SEANCE DU 4 AVRIL 2001


M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 115, M. du Luart, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 36, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Un arrêté conjoint du ministre chargé des forêts et du ministre chargé des finances fixe par région le barème déterminant forfaitairement à l'hectare la valeur des charges exceptionnelles d'exploitation des bois supportées par les propriétaires de parcelles en nature de bois et forêts sinistrées par les ouragans de décembre 1999, lorsque le volume des bois cassés ou renversés est supérieur à 25 % du volume de bois existant sur pied précédemment.
« Pour le calcul de l'impôt sur le revenu des producteurs forestiers concernés, par dérogation au 1° du I de l'article 156 du code général des impôts, le déficit correspondant à la valeur forfaitaire des charges exceptionnelles ainsi fixée est déductible, dans la limite de 250 000 francs de déduction par an, du revenu global de l'année 2000 et des neuf années suivantes.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 181 rectifié bis , MM. Pintat, César, Doublet, Althapé, Cazalet, Darcos, de Richemont et Valade proposent d'insérer, avant l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Un arrêté conjoint du ministre chargé des forêts et du ministre chargé des finances fixe par région le barème déterminant forfaitairement à l'hectare la valeur des charges exceptionnelles d'exploitation des bois supportées par les propriétaires de parcelles en nature de bois et forêts sinistrées par les ouragans de décembre 1999, lorsque le volume des bois cassés ou renversés est supérieur à 25 % du volume de bois existant sur pied précédemment.
« Pour le calcul de l'impôt sur le revenu des producteurs forestiers concernés, par dérogation au 1° du I de l'article 156 du code général des impôts, le déficit correspondant à la valeur forfaitaire des charges exceptionnelles ainsi fixée est déductible, dans la limite de 500 000 francs de déduction par an, du revenu global de l'année 2000 et des neuf années suivantes.
« Un décret détermine les modalités selon lesquelles les personnes non imposables, ou dont l'impôt sur le revenu est inférieur à un seuil qu'il fixe, ont droit au versement par l'Etat d'une aide exceptionnelle d'une valeur équivalente à 30 % de la déduction fiscale prévue à l'alinéa ci-dessus et à laquelle elle se substitue.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 115.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de permettre la déduction fiscale des charges exceptionnelles d'exploitation des bois et forêts supportées par les propriétaires de parcelles en nature de bois et forêts sinistrées par les tempêtes de la fin de l'année 1999 et d'autoriser le report de ce droit à déduction sur dix ans, comme cela est prévu pour les déficits fonciers.
Le plan national d'urgence pour la forêt décidé le 12 janvier 2000 prévoit la déduction fiscale des charges exceptionnelles d'exploitation des bois sinistrés par les tempêtes du mois de décembre 1999. L'instruction de la direction générale des impôts à cet effet a été publiée plus d'un an après l'annonce de cette mesure, c'est-à-dire le 18 janvier 2001.
Pour l'application de cette mesure, cette instruction n'autorise que la déduction d'un surcoût de frais d'exploitation des chablis à hauteur de 10 euros par mètre cube - vous le voyez, monsieur Le Cam, le Gouvernement a entendu votre souhait de parler en euros, soit 65,60 francs par mètre cube. Ces charges ne pourront être déduites que du bénéfice agricole.
Le présent amendement vise donc à autoriser la déduction de ces charges exceptionnelles de l'ensemble des revenus et à permettre le report de ce droit à déduction sur dix ans. Il s'agit, en outre, d'une mesure que la commission des finances du Sénat avait préconisée dès le début de l'année 2000, à la suite des tempêtes.
M. le président. La parole est à M. Pintat, pour présenter l'amendement n° 181 rectifié bis.
M. Xavier Pintat. Cet amendement a pour objet de compléter les modalités techniques de la déduction fiscale des charges exceptionnelles d'exploitation des bois sinistrés par les tornades de décembre 1999.
Les sylviculteurs peuvent déduire de leur revenu professionnel les surcoûts exceptionnels liés à l'exploitation des chablis. Cette mesure est saluée par la profession. Cependant, elle reste incomplète, car elle ne permet aucune déduction possible aux forestiers sinistrés qui sont privés de tout revenu d'origine forestière.
