SEANCE DU 3 MAI 2001
M. le président.
« Art. 1er. - Peut être prononcée, selon les modalités prévues par le présent
article, la dissolution de toute personne morale, quelle qu'en soit la forme
juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet
de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes
qui participent à ces activités, lorsque ont été prononcées à plusieurs
reprises, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de
fait, des condamnations pénales définitives pour l'une ou l'autre des
infractions mentionnées ci-après :
« 1° Infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à
l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la
personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la
personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou
d'atteintes aux biens prévues par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40,
223-1 à 223-15, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-16-4 à 225-16-6, 225-17 et
225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à
313-4, 314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal ;
« 2° Infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues
par les articles L. 376 et L. 517 du code de la santé publique ;
« 3° Infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications
prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à L. 213-4 du code de la
consommation.
« La procédure de dissolution est portée devant le tribunal de grande instance
à la demande du ministère public agissant d'office ou à la requête de tout
intéressé.
« La demande est formée, instruite et jugée conformément à la procédure à jour
fixe.
« Le délai d'appel est de quinze jours. Le président de chambre à laquelle
l'affaire est distribuée fixe à bref délai l'audience à laquelle l'affaire sera
appelée. Au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux
articles 760 à 762 du nouveau code de procédure civile.
« Le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une personne morale
dissoute en application des dispositions du présent article constitue le délit
prévu par le deuxième alinéa de l'article 434-43 du code pénal.
Par amendement n° 1, M. About, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa de cet article, de remplacer les mots : « ou d'exploiter la
dépendance » par les mots : « , de maintenir ou d'exploiter la sujétion ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Nous ne voulons pas qu'il y ait confusion avec les termes «
prestation dépendance » ; c'est pourquoi nous proposons de remplacer les mots :
« ou d'exploiter la dépendance » par les mots : « de maintenir ou d'exploiter
la sujétion ».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Favorable. Comme je l'ai déjà indiqué dans mon
discours, je suis favorable à l'utilisation du terme « sujétion » pour définir
notamment, dans la nouvelle rédaction du délit d'abus de faiblesse, les
activités des mouvements sectaires.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je me bornerai à faire une observation : il faut connaître le sens des mots
quand on légifère ! Prenez un dictionnaire et regardez les définitions des
termes « sujétion » et « dépendance » : ce sont les mêmes !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 16, Mme Derycke, MM. Lagauche, Domeizel, Signé et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa de
l'article 1er, après les mots : « lorsque ont été prononcées », de supprimer
les mots : « à plusieurs reprises ».
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
L'article 1er prévoit la possibilité de prononcer la dissolution de toute
personne morale qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de
créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui
participent à ces activités, lorsque ont été prononcées à plusieurs reprises,
contre la personne morale ou ses dirigeants, des condamnations pour d'autres
infractions.
Pourquoi subordonner cette dissolution à la condamnation à plusieurs reprises
de la personne morale ou de ses dirigeants ? Une seule procédure peut, en
effet, impliquer la poursuite de faits très graves commis par des auteurs
nombreux dans des situations diverses et peut commander la dissolution
immédiate de la personne morale. Il nous paraît souhaitable de laisser au juge
la liberté de choisir, selon la gravité des faits, si la dissolution doit être
prononcée immédiatement ou après plusieurs condamnations.
Par ailleurs, le 1° de l'article 131-39 du code pénal dispose que, lorsque la
loi le prévoit à l'encontre d'une personne morale, un crime ou un délit peut
être sanctionné de la dissolution de la personne morale. Si le domaine et les
conditions d'application de la dissolution sont rigoureux, cet article laisse
au juge la possibilité de prononcer la dissolution sans qu'il soit nécessaire
que la personne morale ait été condamnée plusieurs fois.
Par cet amendement, nous souhaitons calquer cet article et donner au juge du
tribunal de grande instance la possibilité de prononcer la dissolution de la
personne morale dès la première condamnation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About,
rapporteur.
Le texte faisant état « des condamnations », l'expression « à
plusieurs reprises » est superflue. La commission a donc émis un avis favorable
sur l'amendement de M. Lagauche.
Cela ne signife pas pour autant qu'elle accepte le recours à la nouvelle
procédure de dissolution dès la première condamnation. Son acceptation traduit
simplement sa volonté de supprimer une précision redondante.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Si, effectivement, cet amendement avait eu pour
conséquence de permettre une dissolution prononcée par le juge civil après une
seule condamnation pénale, je n'y aurais pas été favorable, car cela
reviendrait à condamner deux fois pour les mêmes faits, ce qui n'est pas
accepté.
