SEANCE DU 3 MAI 2001
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 17 rectifié, M. Badinter, Mme Derycke, MM. Lagauche,
Domeizel, Signé et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent
d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa (4°) de l'article 706-45 du code de procédure
pénale, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Mise sous contrôle ou sous surveillance de la personne morale
poursuivie, par un administrateur judiciaire. »
Par amendement n° 23, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 706-45 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Après le cinquième alinéa (4°), il est inséré un alinéa ainsi rédigé
:
« 5° Placement sous contrôle d'un mandataire de justice désigné par le juge
d'instruction pour une durée de six mois renouvelable, en ce qui concerne
l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été
commise. »
« II. - L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "La
mesure prévue au 5° ne peut être ordonnée par le juge d'instruction si la
personne morale ne peut être condamnée à la peine prévue par le 3° de l'article
131-39 du code pénal". »
La parole est à M. Lagauche, pour défendre l'amendement n° 17 rectifié.
M. Serge Lagauche.
Les administrateurs judiciaires sont définis par l'article 1er de la loi de
1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la
liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise comme des «
mandataires chargés par décision de justice d'administrer les biens d'autrui ou
d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces
biens ».
Ils n'ont vocation à intervenir que dans le cadre du redressement des
entreprises en difficultés et ont pour mission de surveiller, d'assister ou de
remplacer le débiteur, selon les cas, dans la gestion de son entreprise. Ils
sont par ailleurs spécialement chargés d'élaborer un rapport un bilan
économique et social de l'entreprise, et de proposer un plan de
redressement.
Enfin, en tant qu'organe de la procédure, plusieurs attributions leur sont
confiées, notamment l'examen des documents comptables, la possibilité
d'effectuer des actes conservatoires et de participer à l'élimination de
l'influence des dirigeants sociaux, de demander la condamnation de ceux-ci au
paiement du passif social et leur déclaration personnelle au redressement
judiciaire.
Il pourrait être intéressant que, dans le cadre de la mise en examen de
personnes morales, et plus particulièrement de celles qui poursuivent des
activités à caractère sectaire, le juge pénal puisse s'allier les compétences
d'un administrateur judiciaire.
Notre amendement a donc pour objet de modifier l'article 706-45 du code de
procédure pénale, qui prévoit que le juge d'instruction peut placer la personne
morale sous contrôle judiciaire, en ajoutant la possibilité pour le juge
d'instruction de nommer, dans ce cadre, un administrateur judiciaire qui pourra
apporter un concours avisé sur la gestion de la personne morale.
En effet, actuellement, le juge d'instruction peut, aux termes de l'article
706-45, soumettre la personne morale à une ou plusieurs obligations : dépôt
d'une caution, constitution des sûretés destinées à garantir les droits de la
victime, interdiction d'émettre des chèques, interdictions d'exercer certaines
activités professionnelles. Ces dispositions ne permettent nullement de
contrôler et de maîtriser la gestion passée et présente de la personne morale
pendant toute la durée de l'instruction qui, dans ces affaires d'une grande
complexité, peut être très longue.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 23 et pour
donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 17 rectifié.
M. Nicolas About,
rapporteur.
L'amendement n° 17 rectifié défendu à l'instant par M.
Lagauche est très intéressant, mais la commission souhaite apporter des
précisions ; c'est pourquoi elle vous propose l'amendement n° 23.
Cet amendement n° 23 permet de placer sous surveillance judiciaire une
personne morale dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Néanmoins, il encadre
cette possibilité en précisant que la mesure ne peut être ordonnée par le juge
d'instruction si la personne morale ne peut être condamnée à la peine de
placement sous surveillance judiciaire. En outre, il est bon de prévoir une
durée maximale éventuellement renouvelable afin que le juge soit conduit à
exercer un contrôle sur l'exécution de la mesure.
La commission souhaite donc le retrait de l'amendement n° 17 rectifié et
l'adoption de l'amendement n° 23, qui donne satisfaction à M. Lagauche.
M. le président.
Monsieur Lagauche, l'amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?
M. Serge Lagauche.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 17 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 23 ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
J'étais tout à fait favorable, sur le principe, à
l'amendement n° 17 rectifié qui avait été déposé par le groupe socialiste et
qui permettait le placement sous surveillance judiciaire d'une personne morale
mise en examen dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Cette disposition
s'inscrivait logiquement dans la continuité de celles qui avaient été adoptées
en 1992 lors de la réforme du code pénal. Son intérêt en matière de lutte
contre les sectes est évident.
Toutefois, je préfère la rédaction juridiquement plus précise et plus complète
proposée, à l'amendement n° 23, par la commission des lois du Sénat. Je
remercie donc M. Lagauche d'avoir retiré l'amendement n° 17 rectifié.
Cependant, il me semble que l'amendement n° 23 devrait être rectifié sur un
point purement formel si le Sénat souhaite, comme à son habitude, adopter une
proposition de loi aussi rigoureuse que possible, ce qui pourrait permettre une
adoption conforme du texte par l'Assemblée nationale.
En effet, ce n'est pas après l'article 1er de la proposition de loi, qui
concerne la dissolution judiciaire mais qui se trouve dans un chapitre I
intitulé : « Dissolution civile de certaines personnes morales », que doit être
inséré cet article additionnel. Celui-ci devrait figurer après l'article 11,
qui vise également à modifier le code de procédure pénale, dans le chapitre
intitulé : « Dispositions diverses ». Je souhaite donc que cet amendement soit
rectifié pour remplacer les mots : « après l'article 1er » par les mots : «
après l'article 11 ».
M. le président.
Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de Mme le garde des
sceaux ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
J'y suis favorable, monsieur le président, et je rectifie mon
amendement en ce sens.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 23 rectifié, déposé par M. About, au nom
de la commission, et tendant à insérer, après l'article 11, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article 706-45 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Après le cinquième alinéa (4°), il est inséré un alinéa ainsi rédigé
:
« 5° Placement sous contrôle d'un mandataire de justice désigné par le juge
d'instruction pour une durée de six mois renouvelable, en ce qui concerne
l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été
commise. »
« II. L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "La
mesure prévue au 5° ne peut être ordonnée par le juge d'instruction si la
personne morale ne peut être condamnée à la peine prévue par le 3° de l'article
131-39 du code pénal". »
Je vais mettre aux voix cet amendement.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je ne m'opposerai pas à l'amendement n° 23 rectifié, parce qu'il présente
l'avantage, par rapport à l'amendement n° 17 rectifié, de ne pas comporter
l'expression : « organismes sectaires ».
La commission vise les personnes morales, et elle a raison de le faire, car
toute personne morale qui commet une turpitude quelconque doit se voir
appliquer les règles du code pénal. Mais prétendre le faire à des organisations
qui ont été unilatéralement qualifiées de « sectaires », sans expliciter
pourquoi elles ont reçu cette qualification, constitue une dérive à laquelle je
m'oppose et je m'opposerai à chaque fois qu'un exposé des motifs ou un
dispositif comportera une telle mention.
Ce n'est pas le cas de cet amendement, et j'en donne acte à la commission.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 11.
Chapitre II
Extension de la responsabilité pénale
des personnes morales à certaines infractions
Article 2