SEANCE DU 30 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 870, adressée à M. le
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le droit communautaire est à l'origine de
l'instauration d'une réglementation française particulièrement coercitive et
surtout néfaste à l'économie locale. Depuis près de neuf mois, les marchés de
plein vent, comme les petits producteurs et fermiers, doivent respecter des
règles d'hygiène par trop contraignantes et donc, par bien des aspects,
irréalistes.
Habitués à un circuit de distribution court, les marchés traditionnels ne
peuvent voir dans cet arsenal juridique qu'un système bien souvent inadapté à
leur fonctionnement. Ces animations sont pourtant vitales pour les petites
communes rurales et incontournables dans les plus grandes villes. Il est en
tout état de cause déplorable de voir des petits artisans déposer leur bilan et
stopper leur exploitation, faute de pouvoir acquérir un matériel trop
coûteux.
Quant au contenu de l'arrêté lui-même, il semble receler des aberrations comme
la conservation du fromage à basse température. Sous couvert de sécurité
alimentaire n'en vient-on pas à nier la spécificité de produits qui font la
réputation gastronomique de notre pays ? Ne confond-on pas ici principe de
précaution et aseptisation alimentaire ?
Au-delà des différents cas particuliers, c'est la logique du commerce de
proximité qui est remise en cause, comme l'illustre la fermeture depuis le mois
de mai de petits marchés faute de moyens financiers pour leur mise aux
normes.
Face à cette atteinte au principe de la liberté d'entreprendre, ne serait-il
pas souhaitable de trouver des aménagements afin d'atténuer la sévérité du
texte français, ou tout au moins de demander à vos services de faire montre de
plus de souplesse dans l'application d'une réglementation excessive ?
Cette indulgence dictée par le bon sens serait des plus fondées et en tout
état de cause légitime au regard du laxisme dont peuvent à l'occasion faire
preuve les instances européennes, qui trouvent parfois à ces problèmes des
issues étonnament permissives. Ainsi, pour le chocolat, on tolère bien l'emploi
de matières grasses végétales en remplacement du beurre de cacao. Or, monsieur
le secrétaire d'Etat, pourquoi y aurait-il deux poids, deux mesures ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, l'arrêté
du 9 mai 1995 sur l'hygiène des aliments remis directement aux consommateurs,
transposant la directive 93/43 sur l'hygiène des aliments, remplace des
dispositions équivalentes existant depuis des années dans les règlements
sanitaires départementaux.
Les risques étant du même ordre entre les différents circuits de distribution,
le texte soumet ceux-ci à des dispositions similaires. Chaque maillons des
filières alimentaires, quelles que soient ses spécificités par ailleurs, doit
mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour maîtriser l'hygiène des produits.
Il en est ainsi des marchés. Certes, le respect de ces dispositions peut
nécessiter une mise à niveau des équipements des commerçants, notamment pour la
conservation des denrées à des températures réfrigérées si leurs
caractéristiques le nécessitent. C'est d'ailleurs pourquoi le texte avait prévu
une période dérogatoire transitoire de cinq ans qui s'est achevée le 16 mai
2000.
Ces dispositions soulignent surtout les objectifs que les professionnels
doivent atteindre ; le choix des moyens à utiliser est généralement laissé aux
professionnels eux-mêmes, aidés par des guides de bonnes pratiques d'hygiène
élaborés par leurs organisations. Elles ont cependant soulevé des inquiétudes
quant à la nécessité de soumettre les marchés à ces contraintes. En réponse à
ces inquiétudes, la présidente du Parlement européen a fait connaître sa
volonté de profiter de la révision du droit communautaire des aliments pour que
cette réglementation soit aménagée pour les marchés.
La récente proposition de réglementation de la Commission des Communautés
européennes et les travaux au Conseil réalisés sous présidence française ont
conduit à envisager une possibilité de disposition spécifique qui pourrait
induire une évolution du texte français. Mais les dispositions applicables aux
marchés précisent toujours que des installations appropriées doivent être
prévues pour assurer un niveau d'hygiène personnelle adéquat et pour maintenir
les denrées alimentaires dans des conditions de température adéquates.
Les Etats membres devant maintenir les dispositions assurant le respect des
objectifs d'hygiène alimentaire, les obligations générales que je viens
d'énoncer devraient donc rester en vigueur, y compris sur les marchés, pour les
denrées les plus sensibles au développement bactérien.
En tout état de cause, il est laissé un très large choix au professionnel, qui
peut donc s'adapter à l'environnement des marchés qu'il fréquente. Le maintien
au froid des denrées qui le nécessitent pour éviter le développement des
micro-organismes dangereux pour la santé des consommateurs peut ainsi se faire
dans une voiture boutique produisant son propre froid, dans un meuble alimenté
par l'électricité, dans des dispositifs refroidis grâce à des matériels
eutectiques d'accumulation du froid, etc.
La multiplicité des solutions envisageables doit donc permettre à tous les
professionnels d'atteindre les objectifs de sécurité sans remettre en cause
l'existence des marchés, notamment de plein vent, qui constituent effectivement
un des élements importants de la vie et de l'animation des communes
françaises.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. Patriat,
retenu par ailleurs, m'a chargé de vous transmettre.
M. Christian Demuynck.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous me répondez que les instances européennes
« envisagent » d'aménager les dispositions existantes. Je tiens à vous dire,
monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il ne sufit pas d'« envisager », il faut
prendre, et rapidement, des dispositions !
Ainsi, dans le département de la Seine-Saint-Denis dont je suis originaire,
deux des 90 marchés ont déjà été obligés de fermer et 62 ne sont pas aux
normes. Que se passera-t-il dans les semaines qui viennent ? Vous dites que
vous laissez le choix aux professionnels. Certes ! Mais une vitrine réfrigérée
représente 150 000 francs, un camion comme celui que vous avez évoqué 500 000
francs. Il est évident que la plupart des commerçants ne peuvent dépenser de
telles sommes sans mettre en péril l'équilibre budgétaire de leur entreprise
!
Il est donc urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Parlement européen
et la Commission européenne se penchent sur ce problème, faute de quoi un grand
nombre de commerces disparaîtront dans les semaines qui viennent.
« POOL DES RISQUES AGGRAVÉS » EN CORSE