Cependant, comme l'amendement proposé vise à supprimer les mots « à plusieurs
reprises » sans modifier le reste du texte, qui précise que doivent avoir été
prononcées contre la personne morale ou ses dirigeants « des condamnations
pénales définitives », je rejoins l'argument du rapporteur et je m'en remets à
la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 2, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le deuxième alinéa de l'article 1er :
« 1° Infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à
l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la
personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la
personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou
d'atteintes aux biens prévus par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40,
223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17 et 225-18,
226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3,
314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
La commission des lois ayant repoussé le délit de
manipulation mentale, il nous faut modifier, dans la liste des infractions
commises par les groupements sectaires, les références qui pourraient permettre
de demander la dissolution de ceux-ci. C'est à cette correction que vise
l'amendement n° 2.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire dans la discussion générale, les
infractions concernées étant extrêmement disparates, on ne peut pas les mettre
toutes sur le même plan. C'est la raison pour laquelle je n'approuve pas cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.
M. Emmanuel Hamel.
Je vote contre cet amendement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 22, M. About, au nom de la commission, propose, dans le
troisième alinéa (2°) de l'article 1er, de remplacer les références : « L. 376
et L. 517 » par les références : « L. 4161-5 et L. 4223-1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il s'agit à nouveau d'un amendement tendant à une correction.
En effet, pour tenir compte de la publication de la partie législative du
nouveau code de la santé publique, intervenue depuis l'adoption de ce texte par
le Sénat en première lecture, il convient de changer la numérotation des
articles.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Il s'agit d'un amendement de coordination, et le
Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, accepté par le Gouvernement.
M. Emmanuel Hamel.
Je vote contre.
M. Michel Caldaguès.
Moi de même !
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3 rectifié, M. About, au nom de la commission, propose de
compléter l'article 1er par un alinéa ainsi rédigé :
« Le tribunal de grande instance peut prononcer au cours de la même procédure
la dissolution de plusieurs personnes morales mentionnées au premier alinéa dès
lors que ces personnes morales poursuivent le même objectif et sont unies par
une communauté d'intérêts et qu'a été prononcée à l'égard de chacune d'entre
elles ou de ses dirigeants de droit ou de fait au moins une condamnation pénale
définitive pour l'une des infractions mentionnées aux 1° à 3°. Ces différentes
personnes morales doivent être parties à la procédure. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
La nouvelle procédure de dissolution instituée par le texte
risque d'être inefficace si le juge ne peut dissoudre que la structure située
dans le ressort du tribunal de grande instance. C'est pourquoi l'amendement
tend à permettre au juge de prononcer au cours de la même procédure la
dissolution non pas de l'ensemble des structures, mais de plusieurs structures
du même groupement dangereux, dès lors que chacune d'entre elles a déjà subi
une condamnation pénale devenue définitive.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le texte initialement adopté par la commission des lois
appelait d'importantes réserves de ma part.
Ce dernier semblait en effet permettre de dissoudre une personne morale du
seul fait qu'elle était liée par une communauté d'intérêts à une personne
morale pénalement condamnée - ou dont les dirigeants auraient été pénalement
condamnés -, alors qu'elle n'avait jamais été personnellement condamnée et
qu'aucun crime ou délit ne pouvait donc lui être reproché.
Une telle disposition était contraire au principe constitutionnel de liberté
d'association.
L'amendement rectifié proposé par la commission ne présente pas cet
inconvénient, car il précise clairement que chacune des personnes morales en
cause doit avoir fait l'objet d'« au moins une condamnation ».
Si deux associations juridiquement distinctes, car situées dans deux villes
différentes, mais qui font en réalité partie d'une même secte, font chacune
l'objet d'une condamnation - par exemple la première pour escroquerie, et la
seconde pour le délit d'abus de faiblesse -, le juge judiciaire pourra ainsi
prononcer leur dissolution, sans attendre que chacune de ces deux associations
fasse à nouveau l'objet d'une condamnation pénale.
L'efficacité du dispositif adopté par l'Assemblée nationale est ainsi
améliorée, tout en conservant la logique de cette disposition, à savoir
l'exigence de plusieurs - donc d'au moins deux - condamnations pénales, même si
ces différentes condamnations pourront être « réparties » sur plusieurs
personnes morales différentes.
Il est ainsi répondu à l'une des objections soulevées devant la commission des
lois par M. Badinter, qui s'inquiétait du fait que soient exigées plusieurs
condamnations pénales.
Les droits de la défense sont par ailleurs garantis, puisque chacune des
associations concernées doit être appelée en la cause devant le tribunal de
grande instance.
Dans ces conditions, je suis favorable à l'amendement n° 3 rectifié.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je me prononcerai contre cet amendement parce que je considère qu'une
association doit être dissoute en considération de ses propres turpitudes dans
le domaine qui nous intéresse aujourd'hui et non pas en raison d'une
condamnation subie dans des domaines totalement différents, et quelquefois
anodins, par les dirigeants de cette association ou d'autres associations.
Mes chers collègues, si nous généralisions ce principe, nous aurions quelques
surprises !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié, accepté par le Gouvernement.
M. Michel Caldaguès.
Je vote contre.
M. Emmanuel Hamel.
Moi de même !
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
M. Michel Caldaguès.
Je vote contre !
M. Emmanuel Hamel.
Moi également !
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er ou après l'article 11