souvent contradictoires, ont été faites ces derniers mois -
et sont faites aujourd'hui par différents amendements - en vue, sous une forme
ou sous une autre, de municipaliser la police de sécurité publique.
Certains proposent de donner un pouvoir de direction aux maires sur les
services de la police nationale dans la lutte contre la petite et moyenne
délinquance, notamment en donnant aux maires compétence pour réprimer les
atteintes à la tranquillité publique dans les communes où la police est
étatisée, et en permettant aux maires « de faire appel à la police étatisée »
pour l'exercice de ses attributions.
D'autres vont plus loin et proposent la création d'une police « territoriale
de proximité », placée sous l'autorité du maire et regroupant à la fois les
agents de la police municipale et une partie des services de la police
nationale exerçant leurs missions dans la commune.
A mes yeux, ces propositions sont dangereuses et conduiraient à
l'inefficacité.
Ces propositions se heurtent à trois objections majeures.
D'abord, elles seraient des facteurs de régression dans l'organisation même
des services de police.
Toute l'évolution depuis un siècle a consisté progressivement à organiser, à
côté de la gendarmerie nationale, une police nationale ayant une aire de
compétence géographique étendue en zone urbaine, ayant des équipements
harmonisés, disposant de réseaux de radiocommunications lui permettant de
travailler sur tout le territoire, et ayant des fichiers accessibles aux
différents services en fonction de leurs missions.
Tout démembrement de cette organisation traduirait un recul du service rendu
au public.
Ensuite, ces propositions seraient source d'inégalités entre les communes et
entre les habitants de notre pays.
Les moyens que chaque commune pourrait mobiliser dépendraient de leur richesse
fiscale, alors que, actuellement, la répartition des moyens, qu'il s'agisse des
effectifs de police ou des moyens matériels, repose sur des critères objectifs,
notamment l'importance de la population, le taux de la délinquance et les
charges particulières liées à certaines activités ou à certains équipements
sportifs et touristiques.
Enfin et surtout, ces propositions seraient des facteurs d'inefficacité :
La délinquance ne s'arrête pas, bien évidemment, aux limites communales. Elle
prend aujourd'hui, et de plus en plus avec le développement des infrastructures
routières et des réseaux de transport, des formes itinérantes marquées par une
extrême mobilité.
Une police aux compétences géographiques strictement municipales ne pourrait
s'adapter et répondre aux besoins de coordination géographique et
opérationnelle de plus en plus grands en matière de lutte contre la
délinquance.
En ce qui concerne la police judiciaire, l'action des services municipalisés -
à supposer qu'ils soient compétents en ce domaine - serait dépourvue de la plus
grande part de leur efficacité puisque ceux-ci ne pourraient poursuivre leurs
investigations pour des faits commis dans d'autres communes. Je n'avais pas
prévu de le dire, mais je précise que se poseraient des problèmes encore plus
complexes à travers l'intercommunalité, qui progresse.
Le Gouvernement poursuit une toute autre démarche : à un démantèlement ou à
une désorganisation des services de police, il préfère une démarche fondée sur
la coproduction de sécurité.
Cette coproduction doit reposer sur deux éléments.
D'une part, sur un travail en partenariat dans un cadre organisé : c'est tout
l'enjeu de la politique des contrats locaux de sécurité engagée depuis 1997 et
que le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, tel que modifié à
l'Assemblée nationale en première lecture, prévoit de consacrer dans la loi par
modification de l'article 1er de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de
programmation relative à la sécurité.
D'autre part, cette coproduction doit reposer sur une meilleure association
des maires à la fixation des objectifs incombant aux services de police, sans
bouleverser la répartition des compétences entre l'Etat et les communes.
Les maires doivent être régulièrement informés des objectifs poursuivis par
les services de police sur le territoire de leur commune, des moyens mobilisés
et des résultats obtenus. C'est l'objet des dispositions qui ont été adoptées
par l'Assemblée nationale et qui visent à associer les maires non seulement aux
actions de prévention de la délinquance, mais également à la lutte contre la
délinquance.
Sans attendre l'adoption définitive de ces dispositions, j'ai demandé aux
préfets, par circulaire en date du 3 mai dernier, de prendre trois séries de
mesures concrètes pour mieux informer et associer les maires. Il s'agit,
d'abord, de l'information immédiate du maire par le chef de circonscription de
tout événement important concernant sa commune. Il s'agit, ensuite, de
l'organisation de réunions de travail régulières, et si possible hebdomadaires,
entre le maire et le chef de circonscription de sécurité publique. Il s'agit,
enfin, de l'organisation, selon une périodicité, qui pourrait être
trimestrielle, par les préfets ou les sous-préfets, d'une réunion avec chacun
des principaux maires du département pour faire le point sur l'activité
respective des services de l'Etat et des services communaux dans la lutte
contre l'insécurité.