Aussi, il vous est proposé, par cet amendement, de compléter ce dispositif, d'une part, en permettant que les surcoûts exceptionnels soient imputés sur tous les revenus, et pas seulement sur les revenus agricoles, et, d'autre part, en admettant l'octroi d'une aide sur la base des barèmes préétablis pour les propriétaires sinistrés qui n'ont plus aucun revenu. L'inscription de cette mesure dans la loi, si elle était retenue, serait, de plus, un gage de sécurité juridique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances sur l'amendement n° 181 rectifié bis ?
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Compte tenu de la teneur de l'amendement que j'ai défendu et de son volume, il serait souhaitable que MM. Pintat et César veuillent bien retirer leur amendement au profit de l'amendement de la commission des finances, car, pour partie, leur amendement est passible de l'article 40 de la Constitution.
M. Gérard César. L'amendement n° 115 aussi !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 115 et 181 rectifié bis ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Sur ce point, le Gouvernement a fait connaître son point de vue. Tardivement, a dit M. du Luart. Le 23 janvier dernier, dans son instruction fiscale, le Gouvernement a prévu un calcul forfaitaire des charges et leur déduction du revenu forestier pendant quinze à vingt ans, selon les essences sinistrées. A mes yeux, c'est de nature à satisfaire les propriétaires concernés. Le Gouvernement ayant pris cette mesure et l'ayant mise en oeuvre, il souhaite s'en tenir là et demande le rejet des amendements qui ont pour objet d'aller au-delà.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 115.
M. Gérard César. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. M. le rapporteur pour avis vient de déclarer que l'article 40 serait applicable à l'amendement n° 181 rectifié bis. Pourquoi ne le serait-il pas à l'amendement n° 115 ? En effet, les deux amendements sont gagés. Je comprends donc mal que l'article 40 s'applique à l'un et pas à l'autre.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Vous proposez le versement d'une aide exceptionnelle par l'Etat aux personnes non assujetties à l'impôt sur le revenu. C'est cela qui justifie l'application de l'article 40 (M. le ministre opine) et M. le ministre le confirme d'ailleurs.
M. Gérard César. La précision est importante !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 115, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 36, et l'amendement n° 181 rectifié bis n'a plus d'objet.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 113 est présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 194 est proposé par MM. Amoudry, Hérisson, Jarlier, Faure et Lesbros.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 36, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article 1137 du code général des impôts est ainsi modifié :
« A. - Après les mots : "Les acquisitions", sont insérés les mots "à titre onéreux ou à titre gratuit".
« B. - Après les mots : "non frappés d'interdiction de boisement", sont insérés les mots : "ainsi que de parts de groupement forestier représentatives des biens précités".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 182 rectifié, MM. Pintat, César, Althapé, Cazalet, Darcos, Doublet, de Richemont et Valade proposent d'insérer, avant l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au début du premier alinéa de l'article 1137 du code général des impôts, après les mots : "Les acquisitions", sont insérés les mots : "à titre onéreux ou à titre gratuit".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 113.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Cet amendement reprend celui qui avait été proposé par la commission des finances lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2001. Il s'agit d'une mesure post-tempête concernant l'exonération des droits de mutation pour l'acquisition de parcelles boisées, avec extension de cette exonération aux acquisitions à titre gratuit et aux parts de groupement forestier.
M. le président. La parole est à M. Amoudry, pour défendre l'amendement n° 194.
M. Jean-Paul Amoudry. Comme nous l'avons déjà dit, le morcellement de la propriété forestière occasionne d'importantes difficultés dans l'exploitation de la forêt privée. Les frais d'actes de notaire et de géomètre sont tels qu'ils retirent toute rentabilité et peuvent même être supérieurs au produit espéré des coupes. Aussi les propriétaires privés souhaitent-ils l'extension aux acquisitions à titre gratuit et aux parts de groupement forestier du dispositif d'exonération des droits de mutation pour l'acquisition de parcelles boisées, prévu à l'article 1137 du code général des impôts et introduit par la loi de finances rectificative pour 2000, en date du 16 juillet 2000.
M. le président. La parole est à M. Pintat, pour défendre l'amendement n° 182 rectifié.
M. Xavier Pintat. Cet amendement vise à étendre le dispositif d'exonération temporaire prévu à l'article 1137 du code général des impôts, pour les acquéreurs de bois et forêts, de terrains nus destinés à être boisés, aux transmissions à titre gratuit intéressant ces mêmes biens.