Une circulaire prévoyant des dispositions analogues en zone rurale est en
cours de préparation avec le ministère de la défense.
En matière de sécurité, si l'on veut être efficace, il ne faut pas organiser
des partages de tâches ou de compétences factices, ou mal adaptés, me
semble-t-il, à la réalité des problèmes d'insécurité ou de délinquance à
traiter.
L'enjeu en matière de sécurité n'est pas d'organiser une
pseudo-décentralisation dans un domaine qui ne peut relever, à titre principal,
que de la responsabilité de l'Etat.
En ce domaine, l'enjeu est de permettre une véritable coproduction de sécurité
par tous ceux qui peuvent et doivent y concourir, au premier rang desquels les
maires, représentants de la population de leur commune et de ses attentes,
notamment en matière de sécurité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce long propos introductif me permettra
donc d'émettre ensuite plus brièvement l'avis du Gouvernement sur les
amendements qui ont trait aux pouvoirs des maires et à leurs attributions en
matière de police.
Je fonde l'action contre l'insécurité sur le partenariat avec les contrats
locaux de sécurité, la police de proximité et, je le répète, l'association des
maires à la définition même des politiques de sécurité et à leur exécution.
J'émets donc un avis défavorable sur le présent amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je serai presque d'accord avec tous les propos tenus par M. le ministre. Je
dis « presque d'accord » car, pour parler de « coproduction de sécurité »,
encore faut-il avoir un produit commun.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest.
Certes, votre récente circulaire obligent le responsable de la sécurité
publique dans une circonscription à informer le maire tous les huit jours et le
préfet ou le sous-préfet tous les trimestres de l'action de la police.
Comme je l'ai dit, je ne crois pas que, pour des raisons que vous avez
d'ailleurs indiquées, certaines formes de délinquance puissent être traitées
sur le plan communal. Je rappelle à cet égard que la vocation première de la
police de proximité est d'être une police administrative, c'est-à-dire de
prévention. Au-delà de ce stade, si des faits répréhensibles sont commis, bien
entendu elle a une fonction de répression. Mais globalement, la politique de
sécurité publique est tout de même souvent assurée dans le cadre municipal ;
d'ailleurs, monsieur le ministre, comme vous le savez, si la police nationale
avait fait partout son devoir - et je souligne ici qu'à mes yeux sont en cause
non pas les hommes, mais les structures et l'organisation de la police - nous
n'aurions pas vu le développement de la police municipale dans les cités.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est à la demande de la population devant l'inexistence de la police
nationale sur le terrain que beaucoup de polices municipales ont été créées.
Ainsi, je connais personnellement un certain nombre de maires qui ont été
incités par la population de leur commune à faire quelque chose et donc à créer
une police municipale, investie des responsabilités qui ont été accordées en
1999 par la loi, après beaucoup de débats, comme vous l'avez signalé.
Mais il y a lieu de se réjouir du fait que, peut-être sous la pression des
élus, des obligations nouvelles soient imposées aux fonctionnaires de police,
aux fonctionnaires de l'Etat.
Je rappelle d'ailleurs que, curieusement, la loi de 1884 donnait la
responsabilité aux maires en matière de tranquillité, d'ordre public, etc. Ce
n'était que dans le cas où le maire ne faisait pas son travail que le préfet
était amené à se substituer à lui. Je rappelle aussi que la police était
municipale à l'époque ; mais ne revenons pas sur les conditions qui ont
entraîné la nationalisation de la police.
Néanmoins, monsieur le ministre, dans la coproduction de sécurité, il manque
un élément indispensable : la justice. Les contrats locaux de sécurité
participent bien souvent d'une bonne volonté des élus, d'un certain nombre de
partenaires, mais le représentant du parquet ne vient jamais ou, en tout cas,
pas régulièrement, et il n'est jamais amené à rendre compte de la politique
pénale dans sa circonscription.
Bien souvent, et vous le savez, ce qui nuit à l'efficacité, c'est que la
population apprend que des délinquants ont été arrêtés, qu'ils sont déférés
devant la justice ; mais ensuite, plus aucune information ne leur est
apportée.
Comment voulez-vous que les élus locaux, qui, je le rappelle, sont en première
ligne - c'est en effet à eux que la population demande une sécurité plus
importante - soient satisfaits ? Peut-être faudrait-il aussi prévoir une
circulaire du garde des sceaux.
Dans l'immédiat, je voterai donc l'amendement n° 2, présenté par M. le
rapporteur. Vous, monsieur le ministre, vous obligez par circulaire les
commissaires de police et les préfets à rendre compte. Obligeons aussi le
parquet à rendre compte des diligences qui ont été faites en ce qui concerne la
mise en oeuvre d'une politique judiciaire de sécurité.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je suis seulement presque d'accord avec
vous, car vous n'avez pas évoqué un élément qui me paraît fondamental dans ce
dispositif.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, si vous m'y autorisez, j'aborderai, afin de faire
gagner du temps au Sénat, l'ensemble des amendements concernant les pouvoirs du
maire, c'est-à-dire les amendements n°s 3 à 11, ainsi que les amendements n°s
129 rectifié et 130 rectifié
bis
.
Il nous semble que beaucoup de ces amendements sont inutiles, voire
quelquefois dangereux. Les articles 18 et 19 du présent projet de loi nous
paraissent suffisants puisqu'ils prévoient, comme vient de l'expliquer très
précisément M. le ministre, que le représentant de l'Etat ou le préfet de
police « associe le maire à la définition des actions de prévention de la
délinquance et de lutte contre l'insécurité, et l'informe régulièrement des
résultats obtenus ». Il nous semble aussi que la circulaire citée par M.
Schosteck dans son rapport, circulaire envoyée par le ministre de l'intérieur
aux préfets demandant à ces derniers de mettre en oeuvre des mesures pour mieux
associer les maires à la lutte contre l'insécurité, permet la mise en oeuvre de
cette politique, et cela nous paraît suffisant.
Je n'entrerai pas dans le détail pour l'instant. Il faut, bien sûr, que les
maires soient mieux informés, et il s'agit là d'une demande constante, que ce
soit dans ce domaine ou dans d'autres domaines.
L'amendement n° 3 tend à ce que le procureur informe le maire. Mais, en
commission, nous avons connu un risque beaucoup plus grand. Que le maire puisse
se porter partie civile en cas d'infraction commise sur la voie publique est
beaucoup plus inquiétant puisque cela vise l'ensemble du territoire de la
commune et pour des faits qui ne concernent pas spécialement les affaires
communales.
Il y a donc un risque fort de voir les habitants faire pression sur le maire
pour qu'il se porte systématiquement partie civile, avec les risques que cela
peut comporter pour lui.
Tel est bien le problème qui, à nos yeux, est important. L'ensemble de ces
dispositions tend à octroyer des pouvoirs aux maires. Or, je ne suis pas sûr
que ces derniers soient tous demandeurs, et l'on pourrait fort bien comprendre
qu'ils ne le soient pas.
De deux choses l'une : ou bien les maires n'exerceront pas ces pouvoirs et ils
subiront une pression forte de la part de leurs concitoyens pour le faire ou
bien on leur donne vraiment les moyens de les exercer, c'est-à-dire qu'on
renforce considérablement leurs moyens d'action sur le terrain, et on assiste
alors à la territorialisation de la police. Dans ce cas, une dérive importante
se produit, du fait du déplacement des pouvoirs de maintien de la sécurité vers
l'échelon local, dérive assortie d'une espèce de défaillance programmée de
l'Etat, ses fonctions régaliennes devenant des fonctions municipales. Les
maires se trouvent en première ligne : « Mais que fait le maire ? » Voilà ce
qui leur sera demandé à un moment donné. « Il pouvait agir, et il ne l'a pas
fait ». Tel est le risque.
Je ne suis pas sûr que, à part quelques shérifs ayant vocation à jouer les
cow-boys, nombreux soient les maires qu'un tel dispositif satisfera. Je crains,
au contraire, que la plupart d'entre eux ne soient très réticents devant ces
dispositions.
Le Gouvernement a pris des dispositions. Les articles 18 et 19 nous semblent
satisfaisants. Les moyens nécessaires pour associer les maires à la lutte
contre l'insécurité sont en place. Il reste à les activer. Les contrats locaux
de sécurité permettent d'assurer la concertation, ainsi que cette coproduction
de sécurité qui est indispensable si l'on veut aboutir à des résultats
efficaces.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Permettez-moi d'attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers
collègues, sur une anomalie typiquement française : notre pays est pratiquement
le seul en Europe qui ne dispose pas de véritable police locale. Il y a la
police d'Etat et nos polices municipales. Mais lorsque vous vous rendez dans
les capitales étrangères voisines, vous constatez que la police est placée sous
l'autorité des maires.