Les parcelles, très sinistrées par les ouragans de décembre 1999, resteront improductives pendant une période d'au moins trente ans. Elles ne procureront donc pas aux héritiers et aux donataires qui les recevront les revenus nécessaires pour couvrir les frais de gestion et de remise en valeur que ces bénéficiaires devront engager.
De nombreux héritiers ou légataires qui auront à supporter les frais occasionnés par la mutation ne disposeront pas ensuite du financement nécessaire pour l'exercice de la gestion et de la remise en valeur des parcelles sinistrées, alors que la gestion durable de la forêt l'exige.
Cet amendement a donc pour objet de réduire la charge fiscale que représentent pour eux les mutations à titre gratuit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances sur les amendements n°s 194 et 182 rectifié ?
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Ces deux amendements étant satisfaits par l'amendement n° 113, que j'ai déposé au nom de la commission des finances, je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 113, 194 et 182 rectifié ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je veux revenir quelques instants sur ces problèmes, en particulier sur les amendements présentés.
La loi de finances rectificative de juin 2000, modifiée par la loi de finances initiale de 2001, a exonéré de tout droit au profit du Trésor les mutations à titre onéreux des parcelles boisées ou à boiser jusqu'au 31 décembre 2004. En contrepartie de cette exonération, les bénéficiaires doivent, dans un délai de cinq ans, reboiser les terrains nus et présenter une des garanties de bonne gestion prévues à l'article L. 101 du code forestier.
L'amendement proposé par M. le rapporteur pour avis a pour objet d'étendre aux mutations à titre gratuit de bois et forêts ainsi qu'à toutes les cessions de part de groupement forestier représentatives des mêmes biens, l'exonération consentie pour les mutations à titre onéreux de bois et forêts, sous réserve du respect des conditions précitées.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. En effet, les dispositions de l'article 793, 2°, du code général des impôts exonèrent de droits, à concurrence des trois quarts de leur montant, les mutations à titre gratuit de propriétés en nature de bois et forêts et de parts de groupement forestier représentatives des mêmes biens, sous réserve d'un engagement de bonne gestion.
La législation actuelle répond donc très largement aux préoccupations de M. du Luart. Pour les parcelles boisées touchées par les tempêtes de décembre 1999, cette disposition est d'autant plus intéressante - celle qui existe - que les valeurs vénales sur lesquelles sont assis les droits sont fortement dépréciées du fait même des sinistres subis. Un tel avantage n'existait pas en matière de mutation des bois et forêts, ce qui a justifié la mesure exceptionnelle et temporaire d'exonération totale à laquelle vous vous référez.
J'ajoute, monsieur le rapporteur pour avis - et je pense que vous serez sensible à ce que je vais vous dire - que la mesure que vous proposez créerait une rupture d'égalité entre les héritiers, dès lors que seules les mutations par décès intervenant avant le 1er janvier 2005 bénéficieraient de l'exonération.
En outre, la seconde proposition serait, quant à elle, d'un effet très limité pour les cessions de parts de groupement forestier qui vont bénéficier de la mesure adoptée en loi de finances pour 2001, soumettant au droit fixe de 500 francs toutes les cessions de parts de sociétés civiles à objet principalement agricole.
Je considère donc que les mesures que nous avons prises répondent largement et dans un souci d'égalité au souci que vous avez exprimé. Aussi, je propose au Sénat de rejeter cet amendement, que vous avez déposé dans un souci bien sûr très louable mais qui provoquerait des distorsions d'égalité et aurait des effets qui, à mon sens, ne sont pas souhaitables.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 182 rectifié.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. M. le ministre a très bien développé son argumentation quant à l'inégalité entre différentes situations et, en tant que membre de la commission de finances, j'y suis sensible. Compte tenu de cette inégalité de traitement et de garanties quant à l'application de l'exonération jusqu'au 31 décembre 2004 s'agissant des parcelles concernées par la tempête, je retire cet amendement. Je précise simplement que j'avais repris cette disposition parce que le Sénat l'avait votée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2001.
M. le président. L'amendement n° 113 est retiré.
Monsieur Amoudry, qu'en est-il de l'amendement n° 194 ?
M. Jean-Paul Amoudry. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 194 est retiré.
Monsieur Pintat, l'amendement n° 182 rectifié est-il maintenu ?
M. Xavier Pintat. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 182 rectifié est retiré.

Intitulé du chapitre Ier (suite)