En effet, monsieur le ministre - et c'est là où réside la différence - il
existe deux sortes de police que l'on ne sait plus distinguer, à savoir celle
qui assure la prévention et celle qui exerce la répression. La répression fait
partie des attributions régaliennes de l'Etat, et il est donc normal qu'il
revienne à la police d'Etat d'assurer cette mission. Tel est le cas dans tous
les grands Etats modernes qui comprennent une police d'Etat chargée de
poursuivre les crimes et les délits.
Mais la police de proximité, celle qui dresse les contraventions, relève non
pas des attributions régaliennes de l'Etat mais de la sécurité quotidienne de
nos concitoyens. Les policiers que l'on rencontrait autrefois dans la rue et
qui, présents à chaque carrefour, renseignaient les passants représentaient la
police non pas de la répression, mais de l'information. La police d'Etat n'est
plus capable d'assumer cette mission.
Il est donc temps que l'on se saisisse du problème. Le tabou absolu selon
lequel la police ne doit être que d'Etat est en train de voler en éclats, parce
que cette police ne peut pas assurer la sécurité quotidienne de nos
concitoyens. Il faut que nous changions notre fusil d'épaule. Il est donc temps
de raisonner différemment et de faire en sorte qu'enfin on reconnaisse
l'indispensable présence de la police sur le terrain, qui doit nécessairement
relever du maire. Celui-ci doit être informé de tout ce qui se passe.
D'ailleurs, comme chacun le sait bien, dès qu'un problème apparaît quelque
part, c'est le maire et non le commissaire de police que l'on va appeler et que
l'on dérange à toute heure du jour et de la nuit. Il est l'interlocuteur normal
de nos concitoyens dès qu'une difficulté surgit.
Si nous voulons continuer à soutenir que la police ne peut être que d'Etat,
nous allons à mon avis dans le mur. Il arrivera un moment où il nous faudra
bien nous rendre compte que cette voie n'est plus possible !
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces
amendements traduisent à mon avis une exaspération devant un état de carence.
Les élus locaux en ont assez qu'on leur propose l'information, qui n'est que de
droit, de ce qui se passe sur le terrain. Les élus locaux en ont assez qu'on
leur propose des contrats locaux de sécurité, ou CLS : ils sont tenus, quant à
eux, de s'engager sur bien des choses alors que, en contrepartie, l'Etat
n'assume rien.
Evoquons simplement quelques mesures.
Pour qu'une commune de plus de 30 000 habitants puisse disposer d'un tout
petit bureau de police, il faut que le maire se mette à genoux, que la commune
paie les locaux, l'équipement, etc., bref qu'elle paie tout !
Qu'est-ce que cette police d'Etat dont les maires doivent implorer
l'installation sur leur territoire d'éléments de sécurité payés par les
collectivités locales ?
Qu'est-ce que cette sécurité qu'on nous promet alors qu'on exerce sur nous,
dans certaines conditions, des chantages ? Je me suis ainsi vu refuser la
présence dans ma commune de policiers lors d'une très importante manifestation
où la sécurité des habitants était en jeu sous prétexte que la police
municipale ne s'était pas portée volontaire pour assurer la sécurité au niveau
de l'intercommunalité pour une autre manifestation ! Qu'est-ce que ces
comportements ? Est-ce cela la sécurité que nous propose l'Etat, une sécurité
qui doit s'exercer sous forme de chantage économique dans un cas ou sous forme
de chantage à la non-présence de policiers dans d'autres ? Est-ce vraiment cela
que vous nous demandez d'accepter, ou les élus locaux sont-ils heureusement
inspirés de proposer de passer à une nouvelle dimension de la police afin de
mieux assurer la sécurité de nos concitoyens ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il est curieux que nous ayons en quelque sorte entamé un
débat général
bis
mais c'est logique et nécessaire. Je suis frappé par
le fait que nous sommes arrivés au coeur du désaccord que nous manifestons.
Ce matin, l'élu que je suis du département des Hauts-de-Seine - département
peu rural, qui est donc confronté aux problèmes des grandes villes -
participait à une réunion de l'association des maires. Interrogé par mes soins,
ces derniers se sont déclarés d'accord avec l'impression que j'exprime et qu'un
certain nombre de nos collègues ont développé : monsieur le ministre, nous
avons l'impression que vous et nous vivons sur deux planètes différentes !
M. Christian Bonnet.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Manifestement, nous ne vivons pas dans le même pays ! Vous
affichez, et je vous fais crédit de votre bonne foi et de votre bonne volonté,
des performances, des statistiques, des effectifs voire des crédits
supplémentaires, mais nous, les maires, nous n'en voyons pas la traduction sur
le terrain.
Certes, nous sommes contents et heureux d'apprendre que des personnels sont
nommés, mais cela ne se voit pas ; nous sommes contents et heureux que des
crédits soient votés, mais cela ne se voit pas ; nous sommes contents et
heureux d'entendre dire que des actions sont menées pour limiter la délinquance
des jeunes, mais cela ne se voit pas et nos populations ne le voient pas. Aussi
sommes-nous obligés, à notre corps défendant - M. Hyest l'a dit avec raison -
d'essayer de pallier les carences. En effet, je dirai, pour prendre une image,
que nous nous trouvons au bord d'un canal et que nous voyons un enfant se noyer
: nous ne pouvons, au motif que nous ne possédons pas le brevet de maître
nageur sauveteur, renoncer à venir à son secours et prendre le temps d'aller
téléphoner à quelqu'un qui détient ce brevet. Ce n'est pas possible, ce n'est
plus possible !
Nous sommes donc contraints, le plus souvent à notre corps défendant, je le
répète, parce que très peu d'entre nous ont vocation à être des « super shérifs
», de pallier une carence que nous constatons sur le terrain, mais nous ne
demandons pas mieux que de voir cette situation évoluer. Je crois que c'est
très clair !
Vous avez également employé le mot « coproduction », monsieur le ministre.
J'ai expliqué hier que ce terme était un peu agaçant, pardonnez-moi de le
souligner, car il est trop à la mode. Surtout, l'un des orateurs qui m'ont
précédé a mis l'accent sur le préfixe « co », qui indique que nous devons
produire quelque chose en commun, chacun apportant sa contribution. Or vous
vous contentez de dire aux maires qu'ils seront informés et que vous avez
envoyé aux préfets une énième circulaire en ce sens, votre collègue Mme
Lebranchu faisant de même à l'adresse des procureurs. Par conséquent, les
maires seront informés quand ces fonctionnaires le voudront bien et quand ils
auront la possibilité de le faire !
M. Alain Vasselle.
Voilà !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Pour ma part, je propose, au nom de la commission, de prévoir
quelques contraintes visant à ce que cette information soit effective et ne
puisse pas être refusée.
Je suggère aussi, pour reprendre ce terme qui ne me plaît pas, d'instaurer une
réelle « coproduction » et donc de mettre des moyens en commun, même si, encore
une fois, ce n'est pas notre souhait prioritaire : nous souhaiterions ne pas
avoir à le faire, mais il se trouve que c'est nécessaire. Tous les maires le
disent, c'est donc que cette affirmation doit reposer sur un fond de vérité et
n'émane pas seulement des « méchants » maires de droite !
Enfin, je constate avec étonnement que nos propositions sont systématiquement
déformées.
Mon collègue et ami Jean-Claude Peyronnet a évoqué la possibilité, pour les
maires, d'être parties civiles. Or j'ai appris hier, à ma grande surprise, que
le fait de se constituer partie civile permettait en quelque sorte de se
substituer au procureur. Je l'ignorais ! Sans doute mes études juridiques
sont-elles trop lointaines, ou alors j'étais trop distrait lorsque je suivais
les cours...
Je voudrais donc que l'on ne déforme pas les propos que nous tenons et les
intentions que nous manifestons : il s'agit de permettre au maire, chaque fois
que l'intérêt de la commune, défini au sens large, certes, est en cause, mais
non pas en cas de crime, de se constituer partie civile afin d'éviter que
l'affaire soit enterrée. Tel est notre souci ! Nous voulons être informés du
déroulement de la procédure et de la raison motivant un éventuel classement
sans suite.
Par conséquent, il faut cesser de déformer nos propos et ne pas prétendre que
nous entendons nous substituer au ministre de la justice. Il s'agit simplement
pour nous de montrer que nous sommes responsables devant notre population, qui
nous élit pour cela, de l'ordre public, de la sécurité et de la tranquillité.
Puisqu'il faut coproduire, coproduisons, mais donnons-nous les moyens de le
faire !
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi, avant l'article 1er.
Articles additionnels avant l'article 1er